Satsangs avec Vijayânanda

La dernière période

Notes de Vigyânanand
Août 2008-avril 2010

Avec une contribution d’Isabelle Fournier à propos des six dernières semaines de satsang de Swamijî

Cela fait maintenant plus de deux semaines que Swami Vijayânanda aquitté son corps. Nous travaillons à rassembler des documents sur lui, surtout des notes prises pendant ou à la suite de satsangs. Les fidèles et visiteurs qui sont passés par Kankhal nous envoient aussi des photos,quelques vidéos et enregistrements audio. Nous avons aussi environ un mois complet d'enregistrements audio, nous envisageons d’en retranscrire l’essentiel malgré la qualité sonore qui n'est pas forcément bonne pour certains passages à cause du fond de bruit de la poujâ du soir derrière la voix de Swamijî.
Pour ma part, je suis loin d'avoir été là constamment au satsang de Vijayânanda depuis août 2008.
Cependant, lorsque j'y étais, j'ai pris des notes sur un cahier en ayant en particulier en considération ces points qu’il n’exprimait pas souvent, ou qu'il expliquait d’une façon nouvelle. J’avais l’habitude de noter le soir juste au retour du satsang, tant que la mémoire était fraîche. Pendant les deux derniers mois de la vie de Swamijî, j’étais là la plupart du temps là, à part pour les quatre derniers soirs où j'étais partie accompagner un groupe avec lequel nous avons rencontré le dalaï-lama à Rishikesh. C'était la période de la Kumbha Mêla où il y avait de nombreux visiteurs et une ambiance très intense dans l’environnement. Deux groupes sont venus de France, et un très grand groupe, une soixantaine d’italiens membres de la Fédération Italienne deYoga, est venu aussi pour une soirée au satsang. Je reprends en première partie les notes déjà publiées dans le ‘Jay Mâ’, et en seconde celles qui n’ont jamais encore été publiées.

Swamijî disait souvent que les satsangs notés par écrit étaient comme dela mangue séchée, ils n’auraient jamais le goût de la mangue fraîche. Ce qui est important dans le satsang est l'énergie, le bhâva, l'émotion qui passe parla manière de dire, le regard, etc.
Il est difficile que cela soit communiqué dans un écrit, bien qu'on puisse y faire allusion.
Dans ce sens, on peut se rendre compte de beaucoup plus de choses dans un enregistrement vidéo.Cependant, Vijayânanda reconnaissait aussi qu’un texte notant les paroles d'un sage était mieux que rien.
On pourrait ajouter qu’une parole écrite est aussi une nourriture spirituelle, et se souvenir à ce propos de la réflexion d’une Upanishad : « Ne méprise pas la nourriture.
Anna, brahman, la nourriture, c'est l'Absolu ! »

Première partie :

Satsangs publiés dans le ‘Jay Mâ

Jay Mâ 91 : hiver 2008-2009

Vijayânanda : Le jeu divin inclut le bien et le mal

Question : Est-ce que Mâ avait des traces de mal en elle ?

V : Elle pouvait le jouer momentanément en miroir de l’entourage.

Q : Est-ce que Dieu fait sa lîlâ, joue au bien ou au mal à l’intérieur du sage ?

V (en riant) : C’est plutôt le sage qui joue avec Dieu !

− Le suicide peut-il être parfois licite ?

− Certains jaïns âgés pensent qu’on ne peut vivre incarné sans violence envers les autres, et donc préfèrent laisser aller le corps en cessant de manger et s’éteindre ainsi. Pour eux,c’est une forme suprême de non-violence.

− Est-ce qu’un grand appétit pour la nourriture est un obstacle pour la sâdhanâ ?
− Une fois, j’ai mangé du dalda, de l’huile végétale qui devait être adultérée. Cela m’a détraqué complètement le foie, et depuis ce jour, je ne digère plus bien et je n’ai plus eu d’appétit. Je mange parce que je sais que je dois le faire, comme pour remettre de l’essence dans la voiture, c’est tout. En fait, je considère ce problème physique comme une grâce de Mâ, car si un sâdhaka a un fort appétit, la plus grande partie de son énergie mentale sera attirée par la nourriture et ce sera un obstacle à sa pratique.

[A propos d’un jeune membre de sa famille qui venait de se faire opérer à SanFrancisco d’une récidive de cancer du cerveau]
V : Je crois que la médecine fait fausse route, depuis un siècle, elle ne réussit guère à guérir le cancer. On pourrait prendre comme nouvelle hypothèse de travail ce que soutenait Mâ : elle voyait les maladies comme des entités vivantes qui entraient et sortaient du corps. En particulier le cancer peut être considéré comme un être vivant parasite qui se nourrit des forces vives du corps. Certes, cela semble revenir à des concepts médiévaux de possession, mais le Moyen-âge avait du bon. La question de la thérapie consisterait alors à savoir comment expulser ces entités du corps.

− Comment se rendre compte si un sage est authentique ?

− Ce n’est pas si facile. Les Indiens s’y retrouvent assez bien, ils ont leurs critères. Ramakrishna donnait par exemple comme signe la présence de kamini-kanchanam, les femmes et l’argent. Si un enseignant y est attaché, il y a des risques qu’il ne soit pas authentique. Cependant, il ne faut pas faire de cela non plus un critère absolu.

- Une personne : hier, vous aviez l’air de bien aimer la dame italienne qui traduisait pour le groupe !
- V (en riant) : J’aime bien tout le monde ! Simplement, je réponds au bhava, à l’attitude intérieure des gens, si je sens qu’ils recherchent un contact fort avec moi, je l’établis.

− Est-ce difficile de changer de voie spirituelle ?

− Changer de voie spirituelle est non seulement difficile, mais dangereux. C’est comme vouloir changer de route en plein milieu de l’ascension d’une montagne, on risque de tomber dans des précipices imprévus. Une fois qu’on est au sommet, c’est différent, on voit clairement toutes les voies qui y mènent.

− Quel est le plus grand renoncement ?

Renoncer au renoncement !

− Et le plus petit ?

[Après un moment de réflexion] Un moine m’a confié : « J’ai renoncé à tout, sauf à mon repas quotidien... »

− Je vis à peu près correctement en profitant de certains petits plaisirs, mais sans être obsédé par la Réalisation. Est-ce correct ?
− Les plaisirs auront automatiquement leur contrepartie de douleur. C’est la loi de la dualité. Seule l’expérience du Divin peut faire aller au-delà. Cependant, les sages aussi vivent tranquillement en appréciant les petits plaisirs simples, mais la différence, c’est qu’ils n’y ont pas d’attachement du tout.

− Donner la vie à un enfant, n’est-ce pas un acte divin ?

− Certainement, c’est le Divin qui fait se développer l’œuf en embryon, puis en nouveau-né.
Cependant, la naissance créera nécessairement un lien. Certaines mères affirment qu’elles pourront se détacher complètement de leur enfant une fois qu’il sera adulte et indépendant, mais c’est une conviction plutôt théorique. Il y a certes en Inde par exemple des cas de sannyasinîs qui ont complètement coupé les liens avec leur descendance, mais ils sont plutôt rares. Ceci dit, la maternité est une expérience à avoir, un stade à passer pour la plupart des femmes, il est bien connu que le brahmanisme parle à ce sujet des quatre stades de la vie.

− A une jeune femme de trente ans qui travaille maintenant comme diplomate à ’Ambassade de France à Delhi, et à laquelle Vijayânanda avait prédit, alors qu’elle n’était qu’étudiante de Sciences-Po il y a six ou sept ans, qu’elle deviendrait ambassadrice de France en Inde :

− « Si vous avez une telle attirance depuis l’enfance pour l’Inde, c’est sans doute que vous avez été hindoue dans une vie antérieure. Je peux vous donner un certificat écrit de cela !
Comme il semble bien que je l’ai été aussi, il est possible que nous ayons été ensemble. »
Pendant la plus grande partie du satsang, Vijayânanda a tenu la main de son interlocutrice. Il est rare qu’il le fasse aussi longtemps.

Swami Nirgunânanda, quand il était brahmachari à Kankhal, se réveillait plusieurs fois la nuit pour voir si l’akhandajyoti, la flamme perpétuelle dont il avait la charge dans le petit temple à l’entrée de la cour du samâdhi de Mâ, ne s’éteignait pas. N’était-ce pas un zèle excessif ?

− Cette flamme qui a été installée à Kankhal existe aussi à Bénarès et dans un troisième ashram de Mâ.
Elle date de 1926 à Dhaka lorsque Mâ a réanimé par son pouvoir magique le feu d’un yajna que le pûjari avait laissé s’éteindre par inattention.
Elle symbolise la continuité de la tradition. C’est un grand péché d’interrompre ou de laisser se perdre cette tradition. La loi des civilisations et des empires, c’est de rentrer en décadence et de disparaître après leur apogée. Cependant, si la civilisation de l’Inde a une telle permanence, c’est qu’elle n’est pas basée sur la force politique, mais sur la stabilité religieuse. Il y a eu toutes sortes d’empires en Inde, y compris les musulmans qui s’activaient régulièrement à détruire l’hindouisme et les Anglais, mais le brahmanisme a continué en restant concentré sur la transmission de sa tradition.

− Qu’y a-t-il d’étonnant dans le psychisme humain ?

− C’est que chacun croit qu’il est quelqu’un d’exceptionnel, alors que ce n’est pas vraiment le cas ...

Une jeune femme professeur de yoga se plaint d’avoir un éveil de la kundalinî, que faut-il lui dire ?
Il faut bloquer cela, c’est très dangereux, car cela met en avant toutes les qualités négatives quand on n’a pas préalablement un très bon contrôle du mental. Il faut chercher l’aide d’un grand sage qui ait vraiment l’expérience de ces choses–là. Cependant, il faut tenir compte aussi du fait que beaucoup de gens croient avoir un éveil de la kundalinî alors qu’ils fabulent simplement à ce sujet, en interprétant un petit chatouillis dans le dos comme un grand éveil.

