Extrait
chapitre
numéro
4

Satsang du 10 novembre

Questions-réponses avec Sri Mâ Anandamayi à Nadiad, mars 1979
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SATSANG DU 10 NOVEMBRE

Le présentateur : Aujourd'hui, nous n'avons que peu de temps pour le satsang car nous sommes en retard sur l'horaire prévu. Il ne pourra donc pas être répondu à toutes les questions. Mais les sadhakas22 qui n'auront pas eu de réponse ne doivent pas être déçus. Si c'est la pratique de la sadhana23 qui leur pose problème, il leur suffit d'écrire à l'ashram. Mataji répondra un jour ou l'autre, ne serait-ce qu'en quelques mots.

Question : La grâce de Dieu est-elle nécessaire pour pouvoir commencer les pratiques spirituelles, ou est-ce que cette grâce est obtenue par ces pratiques ? A quel moment la grâce de Dieu intervient-elle dans la sadhana ?

Mâ : La grâce de Dieu se déverse en permanence sur vous. L'esprit est comme un pot. Si son ouverture est tournée vers le haut, la pluie de la grâce peut l'inonder. Mais, si son ouverture est tournée vers le bas, le pot ne peut rien recueillir. Le seul effort qui soit à faire, c'est de tourner l'ouverture de l'esprit dans le bon sens pour que la grâce omniprésente de Dieu puisse s'y déverser. Cette grâce a été, est et sera toujours. Il n'y a jamais d'interruption dans le flot de la grâce divine. Avoir foi en Dieu, le prier et s'abandonner à lui, voilà l'effort qui est à faire pour vous ouvrir et recevoir sa grâce toujours présente. Quand vous faites cela, il arrive un moment où vous n'êtes plus capable de savoir si vous recevez ou non la grâce car vous êtes immergé en elle. Vous réalisez alors que tout ce qui est n'est rien d'autre que la grâce de Dieu. Vous devez cultiver cette attitude d'ouverture à la grâce et toujours vous rappeler sa nécessité. Alors, naturellement, vous serez en permanence en cette grâce.

Question : Oui, mais cette grâce n'est-elle qu'un résultat de la sadhana ? N'intervient-elle pas plutôt avant, pour nous faire commencer l'ascèse ?

Mâ : J'ai déjà répondu à cette question : pour recevoir la grâce divine, on doit inévitablement pratiquer la sadhana. Baba expliquez cela.

22 Sadhaka : chercheur spirituel, celui qui est engagé dans une ascèse ou sadhana. 23 Sadhana : pratique spirituelle ou ascèse.

23 Japa : prière jaculatoire basée sur la répétition intérieure d’une courte formule sanskrite ou mantra.

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Swâmi Prakashânanda : Quand vous faites votre japa, que votre pratique ne rencontre pas d'obstacles et que votre concentration est profonde, c'est le signe que vous êtes en état de grâce. La grâce coule tout le temps sur celui qui demeure dans cet état de grande concentration. Sans la grâce de Dieu, vous pouvez pratiquer la sadhana pendant des vies et des vies sans résultat. Mais le fait que vous soyez venu ici est le signe même de la grâce de Dieu, c'est le signe d'une grâce divine. Si vous êtes attaché à cette pratique, c'est un signe encore plus indubitable de cette grâce. Si vous êtes fou de votre sadhana, alors c'est que vous êtes en état de très grande grâce. La sadhana pratiquée avec cœur et assiduité est donc le moyen d'obtenir la grâce de Dieu. Mais d'un autre côté, sans la grâce de Dieu ou du guru, il n'est pas possible d'avoir la concentration nécessaire à la sadhana.

Question : Nous méditons tous sur vous Mataji ; et Vous, sur qui méditez-vous ? (rires de l'assemblée)

Mâ : Juste à présent, sur quoi méditez-vous ? Présentement, vous regardez et parlez ; et quand vous voulez méditer, vous restez silencieux en faisant le calme. Dans ces deux cas, sur quoi méditez-vous ? Parler, ne pas parler, regarder, ne pas regarder, dans toutes ces situations, il n'y a qu'une Vérité.

Question : En d’autres termes, voulez-vous dire qu’en toute circonstance vous méditez sur Dieu ?

