lettres

Les écrits dictés par Mâ
LETTRES A PRAN GOPAL MUKERJEE

Les pages qui suivent consistent en la traduction de lettres à propos de Ma; elles ont été écrites en Bengali dans les années 1925-1926 ; c'est à dire le tout début de la vie publique de Ma ; leur point commun, c'est qu'elles ont le même destinataire, Pran Gopal Mukerjee (1869 – 1953), l'un des premiers fidèles de Ma, un des premiers aussi à parler d'elle à un vaste public.
Il occupait des fonctions administratives importantes, étant Directeur général adjoint des Postes à Dhaka, la capitale actuelle du Bengladesh, et il était disciple d'un maître renommé, Vallananda Brahmachari de Deogarh au Bihar.
Le fils de Pran Gopal, Govind Gopal est lui-même un pandit réputé : il a donné le paquet de lettres à Swami Nirvanananda de Dehradun.

Swami Nirgunananda (Shantivrat) en a fait des copies et les a traduites du bengali en anglais à l'ashram de Ma Anandamayi à Dhaulchina (près d'Almora, Kumaon, Himalaya), qui est à vrai dire un ermitage où il réside depuis douze ans ; avant lui, Swami Vijayananda avait passé sept ans de solitude à cet endroit.
Swami Nirgunananda fait partie du cercle intérieur des disciples de Ma.

La traduction a été prise en note et tapée par Jacques Vigne qui était à cette époque (mars 98) en retraite à Dhaulchina.
Cette sélection de textes est simultanément publiée pour le numéro 43 du Jay Ma, pour le site Internet de Ma en français et en anglais et pour la version bengali d'Amrita Varta.

Bien que cette correspondance n'apporte pas de notions révolutionnaires à propos de Ma, elle offre un matériel de première main qui a le parfum de fraîcheur émanant des récits de témoins directs des évènements..
De plus, ils confirment l'authenticité d'épisodes rapportés par Gurupriya Devi dans son journal, ou par Bhaiji dans Matri Darshan, comme la Kali Puja de 1925 à Dhaka ou la maladie de Bholonath en 1926, qui a été suivie par une période de jada samadhi (samadhi inerte) de Ma.
En avril 1924, Ma et Bholonath ont déménagé de Bajitpur à Shahbag, un grand jardin de Dhaka appartenant à la fille du Nawab de la ville.
Ma avait commencé à cette époque son 'jeu de sadhana' qui lui a permis d'explorer en un temps court les différentes sortes de sadhana possibles, mis à part le tantrisme de la main gauche. Cela lui a permis de guider par la suite chaque sadhaka dans sa propre voie spirituelle, une capacité rare chez les autres gurus.
Elle avait observé une période de 23 mois de silence jusqu'en décembre 1925 et elle avait annoncé en début 1926 qu'elle souhaitait reprendre une période de semi-silence pendant cinq ans, où elle ne répondrait qu'aux questions portant sur des sujets religieux.
Finalement, elle abandonna cette idée à cause des supplications de ses fidèles et de son entourage familial.

A cette époque, et ce pendant plusieurs mois, elle ne mangeait que très peu : trois bouchées de nourriture, y compris l'eau, les lundis et jeudis, et seulement cinq grains de riz les autres jours. Malgré cela, elle était en bonne forme physique. C'est à cette époque également qu'elle a cessé de s'alimenter elle-même.
Le 26 janvier 1926, Ma est rentrée pour la première fois en extase devant un vaste public. Bholonath avait organisé un kirtan à l'occasion d'une éclipse du soleil, évènement qui est célébré par des pratiques spirituelles dans la tradition hindoue.
Ma a aussi pour la première fois en public émis des mantras et des hymnes spontanés dans une langue ressemblant au sanskrit sans cependant en être vraiment.
Elle se mit à être enveloppée par une aura de miracle, et les gens commencèrent à se presser autour d'elle avec toutes sortes de demandes -souvent mondaine il faut bien le dire : réussite aux examens, guérison de maladies, etc...

