Une nuit à Vrindavan en 1948, une conversation animée battait son plein quand l’un des fidèles de Mataji, un vieux et savant sannyasi qui d’habitude prenait une part fort active dans les discussions, s’endormit profondément et se mit à ronfler sans soucis, oubliant complètement son environnement. Mataji l’appela une ou deux fois sans aucune réponse de sa part. L’assistance s’amusait beaucoup. Enfin quelqu’un, pour lui faire une farce, lui déposa dans la bouche à moité ouverte un rasgulla (une boule de sucrerie au lait dans un sirop). Même ceci n’eut pas l’effet désiré, pas même les éclats de rire qui suivirent ; mais quand le sirop se mit à s’infiltrer au fond de la gorge, il fut bien obligé de se réveiller.
Et comme cela arrive si souvent, Ma fit de cet épisode comique une occasion pour exprimer des vérités très profondes. Elle parla à propos du rasa ; c’est un mot difficile à traduire puisqu’il peut signifier autant le jus, la sève que le nectar, l’essence, n’importe quel sorte de délice, qu’il soit physique ou subtil, et enfin la joie Suprême. Il n’y a pas d’équivalent en anglais ou français. Mataji expliqua donc : « Tant que le goût de Dieu n’a pas pénétré dans l’homme, tant que le nectar du Divin ne rentre pas en profondeur en lui, son âme ensommeillé ne se réveille pas. Le védanta est rasa, de même que la bhaklti est rasa ; pourquoi devrait-on qualifier le védanta de sec ? C’est un fait bien connu que le poison neutralise le poison. De même, quand l’homme transcende les plaisirs de la nature qui sont éphémères, il goûte la saveur délicieuse de sa vraie nature, svabhaver rasa, le plaisir suprême, param rasa; l’anxiété torturante du poison des plaisirs matériels est détruite.
Au delà des plaisirs physiques, manger, dormir, se promener, etc… il y a la Joie suprême.
Ne récitez-vous pas : brahmanandam paramasukhadam ‘félicité absolue, bonheur suprême’?
Il est le bonheurs lui-même, le bonheur est Sa véritable essence. Le bonheur du monde a son contraire, le malheur. Mais là où le bonheur existe en sa forme essentielle et inconditionnée, ânanda svarûpa, la paire d’opposé joie-souffrance ne trouve pas de place. Là où il n’y a que svarasa, il ne peut être question de a-rasa, c’est à dire d’un sens de sécheresse, de vide, d’anxiété due à l’absence de Dieu.
Il est la fontaine de Joie, la Joie et la Joie seule est son Etre. Un état existe dans lequel il n’y a que Félicité, Béatitude, Bonheur suprême. A votre niveau la joie a son contraire, vous parlez des joies du ciel et des tourments de l’enfer . Mais là où se trouve la félicité éternelle, la félicité en elle-même, les mots ne peuvent pas parvenir. LA-BAS, qu’y a-t-il, qu’est-ce qui est absent ? Parler signifie flotter à la surface ; quel langage peut-il exprimer ce qui ni ne flotte ni ne plonge en profondeur? »
A propos des fruits donnés en prasad : Ma est complète en elle-même.
Le chant des écritures sacrées venait de se terminer. Une dame du Cachemire apporta une corbeille pleine de fruits et l’offrit à Ma ; quelque temps plus tard Mataji appela deux fidèles et leur demanda de distribuer le contenu du panier à tous les gens présents. ‘Donnez un fruit entier à chacun’ dit-elle. Quelqu’un craignait qu’il n’y en ait pas assez et objecta :’Pourquoi un fruit entier ? Ne serait-il pas plus sûr de les couper en morceau ?’
Mataji : Non, pourquoi les diviser s’il y en a pour tout le monde ?
Après que chacun ait reçu sa part, il ne resta plus qu’un seul fruit pour les deux personnes qui distribuaient. Mataji leur dit :’le travail de distribution est unique. Vous pourriez avoir été trois pour le faire, mais maintenant il vous faudra diviser le fruit entre vous.’ Quelqu’un remarqua :’De la même façon, chanter les Ecritures représente une seule action même si nombreux sont ceux qui y prennent part; il aurait donc été judicieux pour tout ceux qui y ont participé de partager un seul et même fruit’. Ce sur quoi quelqu’un d’autre ajouta :’Mais alors écouter le chant ensemble est également un seul et même travail’…
Mataji : exactement, il n’y a que le UN ; tout ceci est pour vous faire saisir ce fait. Quoique vous fassiez à quelque moment que ce soit, quelqu’en soit le but, cela doit viser cet UN afin de parvenir à la plénitude. De fait, ceci est toujours valable, on doit avoir pour but CELA.
Un fidèle : Pour Ma, tout est complet
Mataji : Que vous disiez ‘pour Ma’ ou ‘pour moi’ (en signifiant vous-même), tout est en réalité complet. Que veut dire ‘ici’ et ‘là’ ? Ce qui est complet inclut tout, pas même la mort ne peut être exclue. Tout angle de vision particulier et comme une fissure ou une faille dans le Tout. Même tous les points de vue, tout ce qui vous plaît est contenu dans ce qui est complet ; en fait dans l’incomplétude aussi se manifeste le UN parfait – dans tous les aspects Lui seul est.