Mâ : Quoi que ce soit qui apparaisse, n'est-ce pas le Soi ? Dans cet état, le méditant, la méditation et la chose méditée, ces trois termes ne font qu'un. Débrouillez-vous pour comprendre ce sur quoi je médite ! Vous pouvez comprendre que je médite sur vous car je suis ici et vous êtes face à moi, n'est-ce-pas ? Mais la vérité, c'est que ce que je suis, vous l’êtes aussi !

Ce que vous êtes, c'est cela que je suis. Le Soi lui-même est l'Absolu et l'Absolu est l'Unique Réalité. Alors comment peut- on méditer et sur quoi ? Quand on est devenu Un avec le Soi, qui peut donc méditer sur le Soi ?

Swâmi Prakashânanda : (citant les Ecritures)

" Un seul Dieu est caché dans toutes les créatures, et il est le Témoin de tout, et il réside dans le cœur de tous."

Mataji a tiré toute l'essence de cette affirmation de la Révélation (shruti). Quand il n'y a qu'une Vérité et que cette Vérité est la seule Réalité, où peut-il y avoir une différence entre le méditant et le médité ?

Celui qui fait, celui qui vous fait faire, et ce qui est fait, tout cela n'est qu'une seule Réalité. Mataji a atteint cette conscience de la non-dualité. Donc méditez sur elle et vous finirez par vous

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apercevoir que vous et Mataji êtes Un. En réalisant cette vérité vous réaliserez que toute la dualité est surimposée sur le Soi, donc qu'elle n'est pas réelle, bien qu'elle semble telle. Cela est appelé l'annihilation de la dualité. En nous révélant ce processus d’annihilation, Mâ donne la réponse à votre question et joue son rôle dans le monde bien qu'elle soit Un avec le Soi. Elle descend ainsi à notre niveau et nous apprend à atteindre le sien. Voilà sa grâce.

Question : Quels sont les traits principaux d'un saint ? A quoi peut-on le reconnaître ?

Mâ : Par principe, le Réalisé (mahâtma) est celui qui n'est rien d'autre que le Soi sans attribut. Dès lors, comment pourrait-on le définir par certaines caractéristiques ?

Ceci dit, en lisant les Shastras (Ecritures) vous trouverez la description des traits principaux des saints et alors vous pourrez les appliquer.

N’ayant pas moi-même étudié les Shastras, je vous ai fait la première réponse... Mais je peux ajouter que les saints (mahan) se conduisent comme des modèles pour les autres.

Swâmi Prakashânanda : Mâ veut dire que la caractéristique essentielle d'un saint, c'est l'auto-évidence de son état. La vraie sainteté ne nécessite pas de preuve. Les traits principaux d'un saint sont donc des plus naturels et spontanés :

- Il est paisible (shanta)

- Il a plein contrôle sur ses sens et sur ses actes

- Il est intériorisé

- Il est comme le printemps, il donne la joie à tous

C'est à ces traits, par exemple, que le roi Parikshita reconnut le Saint Shuka...

Le saint se considère lui-même comme quelqu'un de très ordinaire ; mais il considère les autres comme des gens de grande valeur et il accorde une importance extrême à la moindre qualité qu'il découvre chez autrui. C'est pourquoi nous devons adorer les qualités des saints et, en retour, ils s'efforceront de nous faire gagner quelque chose.

Question : Jusqu'à aujourd'hui, j'ai cherché un guru sans être à même de le trouver. Finalement, je suis venu à cette semaine de méditation et, à présent, j'ai développé une foi totale en Vous. Voulez-vous, s'il vous plaît, m'accepter comme disciple ?

Mâ : Le disciple qui accepte un guru, le guru qui accepte un disciple, ces deux personnes ne sont rien d'autre que Mâ...

Je n'ai aucun désir de disciples ni ne souhaite devenir le guru de quiconque. La relation guru-disciple ne peut s'établir que

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spontanément. Mais si vous acceptez Dieu comme guru, alors quoi que vous cherchiez, tout prendra place naturellement.

Un swâmi : Mâ, pourquoi ne l'acceptez-vous pas explicitement comme disciple ?

Mâ : Je n'ai aucune idée de ce qu'est un guru. Laissons donc la volonté de Dieu s'accomplir. N'êtes-vous pas vous-même Dieu ? Et qui ne l'est pas ? Et où n'est-il pas ? Tout arrive à cause de sa Lîla (jeu cosmique).