L'auteur principal de ces lettres est Atal Bihari Bhattacharya, aussi désigné sous le nom de Atal ou Atul Babu..
Il était enseignant à l'Université de Rajshahi, une ville du Bangladesh. Ma lui a dit qu'il était son fils, mais l'a découragé de s'engageait sur la voie du renoncement complet, lui faisant sentir qu'il s'agissait d'une décision prématurée.

L'autre auteur des lettres est Baul Basak, aussi appelé Baul Dada (Dada signifie 'grand frère'). C'était l'ami d'enfance de Bholonath, et à cet époque il était toujours alentour prêt à rendre service.
C'est lui qui a fait découvrir à Ma Siddeshari, un temple dans un endroit isolé dont Ma qvait eu la vision avant même d'y aller physiquement.
C'est là que de nombreux épisodes important se sont passés, et que Bholonath s'est initié progressivement à la vie de renonçant. Dans une des lettres ci-dessous, il est intéressant de voir comment Ma a permis à Baul Basak de rejouer en réalité une vision mystique qu'il avait eu à propos d'elle.

En troisième partie de ces textes, nous avons mis quelques questions et réponses de Ma extraites des lettres, et en quatrième une hymne à la Mère divine composée par Girija Shankar Bhattacharya, qui était aussi un visiteur de Ma à cette période.
Celle-ci a eu un effet durable sur le destinataire de ces lettres, Pran Gopal Babu.
Son fils écrit à son sujet après sa mort:
"A chaque fois que mon père parlait de Shri Ma, il y avait dans sa voix un frémissent de crainte sacrée et de respect profond qui est resté intact au fil des années.. il savait qu'elle était une enseignante venue pour montrer la voie. Il lui demandait très souvent:"Ma, quand vous révèlerez-vous?" et elle se contentait de sourire..." (cité par Bithika Mukerjee dans A Bird on the Wing (Un oiseau sur la branche), la version révisée de sa biographie de Ma, parue tout récemment à Delhi (Satguru Publications, 1998)

A la fin de cette introduction, nous pouvons mentionner l'intérêt de l'Internet pour porter rapidement ces documents authentiques sur les premières années de Ma comme Guru à la connaissance d'un public mondial de chercheurs spirituels et d'étudiants ou chercheurs en sciences religieuses.
Cette diffusion aurait été impensable il y a seulement quelques années, quand la communication du savoir était presque monopolisée par le système lourd et lent de la publication de livres.



A) LETTRES D'ATTAL BIHARI
(principalement mars 1926)

Dans ces lettres, nous voyons clairement la manière dont le monde des dieux et celui des hommes se mélangent en présence d'une sage comme Ma.
A cette époque, nous avons déjà mentionné qu'elle avait annoncé qu'elle observerait cinq ans de semi-silence, où elle ne répondrait qu'aux questions spirituelles.
La veille au soir du jour fatidique où elle devait commencer son voeu, une foule avide de grâces et de faveurs plutôt pour leur vie mondaine s'était rassemblée auprès de Ma...

Finalement, Atal Bihari et Pishi Ma (la soeur de Bholonath, qui aidait Ma dans le travail de la maison à cette époque) insistèrent tellement que Ma abandonna son idée.

Dans le texte ci-dessous, elle discute avec Atal Babu de son désir de renonciation.

1) "Pourriez-vous supporter de me voir uniquement vêtue d'oripeaux et d'écorces d'arbres?"

Ma: Trouvez-vous difficile d'aller vivre à Rajshahi en me laissant là
Atal Babu: Certainement

Ma: Mais ce n'est pas possible de rester auprès de moi et d'accomplir ses devoirs d'homme dans le monde en même temps. Si vous voulez rester, vous devez mener la vie d'ermite en forêt; et évidemment, j'aurai aussi à la mener en votre compagnie.
Atal: Qu'il en soit ainsi, Ma!

Ma: Pouvez-vous endurer les difficultés de ce type de vie?
Atal: Avec votre bénédiction et en votre compagnie, je suis sûr d'en être capable.