− Que voulez-vous dire par ‘bloquer l’éveil de la kundalini’ ?

− Y être indifférent, ne pas du tout s’intéresser à ces phénomènes-là. Mâ ne parlait pas de kundalinî, mais de Bhagavan kî shaktî, l’énergie de Dieu. En effet, kundalinî est un terme tantrique, et les gens ont vite fait de l’associer aux pratiques de la main gauche.


Ce n’est pas facile de trouver un grand sage en Occident.

Si on a la réceptivité et l’intensité du désir d’en trouver un, il viendra. En fait, il n’y a qu’un seul gourou, c’est le Divin, et il vous envoie celui ou celle dont vous avez besoin.
On dit que le vrai gourou cherche le disciple encore beaucoup plus que les disciples ne cherchent le gourou.

On dit guru vakya mantra, la parole du gourou, c’est un mantra. Souvent, j’ai négligé une parole de Mâ en pensant qu’elle était banale et qu’il ne s’agissait que de mots en l’air, mais après je me suis aperçu qu’ils représentaient des poteaux indicateurs à des bifurcations de mon évolution, alors que je ne voyais pas clairement dans quelle direction je devais aller.

Ce soir-là de décembre 2008, il y a autour de Vijayânanda plusieurs personnes qui avaient rencontré et fréquenté Mâ il y a trente ou quarante ans : Krishnapriya de Suisse, Ram et Parvati, originaires des Etas-Unis mais installés depuis longtemps à Assise, et Maria Wirth qui était proche d’Atmananda et vit toujours à Dehradun près de Kalyanvan. Ils ont échangé avec Swamiji des souvenirs sur Melitta Maschmann qui a séjourné longtemps près de Mâ. Elle est toujours vivante, elle a environ 90 ans mais a perdu la mémoire. Râm par exemple a raconté ceci :

« Au début, Melitta était très volontariste et autoritaire, elle avait vu par exemple un vieil homme qui était visiblement très malade sur les bords du Gange à Kankhal. Elle l’a pris énergiquement sur un rickshaw et l’a emmené d’autorité à l’hôpital de la Mission Ramakrishna en demandant avec insistance de le prendre en charge, affirmant qu’elle paierait toutes les dépenses. Cependant, en guise de remerciements quand elle est revenue le visiter, le vieillard qui était un brahmane l’a maudite tant qu’il pouvait : « Mon rêve avait toujours été de pouvoir mourir juste au bord du Gange, et maintenant avec ce fichu hôpital vous l’avez ruiné! » Il semble que la machinerie hospitalière étant ce qu’elle est en Inde comme ailleurs, on n’ait pas autorisé le vieillard à sortir de l’institution...avant qu’il ne soit mort !

Assez souvent, Melitta se mettait en colère contre Mâ. Une fois, Krishnapriya était là et elle a entendu qu’elle disait à Mâ : « La nourriture que vous nous donnez à l’ashram, dans mon pays, on ne la jetterait même pas aux chiens ! » Krishnapriya était à son 36e dessous, mais Mâ restait très tranquille et disait très gentiment : « Bon...eh bien...mais alors, Melitta, tu as des takas (des roupies, de l’argent), tu pourrais t’acheter toi-même de la meilleure nourriture si tu le souhaites... » Une autre fois, Ram raconte qu’elle est venue voir Mâ en lui disant : « Mâ, je vais vous tuer ! ». Vijayânanda témoigne qu’en fait, après ses colères contre Mâ, elle se trouvait comme en un état second, c’était en fait un samâdhi que lui avait donné Mâ elle-même. Ce que souhaitait celle-ci, c’était l’intensité, à ce moment-là elle pouvait faire quelque chose avec la personne.

Nous parlons en groupe de fidèles anciens de Mâ, Amla et Rajat, qui ont invité Vijayânanda pour bénir aujourd’hui la pierre de fondation de leur maison. Celui-ci explique qu’en Inde, on est très conscient de l’impondérable fondamental de la vie, et qu’il faut penser à prier Dieu par des pujas par exemple pour faire rentrer en compte ce facteur et obtenir une protection. Dans la tradition, on fait par exemple trois pujas pour une maison, la première pour rentrer dans le terrain, bhumi-pravesh, la seconde pour la pose de la pierre de fondation, shila-nyas, la troisième pour l’entrée dans la maison une fois construite, griha-pravesh. Swamiji nous a raconté à ce propos l’histoire hassidique suivante :

« Le Bal-shem-tov, le grand saint hassidique de la Pologne du XVIIIe siècle, n’était pas contre le fait de boire du vin. Simplement, il fallait que celui-ci soit préparé selon toutes les règles de pureté casher, qu’il ne soit pas touché ni même vu directement par des non-juifs. Un de ses disciples a donc cultivé le raisin, l’a pressé et l’a fait fermenter selon toutes les règles. Il était en train de décharger le tonneau devant la maison de son maître, tout content du cadeau précieux et pur qu’il allait lui offrir, quand un policier survint. Il avait pour instructions de contrôler qu’il n’y ait pas d’alcool distribué, le vin étant, quant à lui, autorisé. Cependant, comment savoir ce qu’il y avait réellement dans le tonneau, comme croire son propriétaire ? Il fallait qu’il vérifie par lui-même en goûtant,c’est ce qu’il fit malgré les supplications de notre personnage. Tout son patient travail fut ainsi gâché en une seconde. Il est venu ensuite, éploré, auprès du Baal-shem-tov. Celui-cilui a dit: «Tu as tout fait selon les règles, mais il y a une chose que tu as oubliée!»« Laquelle ? » « De demander la bénédiction de Dieu ! »
Dans toutes les entreprises, même les mieux calculées, il y a l’impondérable, et pour s’en protéger il est bon de demander l’aide du Pouvoir d’En-haut !

Jay Mâ 95 : hiver 2009-2010

− Quand on vit dans le monde, peut-on aimer sans attachement ?

− Vijayânanda : L'amour est comme de l'essence dans la voiture. S'il n'est pas là, rien ne peut avancer. Je dis souvent : mieux vaut un mauvais amour que pas d'amour du tout !L'amour pour une personne, entre hommes et femmes, mène souvent à des complications parce qu'on cherche à limiter l’Illimité. Le gourou attire sur lui ou elle toute la concentration d’amour du disciple débutant pour qu’il puisse se détacher du monde, et ensuite le rejette sur lui-même. Mâ elle-même, à partir d’un certain point, m’a rejeté surmoi-même.

− Qu'est-ce que regardait Mâ quand elle avait le regard vide ?

− Vijayânanda : C'est difficile à dire. On croyait parfois qu'elle dormait ou qu’elle était inconsciente, mais en fait, elle travaillait sur d’autres plans pour répondre à la demande des fidèles. Par exemple, à une période elle avait été comme proche de la mort, puis elle s’est remise brusquement. Après, nous avons fait le lien et nous nous sommes aperçus qu'il y avait le fils d’un fidèle très proche de Mâ qui était en train de mourir à Paris. Il travaillait dans l'énergie atomique, et il est mort jeune. Sans doute Mâ est entrée dans cet état de conscience pour pouvoir l’accompagner. De même, en 1938, quand Bhaiji est mort, Mâ est restée plusieurs jours inconsciente, elle devait l'aider à traverser les mondes subtils.

− Est-ce que c’est le gourou qui sélectionne ses disciples ?

− Une fois, j'ai demandé à Mâ si je pouvais la considérer comme mon gourou.
Elle a répondu : « Il n'y a qu'un gourou, c’est Bhagavân ! » J'ai ajouté : « Certes, mais nous vous considérons comme Bhagavân, donc vous êtes notre gourou ! »
Mâ n'a rien dit sur le coup, mais à partir de ce moment-là, elle m'a traité comme un disciple, en me donnant des conseils, des pratiques, et même de temps en temps en me faisant des reproches, en me disant « ne fais pas ça », ou en me punissant.
Une fois, c'était à Calcutta, Mâ devait aller visiter en voiture des anciens fidèles. Cela n'aurait pas fait bien d’arriver avec un occidental, elle m'a donc dit de rester ou j'étais. Je n'ai rien dit, mais j’ai fait une telle tête que tous les gens autour ont paru terrifiés. Mâ a tout de suite dit : « D'accord, tu viens avec nous ».
Mais j'ai été puni, car j'avais quand même, d’une certaine façon, contredit la volonté de Mâ, et j'ai fait une crise de coliques néphrétiques terrible. En fait, Mâ s’est occupée de moi à ce moment-là comme une mère physique. Le docteur voulait me donner de la morphine, mais j’ai refusé. La crise s'est passée toute seule. Cela, c'était la première punition, mais il y en a eu aussi une seconde, c'est que Mâ m’a mis au régime avec seulement de l'eau de noix de coco.

Depuis quelques temps, Vijayânanda répète très souvent, durant le satsang, l’un de ses derniers souvenirs de Mâ :


« C’était peu avant que Mâ ne quitte son corps. J’étais seul avec elle, elle m’a montré son corps et m’a dit : « Cela n’est que mâyâ, je suis omniprésente ! ».

Je crois ce que Mâ m’adit.

Jay Mâ 96 : mars 2010

Quelques réponses en janvier-février 2010

Une femme française, médecin d’une cinquantaine d'années, après avoir eu de hautes fonctions hospitalières s'était reconvertie en psychologie. Elle a demandé à Vijayânanda

Q : Pourquoi l'esprit est-il si difficile à maîtriser, de quoi a-t-il vraiment peur ?
- Il a peur d'être complètement détruit par la Réalisation.


- Comment faire pour le maîtriser ?
- Il faut lui donner ce qu'il recherche, c'est-à-dire de la joie et de la paix, et cela s’éveille par l'amour du divin.


- Comment faire pour éveiller cet amour du divin ?
- Développer la pureté. Quand on à la pureté mentale complète, le pouvoir divin ne peut que venir à vous, il est obligé de le faire. Au fond, c'est le gourou authentique qui peut éveiller la vraie joie intérieure. Cependant, on peut se préparer à cette joie en développant la pureté intérieure.


