SRÎ MÂ ÂNANDA MOYÎ
PRANÂMA
"SALUTATION"
Srsti-sthiti-vinâsânâm sakti-bhûte sanâtani ;
Gunâsraye gunamaye nârâyani namostu te.
O Eternelle ! Tu es le Pouvoir qui crée,
Préserve et détruit les mondes ;
Sur Toi la Nature repose et de Toi les êtres sont constitués.
A toi, O Nârâyani (Mère Divine), nos salutations !
Devi Mâhâtmyam.
GURU
"O, mon coeur
Devant qui te prosterner ?
A qui vas-tu dire : "mon Guru ?"
"Il est là, à côté de toi
Il est là, tout autour de toi
Et demeure en chaque chose...
"Le Guru est le riz dans le bol,
Le Guru est la passion de ton âme.
"De ton coeur qui sanglotte
Le Guru est les larmes..."
Anonyme.
Chant Bâul.
"Ce corps est comme un instrument de musique, c'est à vous de savoir jouer cet instrument. Ce que vous entendez dépend de la façon dont vous jouez."
Srî Mâ Ânanda Moyî.
Bureau du Premier Ministre
NEW-DELHI - 110011
3 septembre 1981
TRADUCTION DE LA LETTRE
DU PREMIER MINISTRE INDIEN,
Madame Indira GÂNDHI :
Le Premier Ministre est heureux d'apprendre que vous écrivez un livre sur Mâ Ânanda Moyî, pour Laquelle elle a le plus grand respect.
Madame Indira GÂNDHI a écrit spécialement pour vous l'hommage suivant à Mâ Ânanda Moyî que vous pouvez utiliser de la manière la plus appropriée :
"Mâ Ânanda Moyî est un être rayonnant dont la présence dégage une grande paix. J'ai eu la chance de bien La connaître et d'avoir reçu d'Elle une affection sans mesure depuis mon enfance en raison de Son intimité avec ma mère, Kamala Nehru.
Mâ Ânanda Moyî représente toutes les valeurs profondes de l'Inde sous leurs aspects le plus universel. Il ne m'est pas approprié de donner une appréciation sur Son accomplissement spirituel. Des millions ont trouvé en Elle lumière et réconfort et sont devenus meilleurs. En vérité ceci est Son message : Le GUIDE de chacun est en vous."
PRESENTATION DE L'OEUVRE
DE MÂ ÂNANDA MOYÎ
"L'ENSEIGNEMENT SANS PAROLES"
par Arnaud Desjardins
"Pourquoi ne pas le dire tout de suite ; dès le premier jour où je rencontrai Srî Mâ Ânanda Moyî j'eus la conviction profonde que je n'étais pas en présence d'un être humain ordinaire, même extraordinaire, mais d'un Être d'un ordre tout à fait différent. Ce se passait en septembre 1959. Depuis, je suis resté auprès de Mâ en 1961, 1962, 1963 et aussi 1964 et 1965... et à chaque fois j'avais la même certitude. Comment décrire cette prodigieuse impression ? Les mots "divin" et "surnaturel" me viennent à l'esprit, mais j'hésite devant le mystère qu'ils représentent et ose difficilement les utiliser. Je suis un Européen de souche Chrétienne, engagé alors dans une profession et une vie de famille. A part quelques mots, je ne comprenais ni l'Hindî ou le Bengâlî, et Mâtâjî ne parle pas l'Anglais. A l'exception des entretiens que j'ai eu avec Elle et que l'on m'accordait par l'intermédiaire d'interprètes, je n'ai jamais compris lorsqu'Elle parlait. Et malgré cela, pour l'amour de Mâ, j'ai entrepris de nombreux voyages vers l'Inde et passé plusieurs mois auprès d'Elle, parfois dans des conditions difficiles. Ceci prouve la puissance de Son attraction, même pour quelqu'un qui est étranger à la Tradition Hindoue dont Elle est issue.
Durant des années les photos de Srî Râmana Mahârshi ont été — pour moi comme pour tant d'autres — un réel enseignement. Quelques minutes d'un silence attentif face à son visage, et son regard rayonnant, m'en apprenait plus que la lecture du meilleur livre. Je ne parle ici que de la seule vraie Connaissance, celle qui transforme celui qui y accède.
