Amrita Varta

Edité par Panuda (1997-2012)
Une revue trimestrielle traitant principalement de la vie divine et les paroles de Sri Anandamayi.
La publication de "Ma Anandamayee Amrit Varta" était le résultat du pouvoir créatif de Panuda. Tout au long de sa vie, il est resté le rédacteur en chef officiel d'Amrit Varta (jusqu'en 2012). Il avait une énorme capacité de travail.

LA MORT DE KAWNA

Extrait d'Amrita Varta, octobre 1996, paru dans le trimestriel Jay Ma

Bithika Mukerjee est la biographe de Ma.
Dans un livre en préparation,'My days with Sri Ma Anandamayee', elle parle de son lien et de celui de ses parents et de sa famille avec Ma. Dans le passage ci-dessous, publié dans Amrita Varta en 1996, elle décrit en détail la mort de sa cousine Kawna, décédée de tuberculose intestinale à l'ashram de Ma à Dehra-Dun en 1942, alors qu'elle était encore étudiante. Il est intéressant de voir en détail comment Ma s'est occupée d'elle et a mis en évidence la dimension spirituelle d'un événement qui pour d'autres n'aurait semblé que cruel ou absurde.

Renudi se souvient que quand elle arriva à l'ashram de Raipur (Dehra-Dun) avec Kawna, elle vit immédiatement Sri Ma qui était debout au bord de la terrasse, les regardant descendre de leur voiture à cheval (tonga). Kawna, sans un regard vers l'arrière, s'avança et monta les escaliers (très raides) qui montaient avec deux paliers jusqu'à la terrasse. Elle ne paraissait pas malade du tout. Ma reçut Kawna, Renudi et ma mère avec bonté et on leur donna deux chambres dans la cour, du côté opposé à la terrasse.

Sri Ma elle-même veilla à tous les détails du confort de Kawna ! Comment arranger le lit et la chambre, quelle nourriture on devait lui donner, etc...Un fidèle de Sri Ma qui était un docteur, Bharat Bhai de Jullundhar l'examina et prescrivit des médicaments. Sous peu, c'était tout l'ashram qui se mit à s'impliquer pour le bien-être de Kawna. Comme la fièvre persistait, Sri Ma lui demanda de garder le lit. Elle visitait la chambre chaque jour et s'asseyait sur une cantine en métal sur laquelle Renudi avait disposé une couverture pliée. Chaque soir, lorsque Ma se promenait sur la terrasse, elle marchait seulement dans un coin de celleci. Après quelques jours, les gens réalisèrent qu'elle marchait à l'endroit qui était visible à Kawna quand elle reposait sur son lit, et donc le peu de visiteurs qui venaient prenaient soin de ne pas s'interposer.

Tout le monde s'attacha à cette jeune fille (elle n'avait pas vingt ans) qui supportait sa maladie si bravement et en se plaignant si peu. Sevaji vint tous les jours pour voir Kawna, ses grands yeux brillants en fleur de lotus et son sourire charmant qui resta tel jusqu'au dernier jour.

Les temps étaient durs. Le mouvement 'Quit India' ('quittez l'Inde', pour faire partir les anglais) lancé par Gandhiji avait affecté la plus grande partie du pays. Le gouvernement britannique le réprimait impitoyablement. Pour quelques temps, l'euphorie d'une poussée de sentiment en faveur de l'indépendance était masquée par le règne de la terreur. Les postes ne fonctionnaient plus, les trains étaient très rares et servaient principalement pour le mouvement des troupes. Mais les fidèles de Dehra-Dun venaient régulièrement à pied jusqu'à Raipur. Ils se proposèrent pour faire les quelques courses nécessaires. Kawna semblait s'affaiblir chaque jour un peu plus. Ma mère et ma soeur étaient constamment auprès d'elle, particulièrement ma mère qui demeurait presque continûment à son chevet. Renudi se lia d'amitié avec deux autres jeunes filles qui habitaient à l'ashram, Maranidi et Savitri Manima. En dehors de Didima, Didi et Ruma Devi, c'étaient surtout des brehmacharis et des sadhous qui vivaient là.

Rien ne semblait pouvoir améliorer l'état de Kawna. On alla chercher un docteur éminent de Dehra-Dun pour l'examiner. Le Dr Mitra diagnostiqua une tuberculose intestinale. On se souvient qu'à cette époque, il n'y avait pas de médicaments pour cette atteinte terminale, si ce n'est de l'air frais et une bonne nourriture. On ne dit pas à ma mère et à ma soeur que d'après le Dr Mitra, Kawna n'en avait plus que pour trois mois. Sri Ma elle-même supervisait tous les repas. Une nuit elle sortit avec une lampe-torche dans les zones de forêt dense alentour. Didi et Renudi allèrent avec elle. Sri Ma montra certaines plantes médicinales à Didi, qui les cueillit et les prépara sous sa direction. Elles revinrent chez Tanna, et Didi porta à la bouche de Kawna une cuillerée de la substance. Celle-ci l'avala non sans difficulté. Sri Ma resta longtemps pour voir les réactions (peut-être?). Aussitôt qu'elle s'en alla, Kawna rendit le tout. Elle se retenait non sans mal par politesse. Renudi alla dire à Ma que le médicament n'avait pas été toléré. Sri Ma remarqua d'une voix douce :'Vous voyez, le corps rejette tout effort d'inverser le processus. Désormais, il ne durera pas longtemps.'

Le jour suivant, Sri Ma apporta une sorte de robe qui lui appartenait et des sous-vêtements, et dit à ma mère :'Vous trouverez que ces vêtements sont plus commodes tant qu'elle garde le lit'. Elle aida elle-même ma mère à changer Kawna. Sri Ma invita alors tous les sadhous à venir dans la chambre et à la bénir en lui touchant la tête. Après que tous l'aient fait, Didi demanda à Sri Ma si elle même ne voulait pas aussi bénir Kawna. 'Vraiment?' dit-elle, et elle passa ses mains trois fois sur elle, de la tête vers les pieds. Elle lui demanda ensuite :'Tu aimes bien les kirtans : voudrais-tu qu'on en chante prés de ta chambre?'

'Oui' dit-elle avec un grand sourire.

'Quel nom?' Kawna hésita, car elle pensait que tout le monde s'attendait à ce qu'elle demande de réciter le nom de Ma. Sri Ma dit de nouveau :'Dis le Nom de ton choix!' 'Krishna'. Ainsi donc, Abhayda et ses companions chantèrent du kirtan tous les soirs en face de la chambre de la patiente. Abhayda n'était pas du genre à se laisser imposer un emploi du temps régulier, mais d'une façon ou d'une autre tous les résidents de l'ashram et les quelques visiteurs de passage faisaient tout leurs possible pour rendre service à cette jeune fille dévouée, qui restait là, si patiente, avec les yeux fixés sur la porte en attendant l'arrivée de Ma. Elle ne demanda jamais la présence de Sri Ma, ni ne chercha à prolonger ses visites. A chaque fois que Sri Ma disait 'Est-ce le moment de m'en aller?' elle faisait un signe de tête et souriait.

Après que Sri Ma ait changé les vêtements de Kawna, elle sembla avoir une légère amélioration. C'était l'impression de ma soeur que Sri Ma lui avait aussi donné un mantra, car elle était restée quelques minutes seule avec elle alors que ma mère attendait dehors. La sensation persistante de nausée et de mal d'estomac la quitta. Elle recouvrit quelque peu l'appétit Sri Ma lui demanda si elle désirait quelque chose de particulier à manger. Kawna, avec son sourire franc, dit 'Oui, du pain!' Il se trouvait que le pain des boulangeries n'était pas consommé dans les ashrams, on pensait que ce n'était pas une nourriture convenable pour les résidents. Cependant, Sri Ma ne fit pas d'objection et Bharat Bhai s'en alla à pied jusqu'à Dehra-Dun pour aller en chercher. Pendant trois ou quatre jours Kawna mangea toutes sortes de nourritures qu'on croyait ne pas lui convenir et les digéra bien. Ma soeur lui fit des frites. Elle nous dit que Kawna avait nombre de souvenirs qui lui revenaient.