- Qu'est-ce qui stabilise le mental ?
- L'ouverture du coeur, cela ne vient pas de la tête. Quand le coeur est ouvert, la joie vient, c'est cette joie même qui stabilise le mental.


- J'ai été très touchée en relisant votre témoignage en anglais sur votre première rencontre avec Mâ il y a juste une ou deux heures.
- En fait, je ne crois pas beaucoup à l'écrit. La vraie communication spirituelle est comme un fruit frais, car la personne qui parle met son bhava, son émotion intime dans ce qu'elle dit, et c'est ça l'important. Quand il y a quelqu'un qui prend en note, il interpose son propre bhava, et ce n'est plus pareil. C'est comme du réchauffé. Cependant, c'est mieux que rien !

Krishnapriya a été 12 ans avec Mâ de 1970 à 1980 et nous raconte qu'un jour, près de Poone, elle était présente quand Mâ Anandamayî se trouvait en petit comité avec BKShah, ils étaient au-dessus d’une propriété au pied d’un grand jardin qui donnait sur la forêt.
Mâ a gravi les trois marches qui montaient à ce jardin, et soudain s’est mise à dire :
« Voilà ma maison, la fenêtre est ici, les murs sont là, je m'assieds là-bas et j'attends labhikshâ, l'aumône ! » On aurait dit qu'il s'agissait d'un oiseau qui s'envolait à la porte de sa cage, elle se retrouvait dans son élément en pleine nature.
Vijayânanda a confirmé en disant : « Mâ n’aimait pas les ashrams. Savez-vous quand son premier ashram a vu le jour ? Bhaiji l’a suppliée d'avoir un endroit où les gens puissent réciter son nom, mais elle a refusé. Finalement, il a tellement insisté qu'elle a cessé de refuser. Bhaiji a donc fait construire l'ashram, mais le soir même de son inauguration à Dhaka, elle est partie.
Elle est venue à Dehradun, et elle a habité dans un temple désaffecté de Raipur en dehors de la ville.
Plus tard, les gens ont appris qui elle était, et lui ont monté quatre ashrams sur Dehradun. (La propriété du quatrième est disputée).
Cependant, au début, ils pensaient que Bholonath avait pris le sannyâs, que son épouse était désespérée, qu’elle n'avait pas voulu le laisser partir seul et donc qu’elle le suivait et qu'ils étaient avec leur fidèle Bhaiji. Plusieurs fois je l’ai entendu dire à des gens qui venaient la visiter, alors qu'elle était sous un arbre : « Voilà mon ashram ! Si tu veux rentrer dans cet ‘ashram’ demande à Didi ! »

Krishnapriya raconte qu’elle était là juste après la mort de Gangadhar, unbrahmachari américain encore assez jeune, décédé brusquement d’hépatite fulminante.
Ses parents sont venus pour jeter ses cendres dans le Gange, l'ambiance était tout à fait poignante, c'était dans la cour principale de l'ashram (où nous étions assis pour le satsang comme tous les soirs). Mâ est sortie de sa chambre dans la cour avec une émotion au bord des larmes. Plus elle s’avançait, plus la mère en deuil se dégageait de ses émotions perturbatrices, et en fait se dégageait de son deuil, et quand Mâ eut fini de traverser la cour, la mère en deuil était devenue pratiquement normale.

Le lendemain, nous étions en petit comité avec les occidentaux qui avaient connu Gagadhar, et ses parents ont voulu offrir à l’ashram le plat d'argent qui lui servait pour la poujâ. Ils ont dit : « Mâ, c'est pour votre ashram ! » Mâ s'est exclamée : « Gagadhar est toujours avec moi ! Ce corps n'a pas l'ashram ! »
Finalement, elle a accepté le plateau d'argent pour faire plaisir aux parents.

Je n'ai jamais pu avoir de véritable entretien privé avec Mâ. À chaque fois qu’il y en avait un qui commençait, elle me regardait avec son regard débordant de compassion, et c'était fini. J'étais comme ivre, comme si j’avais bu du whisky, c'était l'amour fou, et ensuite pendant 15 jours je marchais deux centimètres au-dessus du sol. Est- ce que vous pensez que j'exagère ?

Non, c'était comme cela quand je suis arrivé : je ne parlais non seulement pas le bengali, mais même pas le hindi et pourtant je communiquais très bien avec Mâ par le coeur.

Vijayânanda dit à la femme médecin qu'elle paraissait jeune, mais celle-ci répondit qu'elle avait déjà 52 ans et quelques cheveux blancs.
Cependant, Vijayânanda continua en disant : « Quand on a le contact avec le Soi, on est éternellement jeune ! »

29 janvier 2010

Swamijî a redit, comme souvent, que le sage arrivé au sommet de la montagne voyait que tous les chemins y menaient, mais qu'il valait mieux suivre la voie dans laquelle on était né, parce qu'on avait une base, et que c'était dangereux de changer en cours de route.Si on quitte le chemin qui monte dans la montagne, on risque de tomber dans un précipice ! Je lui ai demandé : « Et vous-même, qu'avez-vous fait ? » Il a mis un peu de temps à répondre, et finalement a dit : « J'ai suivi Mâ ! Elle était au-delà des diverses voies, elle était universelle.
De plus, toutes les voies ont une base commune. Donc, je n'ai pas vraiment abandonné ma voie de départ, qui était le judaïsme. [Vijayânanda n’aimait pas qu’on dise de façon simpliste qu’il avait trouvé dans l’hindouisme ce qu’il n’avait pas eu dans le judaïsme. Il préférait insister sur le fait que, par rapport au grand fond commun de la dévotion véritable, les différences entre voies religieuses restaient minimes] »

17 février 2010

Krishnapriya témoigne : « Quand nous étions avec Mâ, il n'y avait plus de questions. Les foules elles-mêmes ne voulaient pas partir, le mental était arrêté, quand quelqu'un avait une question, souvent Mâ y faisait répondre par quelqu'un d'autre directement en son nom, tout cela se passait spontanément, et il y avait un moment où les assistants de Mâ devaient l'emmener, sinon les gens seraient restés toute la nuit avec elle. Comme ici même, si on n'avait pas éloigné Vijayânanda en l'emportant sur sa chaise, nous serions restés toute la nuit avec lui ! (Rires).
Grâce à cela, j'ai suivi la voie de l'amour fou avec Mâ, Vijayânanda aussi a commencé comme cela, mais ensuite il s’est rendu beaucoup plus loin avec la voie de la connaissance pratiquée intensément. »

Deuxième partie

Notes non encore publiées

Voici maintenant l’évocation du satsang du 24 février 2010, avec un grand groupe de la Fédération Italienne de Yoga qui est venu rencontrer Swamijî en pleine Kumbha-Méla.
Nous l'avons mise dans la lettre
in memoriam écrite à propos de Vijayânanda quelques jours après qu’il ait quitté son corps le 5 avril 2010 :

Le 24 février, le satsang a été empli d’une énergie peu ordinaire : la Fédération Italienne de Yoga est venue avec son président, E. Selvanizza et son épouse Antonietta.
Celle-ci est disciple de Swami Chidânanda, qui a été jusqu’à sa mort le successeur de Shivânanda à la tête de la Divine Life Society, et qui était aussi proche de Mâ Anandamayî.
Le groupe était constitué de plus de 60 personnes. Je n’avais jamais vu depuis 25 ans un groupe aussi grand aux pieds de Swamijî et on aurait pu avoir quelques appréhensions étant donné la voix faible de Swamijî, et le fait qu'il persistait à vouloir faire le satsang au moment le plus bruyant de la journée, lors de la poujâ dans le temple de Mâ, avec les haut-parleurs qui sont régulièrement à plein volume.
Cependant, il y a eu beaucoup de questions, et comme je répétais ce que disait Swamiji très fort, avec bien entendu la traduction d'Antonietta, le groupe a pu suivre aisément ce qui se disait, poser ses questions et avoir des réponses adéquates. De plus, Vijayânanda a offert à chacun des membres du groupe, pour la plupart professeurs de yoga, un petit tapis de méditation fabriqué par les ashrams de Gandhi.
Comme il n'y avait plus de questions durant cette période, chacun était plus sensible à la vibration de l’instant même, et on peut dire qu’il s'est agi d’un moment magique. Vijayânanda prenait tout son temps, gardait souvent plus longtemps le tapis sur sa tête, ou sur celle de la personne à laquelle il l’offrait. C'était la dernière soirée de ce grand groupe dans la région d'Hardwar/Rishikesh, on peut dire qu'ils sont repartis avec ‘quelque chose’, non seulement le tapis de méditation, mais aussi et surtout une énergie aussi subtile que pénétrante. La Kumbha-Mela est faite pour rencontrer des sages, et ces Italiens s'étaient entretenus avec l'un d'entre eux en la personne de Vijayânanda. Même si on ne peut sonder pleinement son niveau, on reçoit de lui directement de l’amour, c’est l’expérience d’un grand nombre parmi ceux qui sont venus le visiter.

Voici maintenant des notes du dialogue de Vijayânanda avec ces professeurs de la Fédération Italienne de Yoga, notes prises par Vigyânânand juste après le satsang :

− Est-ce que la peur est un obstacle sur la voie spirituelle ?

− Vijayânanda (avec une véhémence inhabituelle) : la peur est un très grand obstacle, il faut l'éliminer complètement. Moi-même, à Dhaulchina, je m'étais fixé comme but pendant sept ou huit ans de solitude de l’éliminer complètement, j'ai réussi à éliminer même les traces de peur.

− Vous dites de temps en temps qu’une peur en méditation est comme un signal rouge, cela indique qu'on n'est pas mûr pour certaines expériences et qu'il ne faut pas pousser.
− Même si une peur revient fortement en méditation, on doit regarder sa racine, et ainsi elle aussi sera finalement éliminée.

− Comment pratiquer le non ego dans les détails de la vie quotidienne ?

