Chapitre IV
LE POUVOIR DU YOGA
Shrî Mâ a dit que pendant quelque temps, son corps traversa une phase où les diverses posture yogiques se manifestèrent naturellement. Elles apparurent aussi souvent quand elle était en solitude, loin du regard des autres. A ce propos Mâ a dit un jour:"De même qu'une graine a besoin de l'obscurité dans le sol pour pouvoir germer et donner une plante, de même, dans le cours de la sâdhana, les pratiques effectuées entraînent des transformations d'une façon indirecte." Parfois ses mains, ses pieds, sa nuque étaient tellement pliées qu'on ne voyait pas comment ils pourraient revenir à la normale.
Un jour, Shrî Mâ déclara:"Il y avait une lumière si brillante qui sortait de ce corps que tout l'espace environnant en était illuminé. Cette lumière semblait se répandre progressivement et envahir tout l'univers. Dans cet état, elle se couvrait d'un voile supplémentaire et se retirait longtemps dans un coin isolé de la maison.
Pendant cette pèriode, son corps rayonnait d'un pouvoir divin tellement intense qu'elle pouvait d'un regard plonger les gens dans un état d'oubli d'eux-mêmes. Certains, en lui touchant le pied, tombaient inconscients. Les endroits sur lesquels elle s'allongeait ou s'asseyait devenaient presque brûlants.
A Dacca, j`ai moi-même été témoin de divers processus yogiques qui se déroulaient chez Mâ. Parfois, son souffle était soit complètement arrêté pendant une longue durée, soit si fluctuant qu'on craignait qu'elle ne meure d'asphyxie.
Un jour, quand je lui montrai un livre décrivant certaines postures de yoga, elle en indiqua les défauts quant à la position de la tête, des pieds, des cuisses ou d'autres parties du corps. Ceux qui ont eu la chance de passer quelques temps auprès d'elle ont dû remarquer qu'elle restait dans une posture donnée plusieurs heures d'affilée, sans le moindre mouvement, ou qu'elle redevenait complètement silencieuse au beau milieu d'une conversation. Dans cette état, son corps était inerte comme une statue, ses yeux ne cillaient pas, son regard était paisible, stable et plein de charme. Durant ces états (avasthâ), il était évident qu'elle était remplie à l'intérieur d'une immense félicité. Elle accomplissait les gestes quotidiens d'une façon mécanique. Dans ces pèriodes, elle ne ressentait ni le chaud ni le froid, ni l'envie de manger ou de boire, à moins qu'on ne lui rappelle. Même quand elle revenait à la conscience du corps, il lui fallait beaucoup de temps pour retrouver son état normal.
Nous avons aussi remarqué à plusieurs reprises que si on la laissait à elle-même pendant quelques jours d'affilée dans ces états d'auto-absorption, elle semblait avoir oublié comment parler ou rire, et même comment distinguer entre différents aliments ou boissons.
Bien des gens souhaiteraient être témoin d'une manifestation de ses pouvoirs surnaturels. Je leur suggère de venir passer quelques temps auprès de Mâ et d'expérimenter la merveilleuse influence qui émane d'elle à chaque instant et par laquelle même les coeurs desséchés retrouveront une vie épanouie. Sa compassion gratuite les amènera à s'engager sur la voie de la recherche intérieure.
Un après-midi, j'allai à Shabag avec Niranjan. Shrî Mâ et Bholanâth étaient assis là. Il y avait des dessins sur le sol. Bholanâth dit:"Ta Mère a dessiné les chakras" En entendant cela, elle dit:"En me promenant à l'heure de midi, je me suis assise en posture de yoga et j'ai vu des chakras en forme de lotus, du centre supérieur de la tête jusqu'en bas de la colonne vertébrale, à quelques centimètres les uns des autres. J'ai pu observer qu'il y a une succession de centres ascendants de plus en plus subtils (sûkshma), dont je n'ai dessiné ici que les six principaux. Je ne les ai pas représentés de mon propre chef, c'est la main qui s'est mise à se déplacer sur le sol. Voilà comment ces dessins ont vu le jour.