Ma: Vous souvenez-vous, tout récemment, c'était très important pour vous de ranger ma cuisine qui était quelque peu désordonnée. Vous m'achetez sans cesse des vêtements et vous vous souciez beaucoup de moi.
Que va-t-il donc se passer quand vous me verrez vêtues simplement d'oripeaux et d'écorces d'arbres (la tenue traditionnelle des renonçants dans la forêt). Serez-vous capable de tenir le choc?
Et si vous me dites:"Je n'arrive pas à vous voir dans cette tenue!", je m'en irai...
Atal: Ma, vous me soumettez à la plus difficile des épreuves. Il vous reste à me donner la force de la réussir! Que votre volonté soit faite de toutes façons; mais ce sera réellement une pénitence pour moi de vivre à Rajshahi en vous laissant ici.

Après cette converstaion, Ma consola Atal et lui donna des conseils pour sa pratique.

2) Ma reconnaît qu'Atal est son fils, mais ne lui permet pas de toucher ses pieds

Un jour, Pishi Ma ainsi que moi-même demandèrent à Ma la grâce de mourir avant elle..
Elle répondit à Pishi Ma:
"C'est à vous de me donner votre bénédiction pour que je meure avant toi et avant Bholonath!"
Et elle ajouta en se tournant vers moi:"Comment cela se pourrait-il qu'un fils meure avant sa mère?"

Cela me fit très plaisir que Ma me reconnaisse comme son fils pour la seconde fois en ses propres termes. C'est à ce moment que je compris qu'elle ne prendrait pas son voeu de silence tant que Pishi Ma et moi-même serions en sa compagnie. Telle était sa compassion.
Après cela, je décrivis à Ma certaines expériences spirituelles et lui demandai la grâce de pouvoir les maintenir ma vie durant.
Elle me répondit:"Avez-vous parlé de tout cela à Pran Gopal Babu?"
"Oui, Ma, non seulement à Pran Gopal, mais aussi à son Guru Vallananda de Déogarh, et les deux m'ont dit que j'étais sur le bon chemin et que si je continuais comme cela je finirai par atteindre le but.
De plus, Pran Gopal m'a demandé de vous décrire tout ceci en détail et de vous demander votre grâce."

En entendant cela, Ma sourit et se tournant vers Bholonath lui demanda:"Que dois-je dire?"
Bholonath répondit "Ce que vous voulez!"
Atal Babu: Ma, à chaque fois que je vous pose une question, vous demandez la permission de répondre à quelqu'un d'autre, mais un fils a toujours envie de communiquer directement avec sa mère.
Ma: Ne demandez-vous pas la permission à votre Guru pour faire tout ce que vous avez à faire?
Atal: Certes, et je demande même la permission avant de dire quelque chose!

Ma: Ne parlez pas alors de quelqu'un d'autre (ce qui veut dire que non seulement Ma considère son mari comme son guru, ainsi que le conseille la tradition indienne, mais qu'elle estime qu'il n'est pas différent d'elle-même.)
Ma ajouta au sujet du désir d'Atal de maintenir le haut niveau d'expériences spirituelles qu'il avait eues" Je ne dirai rien maintenant, je répondrai quand le moment sera venu".
Atal: Donnez-moi au moins votre assurance spirituelle (lit 'abhay vani' 'paroles de non-peur')

Ma déclara par la suite à Bholonatn:
"Si je décris à Atal son futur spirituel, il sera débordant de joie et en retirera un grand encouragement."
Atal dit à Bholonath:"Je ne me soucie pas du tout de mon furtur. Ce que je souhaite, c'est son assurance spirituelle: que ce soit aujourd'hui, demain, dans dix ou vingt ans ou après ma mort, je désire revenir en Ma".