Question : Mâ, mon mental est très instable, je ne peux me concentrer sur rien. Que dois-je faire ?

Mâ : Si votre mental ne s'attache à aucun objet, alors vous êtes libre de tout attachement, c'est une bénédiction !

(Rires de l'auditoire... Puis quelqu'un précise que cette question est posée par un jeune garçon. Mâ s'explique donc d'une manière qui lui soit accessible.)

Mâ : Où est ce garçon ? Faites-le venir près du micro.

(Mâ, lui répondant en face à face)

Si votre mental ne s'attache jamais à rien, c'est une très bonne chose. C'est même une bénédiction. Car quand le mental n'est attaché à aucun objet, le vrai vous-même peut se révéler. Pourquoi donc essayeriez-vous d'attacher votre mental à quelque chose ?

Le jeune garçon : Mais je veux contrôler mon mental pour méditer et je n'y arrive pas. Que dois-je faire ?

Mâ : Il vous faut simplement vous concentrer sur le nom de Dieu.

Le jeune garçon : Dieu a tellement de noms différents. Lequel dois-je choisir ?

Mâ : Choisissez le nom de Dieu qui vous touche le plus et répétez celui que vous aurez ainsi choisi. Si vous l'aimez, votre mental sera satisfait ; donc prenez le nom qui vous plaît le plus et méditez aussi sur la forme divine qui lui correspond.

Le jeune garçon : J'ai foi en Vous. Quel que soit le nom que vous me suggérerez, c'est celui que je souhaite prendre.

Mâ : D'accord ! Est-ce qu'ici, en face de toute l'assemblée, vous êtes prêt à prendre un Nom ?

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Le jeune garçon : Oui.

Mâ : Bien ! Alors répétez tous les noms de Dieu que vous

connaissez, les uns après les autres.

La foule (après de longs éclats de rire) : Il ne sait pas combien Dieu a de noms. Que faut-il faire ?

Mâ : Quels noms de Dieu connaissez-vous ?

Le jeune garçon : J'en connais un certain nombre, mais j'en

veux Un qui vienne de Vous !

Mâ : Dites-moi les noms que vous connaissez.

Le jeune garçon : Jusqu'à présent, je répétais les noms de Ma Bhagavan, Ram, Krishna, Shankara Bhagavan...

Mais aujourd'hui je ne répéterai un Nom qu'après vous.

Mâ : Rama, Krishna, c'est très bien.

(Le jeune garçon est satisfait, et Mâ raconte une histoire pour fortifier sa foi en Dieu, ainsi que celle de l'auditoire)

Mâ : Il était une fois un couple de paysans très pauvres qui avait un petit garçon. Le père travaillait comme journalier et rapportait chaque soir juste de quoi vivre. Un jour, il mourut. Et la situation de la jeune veuve et de son fils devint vite catastrophique. Les maigres réserves disparurent en quelques jours, et bientôt il n'y eut plus rien à manger. L'enfant affamé harcelait sans cesse sa mère : "Maman, donne-moi à manger ; maman, donne-moi à manger". Et celle-ci n'arrivait pas à lui faire comprendre que le décès de son père les avait privés de toute ressource.

Devant cette situation qui dépassait son entendement, le jeune garçon décida d'écrire une lettre de protestation à Dieu dans laquelle il expliquait toute sa misère et implorait le secours du Tout-Puissant. Ceci fait, il s'en alla poster sa lettre au village, mais une fois devant la boîte, il eut toutes les peines du monde à en atteindre l'ouverture, car il était de très petite taille. Un passant vit ses efforts désespérés, et lui vint en aide tout en le questionnant. Et le petit garçon de raconter naïvement qu'il venait d'écrire à Dieu pour se plaindre de son infortune et de celle de sa mère ; et que leur seule chance de survivre était que Dieu reçoive la lettre à temps. Touché par tant de foi, le passant décida après une courte enquête de porter secours au plus vite à cette famille infortunée. Et c'est ainsi que le jour même le jeune

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garçon eut de quoi manger et que sa mère fut assurée d'une pension régulière pour qu'elle puisse l'élever...

Si, à la manière de cet enfant, vous prenez, vous aussi, totalement refuge en Dieu, soyez assuré qu'Il ne manquera jamais de vous secourir.