A travers ces centres se manifestent les différents types de fonctions sensorielles; les conditionnement s de cette vie et des vies antérieures (samskaras) les différentes émotions et les besoins. Les actions ou les états émotionnels des gens sont basés sur les mouvements rapides ou lent d'e l'énergie (prâna ou vayu) dans les canaux. Ces centres, bien qu'étant séparés, agissent de concert et sont interpénétrés à la manière des cinq éléments de la nature. Avec un peu de réflexion, vous comprendrez que lorsqu' état d'esprit de quelqu'un est pur et rempli de joie, l'énergie est dirigée vers le haut. De même que c'est par le fond du puits que l'eau y pénètre, que c'est par les racines de l'arbre que la sève se constirue, de même il y a à la partie inférieure de la colonne vertébrale la grande énergie (mahâ-Shakti), forme primordiale de l'énergie vitale (jîvan-Shakti) Quand vous purifiez patiemment la vibration qui en résulte frappe des centres de plus en plus élevés. Les forces piégées au niveaux inférieurs cherchent leur voie vers le haut. Toute la léthargie due aux instincts et aux conditionnements passés (samskâra) se dissipe comme brume au soleil. Par la percée (bheda) dans ces centres, l'habitude de l'attachement aux objets des sens s'atténue.
"Quand l'énergier (Shakti) qui se dirige vers le haut atteint le centre qui se trouve entre les deux yeux, le passage du 'vent' (vayu, une des formes de l'énergie) se libère et devient facile dans tout le corps. Le pratiquant se met alors à avoir une certaine expérience de l'essence des choses et à pénétrer la signification des questions "qui suis-je?" "qu'est-ce que le monde?" "qu'est-ce que lq création?" En continuant dans ce sens, les conditionnements passés sont déracinés et la méditation atteint des niveaux de plus en plus élevés; le pratiquant se dissout dans 'la grande expérience (maha-bhâva), c'est à dire qu'il atteint le samâdhi, l'état de félicité éternelle. Quand les différents centres (granthi lit.'les noeuds') commencent à s'ouvrir, le pratiquant commence à entendre différents sons, comme celui des cloches, des conques, des flûtes, etc. Ceux-ci par la suite se dissoudront dans la 'mer du grand son' (maha-dhvani) qui s'étend jusqu'aux confins de l'univers. A ce stade, aucun objet ou émotion venant de l'extérieur ne peut distraire l'attention du pratiquant. Plus ce dernier progresse, plus il pénètre le courant d'immortalité lié au 'grand son'; enfin, la conscience atteint l'état de non-séparation dans la profondeur insondable de ce 'grand son'".
Deux ou trois ans après ces propos de Mâtaji, je lui montrai la représentation des six centres vitaux publiés dans La Puissance du serpent du juge Woodroffe. Shrî Mâ n'y jeta même pas un coup d'oeuil et dit en riant de bon coeur:"Ecoute ce que je t'explique'. Elle décrivit alors chaque centre, la nature des lotus, leur couleur et leur nombre de pétales, avec leur mantra et yantra. J'ai pu vérifier que les représentations du livre correspondaient exactement à ce que Shrî Mâ décrivait.
Elle ajouta:"Je n'ai rien lu sur ces centres auparavant, je n'ai pas non plus entendu dire quoi que ce soit sur eux. La description que j'en donne découle de ma propres expérience." Quand on lui demanda plus de précisions, elle répliqua:'Les couleurs que vous trouvez dans les livres ne sont que des ornements extérieurs. La même substance qui forme le cerveau constitue aussi ces plexus, mais leurs formes, leur structures et leurs fonctions varient. Chacun a sa constitution spécifique à l'intérieur, de même qu'à l'extérieur les yeux, les oreilles, le nombril ou les lignes de la main sont différents. Ils sont caractérisés par des couleurs, des mantras-semences et des sons variés à cause des courants de diverses formes d'énergie (prânâ et vayu). Au début, quand toutes sortes de mantras sont sortis de ma bouche en lien avec des modifications de la respiration, je me suis demandé ce que tout cela signifiait. La réponse vint de l'intérieur et j'ai pu voir directement ce qu'il y avait dans chaque centre, ce qui est décrit dans les représentations que vous m'avez montrées. Tous ces centres s'ouvrent quand il y a purification de la mémoire inconsciente (chitta) et des émotions (bhâv) par la pratique des rituels, le chant sacré, par la méditation, le discernement à propos de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas (tattva-vichâra) et les excercices de yoga pratiqués avec persévérance et concentration. Sinon, l'être humain ne pourra sortir de l'orbite (chakra) des émotions perturbatrices comme le désir, la colère, etc..."