Un fidèle : de la complétude naît l’incomplétude et vice-versa ; le mouvement évolue en stabilité, car il est évident qu’il faudra bien fermer la bouche à un moment où à un autre si on veut prononcer le son ‘m’ (rires)
Question : mais ne dites-vous pas Hari kathâ hi kathâ aur dab vrithâ viathâ : on doit parler de Lui seul, tout le reste n’est que vanité et souffrance. S’il n’y a que le Un-sans-second, comment peut-il y avoir des paroles et un discours ?
Mataji : Demeurez seulement en Lui, habitez seulement en Lui ! On ne peut Le laisser de côté, bien qu’on puisse essayer de L’exlcure. Il est toujours là, mais si vous Le reconnaissez, Il sera aussi là sur le plan où les conversations et les discussions existent.
A ce moment-là la dame qui avait apporté les fruits se leva tout d’à coup et dit :’Quand le prasad a été distribué, j’ai reçu deux portions’. A présent enfin, nous savions pourquoi un fruit manquait ! Ensuite la dame expliqua : ‘quand j’étais dans la rue en transportant le panier, une vache m’a suivie et a essayé de me dérober un fruit. En dépit de tous mes efforts pour éloigner le panier, elle était tellement insistante que finalement je lui ai donné un des fruits.’
‘C’était ma part !’ s’exclama Mataji. ‘Vous voyez, maintenant, le compte y est !’
La dame du Cachemire confirma :’de fait, quand j’ai tendu le fruit à la vache, une pensée m’a traversé l’esprit :’ce doit être Mataji qui est venu réclamer ce fruit sous ce déguisement !’
L’Inde ! Terre de grands sages et de yogîs.
Toute personne normalement sensible ressent dès qu’elle pose le pied sur ce sol sacré, le souffle béni qui en émane. C’est d’ailleurs pour cela que Paramhansa Yogananda termina sa vie avec les derniers mots de son poème « My India » (Inde, ma terre) :
« Je suis béni. Cette terre a accueilli mon corps. »
L’Inde est en train de traverser une période de transition, phase indispensable pour ce pays qui possède l’une des cultures les plus significatives de ce monde. L’heure est venue pour elle de prétendre au rang, qui lui est dû, de leader parmi les nations de la planète.
La première fois que je m’y suis rendu, en 1958, on y rencontrait encore de grands sages. J’y suis resté presque quatre ans, hormis une interruption de six mois, en I960, durant lesquels j’ai dû faire des voyages en Amérique et en Europe. Puis j’y suis retourné pour une courte durée en 1972. Par la suite, j’y suis allé à différentes reprises en simple visiteur. Après cela, je m’y suis rendu une fois encore, en 2003, pour y vivre et achever l’œuvre de mon Gourou. Au cours de cette cinquantaine d’années j’ai pu constater nombre de changements dans ce pays. Et tous n’étaient pas des plus agréables pour une personne dont la vie était consacrée à la recherche de Dieu. Mais j’ai parfaitement conscience du fait que ces changements étaient indispensables. Et je suis persuadé qu’en fin de compte les vibrations sacrées de l’Inde traverseront les brumes du matérialisme qui maintenant recouvrent l’Inde comme le brouillard recouvre la terre.
J’ai eu le privilège de rencontrer, au cours de ma première visite, un certain nombre de sages et de personnes très élevées spirituellement. J’en ai rencontrés nettement moins lors de mon séjour de 1972. Et moins encore au cours des quatre dernières années. Je fais de mon mieux pour apporter un minimum de prospérité matérielle dans ce pays, en même temps qu’une certaine richesse spirituelle. J’ai fait connaître le projet de mon Gourou concernant la réalisation de « World Brotherhood Colonies » que j’ai réussi, d’ores et déjà, à bien établir dans la partie occidentale du pays. Je nourris l’espoir de parvenir à couvrir le territoire de ces petites communautés où vivent des fidèles qui œuvrent pour Dieu, fondent des familles, si tel est leur désir, et élèvent leurs enfants, tout cela dans l’amour du Divin. On peut dire, après quarante années de résultats positifs, que ce mode d’organisation a donné les preuves de son efficacité. Il y a, à l’heure actuelle, environ un millier de personnes qui vivent dans des communautés ‘Ananda’ tout à fait florissantes en Amérique et en Italie.
Je souhaite ardemment que les pages qui suivent incitent les gens à revenir à la spiritualité de l’Inde ancienne, l’Inde des Védas. C’est ce mode de vie que pratiquent nos communautés Ananda en Occident. Elles sont d’ailleurs reconnues comme telles aussi bien par les sages que par les simples visiteurs qui viennent de l’Inde.