Atal avait reçu la permission de toucher les pieds de Ma à chaque fois qu'il venait, ce qu'il faisait avec une grande satisfaction, mais non sans redemander la permission à chaque fois. (toucher les pieds est un signe de respect courant pour un supérieur, professeur, parent ou guru).
Mais un jour, Ma exprima son désaccord à ce sujet. Atal fut piqué au vif.
Ma le prit avec Bholonath pour un entretien privé, lui expliqua les raisons pour lesquelles elle n'autorisait plus à ce qu'on lui touche les pieds et lui demanda de ne pas les divulguer.
Ce qui est remarquable, c'est qu'à partir de ce moment, le désir qu'avait Atal pour toucher les pieds de Ma disparut complètement.

3) Ma s'identifie avec Bhadra Kali

Près du temple de Ramna Kali (Ramna Kalibari), il y avait un vieux temple de Shiva en ruines.
J'allai à ce temple en compagnie de Ma et de Sonu, le fils de Pishi Ma (donc le neveu de Ma).
Pour rire, nous avons décidé de faire la course.
Sonu et moi-même avions beaucoup d'avance sur Ma, et au moment d'arriver au temple nous nous sommes tournés vers elle en plaisantant et en disant:"Vous avez perdu!"
Mais à notre grande surprise, elle se mit à courir, nous dépassa et parvint au temple avant nous.
Nous sommes alors rentrés dans celui-ci où elle retrouva un étudiant qui lui avait demandé la veille sa grâce pour réussir un examen qu'il devait aller passer sous peu à Calcutta.
Elle lui indiqua comment offrir les fleurs d'hibiscus à une déesse tout en récitant les prières appropriées. Il était onze heures ou midi, et nous nous sommes rendu compte qu'elle était venu jusque là uniquement pour répandre sa grâce sur cet étudiant.

Le soir même, Ma était de retour à Ramna Kalibari avec quelques fidèles. Le responsable, Nityananda Giri, était en conflit pour des questions de propriétés du temple. Il avait demandé à Ma le moment favorable pour intenter un procès; elle lui dit ce soir-là de s'y prendre durant le mois de Magh (après le 14 janvier, le début des six mois favorables d'après la croyance hindoue).
Tout d'un coup, Ma se mit à crier:"Où est-ce que vous en êtes, vous tous, ici!"
Nous étions stupéfaits d'entendre de tels éclats.
Ensuite elle s'adressa à Nityananda Thakur:"Tu ne peux plus me garder ici pour quelques temps, je m'en vais résider à Shabag (le lieu d'habitation de Ma et Bholonath). Vous pouvez venir là-bas si vous le souhaitez, mais je ne viendrai pas ici!"
Ma disait cela d'une voix réellement rauque, puis elle éclata d'un rire violent et sortit du temple. Elle agitait la main comme si elle expulsait quelqu'un en disant:"Vas-t-en! Vas-t-en!"
Elle alla ensuite à l'intérieur du samadhi (temple autour de la tombe) d'un saint qui se trouvait dans la cour et nous demanda de retourner à l'intérieur du bâtiment principal car elle voulait rester un certain temps dans le samadhi.

(Dans une autre lettre) Atal Babu rapporte qu'ils ont demandé à Ma les raisons de son comportement inhabituel.
Elle se mit à dire quelques mots, mais s'arrêta tout d'un coup et dit:"J'ai le kheyal (une inspiration divine qui ne laisse aucun doute) que si j'explique cela juste maintenant, je vais perdre ma capacité de parler".
Cependant, elle fit allusion à la façon dont Bhadra Kali avait été mécontente du comportement malvenu, pour ne pas dire mécréant de Nityananda Giri et à la manière dont elle avait choisi de s'exprimer à travers le corps de Ma.

Sonu demanda:
"Si la Déesse-mère n'est plus à Kalibari, est-ce que les offrandes de ceux qui vont la visiter seront acceptées; et leurs prières exaucées?"
Ma répliqua:
"La Mère est présente toujours et partout, mais dans les lieux de pèlerinage (tirtha) et dans les endroits sacrés, son pouvoir se manifeste tout particulièrement. D'habitude, elle sera toujours à Ramna, mais pour quelques jours on n'y sentira plus son pouvoir spécial. Cependant, ceux qui ne le savent pas et qui viendront la prier de bonne foi verront leurs prières exaucées."