− Je me souviens, quand j'étais à Bénarès, je regardais les gens dans les rues ; je me suis aperçu qu'au début, le regard s'attachait au vêtement et qu'il en déduisait des choses sur le statut social de la personne, est-ce que c'est un pauvre travailleur, un bourgeois, etc.Ensuite, l'attention se dirigeait vers le visage, et là on voyait la souffrance de la personne, son histoire affective. Enfin, l’attention montait vers le regard, et là on discernait le Soi de cette personne, qui est en fait commun à tous. Quand on a réalisé que cette conscience divine, qui est à la base de nous-mêmes, est aussi à la base des autres, il n'y a plus de raison d'être dans l'ego. Sa racine même est éliminée.

− Comment le sage se situe-t-il face à la souffrance du monde ?
− Le sage est compassion, quand il voit la souffrance autour de lui, il cherche à aider. Seulement, après, il oublie, car s'il transportait toutes les souffrances du monde en lui, ce serait trop.

− Comment ce sage peut-il faire comprendre aux autres le sens de la souffrance ?
Il peut déjà expliquer aux gens que c'est un fruit de leur karma. Sinon, il peut prier le Créateur car c’est Celui qui a institué la loi du karma, qui seul peut la changer. [Il s’agit d’une réflexion que Vijayânanda faisait très souvent durant la dernière année de satsang, de même pour la réponse suivante]

− Comment prier ?

− Pensez aux enfants : de temps en temps ils ne font que gazouiller : « Maman,Maman !» ; mais à certains moments, ils crient vraiment en s'exclamant avec intensité : « Maman ! ». À ce moment-là, celle-ci comprend qu'il y a quelque chose de sérieux, et elle accourt immédiatement. Dieu fait de même, il ne comprend pas les mots, mais l'émotion. Si vous savez prier en criant vraiment, vous serez exaucés tout de suite.

− Nous arrivons d'Occident, comment nous voyez-vous ?

− Je vois l'état intérieur de chacun. En regardant le visage de quelqu'un, on peut se rendre compte de son état mental. [Survient un temps de silence où le groupe semble être anxieux, voire un peu embarrassé. Vijayânanda s’en aperçoit immédiatement et ajoute avec un sourire en s’adressant en aparté à la traductrice Antonietta Rozzi: « Nous n'aurions pas dû parler de cela, maintenant ils ont peur... »
Il rajoute un peu de commentaires plus généraux pour rassurer l'assistance, sans doute sur le fait qu’il ne va pas juger et condamner tous leurs défauts après un seul coup d’oeil]

− Pourquoi les nadîs, les canaux d'énergie, sont-ils bouchés chez les gens ordinaires ?
− [Vijayânanda revenait très souvent sur ce point] C'est à cause de leurs émotions négatives. Le mouvement des nadîs induit des émotions, quand on les maîtrise, on maîtrise la base des émotions, et donc les mouvements du mental. Pour moi, c'est Mâ qui m’a ouvert les nadîs, avant même que je parte en retraite complète pour un an à Almoravers 1953-1954.
Elle le faisait pour beaucoup de gens, mais nombre d'entre eux ne pouvaient le supporter, à ce moment-là elle les refermait. Pour ce faire, elle pouvait agir directement, de façon subtile, ou alors indirectement en leur demandant d'effectuer un travail. Par exemple, elle pouvait leur donner la direction d'un ashram...

Le yoga est très difficile, il faut être dirigé par un gourou compétent et qui vous indique quelles sont les pratiques qui sont bonnes pour vous. Même le karma yoga qui paraît le plus facile quand on est dans le monde, est très difficile. En effet, étant dans la vie courante, on a tous les facteurs d'agitation et de perturbation qui vont avec. Cependant, quand on fait un yoga difficile, il faut considérer que les obstacles font partie intégrante de la voie. On a une réussite pour cent échecs, mais il ne faut pas se décourager.

[Ici se termine ce satsang avec le grand groupe de la Fédération Italienne de Yoga. Nous revenons maintenant à des entretiens de fin 2008]

− Est-ce que le gourou peut faire la sâdhanâ à la place de son disciple ?

− Un jour, je n'allais pas bien dans ma pratique. C’était durant l'année où je suis resté à Almora sans voir Mâ entre 1953 et 1954, et c'est justement cette question que j'ai posée à Mâ, de façon à demi humoristique. Il est possible que le traducteur n'ait pas compris mon ton, en tous les cas Mâ m'a répondu très sérieusement en me donnant ce qui était, dans le bengali original, un véritable mantra : « Il faut être patient, rentrer à l'intérieur, et ensuite nizi nizer prakash aobe... Au plus intérieur de soi, la lumière viendra [spontanément] »

- Pour les moines et moniales, quelles sont les possibilités d'amitié spirituelle avec l'autre sexe ?
- Les consignes de séparation dans les ashrams de Mâ ont, sans doute, pu être trop extrêmes, mais il y a des raisons à cela. Les disciples sont comme des enfants, le gourou comme un parent qui leur dit de ne pas jouer avec le feu, sachant que sinon ils risqueraient de mettre le feu à la maison. Moi-même, j'ai senti de l'intérieur de rester sept ans sans parler aux femmes, bien que ce ne soit pas Mâ qui me l’ait demandé directement. Cela peut sembler extrême, mais je comprenais cela comme une partie de la discipline de l'ashram. On raconte à propos d’un disciple de Chaitanya Mahâprabhou (au Bengale au XVIe siècle) qu’il avait parlé avec une femme en faisant l'aumône. Chaitanya l’apprit, et le chassa de son ordre. Du coup, le disciple se suicida. C’est évidemment excessif, mais il faut comprendre que Chaitanya réagissait à une période de décadence où les moines vishnouites étaient plutôt emmêlés avec les femmes. D'un autre côté, il faut aussi bien comprendre que sans amour, il ne se passe rien. L'amour est comme l’essence qui fait tourner le moteur, sinon rien ne bouge.

− Est-ce que la dévotion à un maître ou à un dieu personnel peut être remplacée par un grand intérêt pour une idéalisation de la voie du yoga en tant que telle ?
− Cela, c'est de l'amusement, ce n'est pas pour ceux qui veulent aller vraiment loin dans la voie spirituelle. La sâdhanâ est comme un oiseau, on a besoin des deux ailes, la dévotion et la connaissance.

− N'y a-t-il pas un risque d'être piégé dans les expériences lumière ?
− Pour réussir à aller au-delà du guna de sattva, la pureté, qui est à la base de cesexpériences, l'intervention d'un vrai gourou est en général nécessaire. C’est comme si ilnous permettait de nous échapper d'une cage dorée.

− [La veille de Gîtâ-jayanti en début décembre, l'anniversaire annuel de la Bhagavâd-Gîtâ où l'on récite le texte par tiers sur trois jours, et le quatrième jour en entier] Est-ce que la Gîta est votre livre préféré ?
− La Gîta parle du karma yoga, du sens de l'action, en particulier du combat juste, c’est un enseignement sur les champs de bataille. Elle fait partie du Mahâbhârata, un livre qui pouvait être transmis à tous, à la différence des Védas réservés aux brahmines, et son message est simple et clair. Même sans commentaires, on comprend bien ce que Krishna veux dire.
De mon côté, j'ai une préférence pour les Upanishads, qui sont réservées traditionnellement aux brahmines. Les mantras sont les poèmes védiques eux-mêmes, pour les brahmacharis, les étudiants, et les brahmanas sont des commentaires et instructions sur les rituels destinés aux grihastas ; les aranyakas correspondent aux vânaprastha, ceux qui partent pour la forêt (vân et aranyaka tous les deux "forêts"), les Upanishads ont un lien privilégié avec les sannyâsis. Il faut savoir méditer sur leurs paroles et aussi ne pas hésiter à recourir à des commentaires.

Année 2009

− Peut-on dire que le vipâssana est inclus dans la perspective du védânta ?

− Oui, en ce sens que le védânta demande d'aller à la racine du mental. On y rencontre des émotions basées sur les sensations, et c'est ce qu'observe de près le vipâssana. Cependant, pour se libérer, il ne suffit pas d'observer les sensations, il faut éprouver la joie intense du Soi, alors tous les autres attachements pâlissent.

− [A une jeune femme qui pratique la méditation bouddhiste] Je ressens, quand je médite, de simplement laisser passer les pensées en les observant.
− Cela est utile en fait pour développer l'état d'observateur, mais celui-ci correspond à la joie pure. Il faut aller jusqu'au point où l’on s'absorbe complètement dans cette joie pure.

10 février 2009

− Est-ce que vous obéissiez à la lettre à Mâ ?

− Oui, pour la méditation. Pour les choses pratiques, je faisais fonctionner mon discernement. Parfois, le gourou peut vous tester. Un exemple : elle m'a demandé si je ne voulais pas devenir directeur de son hôpital à Bénarès. Je n'avais pas de compétence dans ce genre de travaux, j’ai donc refusé. En fait, elle était sûre que je refuserais, sinon elle ne m'aurait pas demandé. Ensuite, elle m’a conseillé d’aller à Dhaulchina, en fait, je ne voulais pas car c’était trop inconfortable. Il n’y avait ni eau, ni électricité, ni même de toilettes, et pratiquement pas de boutiques au village pour se nourrir. Mais Mâ m’a demandé de m’y rendre, j’ai pris cela comme un « challenge », j'ai voulu montrer que je n'avais pas peur d’y aller.

− Avez-vous toujours été végétarien ?

− Quand j'étais en France, je mangeais de la viande, mais maintenant, cela me dégoûte.C’est une question d'habitude.

− Est-ce que la faiblesse physique est du tamas ?
− Non, par exemple, Swami Ramdas jeûnait parfois tellement qu’il avait de la peine à continuer son pèlerinage, il était trop faible, mais son esprit était satvique. Le tamas vient souvent de la nourriture. La viande en particulier bouche les nâdis et est tamasique.