Je n'ai jamais manqué l'opportunité de rencontrer un Français qui avait reçu Son Darsan. C'est à travers ces témoins que je conçus le profond désir — plus fort que tous les autres — de rencontrer un Sage, un Être libéré qui avait réalisé le Soi — un Jîvan Mukta.
J'attendais beaucoup de cette rencontre avec Mâtâjî mais elle fut loin de me décevoir. J'avais été à Kanhangad auprès de Svâmî Râmdâs et de Mâ Krishnabâi. Là, j'avais aussi vécu des moments intenses. Les impressions Rajasiques et Tamasiques de Paris n'avaient pu alors effacer le souvenir de ces jours bénis. Mais "Papa" (Svâmî Râmdâs) parlait Anglais et ses réponses, ses paraboles et remarques remplies d'humour, donnaient au mental toujours insatiable la seule vraie nourriture. D'autre part, ce qui me semble le plus surprenant c'est la fonction de Maître, de guide spirituel que Mâ a assumé envers un visiteur Français qui a été et demeure son élève. Je dois dire que par-dessus tout Elle m'a fait comprendre graduellement le sens des Evangiles et du Message du Christ. Elle m'a aussi ouvert la porte de ce trésor universel qu'est la Bhagavad-Gîtâ et m'a fait découvrir Srî Krsna.
A cette époque vivant à Paris, travaillant pour le cinéma et la télévision, l'atmosphère des âsram de Mâtâjî, l'orthodoxie Hindoue, l'observance des Varna (règles strictes du système social), l'importance attachée aux rites et cérémonies semblaient, à première vue, n'avoir rien en commun avec les problèmes matériels auxquels un homme moderne est confronté. Malgré cela, je peux témoigner que l'Enseignement de Mâ Ânanda Moyî, bien qu'il m'ait été communiqué presque sans parole, avait complètement transformé mon existence. Elle m'avait donné intellectuellement la conviction qu'une perspective métaphysique existait, qui était unique et universelle ; cette "Philosophia Perenis" nous enseignait que tous nos problèmes étaient déjà résolus, quoique nous n'en étions pas conscient :
"Il est tout en tout,
LUI seul est."
Mais Mâ m'apprit aussi que la Réalisation devait tout englober. Cependant, lorsque je me sentais loin de Ses âsram, de la pureté de ces Sârî blancs, de la beauté des Kîrtana, parmi la violence, les contradictions et les conflits d'une vie professionnelle, alors, à Paris, Mâtâjî demeurait près de moi, en moi. Et je me souvenais des célèbres Paroles : "Dharmaksetre Kuruksetre... (Bhagavad-Gîtâ. I-1)" et aussi : "Agis en Te jouant dans le monde, ô Râghava ! (Srî Râma)" (Yoga Vasistha). Je savais qui est Celui qui accomplit l'action.
Il me semble que pour des étrangers la relation entre le Maître et le disciple est un des aspects les plus intéressants de l'Hindouisme à notre époque. Que certains pensent que le sens de leur vie a changé après avoir reçu le Darsan (Bénédiction) de Srî Râmana Mahârshi, de Svâmî Râmdâs ou de Mâ Ânanda Moyî est une certitude qui ne peut être contredite. L'on peut vérifier les dires d'un miracle, l'on peut — au nom de l'orthodoxie Chrétienne — être surpris d'entendre des Etres autres que le Christ dire :
"Le Père et Moi sommes Un"
L'on peut être étonné du phénomène social que représente la gloire d'une femme qui ne fait rien d'autre que nous enseigner à trouver Dieu. Mais le choc de Son regard et le sens du moindre de Ses gestes est une expérience personnelle. Ceux qui ont vu ont cru. Et ceux qui ont compris les Paroles (Vânî) de Vie Eternelle, se sont engagés sur le Chemin.