Elle parlait beaucoup de sa vie à l'université et de ses amies d'Allahabad.

Cependant, un jour (le 14 septembre 1942), la nausée revint, elle ne pouvait plus rien digérer; on remarqua dans ses vomissements quelques gouttes de sang. Ma soeur rendait compte des moindres changements de l'état de la patiente à Sri Ma. Quand celle-ci entendit ces nouvelles, elle dit 'Le temps est venu. J'espère qu'ils ont fait tous les préparatifs.' Elle avait elle-même mis de côté une grande guirlande qu'on lui avait apportée un peu plus tôt. Sri Ma vint dans la chambre de Kawna avec Swami Akhandanandaji (le père de Didi). Elle lui parla à sa manière habituelle, de façon intéressante et en la faisant beaucoup rire. Puis elle lui dit :'C'est un honneur d'être initiée au mantra du sannyas dans l'enceinte sacrée de l'Uttarakhand (la 'partie nord', la région qui va de la plaine aux sources du Gange). Quelle chance tu as que de tels sadhous soient là pour s'occuper de toi! Il y a seulement Brahman, le Un sans second (ekamevadvitiya Brahman)'

Le regard de Kawna était fixé comme d'habitude sur le visage de Ma. Elle manifesta son accord d'un signe de tête. Sri Ma demanda à tous de quitter la pièce. Elle resta elle-même avec Swamiji, qui recita le mantra du renoncement total de tout son coeur à la patiente qui n'avait plus que quelques minutes à vivre; mais cela, personne ne le savait.

Sri Ma rappela tout le monde dans la chambre et on reprit une conversation normale. Didi fit 'charanamrita (l'onction des pieds du guru) et mit paisiblement quelques gouttes du liquide dans la bouche de Kawna (selon une tradition répandue en Inde). Abhayda, Shobanda, Kanu et d'autres brahmacharis étaient assis à l'extérieur de la chambre et chantaient le mahamantra, la pièce était pleine de sadhus en robe orange. Après quelques temps, Kwana dît à Swamiji de façon un peu précipitée: 'Je ne pense pas que j'ai oublié le mantra; pouvez-vous me le redire?' Tout le monder se disposa à quitter la pièce, mais avant qu'ils n'aient bougé, elle dit :'Non, non, c'est bon, je m'en souviens!' Elle paraissait se relaxer et être sereine comme à son habitude. A l'extérieur, la nuit tombait. Sri Ma se leva, s'approcha d'elle et lui dit 'est-ce que c'est le moment que je m'en aille?' Kawna approuva d'un signe de tête. Sri Ma passa trois fois ses mains de la tête aux pieds de Kawna dans un geste de bénédiction et de caresse qui la caractérisait d'une façon inimitable. Elle s'en alla lentement vers la porte en regardant par derrière la jeune fille dont les yeux grand ouverts et plus brillant que jamais étaient fixés sur son visage. Sri Ma sortit de la pièce suivie par seulement Renudi. Tous les autres, y compris Didi, restèrent au chevet de Kawna. Aussitôt que Sri Ma sortit de la pièce, le regard brillant s'arrêta. Didi, Swamiji et les autres dirent par la suite qu'il semblait que Sri Ma avait pris Kawna avec elle. Ma soeur vint avec Sri Ma dans sa chambre; celle-ci s'assit tranquillement sur son lit et lui dit

:'Ne pleure pas; les lamentations à propos de ceux qui partent mettent ceux-ci dans un état de détresse.' Renudi comprit par ces mots que Kawna n'était plus. Il n'y avait pas eu d'indications que Kawna s'enfonçait ou n'était plus comme d'habitude. Sri Ma dit à nouveau :'Les sons du mahamantra, tant de sadhous en robe orange assis à ses côtés, on dirait qu'elle a provoqué la survenue d'une grande cérémonie (mahotsava) pour l'heure de son départ'.

Après quelques temps, ma mère s'aperçut aussi que Kawna s'en était allée au-delà de ses attentions et de sa tendresse. Elle vint dans la chambre de Ma et s'assit tranquillement à ses pieds avec Babu sur les genoux. Renudi était debout tout près. Tous les autres étaient occupés dans la chambre de Kawnadi. Swami ParamanandaJi organisa la procession funéraire composée des brahmacharis et de quelques sadhus. Dans notre tradition, la crémation se doit d'étre accomplie au plus tôt. A cette époque, il n'était pas question d'informer mon père ou d'attendre sa venue à temps. De toutes façons Sri Ma considéra comme acquis son accord complet pour la manière dont elle résolvait ses affaires, que ce soit à cette époque là où plus tard.

Le ciel se couvrit et il se mit à pleuvoir. Le petit groupe de femmes auprès de Ma suivit des yeux les brahmacharis qui ramassèrent le brancard en bois sur lequel on avait déposé le corps de Kawna. Didi l'avait orné de guirlandes et de tissus neufs procurés par Ma elle-même. Elle paraissait endormie et paisible.

Tous les sadhous, mis à part Swami Akhandanandaji et Mukti Maharaj accompagnèrent le cortège. Les échos du mahamantra s'élevaient Sans l'atmosphère. Comme les hommes se frayaient un chemin à travers la vallée, on pouvait facilement les distinguer grâce à l'oscillation de leurs lanternes. L'ashram de Raipour donnait sur de grands éboulis entrecoupés par le ruban les torrents. Sri Ma dit :'Il pleut, pourront-ils allumer un feu dans ces conditions? Voyons quelle sera la volonté de Dieu.' Sri Ma continua à regarder les lumières qui scintillaient dans la vallée. Elle restait pour un temps sur son lit en bois, puis sortait du hall et retournait près des fenêtres grandes ouvertes qui donnaient du côté de la vallée. Tous virent un feu éclatant s'élever. Malgré la pluie, les charmants coteaux furent illuminés par les reflets du feu qui brillait. 'Mukti Maharaj avait été saisi d'émotion sans s'y attendre et ses yeux se brouillèrent de larmes. Il dit sur un ton boulversé qui lui était inhabituel :'Quelle façon glorieuse de partir de ce monde! Ma, seulement une! Pourquoi seulement une! Pourquoi n'aidez-vous pas des dizaines d'entre nous à passer de l'autre côté de cette façon?'

Les hommes retournèrent à l'aube. Sri Ma n'avait eu que peu de repos pendant la nuit. Elle avait parlé de temps en temps de la nature brillante et ouverte de Kawna, de son acceptation totale, de sa sérénité dépourvue de toute revendication et ce ses bons samskaras (impressions profondes, inconscientes venant du passé) qui avait rendu possible la confluence de tant d'éléments de bonne augure : la sainteté de l' Uttarakhand (cette partie des Himalayas), rien que des brahmacharis pour porter sa civière et des sadhous pour accomplir les derniers rites. L'assistance ajouta le plus important des facteurs, la présence de Sri Ma. Didi déclara qu'elle n'avait jamais vu Sri Ma autant impliquée lors de la mort de quelqu'un, pas même lors de celle de Bhaiji. A son retour, Paramanandaji dit qu'ils avaient eu peur que le bois mouillé ne prenne pas, mais ils furent tous stupéfaits de voir des flammes brillantes s'élever, qui paraissaient avoir une énergie et une vie qui leur était propre. Sri Ma dit :'La chasteté (brahmacharya) stricte de plusieurs vies a créé cette énergie (brahmateja, littéralement la chaleur, l'éclat de Brahman); point n'a été besoin d'une grande énergie pour consumer le corps qui était sattvique et donc léger, brillant et prêt à se mêler aux éléments.

Le lendemain, l'ashram semblait étrangement vide. Les visiteurs étaient frappés par la nouvelle du décès de Kawna. Sevaji se mit à pleurer, en disant que ce sourire qu'elle avait attendu et désiré jour après jour lui manquerait. Sri Ma continua à parler à tout un chacun de Kawna pendant les quelques jours qui suivirent...