− À quoi servent les exercices de méditation précis, comme on trouve dans les Tantras, dans le kriya-yoga ou dans certains enseignements tibétains ?
− Mâ disait : « Les kriyas sont là pour secouer la torpeur, le tamas ». En fait, les kriyas sont faits pour les débutants. La plupart des gens sont endormis, les kriyas, tout comme les rituels, réveillent. Les techniques sont là aussi pour réveiller les pouvoirs, comme letou-mo par exemple qui développe la chaleur intérieure et la capacité de résister au froid.Il ne faut pas oublier également que les pratiques de magie sont des formes de kriyas, mais elles peuvent tourner à la magie noire. Quand la vie intérieure est éveillée, la manière de méditer vient spontanément. On ne peut pas faire d’un exercice une généralité. Il en va de même pour les conseils et kriyas que vous effectuez. Ce qui vous réussit à vous peut être inutile aux autres, voire même dangereux. Il en va de même pour les conseils et kriyas que vous donne le gourou personnellement.

En fait, il y a un trois niveaux d'enseignements, c’est ce qu'on dit dans la cabale [Vijyânanda revenait souvent sur ce point]. Le premier niveau est quand le maître enseigne à un petit groupe de disciples. Le second niveau est atteint quand il transmet un enseignement oral directement à un disciple seul à seul, et le troisième niveau est sans intermédiaire, quand la connaissance vient directement de l'intérieur du coeur du disciple.

(Vijayânanda, à sa petite nièce qui venait pour la première fois en Inde et était arrivée simplement dans le pays depuis 24 heures)
- Vous n'êtes pas choquée par la vie ici ?
− C'est vrai que c'est complètement différent, mais je m'étais préparée !
− Au fond, ces différences de culture sont superficielles, on le réalise quand on se relie directement au divin qui les dépasse complètement.

Vijayânanda garde peut-être pendant dix minutes ses mains avec celles d’une jeune femme qui avait tendance à la dépression et passait par des hauts et des bas. Sentant peut-être que cette attitude affectueuse chez un moine pouvait être critiquée, comme un attachement, il raconte l'histoire suivante de Sankarâchârya. Celui-ci un jour était rentré dans un débit de boisson, et avait bu de l'alcool. Comme a priori les disciples ont tendance à faire comme leur maître, certains en ont bu, mais certains autres s’en sont abstenus à cause du fort interdit chez les moines contre la consommation d'intoxicants.Ensuite, Sankarâchârya est rentré dans l'atelier d'un forgeron, a pris des braises et les a mises dans sa bouche : là, aucun des disciples n’a pu l’imiter.

12 août 2009

Après quatre mois de tournée en Europe et à l'île de la Réunion, je suis revenu au satsang de Kankhal :

− Est-ce que des rythmes physiques ou psychiques peuvent influencer la méditation ?
− Oui, c'est très intéressant de les observer. Pour moi, en solitude par exemple, je me suis aperçu que j'avais trois jours bien et trois jours plus tôt en bas ; pour d'autres, cela pouvaitêtre cinq ou six jours. Je n'en avais pas conscience. Quand on est pris par ces vagues, on croit que la période en bas va durer pour toujours, on se demande quelle faute on acommise contre Dieu pour en arriver là, et on s'emmêle encore plus dans le mal-être.

[Question de Françoise Estèves, qui a connu Vijayânanda et Jacques Vigne lors de voyages successifs en Inde et de retraites à Kankhal] :
- Est-ce que Jacques prendra votre relève ?
− Pour prendre la relève de quelqu'un, il faut déjà qu'il y ait un ‘quelqu'un’. Ici, il n'y a pas de « quelqu'un... »
Celui qui vous dit : « Moi, je suis votre gourou... » ne sera jamais un vrai gourou. Le vrai gourou ne se considère pas comme tel, mais comme un instrument du pouvoir supérieur. Il suffit de deux ou trois personnes et d'une foi intense en Jacques comme instrument du Suprême pour que ça puisse marcher...

15 août 2009

Un jeune Indien d'environ 25 ans, qui finit une maîtrise à l’université :

Que dois-je faire pour atteindre la Réalisation ?
− Justement, il faut ne rien faire, mais c'est ce qu'il y a de plus difficile ! Avancez pas à pas, concentrez d'abord votre esprit sur vos études, vous n’avez pas besoin de vous concentrer sur une bougie comme vous essayez de le faire. Concentrez-vous sur vos livres, ne vous attachez pas aux fruits de votre action comme on le demande dans le karma yoga, c’est le yoga que vous devez suivre pour l'instant. En plus, observez sérieusement les yamas-niyamas, menez une vie pure.


Une jeune Anglaise, professeur de yoga à Londres, ne comprenait pas le français, mais elle venait quand même s'asseoir régulièrement au satsang. A un moment, Vijayânanda la regarde et lui dit :
− Nous communiquons au-delà des mots, par le bhava, l’état intérieur : c’est comme dans les relations courantes, on sent rapidement l’état intérieur d’une personne et on dit si elle est sympathique ou non.

− Avez-vous rencontré des difficultés d'intégration dans l'ashram de Mâ même après être resté longtemps avec elle?
− Quand je suis revenu à Kankhal en 1976, ils ne voulaient pas de moi au sein du sadhukutir, car c'était l'endroit de vie des moines ultra-orthodoxes : Mâ m’a imposé, et ils m'ont accepté, c'était un petit miracle. !

Avec une jeune enseignante de yoga, londonienne, et qui n'avait pas dit qu'elle l'était :

− Pourquoi ne m'avez-vous pas dit que vous étiez enseignante de yoga, je vous aurais montré du respect, je vous aurais touché les pieds ! Il ajoute un peu plus tard : « Le yoga n'est pas la chose complète, c’est une étape sur le chemin ».

Le jour où elle repartait vers Londres, Vijâyananda expliquait que le véritable yoga est l'union des nadîs : ida et pingala et que cette union menait au mariage intérieur
En se tournant vers elle, il a ajouté : « Pratiquez le yoga réel ! »

− Comment dépasser les différences culturelles avec l'hindouisme ?

− Ce que je dis aux occidentaux qui vivent ici, c’est que, quel que soit l'endroit, un temple, une mosquée, une église − par exemple la chapelle de la Rue du bac où j'ai entendu dire que la dévotion était intense − le sentiment religieux est le même. Ne vous attachez pas aux détails de la culture hindoue, mais à l’élan dévotionnel de fond (Swamijî nous expliqua cela au moment même où avait lieu, dans le hall de l'ashram juste derrière, une semaine de lecture du Bhagavata-Puranam, avec le commentaire de l'histoire effectué par un pandit de Vrindavan : il s'agit d'une activité religieuse fortement colorée culturellement). Par ailleurs, pour ce qui est des textes, on peut dire que la Bhagavad-Gîtâre présente l'essence de l'hindouisme.

Un Indien de passage pour la première fois avec sa famille :- Avez-vous vu Mâ ?

− Je l'ai vue, je l'ai mise dans mon coeur et je l’y ai gardée.

− Avez-vous noté, écrit vos souvenirs avec Mâ, et les réponses qu’elle vous a données ?

− [En montrant sa tête] Pas besoin, tout est là ! Un grand gourou parle avec des mots très simples, il dit des choses vraiment profondes et décisives. C'est pour cela qu'il faut bien écouter ce que dit le gourou !

− Combien d'années Bholonath avait-il de plus que Mâ ?

− Je ne me souviens plus ! Quand le divin lui-même descend sur terre, il n’est pas important de s’occuper de tous ces détails...

− Comment le disciple peut-il mériter que le gourou lui ouvre les canaux d'énergie ?

− En maîtrisant les émotions négatives, qui risquent d’être très intensifiées par l'ouverture des nadîs. Mâ mettait en situation, par exemple de colère, les nouveaux disciples pourvoir s'ils tenaient le coup. Si c'était le cas, elle leur ouvrait les nadîs. Une fois, un disciple est devenu presque fou sexuellement. Le gourou doit voir cela pour ne pas aller dans le sens de l'ouverture de ces nâdis, si le disciple n'est pas suffisamment préparé.

28 novembre 2009

− (A Sonia Barbry qui parle très bien le hindi et sent un lien profond avec l'Inde) :

" Vous avez eu à l'évidence une vie antérieure en Inde : je peux vous en donner un certificat signé ! »


[Ce jour-là, beaucoup de gens avaient offert des fruits, des chocolats etc. car c’était la période des 95 ans de Vijayânanda. Il venait de passer 10 bonnes minutes à distribuer tout ce prasâd, après quoi il a fait cette remarque : « J’aime bien rester les mains vides ! »

Il y avait un catholique pratiquant dans l’audience. Vijayânanda dit en passant :
« La résurrection de la chair est une idée qui ne tient pas debout. Si tout le monde ressortait vivant de la tombe, il n'y aurait plus de place sur terre !
Cela est venu d'une mauvaise interprétation, trop littérale, de la prophétie d’Ezechiel, où il évoque la chair qui revient sur les os des morts.

Début de l'année 2010

- Demain, c'est Shivaratrî. Comment vous situez-vous par rapport à Shiva ?

− Shiva est l’éternel masculin : quand on se relie à lui, on bénéficie de cette force : il en va de même pour Durga, l'éternel féminin. Ceci dit, je ne me concentre pas sur telle ou telle divinité. Ce type de concentration est, en fait, pour obtenir un pouvoir, comme on le fait dans les Tantras par exemple. Ce serait de la magie.
En effet, c’est ce que font les magiciens pour obtenir telle ou telle chose.

− Vous dites que vous n'êtes pas un gourou, alors que les gens sont tout autour de vous pour recueillir vos enseignements?
− Le sage laisse parler Dieu en lui, il est un canal tout simplement. Il oublie qu'il est un sage, ouu un gourou.
‘Gourou’ veut dire lourd, important. Je ne suis pas important !

(Un jeune plus ou moins débutant en méditation) :

− Comment obtenir la paix de l’esprit ?

− En connaissant votre mental et vos émotions complètement !

− Est-ce que c'est de l'observation ?

− La véritable observation est très difficile !