Quel allié la Réalisation de Mâ trouve-t-elle en nous et qui nous fait vibrer en accord avec Elle ? A quelle profondeur de notre être sommes-nous touchés ? Tous ceux avec qui j'ai confronté ma propre expérience ont eu la même certitude. C'est ainsi et rien ne peut être ajouté. Tout le reste a toujours été conditionné par des "mais" et des "si", par des "peut-être" et des "alors". Face à Mâtâjî, il n'y a plus que certitude et clarté et cette extraordinaire expérience d'une Vie au-delà du temps qui nous libère de toutes nos peurs. Malgré cela, il n'est pas toujours facile d'être auprès de Mâtâjî. Aucun de nos "vieux trucs" ne marchent en Sa présence, à tous instants nous sommes exposés et dénudés. Jamais auparavant je n'avais été aussi divinement heureux qu'en présence de Mâtâjî, mais également aussi malheureux et aussi totalement mis à nu. Je savais qu'une pénible transformation devait s'effectuer en moi ; j'étais venu pour cela et je savais que cette transformation devait s'accomplir avec mon consentement et une active co-opération. Ce n'est pas suffisant de rester passif en présence d'un Sage, l'on a à combattre, à se délivrer de ses propres tendances profondes.
Mâ Ânanda Moyî nous demande de travailler sans cesse sur nous, de faire de grands efforts soutenus, afin que ces mêmes efforts puissent un jour être transcendés — alors surviendra l'état sans effort (Sahaja), la spontanéité de celui qui a, au coeur même du "Champ de bataille" (Dharmaksetra) atteint une liberté intérieure, située au-delà de l'action et de la réaction.
Des années avant mon premier voyage en Inde je m'étais posé la question : "Et si c'était vrai ?"
Comment ne pas se poser la question avec espoir, lorsqu'on entent dire des grands Sages de l'Inde que "un simple regard peut changer toute une vie", quand on lit des récits décrivant leur présence surnaturelle qui est le témoignage vivant d'un monde différent dans lequel nous croyons être emprisonnés ? La réponse, la certitude : "Oui, c'est vrai !" Je l'ai trouvé dans le Darsan de Mâ Ânanda Moyî. Parfois, son regard contemple au loin et Son expression est d'une beauté surnaturelle qui défie toute description. Que voit-Elle à de tels instants. Quelle est la signification de la présence parmi nous d'un Etre si totalement différent ? Son visage est si rayonnant que semaines après perdu dans la foule, j'étais incapable de m'en détacher si irrésistible était l'impression d'intensité et de plénitude que je la ressentais de tout mon être. En présence de Mâ, quelque chose enfin se passait dans ma vie et j'avais acquis la certitude que, pour Elle, tout était possible. Mais l'on doit admettre que l'aspect quasi miraculeux de Mâ, l'attraction qu'Elle exerce sur des milliers et des milliers de gens égare certaines personnes qui voient en cela plus manifestation de l'anormal que du supernormal.
Ma gratitude pour Mâ est encore plus grande pour ce que j'ai reçu d'Elle quand je vivais à Paris que pour les moments intenses vécus en Inde. Je ne cherche aucune explication, L'unité du Soi, la révélation du Guru intérieur (Antaryâmin) sont suffisantes. Mais le fait demeure, au retour en Europe après mon premier voyage en Inde ma relation avec tout ce qui m'entourait et qui m'avait tant fait souffrir avait changé radicalement. J'avais compris que notre être conditionne notre existence. Mais je savais que par la Grâce de Mâ Ânanda Moyî et de Svâmî Râmdâs quelque chose s'était transformé en moi. Bien entendu, j'avais conservé sur la cheminée de la pièce dans laquelle je passais la plupart du temps la photo de Bhagavân Srî Râmana Mahârshi, la première image d'un Sage que j'avais tant regardé depuis des années. C'est cette photo qui m'avait donné le désir d'aller en Inde. Et à cet instant, j'avais le sentiment que c'est Râmana Mahârshi qui m'avait guidé vers Mâ Ânanda Moyî.
Après d'Elle j'avais trouvé la Vie qui est au-delà de toutes les choses créées, et qui est aussi en elles, et contre laquelle aucun pouvoir au monde, aucune difficulté, aucune tribulation ou anxiété ne pouvaient triompher.