L'AMOUR-ATTACHEMENT

ET LE VERITABLE AMOUR

Amrita Varta Avril 97
traduit du hindi par Jacques Vigne et paru dans le trimestriel Jay Ma

Une histoire racontée par Ma

" Il était une fois un seth (nom des hommes riches dans les villages indiens) qui avait un fils, qu'il avait marié. Il ne recherchait pas la compagnie des hommes de Dieu (satsang, et ne la voulait pas non plus pour son fils; mais celui-ci avait de l'intérêt pour le satsang. Il allait en cachette chez un certain mahatma. Un jour il lui dit :'J'aime bien venir passer du temps auprès de vous, mais si mon père apprend cela. Il m'interdira de venir'. Le Mahatma demanda :'est-ce que tu aimes bien la vie de famille?' ce à quoi il répondit :'J'aime bien la vie de famille. Parce qu'ils ont tous beaucoup d'affection pour moi. mais je préfère rester chez vous.' Le Mahatma dit:'Tu vas bientôt apprendre comment on aime dans la famille et dans le monde'. Là-dessus, le Mahatma lui enseigna une pratique de Yoga par laquelle le corps paraît inerte, sans vie, mais pourtant la conscience demeure entière. Il dit au jeune homme de rentrer à la maison et d'utiliser cette pratique. Il suivit ces directives et un jour, chez lui, il accomplit cet exercice de Yoga. En conséquence, son corps devint comme mort et tomba au sol. Les gens de la maison virent cela et pensèrent qu'il devait avoir quelque chose de grave; ils appelèrent le docteur, qui fit l'examen et le déclara mort. Ce fut le début d'une séance de larmes dans la maisonnée. Les gens entendirent ces lamentations et acccoururent en foule. Tous étaient stupéfaits de la mort de ce jeune homme sain et fort.

Quand ces lamentations battaient leur plein, le Mahatma passait juste devant la maison.

On le vit et on alla le prier de rentrer voir le garçon. Ces gens pensaient que ce Mahatma pouvait, par sa grâce, lui rendre la vie. A la requête de tous, le Mahatma rentra dans la maison du Sethji. Celui-ci le vit et tomba à ses pieds en le suppliant de rendre la vie au garçon, fût-ce au prix de la leur propre. Le Mahatma entendit cela, demanda qu'on lui apporte un verre de lait, le bénit avec certains mantras, fit le tour du garçon et dit :'Ce lait, quiconque le boira en mourra, mais par contre le garçon sera sauvé à coup sur'. Là-dessus, il mit le verre sous le nez du Sethji. Celui-ci dit :'Ce qui devait arriver est arrivé, mais maintenant, quelle est la garantie que, si je donne ma vie, l'enfant ressuscitera? Et si je m 'en vais, qui prendra soin de mes veuves?' Sur ce, il refusa de boire le lait; quand l'épouse du Seth fut sollicitée pour le boire, elle dit :'Si je m'en vais, qui fera le service du vieux Seth? Ce qui est arrivé, il est convenable de l'endurer'. Quand on sollicita la femme du jeune homme elle dit :'N'est arrivé que ce qui devait arriver, pourquoi donc irai-je mourir pour cela?' Quand personne n'eut accepté de donner sa vie pour sauver le garçon, le Mahatma le secoua brièvement et lui dit :'Tu as bien vu à présent ce qu'est l'amour du monde? Maintenant viens avec moi'. Là-dessus, il prit le jeune homme avec lui et s'en alla."

MA EST SA PROPRE LUMIÈRE

par GC Das Gupta (Amrita Varta, avril 1997, p.12)
paru dans le trimestriel Jay Ma

Le 3 août 1944 l’auteur de cet article a rendu visite à Ma à Navadvip car il avait appris qu’elle était fort malade. C’était la veille de Jhulan Purnima ( pleine lune de Krishna, fête aussi des frères et soeurs à l’occasion de laquelle Ma avait coutume d’attacher le raksha bandhan, le lien, le bracelet de protection au poignet de ses disciples). Ma était au premier étage des bâtiments attachés au temple de Govinda. Quand l’auteur de ces lignes est arrivé avec deux dames il était environ onze heures du soir. Une ampoule électrique était allumée. En pénétrant dans la pièce, nous avons vu Ma assise, resplendissante de joie. Tout son corps rayonnait comme une sphère de lumière éblouissante rendant l’ampoule presque pâle et rougeâtre. Un rayonnant si merveilleux provenant d’un visage humain était au-delà de ce que l’on pouvait concevoir. Son corps brillait en même temps d’une lumière tellement douce que la pièce entière semblait remplie d’une présence divine éthérée. Par la suite, lorsqu’on demanda à Ma ce qui avait rendu son corps si brillant cette nuit-là, en dépit de son état de santé grave, elle dit doucement avec le sourire attachant qui la caractérisait, ‘N’avez-vous pas vu comme la plupart des dieux et des déesses des temples de Navadvip étaient joliement habillés et illuminés pour les célébrations de Jhulan Purnima? Ne pensez-vous pas qu’il était convenable que ce corps aussi ait manifesté un certain éclat, une certaine grâce?

Le lendemain matin, nous étions tous assis en face de Ma. On distribuait le prasad du temple de Govindaji. Une dame avec un bébé dans les bras était venue voir Ma qui s’entretenait avec de nombreux visiteurs et visiteuses. En entrant, la dame demanda: ‘Où est la Mère ici?’ On lui désigna Ma. Eut lieu alors la conversation suivante:

Q : On dit que vous êtes Mère. Où sont vos fils et vos filles.

Ma : Ici (en désignant son coeur)

A : Où est votre mari ?

Ma : Ici (avec le même geste)

A : Où sont vos parents ?

Ma : (avec un sourire) Ici en ce coeur

Q : Votre maison ?

Ma : (Avec le même geste) Ici !

La dame qui posait ces questions semblait complètement déconcertée, n’arrivant pas à comprendre ce à quoi Ma faisait allusion. Ma le remarqua et avec sa façon habituelle d’apaiser et de convaincre lui dit, ‘Ici en ce corps il y a tout ce qui se trouve dans l’univers –père, mère, fils et fille et tous les êtres crées. De cet Un tout tient son être. Dans cet Un tout existe, tout persiste et finallement tout se fond.

…Quand Ma chante, que ce soit en bengali, hindi ou sanskrit, la douceur et la pureté solennelle de la mélodie, la profondeur du sentiment et le monde qu’on pouvait entrevoir en écoutant simplement, tout cela contribuait à produire un effet étrange et profond sur les auditeurs qui en gardait fréquemment un souvenir inoubliable. Elle insistait sur le chant dévotionnel de type kirtan où, disait-elle, le coeur des êtres vivants, les âmes des saints qui sont partis dans l’au-delà et les pouvoirs subtils qui nous entourent pouvaient participer et s’unir.

EN PARLANT DE CONVERSIONS

Nouvelles pages du journal d’Atmananda
(Amrita Varta, avril 1997, p.17-18)
paru dans le trimestriel Jay Ma

Un journaliste irlandais et un étudiant chercheur à l’Université hindoue de Bénarès vinrent pour le darshan de Mataji.

Auestion : Qu’avez-vous à dire sur ceux qui insistent sur le fait qu’il n’y a qu’une religion qui soit la bonne?

Ma : Toutes les religions sont des chemins vers Lui.

A : Je suiis chrétien…

Ma : Moi aussi, je suis chrétienne, musulmane, tout ce que vous voulez.

A : Serait-il juste pour moi de devenir un hindou ou est-ce que mon approche doit se faire par la voie chrétienne ?

Ma : Si c’est votre destinée de devenir hindou, cela se produira de toutes façons. C’est comme vous ne pouvez pas demander ce qui arrivera en cas d’accident de voiture. Quand l’accident arrivera, vous verrez bien.

Q: Si je sens le besoin impérieux de devenir hindou, dois-je y céder ou est-il juste de le refouler, puisqu’on dit que chacun est né à la place qui est meilleuere pour lui ?

Ma : Si vous sentez réellement le besoin de devenir hindou vous ne poseriez pas cette question, vous le feriez effectivement. Cependant, ce problème a un autre aspect. Il est vrai que vous êtes chrétien, mais il y quelque chose d’un hindou en vous, sinon vous ne pourriez même pas connaître quoi que ce soit au sujet de l’hindouisme. Tout est contenu dans tout. De même qu’un arbre produit des graines et que d’une seule graine des centaines d’arbres peuvent se développer, de même la graine est contenue dans l’arbre et l’arbre tout entier, potentiellement, dans une graine minuscule.