À propos de l'ouverture des nadîs, Vijayânanda dit le plus souvent que cela vient de la grâce du gourou, ou sinon, de l'amour, principalement mystique, ou encore du prânâyâma. Pour celui-ci, il ne donne pas de conseils pratiques, il recommande de s'adresser à un gourou compétent dans ce domaine.

− N'est-ce pas de la torture que de vouloir absolument méditer en lotus ?

− L'avantage des positions jambes croisées, en lotus par exemple, c’est que lorsqu’on dépasse le côté physiquement désagréable de toute la phase de début, on développe une grande fermeté dans l'observation du mental. De plus, cela donne un coup de fouet à la kundalinî.

(Un père de famille israélien de passage pour la première fois auprès de Swamijî) :
− Mon fils suit la méthode Robert Monroe, qu’il a apprise aux États-Unis. Plusieurs heures par jour, il médite avec une musique diffusée par un casque, avec des différences légères de tonalités calculées pour mettre dans un état de conscience modifiée.

− Je ne connais pas cette méthode, mais je peux au moins dire que les fruits dépendent beaucoup de l'enseignant. Si celui-ci est bon, les résultats seront bons aussi !

(Un jeune Français un peu ‘speed’, mais qui s'implique aussi dans la spiritualité de l'Inde) :

− J'ai vu au bain royal de la Kumbha-Mela, pour Shivaratrî avant-hier, un gourou qui m'a plu ; une casquette de commando avec des lunettes noires de rocker, et ses disciples autour de lui qui étaient du même acabit. Pas conventionnel du tout, c'est ce qui me convient !» (Les autres auditeurs étaient un peu gênés par cette description peu habituelle, mais Swamijî a repris) :

« On peut très bien avoir un grand sage avec des tenues inattendues. Un jour par exemple, il y avait une fête à Dakshineshwar, le temple où Râmakrishna était poujari. Lors du banquet final, tout le monde a reçu le prasâd, sauf un mendiant. Celui-ci s'est finalement mis à manger avec les chiens. En Inde, c'est particulièrement impur de toucher un chien, et encore plus de manger avec lui. Cependant, Râmakrishna a demandé à son neveu, Hriday, de suivre le pauvre hère, en lui disant que c'était peut-être un grand sage et qu'il faudrait lui demander un enseignement. Effectivement, Hriday l’a rattrapé et le mendiant lui a déclaré : « Quand, à tes yeux, l'eau de cet égout qui se trouve devant nous et l’eau du Gange seront les mêmes, tu approcheras de la Réalisation ».

(On distribuait des chocolats noirs aux enfants. Quelqu'un a commenté en disant que certains d'entre eux auraient préféré du chocolat au lait. Vijayânanda a ajouté en souriant) : « Je suis comme eux, je préfère le chocolat au lait ! »

− Comment faire venir le pouvoir divin en nous ?

− Par la pureté mentale, cette qualité est très importante. Quand elle est là, le pouvoir divin remonte spontanément en nous, il est obligé de le faire [comme dans un vide créé par la pureté elle-même]

21 février 2010

Jean-Jacques Enjalbert passe au satsang avec sa compagne Lucie qui vient d'arriver de France.
Jean-Jacques vient au moins depuis une quinzaine d'années à Kankhal, pratiquement tous les ans. Il a ouvert près de Toulouse à Cordes-sur-Ciel (où il a une maison médiévale sur la place du village) un petit musée avec des photos et des paroles de Mâ Anandamayî. Des visiteurs y passent régulièrement. Il a l'habitude de rester dans des petits ashrams de Kankhal. Il n'a pas rencontré Mâ car il est arrivé en Inde après qu’elle eut quitté son corps. Cependant, Vijayânanda fait semblant de n’avoir pas bien compris et insiste en répétant :
« J'ai toujours pensé que vous aviez été avec Mâ : cela fait très longtemps que vous la connaissez, peut-être 50 ans ? »
Jean-Jacques accepte l’idée qu’il l’a rencontrée sous forme subtile, mais comprend en plus, ensuite, que Vijayânanda était, en fait, en train de lui délivrer un « certificat de vie antérieure » avec Mâ...

27 février 2010

En parlant de sa relation avec Mâ, et plus généralement de la relation d'un disciple homme avec un maître femme, il ajoute en riant : « il s'agit d'une relation d'amour pur.Sinon, ce n'est plus un maître, c'est une maîtresse... »

13 mars 2010

SATSANG – KANKHAL - (Recueilli par Vigyânanand avec la contribution de Joëlle Coiret)

Swamiji nous parle d'abord de la Kumbha Mela qui se déroule à Hardwar depuis plus d'un mois, puisque nous sommes venus à Kankhal pour participer à ce festival religieux qui est le plus ancien et le plus important pour les hindous.

VIJAYANANDA :
- Cette fête date du début de la création. Dieu a créé l'univers et a fait des choses miraculeuses. Quand Dieu a lancé le kumbha, le pot plein du nectar d'immortalité, un combat eut lieu entre les dieux et les démons. Pendant la bataille, quatre gouttes du liquide tombèrent en quatre endroits: Allahabad, Hardwar, Ujjain, Nasik. Les dieux ont gagné la bataille, fait un festin et bu.

Si vous prenez un bain dans le Gange, vous ne renaîtrez plus ici-bas. Vous renaîtrez dans des mondes supérieurs pour une libération progressive, étape après étape.Il faut y croire évidemment pour que cela soit possible. Les gens ressentent beaucoup d'émotions religieuses, ce qui crée une ambiance particulière. Après le bain, certaines personnes sont transformées, cela se voit sur leurs visages. Vous pourrez rencontrer des grands sages qui ne sortent jamais de leur retraite de l'Himalaya et qui viennent ici et vous donneront leurs bénédictions. J'ai fait ma première Kumbha Mela en 1951 ou 1952.Je n'ai pas eu la libération d'un coup; je m'étais trompé; ce serait trop facile de l'avoir en se trempant dans l'eau du Gange.
On l'obtient progressivement : c'est la krama mukti. La vraie libération, on ne l'a que par la connaissance du Vedanta. On ne renaîtra pas dans un monde humain, mais dans un monde divin.
A Bénarès, on peut être libéré, paraît-il: donc beaucoup de gens y vont pour mourir. Shiva y vient lui-même en leur soufflant au moment de la mort un mantra à l'oreille, le taraka mantra, formule sacrée qui permet de passer sur l'autre rive. J'ai connu deux personnes qui ont construit leur maison à Bénarès pour y mourir. Mais le monsieur reçut un télégramme pour aller à Bombay régler une affaire importante. Le lendemain, il y est mort. C'est le destin.

Q: -Y croyez-vous, Swamiji ? Demande un monsieur.

V: -Vous, vous n'y croyez pas ! Répond-il en riant. La vraie libération est de ne pas être identifié à la personne, mais de s'identifier au Soi éternel. Mâ parlait rarement de ce qu'elle était. Elle disait en montrant son corps : « Il est maya, illusion. Je suis omniprésente. »
C'est cela la réalisation parfaite. Des gens étaient venus qui avaient perdu leur enfant. Elle se conduisait alors tout à fait comme leur enfant, ce qui avait allégé grandement la douleur des parents.

Q: -Peut-on atteindre cet état?

V: - C'est une question de maturité ou il faut la grâce d'un grand sage.

Q :-Si tout le monde échappe au jeu du destin, il n'y aura plus de monde, remarque un jeune homme.
V: -Ramakrishna comparait cela au jeu des enfants avec leur cerf-volant. Quand le cerf-volant s'échappe, l'enfant pleure tandis que la Mère divine crie bravo. Mais chacun reste accroché à son cerf-volant ; la plupart des gens aiment l'illusion, ne veulent pas s'en échapper.

Q: -Qui sommes-nous ? Demande une dame.
V: -L'âme est éternelle. Tu es ce que tu es. Tu dois connaître ce que tu es. Si tu connais ton esprit et que tu peux le contrôler, tu peux aller où tu veux. Tu vas à la racine de l'esprit et quand tu connais tes limites, tu peux voir vraiment la réalité. Tu dois écarter le voile. La réalité est là, mais tu dois enlever le voile, connaître le fonctionnement du mental. Relisez les huit étapes de l' ashtanga yoga, dans les Yoga sutra de Patanjali, tout y est expliqué. Le raja yoga est une voie très difficile.

Q: -Je suis juif, demande un jeune Israélien. Comment réaliser le Soi?

V: -Tu dois trouver un guru, car contrôler l'esprit est très difficile. Cela ne se fait pas en une seule vie, c'est une voie progressive, qui se fait étape après étape. Beaucoup de gens veulent monter sur la lune, mais ce n'est pas facile. J'ai eu la chance de trouver le guide parfait en la personne de Mâ Anandamayî. Le sage, quand il voit quelqu'un de pur, est attiré comme les abeilles par les fleurs. Purifiez votre esprit et le guide apparaîtra automatiquement. Tu dois préparer ton esprit.

Q: -Faut-il passer par l'ascèse?
V: -Non, vous pouvez faire le karma yoga: vous faîtes votre travail en pensant que vous êtes l'instrument du Divin. C'est l'attitude qui est importante. Vous n'êtes pas obligés de renoncer au monde. La méthode diffère selon chaque individu; il n'y a pas de règle générale, mais des voies différentes. Plusieurs voies sont imbriquées: la voie de la dévotion amène à toutes les autres voies, y compris celle de la connaissance. On ne peut pas les séparer. Quand j'étais à Dhaulchina, je m'étais fixé comme but de vaincre la peur.J'y suis arrivé. Le Divin Suprême, si vous faîtes un pas vers Lui, Il en fait dix vers vous.

Swamiji consacre alors quelques minutes à la dédicace d'un ou deux livres malgré sa fatigue et son enseignement est souvent interrompu par des demandes de bénédictions de la part de visiteurs indiens venus de campagnes lointaines à l'occasion de la Kumbha Mela.

Q: -Qu'est-ce qu'un guru?

