Ma Ananda Moyi
(Khéora, 1896 ; Hardwar, 1982)
« Où que vous soyez, c’est là qu'il faut commencer le voyage.»
Alors qu’en Occident, le terme « mystique » a en grande partie perdu son sens initial — ce qui est relatif au mystère — pour ne plus désigner qu'une forme de religiosité sentimentale et dualiste, en Inde, la mystique est une voie d'union à Dieu conduisant à la réalisation de la non-dualité entre l'amant et l'aimé, entre le Soi et l'Absolu, l'Atman et le Brahman.
Nirmala Sundari Devi, célèbre ensuite sous le nom de Ma Ananda Moyi, naquit à Khéora dans le district de Tripurah, petit village qui fait actuellement partie du Bengladesh. Issue d'une famille de brahmanes toute sa vie elle vécut selon la maxime « Jo hohaye » (advienne ce que doit), s'abandonnant sans réserve à la volonté divine, ce qui avait parfois des conséquences imprévues.
Toute sa vie Nirmala n'a jamais exprimé le moindre désir. Toujours heureuse et prête à aider, elle ne pleura jamais, ni à sa naissance, ni plus tard, sauf pour détourner sa mère du chagrin lors de la mort prématurée de ses fils. Elle ne suivit guère que deux ans les cours de l'école du village et n’a jamais su véritablement ni lire, ni écrire. Plus tard, quand on lui demandera de mettre son autographe, elle signera en faisant un point. À treize ans, elle est mariée à Ramani mohan Cakravart (connu sous le nom de Bolanatha), brahmane originaire d'un village près de Dacca. Ce mariage n'a jamais été consommé physiquement. Bolanatha considéra rapidement sa femme comme son gourou et lui laissa une grande liberté. Devenu sannyasin, il lui restera fidèle jusqu'à sa mort en 1938.
Après son mariage, Ananda Moyi s'occupa des tâches ménagères et vécut à Aptara où son mari avait trouvé un emploi dans le département de la police. Par la suite, il sera nommé à Antagrama dans les services de l’agriculture, puis à Bhajitpur. En 1922, Ananda Moyi confère l'initiation (diksha) d’abord à elle-même, puis à son mari. C'est la seule fois qu'elle donna l'initiation à quelqu'un, car elle a toujours refusé d'initier des disciples.
En 1924, Bolanatha trouve un emploi comme directeur des jardins Shag-Bag de Naw et de Dacca. C'est durant cette période qu’Ananda Moyi se nourrit, pendant trois ans, de trois grains de riz par jour. Elle passe aussi de nombreux mois dans un silence total.
En 1926, elle rencontre Gurupriya Devi (Didi) qui ne la quittera plus, et Jyotis Candra Roy connu sous le nom de Bhaiji. Ce dernier construisit le premier ashram d'Ananda Moyi à Dacca en 1929.
A partir de cette date, elle n'arrêtera plus de voyager. Allant de communauté en communauté, elle est le centre d'une intense activité spirituelle : chants, récitations à haute voix de la Gita, des Upanishads et méditations. Sa notoriété devient alors nationale et même internationale. Elle reçoit la visite de Gandhi, Nehru et Indira Gandhi. La première occidentale à rejoindre son ashram en 1943 est une pianiste autrichienne, Blanca Schlamm, qui devint sannyasin sous le nom d'Atmananda, et remplit souvent le rôle d'interprète. Un autre sannyasin fut le médecin Adolphe Weintrob venu en Inde en 1951, auquel Ananda Moyi donnera le nom de Vijayananda. Le photographe anglais Richard Lannoy, l'ancien réalisateur de la télévision française Arnaud Desjardins, la romancière allemande Malita Mashmann ont parlé d'elle dans leurs livres.
Même si le chemin qu’elle propose fut celui de la Bhakti Yoga (yoga de la dévotion) et qu’elle défendait fermement la tradition religieuse hindoue, elle ne se rattacha à aucune doctrine tout en recommandant l'une ou l'autre selon les besoins qu'elle percevait chez son interlocuteur. Bien souvent, elle expliqua que les enseignements de tous les maîtres authentiques, puisés à des sources véritables, sont exacts et valables pour ceux à qui ils sont destinés. Le fait qu’ils puissent paraître contradictoires ne retire à aucun d'eux la valeur qui leur est propre entant que l'un des chemins spirituels à parcourir.
Toute sa vie fut dévouée aux autres, afin d'offrir un message d’amour à chacun, aussi bien à un chercheur de vérité qu'à un paysan illettré ou à celui qui a commis crimes ou délits. La simplicité de son enseignement se résume en ces quelques mots, sans allusion à une doctrine ésotérique secrète mais avec l'urgence d'un appel : « Être en confiance en Dieu, s’abandonner, se reposer en lui. Accepter tout ce qui arrive comme venant de lui. Il s’agit de considérer ce que l'on fait comme un service. Alors seulement à ce prix, sera-t-il peut-être permis de s'éveiller à une dimension plus vaste, un vécu réel s'ouvrant sur l'infini.»
Ma Ananda Moyi est morte à Hardwar en août 1982.
Bibliographie
L'enseignement de Ma Ananda Moyi, Albin Michel, collection «Spiritualités vivantes», Paris, 1974