Q: Comment trouver le bonheur ?

Ma : Dites-moi d’abord si vous êtes d’accord pour faire ce que ce corps vous demandera.

Q : Oui, je le suis.

Ma : L’êtes-vous réellement? Très bien. Maintenant, supposez que je vous demande de rester ici, en serez-vous capable?

A : Non, pas vraiment…(rires)

Ma : Vous voyez, le bonheur qui dépend de quelque chose d’extérieur, femme, enfants, réputation, amis ou n’importe quoi d’autre, ne peut durer ; mais trouver le bonheur en Lui qui est présent partout, votre propre Soi, voilà lla chose réelle.

A : Vous dites donc que le bonheur réside dans le fait de trouver mon propre Soi ?

Ma : Oui. Trouver votre Soi, découvrir ce que vous êtes réellement signifie trouver Dieu, car il n’y a rien en dehors de Lui.

Q : Vous dites que tout est Dieu ; mais certaines personnes ne sont-elles pas plus Dieu que d’autres ?

Ma : Pour celui qui pose cette question, il en est ainsi ; mais en réalité, Dieu est pleinement et également présent partout.

A : N’y a-t-il pas de substance en moi en tant qu’individu ? N’y a-t-il rien en moi qui ne soit pas Dieu ?

Ma : Non. Même dans le fait de ‘ne pas être Dieu’, il n’y a que Dieu seul. Tout est Lui.

A : N’y a-t-il aucune justification au travail professionnel ou dans le monde ?

Ma : S’occuper d’affaires mondaines agit comme un poison lent (jeu de mot probable entre vishay, les objets mondains et vish, le poison). Progressivement, sans même s’en apercevoir, cela mène à la mort. Est-ce que je dois conseiller aux Pitaji et Matajis qui viennent me visiter de suivre ce chemin ? Je ne le peux. Ce que ce corps dit est : Choisissez la Voie de l’Immortalité, prenez le chemin qui, d’après ce que vous sentez de votre tempérament, peut mener à la Réalisation de votre Soi. Néanmoins, même en travaillant dans le monde, il y a une chose que vous pouvez faire. Quoi que vous fassiez tout au long de la journée, essayez de le faire dans un esprit de service. Servez Dieu en chacun, considérez tous et tout comme Ses manifestations et servez-Le quel que soit le travail que vous entrepreniez. Si vous vivez dans cet état d’esprit, le chemin vers la Réalité s’ouvrira devant vous.

L’ARMOIRE VIDE

Une histoire racontée par Ma
(Amrita Varta, juillet 1997, p.18)
paru dans le trimestriel Jay Ma

Un homme très riche mourut en laissant sa fortune à son fils. Avant de fermer les yeux pour toujours il lui dit que s’il en arrivait à être vraiment dans la misère, il devrait ouvrir un certain placard de la maison; mais il ne devait le faire sous aucun autre prétexte. Le fils était prodigue et bientôt il eut épuisé toute la fortune. A la fin, il en est arrivé à la ruine quasi complète, il ne pouvait même plus assurer les premières nécessités à sa famille; de plus, la maladie ainsi que toutes sortes d’autres misères avait frappé la famille. Il se souvint de l’armoire et parvint non sans mal à l’ouvrir. A son grand désespoir il découvrit qu’elle était vide. C’était une armoire de couleur noire tout à fait ordinaire, il la jeta donc aux ordures et se mit à chercher et creuser partout pour trouver le trésor caché. A court de ressources il eut finalement l’idée de demander son aide à un mahatma. Celui-ci accepta de venir chez lui et de voir ce qu’on pouvait faire. En arrivant il regarda alentour et dit: ‘Donnez-moi un siège près de l’armoire noire’, il s’assit et gratta le vernis du vieux meuble et voilà qu’il s’avéra être constitué d’or pur. ‘De même, conclua Mataji, on trouvera de l’or dans le coeur de chacun, là où l’Un trône sur son siège de lotus. Mais tant qu’on n’est pas complètement vide, on ne peut découvrir l’or.’

MA EST POUR TOUS

Journal de Gurupriya Didi
(Extrait d’Amrita Varta, avril 1999)
paru dans le trimestriel Jay Ma

En 1935 quand Ma visita Tarapith (un célèbre lieu de pèlerinage à la Mère divine sous le nom de Tara à deux cent km environ au nord de Calcutta, où Ma avait envoyé Bholonath faire des pratiques intensives) elle rencontra un père de famille musulman et l’appela Baba (père).
L’homme déborda de joie qu’on s’adresse ainsi à lui et vint voir Ma tous les jours.  La maison du musulman était près d’unne mosque qui était à quelque distance de Siddhashram.
Ma visita sa maison très souvent, prenant tous ses fidèles avec elle. Le vieil homme faisait signe à ses épouses (il en avait deux) et disait :’Notre fille est venue, sortez pour la recevoir’. Elle arrivaient alors toutes les deux et s’asseyaient affectueusement auprès de Ma. Celle-ci allait là-bas et s’y comportait comme une petite fille avec grand plaisir.
A chaque fois qu’elle recevait quelque chose à Tarapith, elle me disait immédiatement :’envoies-en une partie à Baba’. Quand le vieil homme venait voir Ma, s’il s’apercevait qu’il aurait à attendre pour la rencontrer, il lui faisait passer le message suivant :’Dites à Ma que son Baba est venu et voudrait la rencontrer’. Dès qu’elle apprenait cela, elle le recevait tout de suite.

Tandis que Ma était à Tarapith, un autre Mavlavi de Calcutta (un enseignant religieux musulman, parfois rattaché à l’Ordre soufi  fondé par Rumi) vint et resta avec elle pendant plusieurs jours. Il appartenait à un clan prestigieux de Delhi. Il fut extrêment heureux de rencontrer Ma.
Elle l’avait appelé Prem Gopal (Prem signifie l’amour spirituel). Il écrivait de nombreux poèmes en Urdu sur Ma et les lui lisait . Après être resté quelques jours à Tarapith il retourna à Calcutta à la demande de Ma. Mais nous avons appris qu’en retournant à Calcutta il se mit à désirer si ardemment être avec Ma qu’il ne pouvait même plus s’alimenter.  
Il pleurait et son impatience augmentait ; on le renvoya alors à Tarapith, et il resta de nouveau quelques jours avec Ma ; il se calma alors considérablement et retourna à Calcutta selon le voeu de  Ma.

En se rendant compte de la dévotion d’un Mavlavi musulman envers une Mataji hindoue, les musulmans de Tarapith se rassemblèrent pour manifester leur désaccord. Le Mavlavi sahib les pris alors tous à la mosquée et leur adressa la parole pendant une heure ; il leur expliqua ce qu’il en était et pourquoi leur religion n’était pas rendue impure le moins du monde par le fait d’aller à Ma. Il fit venir Ma à cette réunion, lui demanda de s’asseoir sur un asana sur l’estrade et donna sa causerie après s’être inclinée devant elle. Il avait une immense révérence pour Ma.

Prem Gopal avait apporté pour elle de la nourriture de Calcutta. Il souhaitait donner lui-même à manger à Ma mais n’avait pas le courage de se lancer. Elle fut informée de ce fait, le fit venir et lui demanda de la nourrir. Il déposa une petite friandise dans la bouche de Ma avec grand délice et reçut du prasad.(dans l’ambiance de l’époque une femme brahmane nourrie par un homme musulman était quelque chose d’impensable)

Une fois le Baba (père) musulman de Ma invita le Mavlavi pour un repas chez lui ; il se mit à le considérer comme son petit-fils en lui donnant toutes sortes de marques d’affection.
Prem Gopal également considérait le vieil homme comme le père de Ma et s’adressait à lui comme son grand-père. Parfois Prem Gopal chantait des kirtans en présence de Ma tandis que les fidèles hindous écoutaient. Les musulmans étaient aussi présents durant le chant du Nom de Hari. Ainsi les deux communautées pouvaient se mêler l’une à l’autre auprès de Ma.