V: -Le vrai guru est Dieu incarné, tous les dieux incarnés. Ce n'est plus une personne, mais Brahman. Quand on fait japa, on le dédie au vrai guru qui est le Dieu incarné. Mâ adit: « Il n'y a qu'un seul guru, c'est le Divin Suprême. »

Q: -Je vous considère comme mon guru, remarque une dame.

V: -Je ne suis pas un guru. Le guru, c'est le Divin lui-même, c'est le Pouvoir Suprême, vous le trouverez dans votre coeur.

Q: -Pouvez-vous nous expliquer le sens de shaktipat?

V: - Ce terme a plusieurs sens: ce peut être le don du pouvoir par le guru; ou le chemin de Shakti, le pouvoir divin ou la kundalini selon les conditions. Comme lorsque j'ai rencontré Mâ la première fois, il s'est passé quelque chose d'extraordinaire. J'étais venu en Inde pour un mois, j'ai tout laissé tomber, je n'avais plus besoin de retourner enFrance. Les gens croyaient que j'étais cinglé. Ils sont presque tous morts maintenant, pas tous. Mon beau-père, qui était rabbin, disait que j'avais trouvé une femme, que j'étais amoureux.

Q: -La connaissance peut-elle être donnée par le Divin par intuition?

V: -Il faut que la personne soit prête. Quand vous jetez des graines sur une terre aride, rien ne vient; il faut un endroit fertile.

Q: -Comment être sûr que c'est sincère et non une ruse de l'ego?

V: -Il faut avoir un guru qui peut le dire.

Q: -Que faire pour purifier le mental?

V: -Il faut faire des choses simples comme lire des livres sacrés, rechercher la compagnie des sages, répéter des mantras. Il faut que ça imprègne la personne.

Q: -Est-ce que cela doit être associé à des visualisations ?

V: -Non, ce qui est important, c'est le BHAV: la couleur de l'émotion. Vous répétez le mantra constamment et peut-être qu'une seule fois, le bhav sera parfait. Si le bhav est parfait, le dire une seule fois suffit. Je ne suis pas un guru, répète-t-il.

Q: -Je répète le mantra que vous m'avez donné.

V: -Si cela vous donne de la joie, vous pouvez le répéter.C'est bien de venir à la Kumbha Mela. Il faut venir.

Q: -Mais on ne peut pas toujours méditer avec le bruit, remarquent certaines personnes.

V: -On va vous faire un discount: au lieu d'une heure, vous méditerez dix minutes.

14 mars 2010

SATSANG - KANKHAL

(Recueilli par Vigyânânand avec la contribution de Joëlle Coiret)

Q : Est-ce que la réalisation passe forcément par la montée de la kundalini?

V : Non, cela peut être par la vision de Dieu. On interprète la kundalini comme on veut.C'est une réserve de force supérieure en chacun de nous. Un éveil de colère peut être l'expression de la kundalini, mais cette force peut aussi avoir une coloration spirituelle.

Elle est utilisée par la voie du raja yoga qui fait partie de l'ashtanga yoga. C'est l'énergie vitale de base, qui peut aider des gens déjà spirituels. Les personnes qui sont sur la voie de la connaissance n'ont aucune idée de la kundalini, tandis que ceux qui sont sur la voie de la dévotion honorent Krishna ou une autre image du Divin.

Q : D'où vient la lumière que les Saints expérimentent ?

V : C'est une interprétation du mental. Les gens voient des choses différentes. Les expériences spirituelles sont inexprimables; les mots ne sont que des points d'attache.Lorsqu'ils disent: « j'ai vu Krishna ou Jésus », ce n'est qu'une interprétation. Les expériences sont interprétées selon l'inconscient de la personne. C'est pourquoi l'enseignement spirituel est secret. Chacun le vit selon sa réserve mentale. L'expérience spirituelle est au-delà de la parole, elle est sa propre preuve, donc elle est secrète. C'est une expérience difficile. Quand on veut l'exprimer, on la dilue, on la déforme car elle est inexprimable. Dans la Kabbale, on voit trois degrés d'expérience spirituelle : dans le premier, le maître parle à plusieurs disciples; dans le deuxième, il parle à un seul disciple qualifié; dans le troisième degré, on ne peut pas parler, l'éveil vient de l'intérieur.

Q : Est ce que la pratique seule suffit à progresser sans intellectualiser?

V : Il faut l'éveil intérieur; il faut ouvrir les canaux de lumière qui sont bouchés. C'est difficile; c'est pourquoi l'enseignement spirituel est secret. Chaque mot peut sinon êtredéformé.

Q : Renaîtra-t-on dans le meilleur des cas dans un monde supérieur?

V : Il y a un autre monde dans lequel les formes de libération existent. Même dans ce monde-ci, il y a beaucoup de vibrations que vous ne sentez pas. Si je le dis, on m'accuse de folie. On ne me brûlera pas, ce n'est plus à la mode. Nous percevons de l'infra-rouge à l'ultra-violet, mais au delà et en deçà, on ne voit pas toute la réalité qui existe. De même pour l'audition. Nos sens sont limités. Il en est de même pour la connaissance spirituelle.Notre capacité de perception est limitée. Ne pas percevoir toutes les vibrations est une protection pour les gens qui ont des expériences spirituelles trop fortes.

Q : Merci.

V : Merci de quoi?
Dans la réalité suprême, on est un avec le Divin. Au-dessous, le mental compartimente. On croit qu'on a une famille, un mari, une épouse, un métier, un emploi, des enfants...C'est une illusion. Vous êtes la conscience omniprésente. Toute la vie est de se libérer des conditionnements et des croyances; et d'être un avec la ConscienceUniverselle. Les grands sages ont perdu leur identification avec le corps ou le mental.C'est ce que m'a dit Mâ avant sa mort: les grands sages ne sont limités ni par leur corps, ni par leur mental.

Q : Quelles sont les étapes nécessaires à la Réalisation?

V : Il faut suivre une route progressive : on a besoin du corps pour atteindre l'éveil. Vous êtes nés être humain, donc il faut travailler avec le corps. Sublimez la nature humaine et vous arriverez au Divin. Sublimer le mental, c'est transformer les vibrations grossières en vibrations subtiles. De l'amour pour le mari, on passe à l'amour pour le pays, puis à l'univers entier et par conséquent au Divin. Le Divin, le Suprême, c'est l'essence de tout;on aime alors l'essence de toute l'humanité. C'est un chemin long et progressif.

Q : Existe-t-il des moyens pour le raccourcir?

V : Oui. La compassion qu'un sage a pour vous peut le faire; c'est alors un miracle. On vient à la Kumbha Mela pour trouver un sage parfait, mais il est très difficile de le reconnaître. Il faut pour cela une inspiration. Mais surtout si on parle des expériences spirituelles, on peut les perdre. Les mots n'intègrent pas, ils diluent et déforment l'expérience.

VIGYANANAND : Pourtant les mystiques créent des poésies merveilleuses.

V : Les vrais mystiques ne parlent pas, ou il faut en parler avec des gens très mûrs qui peuvent comprendre. Et ils vous diront quelques mots seulement pour vous montrer la direction.

Q : Si nous nous trouvons dans une crise spirituelle profonde, que faut-il faire ?

V : Appelez Dieu sincèrement à l'aide et il viendra.

Q : Demain nous irons tous au Somawati Aamavasya Dvitya Shahi Snaana, le grand bainroyal de la nouvelle lune dans le Gange, l'un des plus importants de la Kumbha Mela. Quels conseils nous donnez-vous?
V : Au bain rituel, il faut avoir la foi car c'est efficace. Pour ne pas se faire écraser, il faut y aller dans un groupe protégé par les forces de l'ordre et les organisations des Akharas. Vous avez déjà mes bénédictions, car vous êtes venus avec de bonnes intentions.

15 mars 2010

SATSANG – KANKHAL
(Recueilli par Vigyânanand avec la contribution de Joëlle Coiret)

Ce matin, nous étions un petit groupe d'une quinzaine de Français de l'ashram de Mâ Anandamayî rassemblés, vêtus de blanc, et nous avons pu grâce à VIGYANANAND (Jacques Vigne) et à Dinesh SHARMA, son assistant, défiler avec l'akhara Panchayati Mahanirvani pour aller prendre le Shahi Snan, le grand bain sacré, un des trois bains principaux de la Kumbha Mela.
La très longue procession rassemblant tous les ordres monastiques et des centaines de Nagas, nus, couverts de cendres et considérés comme des réincarnations de Shiva, s'étirait sur des kilomètres de Kankhal aux ghats d'Hardwar.
Pendant quatre heures, nous avons lentement progressé dans le cortège, dans la ferveur joyeuse des chants et des prières et nous nous sommes baignés dans le Gange aux reflets de jade, juste en amont du célèbre Hari ki pauri ghat. Journée mémorable pour nous tous, au milieu des 20 millions de personnes présentes

Comme tous les soirs, malgré sa fatigue, Swami VIJAYANANDA est présent pour le satsang et nous avons de plus en plus de peine à distinguer ses paroles heureusement relayées par Vigyananand et une des disciples fidèles. Il faut dire que les haut-parleurs tout proches amplifient à cette heure-là la musique des hymnes en l'honneur de Mâ.
Il commence par nous expliquer le caractère sacré et exceptionnel de ce grand bain royal par des considérations cosmogoniques : tous les 84 ans, la date de la nouvelle lune tombe un lundi, jour de la lune. Tous les douze ans, les positions de Jupiter Brahaspati, du Soleil et de la Lune dans les constellations respectives des Poissons, du Bélier et du Cancer sont particulières.