4) Baul Bask est autorisé à rejouer sa vision

En méditation profonde, Baul Dada s'était vu lui-même en train de faire des cercles avec le trident de Shiva (trishul) autour de la tête de Ma et de Bholonath.
Il parla de cette vision à cette dernière.
Pendant que tout le monde discutait à ce sujet, Pishi Ma dit à Bholonath:
"Je vais te mettre entre les mains un trident"; et Ma approuva l'idée.

Le lendemain matin à 10 heures, Baul Dada vint à Shahbag. Ma lui demanda d'aller immédiatement à Siddeshwari, de rencontre là-bas une bhairavi (une ascète tantrique) et de rapporter son trident.
Je l'accompagnai; en chemin, nous avons pris des fleurs et des fruits en guise d'offrande au temple mais en arrivant, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait foule, et avons décidé de les disposer plutôt sur le mahasana (une plateforme de ciment qu'on avait spécialement construit pour Ma dans la cour du temple).
Nous avons placé le trident sur la plate-forme, l'avons honoré par un rituel puis nous l'avons rapporté à Shahbag pour le déposer dans la chambre de Ma.
Sur le chemin du retour, Baul chantait continûment le nom de Shambu (Shiva)

Ce soir-là, je plaçai deux asanas (petits tapis de méditation) et demandai à Bholonath de s'asseoir sur celui de droite tandis que Baul Dada priait Ma de prendre celui de gauche.
Celle-ci dit non sans humour:"Je suis si fatiguée que je ne peux sortir du lit!"
Nous pouvions nous apercevoir sans doute possible qu'elle était en fait dans un état spirituel particulier (bhâva), tous ses membres étaient raidis.
Après quelques temps, elle redevint normale.

Voyant Pishi Ma qui revenait avec le trident de la chambre d'à côté, elle se mit à plaisanter:'Tu me fais peur! Vas-tu me donner un coup de trident?"
A ce moment-là, Pishi Ma avait vraiment l'air d'une bhairavi avec son trident et son visage resplendissait d'un éclat qui éveillait une crainte sacrée.
Elle mis le trident dans les mains de Bholonath et rentra de suite dans une méditation profonde qui dura quelques temps.
Bholonath donna le trident à Baul Dada, qui commença à le passer au dessus de la tête de Ma et de Bholonath en faisant des cercles.
Il paraissait saisi d'une folie sacrée (de fait, Baul en bengali signifie 'fou', avec une nuance de folies sacrée, comme dans le cas des chanteurs mystiques errants du même nom; cf le livre d'Aurore Gauer sur le sujet).
Au bout d'un certain temps, Ma lui dit:"Maintenant; tu comprends pourquoi il y a un trident dans la main de Shiiva".
De fait, Baul Dada avait posé cette question à Ma, quelques jours auparavant, mais elle n'avait pas donné de réponse.

Baul Dada se mit alors à expliquer ce qui suit:"Le Seigneur Shiva est Mahadev (le grand Dieu, un nom qui peut s'appliquer également à Vishnu, celui qui protège l'univers); Mahakal (lit 'le grand Temps', c'est à dire le destructeur, rôle attribué à Shiva) et le Créateur de cet univers. (Ceci indique que l'essence de Shiva est supérieure à la Trimurti de brahma, Vishnu et Shiva dans sa forme réduite seulement à la fonction de destruction).
Il a en main la Nature sous forme de trident, dont les trois flèches correspondent aux trois gunas (tamas, rajas et sattva). Il frappe sans cesse le monde avec, d'où le malheur.
Il ajouta:"Kashi ('la resplendissante'; le nom traditionnel de Bénarès) est la capitale de Shankar (Shiva) et elle est placée sur le trident, ce qui signifie qu'elle ne fait pas partie de cet univers.
Ce royaume est au-delà du monde physique, c'est pour cela qu'on n'y trouve ni plaisir, ni douleur et qu'on dit qu'il n'y a pas là-bas de tremblement de terre.
Dans ce microcosme qu'est le corps, les cinq éléments et les trois qualités (gunas) correspondent aux cinq chakras inférieurs et au trois canaux (ida, pingala et sushumna).
Le chakra entre les deux yeux (ajna) est au-delà, et de fait les pratiquants du tantrisme l'appellent 'Kachi'.
Quand le mental se stabilise à cet endroit, il n'y a pas de 'tremblement de terre', c'est à dire que les perturbations émotionnelles et mentales se calment).