Un jour, Mâ se rendit à l'ashram de Siddeshvari avec tous ceux qui étaient présents. L'endroit était quasiment abandonné. Il y avait là un petit autel. Mâ s'assit dessus; tous les fidèles l'entouraient, plongés dans leurs propres pensées. Son corps se rétrécit tant et si bien que nous avions l'impression qu'il ne restait que le sari sur l'autel. Personne ne pouvait la voir. On se demandait ce qui allait pouvoir se passer. Petit à petit, un mouvement se fit sous les vêtements, un corps reprit doucement forme et elle apparut, très droite. Pendant une demi-heure, elle regarda fixement vers le haut puis dit tout d'un coup:"Ce n'est que pour votre travail que vous avez amené ce corps ici."
Shrî Mâ dit.' De même que le cerf-volant peut voler très haut en étant attaché à un fil léger, de même le yogi qui est attaché à sa respiration et à un fil de samskara peut flotter dans les airs, rétrécir son corps aux dimensions d'un grain de poussière, devenir très grand ou même disparaître complètement."
Nous avons entendu dire que beaucoup de gens reçoivent l'initiation de Shrî Mâ en rêve, tandis que d'autres obtiennent des fleurs avec un mantra, et trouvent effectivement ces fleurs quand il se réveillent: mais nous n'avons jamais rencontré quelqu'un qui ait été concrètement initié par Mâ.
Nous avons également entendu dire que de nombreuses personnes qui habitent loin de Shri Mâ ont eu la stupéfaction de voir sa silhouette en face d'eux pendant quelques instants. Quand j'étais à Dacca, gravement malade avec un accès de tuberculose aigüe, Shrî Mâ voyageait en Inde du Nord-Ouest. Quand elle fut de retour à Dacca, elle me dit." A deux dates précises, ce corps est venu dans ta chambre en rentrant dans la maison par telle porte ou en sortant par telle autrre; ces deux jours-là, ton état était très critique.''
En se référant au livre de comptes où les dépenses quotidiennes étaient reportées, y compris les frais de consultation médicale, on s'aperçut qu'à ces deux dates on avait effectivement appelé le médecin la nuit.
Il y avait aussi des cas où Mâ passait près d'un groupe de personnes dont une ou deux seulement pouvait la voir. Elle dit."Je suis toujours présente auprès de vous tous, mais vous avez peu de désir de me voir. Qu'y puis-je? Tenez cependant pour certain que j'ai les yeux fixés sur ce que vous faites ou ne réussissez pas à faire."
Un jour, Shri Ma devait monter dans le train à Goalundo. Le marchepied du train était très au-dessus du quai. Mâ avait une douleur rhumatismale dans le bras droit. Quand, à sa demande, Gurupriya Didi lui saisi la main gauche et la tira dans le compartiment, le corps de Shrî Mâ parut être aussi léger que celui d'un bébé. Par contre, en d'autres circonstances, il pouvait être extrêmement lourd.
Shrî Mâ nous dit que rien n'entraîne de changement en elle, qu'elle se déplace où qu'elle se repose. Elle est toujours éveillée. Parfois, après s'être levée, elle dit qu'elle a vu certains incidents avoir lieu à un endroit donné. Ces incidents pouvaient être vérifiés.
Je voyais d'habitude Shrî Mâ à mes côtés, soit comme un éclair, soit comme une silhouette stable, mais aux contours vagues. Parfois, elle se condensait pour de bon et se déplaçait, opérant des changements dans mon environnement qui demeuraient même après sa disparition.
Vers la fin de l'année 1930, Shrî Mâ était à Cox's Bazar, à environ 500 km de Dacca. Quant à moi, j'étais assis sur mon lit au petit matin et je pensais à elle. Je l'entendis me murmurer.'Bâtis un temple dans le jardin de l'ashram'.