RÉMINISCENCES
D'AMULYA KD GUPTA

Amrita Varta, VIII, 4, octobre 2004 p.2-7
paru dans le trimestriel Jay Ma

Dhaka, le 23 octobre 1938

[La présence résiduelle d’un sage en un lieu donné]

  Ce matin-là, Mâ s’est rendue à l'ashram de Siddhesvari, près de Dacca dans la jungle, avec le Dr Pant ( un médecin-chef en retraite qui était un des fidèles très anciens de Mâ). Je les ai suivis en voiture à cheval. En arrivant au temple de Kali à Siddhesvari, j'ai appris que Mâ était partie dans la maison du mahant, le chef du temple. Il y a plusieurs années, un Mahâtmâ qui s'appelait Swâmî Soumerou Van avait effectué des pratiques intensives à cet endroit et était parvenu au siddhi (la perfection)....

Mâ déclara : "Il y a une prophétie qui a cours ici : tant que  la plante grimpante le long du manguier est vivante et que la chaîne de fer n'est pas entièrement recouverte par l'eau du puits, Babaji (Soumerou Maharaj) demeure ici. Il fut un temps où tous les environs étaient des endroits consacrés à la sâdhanâ.

Naresh Babu : Ceci a dû se passer il y a bien longtemps.

Mâtâjî : Oui, tout à fait. Néanmoins, bien que tout ceci appartienne au passé, on peut toujours en sentir la vibration. Même si l'herbe pousse sur une terre carbonisée jusqu'à la couvrir, on sait que le sol est toujours brûlé par dessous, c'est quelque chose de similaire.

Moi-même : Ces vibrations dont vous parlez sont-elles dues à la transmission d'un individu ou des pratiques qui ont été effectuées à cet endroit ?

Mâtâjî : Elles sont aussi causées par certains samskâra. Le fait que Babaji ait affirmé qu'il resterait ici aussi longtemps que la plante grimpante est vivante, montre qu'il avait un désir de demeurer en ce lieu. Sinon, il aurait pu déclarer qu'il était partout. Puisqu’il s’est référé à cet endroit particulier, on peut supposer qu'il avait une prédisposition en faveur de ce lieu même.

Moi-même : Mâ, après avoir transcendé la naissance et la mort, est-ce qu'on existe toujours dans un corps éthérique ?

Mâtâjî : Le corps éthérique aussi finit par périr. Cependant, les grands êtres, mahapouroushas, assument souvent des formes particulières. Ceci est causé par leurs dispositions inhérentes. Certains, même après avoir assumé ces formes particulières, peuvent quand même demeurer immergés dans l'Etre  Suprême. On peut encore dire que l'existence simultanée d'une absence de forme est aussi possible.

Après ces discussions brèves, Mâ partit pour Shahbag.

[Il ne faut pas demander à Mâ de donner son avis sur le niveau spirituel de quelqu'un]

Ramana Ashram, Dacca, 17 août 1939

Moi-même : Shobha Mâ [une sainte femme de Bénarès contemporaine de Mâ] déclare qu'une fois qu'on a été béni par la grâce d’un sadgourou, on atteint la Libération dans l'espace de trois naissances. On peut aussi appliquer ce principe à des individus qui ont moins de qualification. Est-ce correct ?

Mâtâjî : Je ne sens pas de répliquer à cette question maintenant.

Moi-même : Shobha Mâ affirme qu’il ne peut y avoir plus de neuf sadgourous vivant simultanément dans le monde. Cela ne fonctionnera pas si il y en a un  de plus ou de moins.

Mâtâjî : Est-ce que Shobha Ma dit cela? Moi-même, je ne peux rien dire de ce genre. Vous devez considérer qu'il y a une variété infinie d'expériences dans le monde spirituel. Tout est possible. En ce sens, l'existence simultanée de neuf sadgourous est aussi correcte.

Moi-même : Après avoir atteint l'accomplissement, est-ce que le point de vue de tout un chacun ne devient pas également valide ? Ainsi donc, pourquoi certains parlent d'une façon claire et définie tandis que d'autres se contentent de faire des allusions vagues à propos de l’Infini ?

Mâtâjî : Voyez-vous, la plénitude est constituée à la fois des parties et du Tout. Quand vous voyez quelque chose d'une façon partielle, comment pouvez-vous voir le Tout ? Si vous désirez réfléchir ou contempler quelque chose d'une façon convenable, vous ne pouvez le confiner à l'intérieur de limites données.

Moi-même : Ainsi donc, dois-je comprendre que ce ne sont pas tous ceux qui ont expérimenté  le Brahman qui sont pleinement réalisés ? Par exemple, les divers auteurs de nos Shastras sont, dit-on, des connaisseurs de Brahman et ces Shastras indiquent des chemins bien définis d’accomplissement ­− ils ne sont pas vagues.

Mâtâjî (en riant)  : On peut répondre à ceci de deux façons : d'une part,  on peut dire qu'ils ont décrit simplement leurs propres expériences, il s’agissait donc d'une exposition partielle de la vérité. D'autre part, on peut avancer l'argument qu'ils ont écrit pour éduquer le public. Ainsi les auteurs des Shastras qu'on suppose avoir été des connaisseurs de Brahman peuvent ou non avoir été entièrement réalisés. Avez-vous compris, maintenant ?

Moi-même : Oui, j'ai saisi d'une certaine manière, mais pas complètement.

Mâtâjî (en riant) : Vous essayez de trouver les individus qui on a atteint un niveau particulier,  mais rien à propos de ce genre de sujets ne sera dévoilé par ce corps.

« COMMENT J’AI ÉTÉ ADMIS
DANS LES ASHRAMS DE MÂ. »

par Swâmî Bhaskarananda

Amrtia Varta, octobre 2004, p.27-29
Traduit du hindi par Vigyânânanda et paru dans le trimestriel Jay Ma

Après un premier darshan de Mâ dans un train en partance, Baskarananda a revu Mâ assez souvent quand elle passait à Bombay. Pendant les vacances, il la rejoignait, en particulier à Shimla en Himachal Pradesh, c'est-à-dire dans l'Himalaya. Mâ n'avait pas encore accepté qu'il abandonne son emploi. Cependant, arriva un été où les choses furent différentes :

Pendant la saison chaude, nous avions l'habitude d'aller à Shimla. Progressivement,  j'ai fait connaissance de tout le monde autour de Mâ. Celle-ci était à Solan : elle m'a fait appeler. Pour ma part, je gardais toujours sur moi ma lettre de démission. [Resignation letter, en anglais dans le texte hindi]. j'avais eu cinq emplois de fonctionnaire successifs, mais il y avait pas de congés en vue, et je pensais que ces emplois n'avaient pas de sens. Je ne voulais pas rester à tourner  vide et donc je désirais me consacrer à une oeuvre qui me motive vraiment. Mâ m'a fait appeler à Solan : "Est-ce que maintenant tu peux abandonner ton travail ?" C'était un ou deux ans après la demi Koumbha-Méla (vers 1950). Mâ me donna l'instruction d'aller à Vindhyâchal [célèbre lieu de pèlerinage à la déesse à une centaine de kilomètres sur le Gange en amont de Bénarès].

Il y avait avec moi Mahavir Trivedi, le père du gouverneur du Goujarat. Il m'a dit "Va-donc à Vindyâchal!" C'est ainsi que j'y  suis parti. J'y étais complètement inconnu. Je me suis présenté, et on m'a dit : "Nous allons te confier la gérance de l'ashram". On m'indiqua comment m'y prendre dans tous les détails. À cette époque, nous recevions la somme de seize roupies par mois, dépenses de nourriture étant à part. Il n'y avait pas d'eau dans cette partie de Vindhyachal qui se trouvait sur la colline de la déesse ashtabhujâ [la déesse à huit bras, une grotte sacrée tout près de l'ashram même de Mâ.]. Il fallait remplir d'eau de grands récipients  au pied de la colline et les monter. Avec ce petit stock, nous avions à arroser les plantes et les arbres, en garder assez pour le bain, la cuisine et l'eau de boisson. Dans cet ashram de Vindyâchal, on sent jusqu'à nos jours l'influence, les vibrations de Mâ. J'ai eu de bonnes expériences là-bas. (Au moment où il raconte ces souvenirs, Swâmîjî était dans l'ashram de Bhimpura sur les bords de la Narmada). De même qu'il y a une grotte ici, il y en avait une aussi là-bas. J'y ai pratiqué l'assise méditative. Ma m'avait prévenu qu'il faisait très chaud là-bas et que le terrain était rocailleux, autant qu'à Omkareshwar [un lieu de pèlerinage célèbre proche des sources de la Narmada]. Dès les huit heures du matin il y avait un soleil de plomb comme si c'était déjà midi. Ainsi, Mâ m'a conseillé de me rendre dans une sorte de crypte à partir de sept heures et demi ou huit heures du matin et de n'en ressortir que le soir. À ce moment-là,  je pouvais me mettre à préparer ma cuisine. Je me suis mis à m'efforcer de suivre ces instructions de Mâ.