Ma approuva ces explications.




B) EXTRAITS D'UNE LETTRE DE BAUL BASAK

Ma évoque sa propre expérience

A Siddheshwari, les fidèles de Ma avait construit une petite plateforme pour qu'elle puisse s'y asseoir quand elle se trouvait là-bas.
Ils souhaitaient la consacrer pendant les neuf nuits (nava-ratri) consacrés à la déesse à l'occasion de Durga-Puja (en octobre 1925).
Ils préparèrent un repas pour cent personnes, mais en fait trois cent vinrent. Malgré cela, tout le monde a été rassasié et il y avait encore des restes.
Ce genre de fait se reproduisait souvent avec Ma.

Ensuite Ma se mit à évoquer certaines de ses expériences spirituelles:
"Dans la période qui suit le réveil, j'oublie complètement le monde extérieur, je ne sais plus où je me trouve, si c'est sur le sol, dans l'eau ou en l'air, si j'habite un bâtiment en dur ou une cabane, s'il fait jour ou nuit et si j'ai ou non du monde qui m'entoure.
Après un temps assez prolongé, la perception de l'extérieur revient.
Le corps est complètement inerte.
Je n'ai pas de sensation particulière de ses parties comme les mains, les pieds, les yeux, les oreilles ou le visage...
J'ai simplement le sentiment qu'il y a une motte de terre qui se trouve là.
A l'intérieur, c'est comme si il y avait du verre propre et massif qui ne laisse pénétrer ni mauvaise odeur ni air vicié.
Si pourtant ils réussissent à rentrer, il est très difficile de s'en débarrasser.
Je ne peux faire quoi que ce soit contre cela de mon propre chef.
Si on me force à faire quelque chose pendant cette période, cela me fait mal.
Il vaut mieux ne pas s'alimenter. Si je le fais, mon corps me brûle, il y a une transpiration abondante et la respiration est perturbée.
Et si on m'appelle, j'ai l'impression qu'on me frappe la tête.
Si je réponds à l'appelle de quiconque dans ces moments, il se peut que je devienne folle."

C) QUELQUES QUESTIONS ET REPONSES

(Dans une lettre, Pran Gopal Babu avait probablement critiqué quelqu'un ; Ma lui répond ce qui suit:)
- Celui qui cherche Dieu ne doit pas critiquer ou dire du mal des autres. Si vous voyez quelqu'un, n'essayer pas de l'étiqueter "bon" ou "mauvais". Sinon, votre attrait pour Dieu en sera diminué et vous aurez la tentation de vous auto-glorifier. Mieux vaut regarder en dedans de soi-même.

Question : Comment puis-je me débarrasser du sens de 'moi' et de 'mien'"?
- Ma : Effacez ce 'a' au début de 'amar' (mien), ce qui restera 'mar' signifie 'appartenant à la Mère, de la Mère'...Les cinq organes d'actions et les cinq sens peuvent faire leur travail, mais restez fixés sur le nom; à ce moment-là, votre égo s'atténuera progressivement. Quand vous sentez que le mantra commence à se réciter spontanément à l'intérieur, cela veut dire également que l'ego diminue.

Q: Ma, vous avez atteint le sommet de la sadhana avez-vous vraiment besoin d'observer toutes ses règles qui sont si strictes.
- Ma Il faut bien que je demeure en ce monde; le contrôle de soi est nécessaire pour que l'ego ne prenne pas le dessus. (Ma veut donner l'exemple aux autres, car en tant que sage elle est prise comme une référence).