"Je suis la Vie. Je donnerai la Vie à tous ceux qui viendront à moi."
Je sais que Mâ est la Vie et qu'Elle donne cette Vie à ceux qui viennent à Elle. Alors pourquoi serait-il difficile de L'appeler "Mère", c'est-à-dire "Mâ" ?
Non seulement une Mère protège et guide, gronde et réconforte, mais elle est la première à donner naissance, à donner la vie. Et je sais que mon existence a vraiment commencé en septembre 1959, à Vârânasî. Une vie où je suis né sans aucun doute avec les Samskâra (traces physiques laissées sur le mental — le poids du passé) d'existences antérieures et qui est entourée d'impuretés, de peurs et de contradictions, mais qui s'est révélée — une fois pour toutes — comme étant située au-delà de ces limitations.
Combien de fois en France ne m'a-t-on pas posé la question : "Qu'avez-vous reçu de cette sainte femme ?" L'on s'attend, je sais, à une réponse qui sera conforme à ce que l'on peut lire sur les Chakra, la Kundakinî ou le Nirvikalpa-Samâdhi. Mais la réponse est bien plus simple, et tout au moins pour moi bien plus significative : "Ce que j'ai reçu de cette sainte femme, c'est moi-même. J'étais mort et je suis revenu à la Vie. J'étais né de chair et je suis né d'Esprit.
Quelques puissent être mes péchés et mes impuretés, maintenant et à jamais, Srî Srî Mâ Ânanda Moyî Vous êtes ma Mère et je suis Votre fils. Jai Guru, Jai Mâ !
Arnaud Desjardins.
Nous avons choisi pour présenter l'Enseignement de Mâ Ânanda Moyî la traduction d'un article d'Arnaud Desjardins paru en Mai 1965 dans le magazine de l'Ashram "Ânanda Vârtâ".
Ce texte avait été écrit pour des lecteurs à très grands majorité indiens et avant que l'auteur ne rencontre son propre Guru Svâmî Prâjnappâd. Mais il montre ce que pouvait être la puissance de rayonnement de Mâ Ânanda Moyî sur la plupart des étrangers qui avaient le privilège, non seulement de La rencontrer, mais de vivre un certain nombre de mois auprès d'Elle.
Nous avons gardé l'utilisation des majuscules pour les prénoms personnels désignant Mâ Ânanda Moyî, usage qui peut surprendre des occidentaux mais s'est imposé en Inde même.
INTRODUCTION
Mâtâjî (Srî Mâ Ânanda Moyî), n'ayant aucun sens de l'ego, de la séparation, ou de la dualité — stable en l'Ânanda, établie depuis toujours et à jamais dans le Brahman (Brahmî-shtiti) — il serait plus juste d'annoncer, sur un plan Absolu : "Histoires, Paraboles et Entretiens d'après le Kheyâla de Srî Mâ Ânanda Moyî."
Kheyâla désigne généralement un phénomène psychique soudain et inattendu, que ce soit désir, volonté, attention, souvenir ou connaissance. Mâtâjî prend le terme dans une acceptation beaucoup plus vaste ; Kheyâla désigne, "les actions incompréhensible du Suprême" ; comme par exemple le fait pour Lui de Se diviser dans la Création, de Se dissimuler sous le couvert de la Mâyâ, de Se séparer de Son Bhakta, etc...
Chez Mâtâjî, il n'existe pas la plus petite trace d'ego et de dualité qui puisse expliquer ou justifier Ses mouvements, Ses sentiments et Ses pensées. Aussi, lorsqu'Elle emploie le terme "Kheyâla" à propos d'Elle-même, Mâ entend par là une Manifestation Divine et spontanée de la Volonté suprême qui est Divine et par conséquent libre.
La Lîlâ de Thâkur : Srî Râmakrsna Paramahamsa se termina le 16 août 1886, au Bengâl. Celle de Mâtâjî : Srî Mâ Ânanda Moyî (*) commença le 30 avril 1896, dans le district de Tripura (faisant partie maintenant du Bengla-Desh), voisin du Bengâl. Ainsi, dix an après, un autre Avatâra Se manifestait dans cette région privilégiée de l'Inde, pour les Bengâlî de Calcutta encore sous le choc du Mahâsamâdhi (décès) de Srî Râmakrsna.