J'étais surpris d'entendre cela. Je savais que Shrî Mâ ne commandait jamais à personne de faire quoi que ce soit. Je retournais ces idées en tous sens dans ma tête. Je présumais que de tels chuchotements devaient provenir de Shrî Mâ, mais j'avais un doute dans l'esprit: pourquoi ces murmures étaient-ils si indistincts? Sa voix normale était claire, bien timbrée; distincte et vivante. Mais quand j'écrivis une lettre à Cox's Bazar, j'appris qu'elle avait observé le silence pendant plusieurs jours et ce matin précis, à huit heures, elle avait recommencé à parler. Quand Shrî Mâ revint à Dacca, j'ai appris également qu'elle avait murmuré quelques mots plus tôt dans la matinée, mais que personne n'avait pu en saisir le sens. Après avoir entendu cet ordre de Shrî Mâ, nous nous sommes mis à la construction pour de bon.
Elle dit toujours qu'elle peut voir les corps subtils de saints morts il y a déjà très longtemps. Un jour, elle fit la remarque suivante:"De même que vous êtes tous assis auprès de moi, de même il y a toute sorte d'esprits désincarnés qui sont rassemblés là-bas. Ils sont aussi réels que vous l'êtes." Elle dit aussi qu'on peut voir les différentes formes des maladies!. Quand elles demandent à pénétrer son corps, elle leur donne carte blanche. "Puisqu'il n'y a qu'une seule source de vie dans l'univers, les maladies ne sont ni qppelées ni renvoyées. De même que vous êtes tous une source de joie pour moi, de même les maladies me donnent une joie équivalente."
En mai 1929, Shrî Mâ quitta Dacca, mais pour différentes raisons elle ne put poursuivre son voyage. Quand elle revint à Dacca au mois d'août, elle était fébrile. De nombreux symptômes extraordinaires se manifestèrent dans son corps. Elle demanda qu'on le laisse prendre les postures diverses qu'il épousait spontanément que ce soit allongé ou assis. Cela se poursuivit pendant une heure complète. Shrî Mâ dit ensuite que toutes ces postures étaient du yoga. En voyant ces phénomènes, les gens eurent peur qu'elle ne quitte son corps. On s'aperçut ensuite que ses membres manquaient de cohésion, que ce soit en position assise ou debout, ils étaient flasques et ne pouvaient bouger à moins qu'on ne les soutienne. En plus de cela, elle avait une forte fièvre, une dysenterie sanglante et du sang dans les urines avec en plus touts les signes de l'oedème. Quatre ou cinq jours s'écoulèrent ainsi jusqu'à ce que Gurupriya Didi l'implore:"Mâ, nous n'en pouvons plus de soigner votre corps. Ayez de la compassion à notre égard!" Après cette prière, la faiblesse du corps de Mâ disparut, mais touts les symptômes continuèrent comme avant. Pendant encore cinq ou six jours, on versa entre soixante et soixante-dix seaux d'eau sur sa tête entre onze heures du matin et cinq heures de l'après-midi, mais la température ne redescendait pas. Elle ne voulait toujours pas prendre de médicaments. On fit venir un médecin ayur-védique qui l'examina et dit:"Nous pouvons traiter des êtres humains ordinaires, mais les voies de Mâ sont différentes." Les fidèles qui la voyaient prostrée sur son lit se mirent à être angoissés et la prièrent pour qu'elle guérisse son corps.
Le matin suivant, Mâ dit:"Préparez un plat de riz pour ce corps" Elle qui avait souffert de forte fièvre et d'oedème, et qui était restée prostrée presque sans bouger pendant dix-sept ou dix-huit jours, s'auto-prescrivait un régime normal de riz, de lentilles et de légumes! Tout le monde était stupéfait.
Néanmoins, on prépara suivant ses instructions ces aliments. On eut besoin de trois ou quatre personnes pour soutenir son corps et lui mettre la nourriture dans la bouche. Elle mangeait un peu de chaque plat. Beaucoup s'attendaient à des complications comme conséquence d'un tel régime après une longue fièvre: mais son état s'améliora petit à petit.