Nani Babu demanda à Ma:;
"Vous êtes la miséricorde même, vous devez enseigner au monde la non-violence (ahimsa). Pourquoi donc à ce moment-là vous avez si soif de sang?" (Ma était d'une famille de Shakta, les adorateurs de la Mère divine Shakti; dans cette tradition, il y a des sacrifices animaux, alors que dans la tradition vishnouïte également très répandue au Bengale, ceux-ci sont sévèrement condamnés. D'où un perpétuel point de frottement entre les deux groupes.)
- Ma, dans un état d'être particulier (Nani Babu venait de s'adresser à elle comme si elle était directement la déesse): "Je suis en train de boire mon propre sang (une allusion à Chinnamasta, 'celle à la tête coupée' qu'on représente en train de boire son propre sang et d'en offrir à ses deux compagnes Jayâ et Vijayâ qui étaient assoiffées). Je suis nirahara ('sans nourriture', ce qui peut signifier soit 'je ne prends pas d'autre nourriture' ou bien 'je n'ai pas pris de nourriture', donc 'je suis affamée').
Je suis l'univers tout entier.- Pourquoi avez-vous une telle avidité pour les sacrifices sanglants?- Pour moi, tout se vaut.
Qu'est-ce que le sacrifice?
Qu'est-ce qui n'est pas sacrifice?
Pourquoi cueillez-vous des fleurs et des fruits des arbres?
Pourquoi récoltez-vous ce qui pousse dans les champs?
Tout ce que vous prenez n'est que sacrifice.
La divinité principale de ce lieu (Chinnamasta) est en train de boire son propre sang? Elle absorbe tout et donne tout en retour.

D) UN HYMNE A LA MERE

Par Girija Shankar Bhattacharya, qui était à l'origine d'Ashtagram et est devenu Professeur à Calcutta).
Cette hymne a été écrite en 1943 en bengali et immédiatement traduite en anglais par l'auteur lui-même. A cette époque, les gens qu'il évoque comme Bhaiji et Bholonath étaient déjà décédés).

1) Je m'incline devant la Mère de l'univers toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi), encore et encore, je m'incline devant celle dont le sourire radieux dissipe complètement les ténèbres du mental; dont les paroles de douceur sont fascinantes pour chacun et dont l'affection transforme toute personne en la Mère elle-même.

2) Je m'incline devant la Mère de l'Univers, toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi), encore et encore je m'incline devant celle dont la vie mystérieuse (lit 'dont la vérité à propos d'elle-même) est au-delà de la compréhension des êtres humains; et qui, bien que vivant toujours et sans interruption dans la joie de Brahman se déplace dans le monde librement pour le bien de ceux qui sont rejetés; comme un mère véritable, pleine de patience infinie et d'une promptitude infinie à pardonner les transgressions.

3) Je m'incline devant la Mère de l'univers, toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi) dont la miséricorde est ma seule espérance; oui, d'une manière infiniment gracieuse se manifeste même dans les esprits qui ont tendance aux mauvaises pensées et les remplit d'extase; celle qui reçoit l'abandon (surrender) total des êtres humains sensés qui considèrent ceci comme étant leur seul devoir.

4) Je m'inclinedevant Bholonath qui possède un corps de joie (ou 'qui est un second Nityanand, le disciple principal de Chaitanya Mahaprabhu) et je m'incline devant le suprême bhakta qui est parvenu à l'unité avec l'éclat foudroyant de Brahman (allusion qu premier nom de Bhaiji, Jyotish qui signifie littéralement dieu de la lumière).

Je m'incline mille fois devant celui qui répond au nom de Gopal et qui a consacré son souffle (prana) au service du Seigneur (ou 'au vénéré Pran Gopal, Pran signifiant 'le souffle', Pran Gopal Babu étant, rappelons-le, le destinataire des lettres ci-dessus).

Encore et encore je m'incline devant Ram Chandra, qui a accès aux mystères les plus profonds. (Ram Chandra Chakravarti avait une réputation de sainteté et il fut le premier a déclarer que Ma était Jagadamba, la Mère de l'univers elle-même).