Sur un plan Relatif, il y a de frappantes ressemblances et sous bien des points entre Srî Mâ et Srî Thâkur. Tous deux viennent d'une modeste et inconnue famille de Brâhmana orthodoxe et naquirent dans un humble village du Bengâl indivisé. Thâkur était dénué d'éducation formelle, mais possédait la plus haute sagesse, le plus haut savoir. Il en est de même avec Mâ. Aussi, comme Thâkur, Mâ recevait et reçoit des hommages, des marques de respect et de dévotion de toutes les catégories sociales, humaines et religieuses ; depuis l'humble paysan jusqu'aux Chefs d'état. Les paroles de Thâkur, comme celles de Mâ sont simples et directes. Ce sont celles de la Vérité. Elles touchent au plus profond ceux et celles qui les reçoivent, semblables à l'Amrta le plus précieux. Ces paroles puisent leur source dans les sources invisibles de l'Antique Sagesse de l'Inde — la Terre du Dharma. Elles s'illustrent de paraboles, s'appuient sur les histoires anciennes des Purâna et, suivant le courant de l'existence, pénètrent au plus profond du coeur de ceux qui les reçoivent.
* Srî Mâ Ânanda Moyî :
— Srî : Evoque l'idée de Mahâ-Sakti. De Devî. Titre de respect.
— Mâ : "Mère" (en Bengâlî -- et Mâtâjî en Hindi). Ici, dans le sens de Mère Suprême et Divine. Ce mot de Mâ est semblable au OM, à l'origine de tout ce qui est.
— Ânanda : "Félicité", "Béatitude". Symbole du Brahman, de l'Absolu.
— Moyî : "Faite de", "Plénitude" (en Bengâlî -- et Mayî en Hindî.)
— Srî Mâ Ânanda Moyî : "La Mère Toute de Félicité".
LÎLÂ ET KHEYÂL
DE SRÎ MÂ ÂNANDA MOYÎ
On ne peut avoir une juste approche et compréhension de Mâ — et par la même une juste attitude intérieure face à Elle — si l'on n'a pas la connaissance de ce qu'est la Lîlâ et le Kheyâl de Mâ. Ce sont là deux mots clefs. Anil Ganguli en donne une très juste et simple définition :
Juste un regard sur la Lîlâ de Mâ touche plus profondément et plus aisément le coeur d'un Bhakta que des volumes de discours abstraits sur des points controversés tels que : "Qui est Mâ ?" Sur l'arrière-plan des faits vécus, Mâ apparaît sous d'innombrables aspects, qu'Elle appelle Kheyâl. L'on trouvera ici des anecdotes qui illustrent le Kheyâl.
Pour mémoire, le Kheyâl est une forme de musique classique qui donne à l'interprète une grande liberté d'improvisation, mais dans le cadre de certaines normes (du Râga). Afin d'essayer de comprendre la Lîlâ de Mâ, il est nécessaire de savoir ce que signifie le Kheyâl. Au Kheyâl, Mâ attribue ce qu'Elle fait ou semble refuser de faire.
Un jour, je demandais à Mâ ce que signifiait le Kheyâl. En réponse silencieuse Mâ joignit Ses mains (en Anjali), les éleva, montrant ainsi que le Kheyâl venait d'en haut. J'en déduisais que c'était la Volonté Divine qui agissait derrière le Kheyâl de Mâ. Mais alors, quelle est la différence entre le Kheyâl de Mâ et la volonté capricieuse d'un homme ? La réponse se trouve dans cette parole de Mâ : "Il n'y a que l'Un et rien que l'Un. TOUT est contenu dans l'Un et l'Un est en tout."