- Qu'en est-il advenu de cet ami qui était proche de vous?

- Mon ami est resté à Bombay. Il s'est marié. Quant à moi, j'avais l'esprit de vagabond, de fakir,  fakkararâm, depuis l'enfance.

- Comment se déroulait votre sâdhanâ ?

- J'ai réalisé que Mâ m'avait envoyé là, mais qu'elle ne m'avait pas expliqué comment pratiquer, ni également quel mantra je devais réciter. J'ai donc médité selon ce que je resentais. À l'époque, je lisais beaucoup les livres de Bhaïjî sur Mâ. J'ai réalisé que celui-ci s'était tellement investi dans un renoncement intense et dans la dévotion à son objet d'amour spirituel qu'il s'était mis à le voir partout.

Dans cette période de début, j'étais dans un état qui faisait que je ne m'occupais pas de la nourriture et des autres détails matériels. Un jour, soudain, Mâ arriva. Elle a vu tout mon emploi du temps quotidien. Elle m'a dit de venir avec elle. Swâmîjî aussi était venues à Vindhyachal à cette période, cet ashram servait de centre de remise en forme.

- Comment faisiez-vous financièrement ?

Tous les mois ou tous les deux mois, il y avait de l'argent qui était envoyé de Bénarès. Mais un certain mois, rien ne vint. Je n'en ai pas parlé. Swâmîjî m'a demandé : "Pourquoi ne m'as-tu pas parlé de cette question d'argent, certainement je t'en aurais envoyé,pour peu que j’en ai eu à ce moment!" Pour ma part, je me débrouillais en cuisant des épinards. Mahâvîr Trivedî était venus avec Swâmîjî.  Mâ était également arrivée. Swâmîjî lui a dit : "Est-ce que vous vous rendez compte que, dans l'ashram de Kashi tout le monde mange à sa faim et boit, et lui, il reste seul, il suit toutes les règles, il en arrive à oublier de cuisiner pour lui-même, et ne fait pas attention au fait qu'on lui envoie de l'argent à temps. Mâ me dit : "Je vais préparer moi-même la cuisine pour Swâmî Parâtmânanda et tu vas manger avec nous." Ainsi donc, je prenais mes repas avec Swâmîjî. J'ai effectué les travaux qu'il me demandait. Je ramenais le marché, et j'étais nourri.

- Qu'est-ce que Mâ a dit en entendant toute cette histoire?

- Mâ m'a emmené avec elle à Bénarès. Elle a réuni tous les personnes importantes de l'ashram et leur a dit : "Est-ce que vous pouvez rester sans nourriture? Ce jeune brahmachâri a passé un mois sans argent et il n'a même pas écrit à qui que ce soit". Chacun se mit à rejeter la responsabilité sur les autres. Mâ leur dit : "Personne ne va à l'ashram de Vindhyachal. Lui, il y est resté seul. Il faut qu'il soit soutenu." C'est ainsi que Mâ a organisé concrètement mon séjour à Vindhyachal.

- Racontez-nous de façon directe le moment où Mâ a immédiatement accepté le désir de votre coeur?  

-  Il y a  plusieurs exemples de cela, mais il y a une première occasion où la grâce de Mâ m'a profondément touchée. C'était la période de l'anniversaire de "ma Mâtâjî". Je ne savais pas très bien quoi faire à cette occasion. Il y avait des sadhous qui nous rendaient visite. J'ai organisé un repas pour eux. À cette époque-là il y avait une Didi qui vivait dans l'ashram et qui m'avait conseillé d'offrir un repas à ces deux sadhous. Elle-même,  avec beaucoup d'amour, le leur a préparé. Ces deux sadhous sont donc venus et ont pris leur nourriture. Au pied de l'ashram de Vindhyachal, il y avait la soeur de Gurupriya Didi. C'était elle qui s'occupait principalement de la gestion de l'ashram. Je lui ai demandé d'apporter du prasâd. Elle refusa en disant qu'elle ne préparait pas la nourriture de la shraddha [offerte en mémoire des défunts, elle voulait sans doute dire qu'elle ressentait l'absence de Mâ comme une mort] ". Il m'est venu à esprit que si Mâ pouvait venir, nous aurions la chance d'avoir son prasâd directement. Sur ces entrefaites, quelqu'un est venu m’annoncer qu'une information de Bénarès disait que Mâ allait arriver dans une heure. Ce que j'avais pensé s'était donc réalisée. J'ai appris de plus que Mâ s'était assise pour le satsang mais avait refusé le repas qu'on lui avait proposé et par des signes de main avait demandé qu'on prépare une voiture pour aller à Vindhyachal. Je fus envahi d'une joie extrême en trouvant ainsi une réponse [le mot anglais response est employé au beau milieu du texte en hindi]  à mon désir intime.

  Je suis allé trouver cette Didi qui avait préparé la nourriture et lui ait annoncé que Mâ arrivait. Elle en fut extrêmement heureuse. Sur ces entrefaites, Mâ est parvenue à l'ashram, et elle a dit : "Apportez-moi mon repas à l'étage". Didi alla directement chercher la nourriture et l'apporta à Mâ. Celle-ci la mangea. Je me trouvai là-bas aussi. Biloudi (cette soeur de Gurupriya Didi dont nous avons parlé) ne mangeait pas avant d'avoir donné à manger à Mâ. Après que Mâ ait pris sa nourriture, elle a obtenu un bon prasâd de Mâ. Ce qui se passait correspondait en fait à l'état intérieur de chacun. Le Seigneur est omniprésent. C'est Lui qui nous dirige de l'intérieur, l'antaryâmî. Si vous pensez que Mâ va venir, elle arrive! Il en a été ainsi avec moi plusieurs fois à Vindhyachal.

- Etiez-vous en  congé de votre travail à cette époque ?

- Oui, j'avais demandé des vacances pour venir à Solan : mais en fait, je ne suis pas retourné au bureau. Tout simplement, je ne suis pas revenu non plus à la maison. Je suis parti de Vindhyâchal à Bénarès. A cette époque, c'était là que se trouvait le quartier général de la Sangha [mouvement] de Mâ. J'ai passé plus d'un an et demi à Vindhyachal. Il faisait tellement chaud là-bas à partir de 8 heures du matin qu'un vent brûlant se mettait à souffler, ce qu'on appelle le loo dans ces régions. J'avais donc l'habitude, sur les conseils de Mâ, de demeurer dans la grotte. J'y faisais ma méditation. Le soir, je me débrouillais avec ce qu'il y a avait comme provisions. On trouvait là-bas beaucoup de mangues. Je me faisais une soupe en faisant frire les mangues vertes. Il y avait aussi du lait le soir. Mâ avait donné les instructions suivantes : "Trempe une ou deux chapatis dans le lait et mange-les, ne te soucie pas de préparer la cuisine !" C'était ce que je faisais.

    De cette façon je suis resté à peu près deux ans à Vindhyachal. Mâ y revenait souvent. Il n'y avait pas de sentiment de solitude, tout au contraire, il  semblait quelqu'un progressait avec moi. [ou alors "qu'il y avait quelqu'un de grand avec moi"]. Je me suis mis à lire les livres de Mâ. Il y a avait une grande grâce palpable de notre vénéré Bhaïjî., bien qu’il n’était plus dans son corps. C’était une expérience aussi évidente que de constater que deux et deux font quatre.

- Quels étaient vos sentiments à l’époque ? De quelle façon pourriez-vous nous donner un avant-goût de vos expériences ?