V : Si vous avez la foi, l'influence de cet événement est très puissante. A partir du 14janvier, le soleil se lève de plus en plus vers le Nord. C'est un fait peu connu en Occident, mais de prime importance pour les Indiens. Dans le Mahabharata, le grand sage Bhishma avait reçu la grâce de mourir à volonté. Ce don lui avait été donné par son père le roi veuf Shantanu, qui était tombé amoureux d'une femme de basse caste. Le père de celle-ci exigeait que son futur petit-fils soit le seul héritier du royaume.
Bhishma, premier fils de Shantanu et de Ganga, renonce donc à son droit légitime de régner et fait voeu de chasteté afin que sa propre descendance ne réclame pas non plus ce droit.
En reconnaissance, son père lui donne le don de mourir à la date qu'il aura choisie. Dans le Mahabharata, il est dit qu'il fit « un voeu terrible », d'où le nom de Bhishma qui signifie «le Surhumain ». Pour moi, ce n'était pas un voeu terrible.
Depuis ma rencontre avec Mâ, j'estimais que cela était un voeu naturel. Vers la fin de l'épopée, Krishna prend ce héros comme modèle de renoncement, de maîtrise de soi et de compassion, les trois qualitésindispensables à tout monarque: pendant la bataille de Kurukshetra. Il fut blessé et transpercé de flèches et attendit ainsi pendant 58 jours le moment qu'il avait fixé pour sa mort, c'est-à-dire le moment où le Soleil, ayant fini sa course vers le sud, entamerait sa montée vers le nord. Bhishma est un héros moral qui a renoncé à la royauté par respect pour son père, c'est un personnage intéressant.
Ca vaut la peine de lire le Mahabharata. Il y a beaucoup de répétitions, des descriptions de combats très longues et pour attirer le lecteur beaucoup de porno. Un dicton indien dit que, lorsque l'on écrit un texte long, c'est comme le Mahabharata. Il y a tout dans ce livre. D'où l'intérêt de lire l'édition complète. Je ne me prononce pas sur la vérité des faits : les héros sont des demi-dieux.

Swamiji raconte ensuite l'épisode d' Ashvatthaman, le fils de Drona :

V : Yudhishthira annonce à Drona son rival le décès de son fils Ashvatthaman pour l'abattre moralement dans un premier temps. En réalité il a menti et ajoute à voix basse, sans être entendu :
« Ashvatthaman, l'éléphant.» Dans de très rares circonstances, comme ici pour sauver un grand nombre de vies humaines, on peut se servir du mensonge.

Swamiji continue:
V : Ca vaut la peine d'apprendre le sanskrit pour lire la Bhagavad Gita considérée comme le cinquième Veda, qui est un texte très simple, pas difficile. On a ainsi l'esprit du texte avec les mots sanskrits décomposés. Le mieux est vraiment de lire le texte original. J'ai appris le sanskrit avant de venir en Inde, sur les conseils de mon premier guru.

Q: Comment avez-vous appris l'hindi?

V: Je l'ai parlé naturellement après un an de solitude. La mémoire des vies antérieures était revenue. Je n'ai fait aucun effort, c'est venu comme ça, par réminiscence d'une vie antérieure. Mon voisin dans le bus ne voulait pas croire que je n'étais pas Indien.

Une jeune Indienne Anandasri (« Félicité splendide ») est venue de Bombay pour la Kumbha Mela ; elle réside dans le camp de Paramahansa Yogananda et a lu des livres sur Mâ Anandamayî. Très émue, après s'être prosternée devant Swamiji et après une longue contemplation silencieuse, elle se présente et dit:

Q: Demain, j'irai méditer dans la grotte de Babaji dans le Kumaon.
V: J'ai été moi aussi le babaji de Dhaulchina.
Q : Je viens vous demander vos bénédictions.

Après lui avoir posé la main sur la tête, Swamiji l'envoie alors au samâdhi de Mâ.
V: Dîtes à tout le monde que je ne suis pas un guru. C'est pourquoi j'envoie les personnes à Mâ, pour qu'elles reçoivent des bénédictions spirituelles. Si on me donne cette réputation, c'est une catastrophe.

Krishnapriya, une fidèle suisse de Mâ depuis des dizaines d'années, lui dit:
Q : Avec votre niveau, vous êtes un sadguru.
V: Ne dîtes pas cela. Mâ disait qu'il n'y a qu'un seul guru : Bhagavan lui-même. Alors je lui avais dit qu'on pouvait la considérer comme Bhagavan. Depuis elle a été mon guru. Elle était ce qu'on pensait qu'elle était.

Nous remercions sincèrement VIGYANANAND, Dinesh SHARMA, Manoj RAWAT pour nous avoir permis de rencontrer des êtres exceptionnels et de vivre des jours inoubliables dans les meilleures conditions.

Nous rendons hommage à VIJAYANANDA, ce grand sage, dont les paroles distilleront longtemps en nous leur intensité et leur profondeur.

Il a quitté son enveloppe corporelle le lundi de Pâques 5 avril 2010 et sera inhumé le lundi 26 avril 2010 aucimetière du Père Lachaise, à Paris.

« Enfin, les forces vitales, entièrement maîtrisées, ne pouvant s'échapper par nul orifice, traversèrent le sommet du crâne et s'élevèrent vers le ciel. Elles rejoignirent les cieux comme un immense météore et s'évanouirent dans la voûte d'azur. Ainsi le sage se confondit avec l'Eternité. »

(Mahabharata. IV. La mort de Bhishma.)

31 mars 2010

Il s’agit du dernier satsang que j'ai eu avec Vijayânanda.
Nous étions avec un groupe de Français venus pour voir la Kumbha-Mela et rencontrer Swamijî.
Durant le bhajan après l’arati du soir, le chanteur venait de commencer un chant à Shiva qui est repris souvent, Om Siva Shankara, bom,bom, hara, hara.
Vijyânanda expliqua : « Hara est un bîj-mantra, un mantra-semence de Shiva qui signifie en fait ‘détruis !’.
On lui demande de détruire la douleur, le mal, l'attachement, la souffrance. C'est une libération. Shiva, plus spécifiquement, est le dieu des moines, justement parce qu'il détruit les attachements ».
Et Swamiji d’ajouter en souriant ; « Il casse tout »...

Nous avons reçu le témoignage d’Isabel Fournier, qui a un gîte d’étape dans le Gerssur le sentier de Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle s’est trouvée avoir été au satsang de Swamiji régulièrement pendant les six dernières semaines. Elle nous a fait parvenir son témoignage et ses notes qui méritent d’être lues :

Il y a un an, mon ami et moi avons décidé de remonter le Gange jusqu'à Kankhal. Le principal but de notre périple était de rencontrer Swami Vijayânanda que nous connaissions à travers les écrits de Jacques Vigne. Par ailleurs, un documentaire sur lui nous avait beaucoup touchés, nous souhaitions vivement le rencontrer. Nous avions une adresse, rien de plus. Nous ignorions tout de Mâ Anandamayî, nous ne savions pas ce qu’était un satsang et étions loin de nous imaginer qu’à son âge Swamiji accueillait encore chaque soir des visiteurs.

Lors de notre premier satsang, nous avons été aussitôt conquis par cet homme, son amour et son humilité nous ont touchés de plein fouet. Les deux jours prévus initialement se sont transformés en deux semaines. Après notre dernier satsang, nous avons attendu devoir monter Swamiji dans sa chambre pour lui faire un dernier signe et là, il nous a chanté « Ce n’est qu’un au revoir », alors forcément nous sommes revenus.

En cette année propice de Kumbha Méla, je suis revenue fin février. Mon ami, qui initialement ne devait pas venir, m’a rejointe plus tard.

J’ai passé les six dernières semaines aux côtés de Swamiji. J’étais loin d’imaginer qu’il s’agissait des dernières. Son esprit et son regard étaient tellement clairs.

Bien sûr, ces derniers moments ont été riches, intenses.

Curieusement, la première phrase qui figure dans mon carnet de notes est la suivante :« Si on souffre de la séparation d’un être avancé, c’est bon, on pense à lui et il nous transmet ses bonnes vibrations. » Quelques jours avant son départ, il a répété que l’émotion de la séparation était plus forte que celle de la présence. Aujourd’hui, Swamiji est avec nous partout, à chaque instant.

Au cours de ces six semaines, il a bien sûr longuement parlé de Mâ Anandamayî, en nous disant, entre autres, qu’elle leur apprenait à être contents en toutes circonstances, qu’elle leur donnait la joie intérieure, qu’elle avait un rayonnement d’amour et de paix et que les gens venaient pour ça.

Il a aussi parlé d’humilité, en disant qu’il fallait savoir rester humble tout en gardant sa dignité, du « bhav », de l’émotion religieuse, de l’amour qui est le point de départ de toute pratique, de l’intention qu’on met en chaque chose. Il a souvent évoqué le karmayoga, la lecture des textes sacrés, le Mahabharata, la Bhagavad Gita.

Il a cité Swami Ramdas en nous disant qu’il était très humble et que grâce à ça, il était devenu très grand, ainsi que Neemkaroli Baba et d’autres grands sages.

Il a insisté sur la maturité du bon disciple : « Soyez un bon disciple et vous serez une rareté. » « Le vrai guru, c’est le pouvoir divin, quand il voit que vous êtes prêt, il vient soit directement soit sous forme humaine. Dieu vous guette. »

Son enseignement était toujours teinté d’humour : « L’enseignement spirituel dans les livres, c’est comme des fruits en conserve. » A quelqu’un qui lui demandait la bonne attitude à avoir face à des enfants rebelles, il commença par répondre en souriant : « Leur flanquer quelques gifles » et finit par lui conseiller de leur donner de l’amour.

A une personne qui lui demandait quel conseil il pourrait donner dans notre quête spirituelle, il a répondu que dans l’ashram de Shivananda figurait partout sur les murs la phrase suivante : « Be good, do good ».

C’est une véritable grâce que de l’avoir rencontré et une vraie bénédiction d’avoir passé ces dernières semaines de Kumbha Mela 2010 à ses côtés. J’admirais son parcours, sa simplicité, sa clairvoyance, l’amour et l’énergie qu’il transmettait. Ses conseils seront précieusement gardés dans mon cœur et continueront d’orienter mon chemin.

Ma prise de notes s’achève sur ces mots : « Nous ne sommes pas sur cette terre pieds et poings liés, il y a des portes de sortie, il faut les connaître. »
Swamiji nous a orientés vers plusieurs de ces portes, qu’il en soit profondément remercié.

(Textes rassemblés par Geneviève - Mahâjyoti)