Pour Mâ, la question de l'existence d'une volonté individuelle séparée de la Volonté Divine, ne se pose absolument pas. Toutefois, un homme ordinaire (Jiva) vit dans la dualité (Dvaïta). Sa volonté provient de ses vâsanâ (désirs) et de sa Buddhi (intellect), elle est conditionnée par son Karma et ses Samskâra (traces psychiques laissées sur le mental). Mâ n'a aucune vie individuelle. Mâ est dans un état d'Unité ininterrompue (Advaïta-Sthiti). Bien entendu, il y a une différence très définie entre le Kheyâl de Mâ et la volonté changeante d'une homme ordinaire.
Le Kheyâl de Mâ est fréquemment imprévisible et non conventionnel, il semble parfois illogique, sans rime ni raison. Mais Mâ reste toujours douce et gracieuse. Toutes les apparentes "contradictions" du Kheyâl se dissolvent en Elle dans un sens parfait d'équilibre et d'harmonie, inspirant le respect et l'admiration. Cependant Mâ est pleine d'un humour étincelant et d'une perpétuelle sérénité.
Srî Mâ Ânanda Moyî peut, parfois, être vue comme un Crux Criticorum — un puzzle de critiques — critiques qui se transforment en théorie. Trop souvent, les critiques provoquent des jugements définitifs et erronés chez un esprit inquisiteur. Lîlâ, au contraire, apporte la joie et la paix pour un coeur altéré. Lîlâ nous rapproche de Mâ.
MÂ PRASÂDA
— Mâ, guidez-nous !
Jar Jemon Bhâva tar temon lâbha :
— Selon l'approche, ainsi (est) la récompense.
"Ce corps n'est qu'une enfant qui ne sait pas faire des discours ou donner des causeries. Tout comme un enfant qui, lorsqu'il trouve quelque chose de beau et de bon l'apporte à sa mère, de même Mâ place devant vous ce qui est beau et bon. Vous prenez ce que vous voulez. Ses propos ne sont que babillage d'enfant. En réalité, c'est vous seul qui questionnez et qui répondez.
Vous battez le tambour et vous entendez le son."
— Mâ, répondez-nous !
Jemon Bajâbe Temoni Sunbe :
— Ce que vous entendez dépend de la manière dont vous jouez.
Lorsque Mâ répond à des questions — selon le Kheyâl — Elle Se compare parfois à un instrument de musique qui vibre, donne des notes et des sons, non de sa propre initiative, mais en réponse à des vibrations reçues de l'extérieur. Ainsi la "musique" (réponse de Mâ) qui est perçue dépend de l'habilité de l'instrumentiste (le sâdhaka) — l'instrument, lui, demeure le même.
Bien entendu, Mâ est Jâ Tâ : "Tout ce que vous voulez (qu'Elle soit), Elle L'est."
Pris dans son sens habituel, cet aphorisme est une sentence grammaticalement incomplète, contraire à tous les canons de la logique. Elle signifie : "Quoi que ce soit (Jâ, "Quoi") — Cela (Tâ)."
— Mâ, qui êtes-vous !
— Âchche ; nâi. Âchcheo nâ, nâi o nâ ; Târ o âgé. Jâ bolo tâti : "C'est, et ce n'est pas. Et ni, "c'est" ou ce "n'est pas" ; même au-delà. Tout ce que vous direz est CELA."
Selon l'approche, "C'est" et "Cela" désigne Dieu ou le Soi.
Cet aphorisme montre qu'il n'y a rien qui ne soit LUI.
"Je suis ce que J'étais et ce que Je serai. Je suis TOUT ce que vous imaginez, pensez ou dites. Mais le fait suprême, c'est que ce corps (Mâ) n'a pas pris naissance pour recueillir les fruits d'un Karma passé (Prârabdha-Karma). Pourquoi ne pas vous rendre compte que ce corps est la somme et la manifestation matérielle de toutes vos aaspirations et de toutes vos idées ? Vous l'avez tous désiré et maintenant vous l'avez. Alors jouez quelque temps avec cette poupée."
Afin de rendre la traduction plus claire nous n'avons, parfois, pas employé la 3e personne pour désigner Mâ.
Les aphorismes — un des piliers de l'Enseignement de Mâ — sont en Bengâlî, Sa langue maternelle.