- Il n’y a pas de paix dans le monde extérieur. La véritable paix n’est qu’à l’intérieur. Voilà ce qu’il faut rechercher, selon les paroles de Mâ elle-même : « Se connaître soi-même, se trouver soi-même, voilà le devoir de l’être humain. »

 Quand je suis allé retrouver Mâ, elle m’a dit : « Rends-toi à Uttar-Kâshî [la première bourgade quelque peu importante sur le Gange après sa source à Gomukh au dessus du village de Gangotri], il faut que tu t’y occupes du temple de Kali et fasse son service. »

Quelques autres paroles de Mâ

(extraites d’Amrit Varta en hindi, janvier 2007)
paru dans le trimestriel Jay Ma

Que la pensée de Dieu reste avec vous ; rendez service avec la conviction qu'en servant qui que ce soit, vous servez le Un, qui seul existe.

Quand on ne peut disposer de satsangs extérieurs, il faut rentrer dans son coeur et méditer sur Bhagavan. On doit  se préparer à ce type de satsang.

S'il n'y avait pas de professeurs et d'assistants dans les universités, la connaissance ne pourrait se transmettre. Il en va de même pour les gourous et la connaissance de Brahman. C'est là toute la problématique du progrès spirituel, de la libération et de ce genre de sujets.

La grâce du gourou est nécessaire, mais quand on n'a pas encore rencontré celui-ci, le seul devoir de l'être humain, c'est de voir toute forme comme une forme du Divin, de voir tous les noms comme le nom du Divin, toutes les natures comme la nature du Divin : qu'on s'efforce de l'invoquer et de le trouver dans cet état d'esprit.

Il ne faut pas faire les actions à l'arrachée, mieux vaut suivre la voie de la patience. On doit s'efforcer de comprendre les dons du divin quels qu'ils soient et de les accepter avec une tête humblement inclinée.

Recourir au nom de Dieu ne peut être nuisible. Que ses propres actions s'enchaînent de façon heureuse ou malheureuse, tous les travaux deviendront favorables si l'on recourre au nom du Seigneur.

On ne peut pas même avoir confiance en une seule respiration (jeu de mot en hindi : ek nishwas ka vishwas nahi). Si tu dois faire demain, alors aujourd'hui, si tu dois faire aujourd'hui, alors maintenant.

Paroles de Mâ

Amrita Varta, avril 2008
paru dans le trimestriel Jay Ma

Voici des paroles que Mâ a prononcées à Vindyâchal en mars 1936 et qui ont été présentées comme un chant au début du dernier numéro d'Amrit Varta, (avril 2008).

L'état ultime ne sera pas atteint par le jîva  (âme individuelle) sans détachement.

Par conséquent, faites de la renonciation et du discernement votre seul objectif,

En abandonnant tout désir.

Quelle est l'aune de votre renonciation,

Vous vous en apercevrez quand vous serez engagés dans l'action,

C'est alors que vous verrez constamment

Dans quelle direction votre mental est attiré.

En offrant toutes vos activités,

Adhérez au dharma de l'être humain,

Vous êtes le brahmane éternel et sans changement.

Méditer sur ce fait de façon répétitive dans votre coeur,

Percevez la tendance du mental à s'extérioriser,

Gardez-le à l'intérieur du coeur constamment.

Montez sur la barque de Brahman

Et traversez l'océan du Samsara.

Quand votre ego est annihilé

Toutes les dualités sont transcendées

Vous verrez que vous reposez dans votre vraie nature,

Qui correspond à la Vérité suprême qui doit être  réalisée.

Paroles de Mâ

Paroles extraites d'Amrita Varta, juillet 2008
paru dans le trimestriel Jay Ma

A un novice moine qui était déprimé et qui pensait au suicide

- Comment un homme qui entretient des pensées de suicide peut s'attendre à devenir un sannyâsi ? L'idée de suicide n'entre même pas dans le mental de ceux qui se considèrent comme des candidats au sannyâsa. Un esprit de dépassement de soi extrême et de renonciation est l'attitude qui fournit l'aide la plus grande pour progresser vers cet état exalté. Soyez vrais dans vos paroles et évitez d'écrire des lettres. Ne parlez pas aux femmes, ni ne laissez  votre regard s'attacher à elles.

C'est en cherchant à se connaître qu'on peut trouver la Grande Mère de tout.

Le saint Nom de Dieu est en lui-même le rite pour exorciser les influences indésirables. En présence du Nom de Dieu, les fantômes et les esprits mauvais ne peuvent exister.

Écrivez-lui que son état occupe en fait très souvent le kheyâl de ce corps[la pensée de Mâ]. C'est à lui-même, par son propre effort ou sa propre volonté de développer un esprit fort et de laisser tomber son attitude négative, qui lui fait imaginer qu'il ne peut et ne sera jamais capable de réussir. Au contraire, il doit avoir la détermination que ce sera possible, et que le succès très certainement lui reviendra. Il doit se dire à lui-même : « En quelque état qu'il plaît à Dieu de me mettre, j’accepte : je m'abandonne à Celui dont je suis la créature, dont ‘ceci’ est le corps. » C'est tout. Avec un calme et une tranquillité parfaite, il doit passer la plupart de son temps allongé bien droit dans ce qu'on appelle 'la posture du mort', shavâsana, et répéter silencieusement son mantra au rythme de sa respiration. Il y a seulement un Brahman sans second -- c'est ce qu'il doit réaliser. Écrivez-lui en langage simple et direct que pour lui, il n'y a pas besoin d'un intermédiaire.

Ils imaginent que ce corps est loin, mais en fait il est toujours très, très près. Comment serait-il possible qu'il quitte quiconque ? Cette question de distance se pose simplement de leur point de vue. À chaque fois qu'ils ont des vacances, qu'ils viennent retrouver ce corps.

Peu importe le travail qu'on fait, on doit l'effectuer correctement. Si l'on cultive l'habitude de faire bien toute chose, il y a bon espoir d'en faire de même sur le chemin spirituel. C'est Lui qui est l'action et c'est Lui qui est l'auteur de l'action et personne d'autre. Dans toutes les circonstances, on doit essayer de développer cette attitude d'esprit. La Vérité - dans la présence de laquelle l'illusion est reconnue comme illusion - la Vérité, Cela qui est, doit devenir ce qui nous est essentiel.

MÂ ANANDAMAYÎ PRASANG

par Amulya Kumar Datta Gupta

Extraits d’Amrita Varta, juillet 2008, .p.3-5
paru dans le trimestriel Jay Ma

    Nous continuons ces souvenirs du Prof AK Dutta Gupta. Il avait des fonctions de haute responsabilité dans l'enseignement et c'est un de ceux qui a le mieux recueilli les paroles de Mâ, avec l'ambiance et les anecdotes qui les entouraient. Le terme prasang vient de sang qui signifie ' compagnie' et de pra qui veut dire 'vers l'avant' (de même que prayag veut dire jonction comme dans 'yoga', et pra vers l'avant, donc confluence de deux rivières). Le choix de ce terme qui est moins courant que satsang implique une nuance de la part de l'auteur, c'est-à-dire que la compagnie de Mâ nous fait progresser, aller de l'avant, qu'elle nous mène au fond à une confluence avec Elle. Rappelons aussi que la rencontre des deux courants d'énergie au niveau du troisième oeil est régulièrement comparée à une confluence, idée que rend d'une certaine manière le terme prasang. Dans le même sens, ce n'est pas par hasard que ce troisième oeil est appelé aussi guruchakra, c'est l'endroit où nous confluons avec la lumière du gourou.

Le 29 mai 1941, à l'ashram de Raïpur près de Dehradun.