En évoquant le trouble physique dont nous venons de parler, Shrî Ma dit une fois: " Ce corps vit en harmonie avec la nature, son cours naturel doit avoir été perturbé d'une manière ou d'une autre. Pour vous faire réaliser les conséquences fâcheuses qu'il y a à déranger ses besoins spontanés, un déséquilibre de toutes les fonctions s'est manifesté. S'il y avait eu une maladie réelle, soit ce corps aurait péri, soit il en serait resté handicapé
"Pendant que j'étais alitée, je ne ressentais ni malaise ni maladie. Je me sentais saine. Au beau milieu de votre agitation et de votre anxiété, ainsi que des modifications qui s'opéraient dans ce corps, je vivais une symphonie de musique tout à fait agréable. "
En observant toutes ses actions, on s'aperçoit que la Nature obéit à la volonté de Mâ pour ainsi dire et aide son corps à fonctionner. Ma conviction c'est que si nous faisons attention comme il faut à l'expression naturelle de sa volonté, si nous nous abstenons de perturber l'atmosphère autour d'elle avec les vibrations de nos envies et de nos rejets et si nous mettons en pratique implicitement ce qu'elle nous suggère, nous pouvons atteindre un bonheur sans borne en étant témoin du fonctionnement harmonieux de sa volonté. En même temps nous aurons la chance d'avoir bien des occasions de développement intérieur.
Dans notre enfance nous jouons avec des poupées en suivant nos caprices; nous bâtissons des maisons de sable et de terre pour satisfaire nos désirs éphémères et puis nous nous intéressons à de nouveaux jouets. Et maintenant aussi, nous continuons à jouer ce jeu avec autant de stupidité et d'impuisivilté. Quand je pense à cela mon esprit est rempli d'appréhension.
A l'âshram de Vindyachal au cours d'une conversation, Mâtaji dit à Brahmachari Kamalakantji: " Après tant d'années, il y a toujours très peu de gens pour réaliser ce que je souhaite. Si c'était le cas, on ne me poserait pas des questions aussi stupides que: ' Que désirez-vous ' 'Quel est votre souhait '?" On doit essayer sincèrement de me comprendre dans la limite de ses capacités. Afin de saisir ce que je veux, on doit libérer son esprit des chaînes de I'orgueil, du désir de notoriété, de la colère et du chagrin, de l'amour-propre, finalement de la volonté personnelle qui fait croire à quelqu'un qu'il jouit du libre arbitre dans toutes ses actions."
Si nous nous purifiions sans cesse sous son influence profonde en suivant silencieusement ce qu'elle nous demande de faire, nous aurions réalisé notre mission qui est de voir dans nos vies l'occasion de voir la gloire de sa maternité universelle.
Un jour je me promenais avec Mâ dans les prairies de Ramna. Elle ne parlait pas. Je réalisai que l'esprit de silence absolu était descendu en elle. Elle revint après avoir erré pendant quelque temps. Durant huit ou dix jours, elle resta complètement muette: aucun signe aucune suggestion, pas même un sourire n'émanait d'elle. Elle demeurait assise tranquillement, absorbée dans le Soi. Si quelqu'un lui parlait, elle n'y faisait pas attention et ne tournait même pas les yeux vers lui. Durant les repas, ses lèvres s`entrouvraient à peine pour se refermer après avoir pris un tout petit morceau de nourriture. Elle était assise, stable en elle-même comme une statue de Bouddha. Pendant cette période, il semblait que son lien avec Ie monde extérieur était complètement coupé. Au bout de huit ou dix jours elle recommencça à murmurer quelques paroles. Nous avions l`impression qu'elle réapprenait à utiliser sa fonction vocale et qu'elle retrouvait le pouvoir de la parole. Trois jours s`écoulèrent ainsi pendant lesquels elle récupéra petit à petit sa manière habituelle de parler. J`ai eu la chance de voir Shrî Mâ deux ou trois fois dans cet état.
Pendant ces phases de silence, son aspect paisible, son expression forte mais sereine, son regard gracieux et son visage rayonnant, tout contribuait à éveiller notre amour et notre vénération. Plus on la fixait d'un regard sans ciller, plus augmentait le désir de voir son visage. Au début, quand Shrî Mâ garda le silence pendant trois ans, beaucoup exprimèrent leur chagrin pensant qu'elle était complètement muette; ils disaient::" Hélas, quel dommage! Quelle injustice de la part de Dieu! Il a rendu muette cette belle jeune femme alors qu'elle a par ailleurs toutes les qualités de la féminité." Shî Mâ dit: "Si vous voulez observer Ie réel silence votre coeur et votre esprit doivent se fondre intimement dans une contemplation unique de façon à ce que votre nature entière, intérieure et extérieure, en arrive pour ainsi dire à geler et à devenir comme une pierre; mais si vous voulez simplement vous abstenir de parler, cela n'a rien à voir."