 À huit heures du matin, Mâ est venue s'asseoir dans le hall. Nous avons déjà mentionné que nous nous étions arrangés pour dormir dans le même hall et que notre literie restait là, étendue aussi pendant la journée. Elle se résumait en fait à une petite natte et une couverture pour chacun, sur laquelle il y avait un drap de lit épais de couleur, qui avait d'habitude l'air bien sale à cause de la poussière, etc. L'attention de Shrî Mâ est tombée aujourd'hui sur cette literie. Elle nous a demandé : « Est-ce que vous avez l'habitude de dormir sur des lits si simples, ou alors essayez-vous de vous ajuster à toutes les situations possibles par le fait d’être venus ici ? »

 Jiten Babou répliqua : «Manmohan Babou m'a dit que quand il dort chez lui il a besoin de six oreillers, mais qu’ici il se débrouille simplement avec un ! Nous vivons chez nous d'une façon différente, parce que là-bas, nous sommes des monarques. Je suis le monarque chez moi. Amulya Babou est aussi un monarque dans sa propre maison. Là-bas, personne n'est plus élevé que nous. Ainsi, tout dépend de notre position,  ici, nous sommes des êtres insignifiants. C'est pour cela aussi que nos lits sont dans le même état. » Tout le monde se mit à rire.

  Mâ répliqua avec humour : « Etre le monarque de sa propre maison signifie être le gouverneur simplement d'une zone  limitée. Vous êtes en fait le monarque de toutes les régions et aussi de toutes les situations. De plus, vous devez remarquer que si chez vous, vos enfants sont malades, vous ne serez pas capables d'avoir un seul instant de sommeil même en reposant sur un lit moelleux. C'est alors que vous vous mettrez à penser que même si vous aviez à prendre votre repos sur le sol pour que les enfants aillent bien, vous seriez préparés à le faire bien volontiers. Ainsi, vous voyez que vous êtes simplement les « monarques des besoins ». S'il y a un sommeil sain qui survient, on n'a pas besoin de lit. Tandis que si vous êtes dans un état mental pitoyable, même de bons lits nouveaux ne vous donneront aucun confort. La nature des choses du monde est ainsi, quand vous avez un fort désir de confort, l'inconfort vient aussi. Ainsi, on doit essayer d'être le « monarque, dans toutes les conditions - à la fois dans le confort et l'inconfort. »

« C'est pour cela que je vous dis ce que je dis aux autres aussi. Mettez à part pour Lui au moins un jour par semaine, où toutes les deux semaines, ou même par mois. Ce jour-là, vous devez rester dans une chambre, ne pas avoir de conversations inutiles, passer la journée entière dans la méditation, le japa ou la lecture des Ecritures etc. Vous devez garder à part l'âsana ou le lit sur lequel vous passerez cette journée. Si vous suivez cette manière de faire, vous en retirerez de grands bénéfices.

Moi-même – N’y aura-t-il aucun avantage réel à cela ?

Mâ - (En se tournant vers Jitenbabou) Est-ce que toi tu dis cela aussi ?

Jitenbabou - (En souriant) Non, je ne veux pas dire ainsi, parce qu'Amulyababou a pris de gros risques à dire cela ! »

Mâ -- (A Manmohan) Baba, que dis-tu ? Est-ce que tu dis toi aussi qu'il n'y a pas d'avantages à en faire ainsi ?

Manmohan : Je ne dis pas cela. Il peut y avoir des bénéfices à faire ainsi, comme il peut ne pas y en avoir.

Mâ- (Avec un sourire) : Tu veux en même temps faire plaisir à Amulya et à moi ! (Tout le monde se met à rire). (En se tournant vers moi) Tu ne peux pas dire qu'on ne réussit rien. Si tu dis ainsi, il serait impossible de faire étudier des enfants qui n'en ont pas envie. C'est à cause de cela que lorsque des enfants s'échappent une ou deux fois de leurs livres pendant l'étude, on les y ramène en les rabrouant et même en les battant. Après toute cette discipline, vous découvrez qu'après avoir étudié même contre leur gré, ils deviendront des savants ou des spécialistes.

Moi-même : Mâ, ce n'est pas la première fois que nous entendons ces conseils sur le samyam (la discipline complètement rassemblée et concentrée). Je les ai entendus auparavant et j'ai aussi essayé de les mettre en pratique. Mais il n'y a pas eu de résultats. D'autre part, il s'est avéré que toutes sortes de problèmes se sont intensifiés en ce jour particulier de samyam. Il n'y a pas d'expérience et de sentiments spirituels qui soient apparus. Au vu de tout cela, il me vient à l'esprit qu'il n'y a pas besoin de tout ce travail. Quand le moment viendra, tout surviendra automatiquement.

Mâ : Je dirais que tu n'as rien fait concrètement de ton voeu de samyam. En effet, ton attention a toujours été dirigée vers le fruit. Si tu désires un résultat immédiat, qui te tombe dans la main comme cela, on peut considérer qu'effectuer un travail particulier, ou non, revient presque à la même chose. Tu ne veux pas te mettre en peine pour des sujets spirituels, mais tu ne recules jamais quand tu essaies d'obtenir une bonne réputation ou une reconnaissance sociale.

Moi-même : Dans ces domaines non plus, je ne fais pas grand-chose !

Mâ : Cela non plus ne traduit pas un état élevé. Il n'y a pas d'efforts - pas d'enthousiasme vers quoi que ce soit, c'est de l'inertie! Est-ce qu'il est bon de rester dans un tel état d'inertie ? Ce que l'on effectue pour le progrès spirituel doit être effectué avec un sens de ce qui est juste à faire. On ne doit pas penser à propos du résultat. Mais tiens pour sûr qu'il y aura certainement un résultat   si un travail réel est effectué. En ajoutant même un centime après un autre, on arrivera à une roupie. Chaque action a son résultat. Pourquoi se limiter d'ailleurs au domaine de l'action ? Dans le domaine des sens aussi, voir quelque chose, toucher quelque chose -- tout a une influence qui lui est propre. C'est à cause de tout ceci que ressort la question du satsang et de la bonne influence d'un endroit particulier. C'est à cause de cela aussi qu'un sâdhaka ne permet pas que son âsana, ses vêtements ou son lit etc. soient touchés par qui que ce soit. Les qualités de ce que nous mangeons et de ce que nous pensons nous pénètrent, et ces choses nous transforment également.

 Nous avons dit aussi auparavant que ce qu'on voit dans ce monde, si nous le faisons du seul point de vue du bonheur et de la peine, ne fera qu'augmenter le sens de servitude en nous. Si, en percevant les arbres, les montagnes, les fleurs etc. nous pensons : « Oh, comme tout cela est beau ! », les qualités de ces objets nous pénétreront et conséquemment, de plus en plus de sentiments nouveaux seront engendrés en nous. Mais, tout en percevant ces objets, si nous sommes capables de les accepter comme des formes différentes du divin, si nous sommes capables de considérer que le divin lui-même réside dans la forme de ces belles fleurs ou de ces beaux fruits, etc., c'est alors seulement que nous développerons des pensées pures.  Ainsi, on ne doit rien voir ni faire avec une envie profonde pour les plaisirs du monde. Tant que vous n'êtes pas à l'abri des sentiments qui sont engendrés par de tels désirs, on ne peut pas même parler de salut. Bien sûr, par la grâce de Dieu, la racine de tous les désirs peut être détruite en un seul instant. Néanmoins, il s'agit d'un sujet différent. On doit plutôt avancer sur le chemin du développement progressif. De ce point de vue, il faut entretenir des sentiments purs à travers la répétition du Nom, le japa, et la méditation en fonction de son niveau.

  On ne doit pas se décourager en voyant qu'il n'y a pas de résultats rapides alors qu'on s'évertue à faire certains efforts sur ce chemin. Les samskâras, les empreintes du passé accumulées à travers de nombreuses vies ont créé à l'intérieur des masses de déchets. Tant qu'ils ne sont pas dégagés complètement, il n'y a pas d'espoir pour développer des sentiments divins. Cependant, on voit que même après un effort de quelques jours, certains peuvent réaliser quelque chose. On doit considérer dans ce cas que de telles personnes sont nées avec de bons samskâras. Ainsi, leur progrès peut se déployer facilement. Si l'on continue à travailler, on obtiendra très certainement des résultats - on doit oeuvrer dans cet état d'esprit. Si l'on n'a pas de gourou, il n'y a pas de mal, car le gourou est déjà présent en tous. Si l'on continue à travailler, c'est Lui-même qui va venir Se manifester. Mais si l'on parle du point de vue général, c'est mieux de faire effort sous la protection d'un gourou. »

जय माँ