Comme je l’ai dit, j’ai eu le bonheur, lors de mon premier séjour en Inde, de rencontrer des sages. J’ai d’ailleurs écrit de nombreuses lettres à ce propos, à mes frères et soeurs en spiritualité, qui eux se trouvaient en Amérique. La plupart de ces lettres ont été perdues ou sont maintenant introuvables. Certains de ces sages étaient très élevés spirituellement. L’un d’eux était un vieux yogî âgé de 132 ans. Je l’avais rencontré à Puri. J’ai connu plusieurs autres sages lors de la Khumba Mela à Allahabad, en 1960. Il y avait, parmi eux, Deohara Baba, âgé de 144 ans. Il me raconta qu’il avait connu Lahiri Mahasaya. Il y avait également Kara Patri, dont il est question dans « Autobiographie d’un Yogî » et Hansa Maharaj, 122 ans, qui avait annoncé qu’il quitterait son corps en avril de cette même année. Ce qui advint en effet. Et plusieurs autres sages dont j’ai oublié les noms.
J’ai rencontré, à New Delhi, une jeune femme qui, à l’âge de neuf ans, avait annoncé à ses parents qu’elle entendait se retirer du monde et vivre en recluse. Elle leur demanda de bien vouloir ne pas la déranger et de se contenter de lui laisser de quoi se nourrir devant la porte de sa chambre. A compter de ce jour elle avait passé son temps à prier et à méditer, ne prenant que très peu de nourriture. Elle ne communiquait que par messages écrits. Parfois ses parents lui laissaient un billet lui demandant de prier pour telle ou telle personne, ce qu’elle ne manquait pas de faire. Et dans un grand nombre de cas, ses prières étaient exaucées.
Son père souffrait d’une maladie chronique. Mais les prières qu’elle faisait pour sa guérison semblaient ne pas être entendues. Elle expliqua, par une note qu’elle laissa devant sa porte :
« Les prières ne l’aideront pas. » A la fin, sa mère lui reprocha de faire montre de parti pris à l’endroit de son père en ne se consacrant pas à sa guérison : « C’est uniquement parce que c’est ton père » écrivit-elle. La jeune fille finit par accepter de prier, mais elle laissa une note à sa mère : « Tu verras ce qui en résultera. » Elle guérit son père, mais peu de temps après, celui-ci se mit à mener une vie totalement dissolue. En fait, sa maladie avait fait obstacle à son karma, empêchant celui-ci de se manifester. Elle avait voulu qu’il expie totalement son karma. Mais, désormais, il allait devoir l’affronter et, au fil du temps, en payer toutes les conséquences.
Je l’ai rencontrée alors qu’elle avait dix-neuf ans. Elle avait encore le physique d’une toute jeune fille. Elle ne sortait presque jamais de sa chambre, mais ce jour-là elle en sortit pour me recevoir et consentit à méditer avec moi.
Peu de temps après, on la vit pleurer devant l’image de Krishna. Elle mourut le lendemain.
J’ai connu également Bhupendranath Sanyal, ou Sanyal Mahasaya le plus vieux disciple vivant de Lahiri Mahasaya. Cela s’est passé dans son ashram, aux portes de la ville de Puri, à l’occasion d’une rencontre de spiritualité. Ce lieu était empli de l’amour du Divin.
Je suis resté quelque temps au Math de Gowardhan, à Puri, avec Bharati Krishna Tirth, le Shankaracharya de ce même Math. J’ai préparé sa tournée de conférences en Amérique en 1957 ou 58.
J’ai passé beaucoup plus de temps avec Mâ Anandamayî que ce qu’il est dit dans le passage, relativement court, qui concerne cet épisode. Mâ avait coutume de m’appeler son « chhoto chele », son petit enfant. En fait, elle était en quelque sorte ma mère spirituelle. J’éprouvais grâce à elle un sentiment d’appartenance familiale, sentiment que je n’avais pas connu avec mon propre Gourou qui, lui, m’inspirait un respect mêlé de sujétion. Mes difficultés étaient dues, en partie, au fait que j’étais très jeune à l’époque. Mais elles provenaient aussi du fait que mon Gourou avait une personnalité forte et autoritaire.
Ah ! Comme je voudrais pouvoir consacrer de nombreuses pages à toutes ces visites – oh, combien précieuses – que je fis à Mâ !
J’ai eu le sentiment, lors de mon retour en Inde en 1972, que l’atmosphère bénie par la présence des sages, n’était plus la même qu’auparavant. D’ailleurs, au cours de ces quatre dernières années, je n’en ai rencontrés que très peu. Je suis toutefois persuadé que ces temps bénis reviendront un jour.
Et je prie pour que mon action dans ce pays contribue à accélérer le retour de ces temps-là.
Amitié en Dieu.
Swami Kriyananda
Février 1959
Les textes qui suivent ont été tirés d’une très longue lettre que j’ai écrite – mais que je n’ai jamais terminée – aux moines SRF de Los Angeles, d’après les notes que j’avais prises à la fin de chacun de mes entretiens avec Mâ, ainsi que d’après les récits qui ont été faits par Mohini Chakravarty, un disciple SRF-YSS.
Sri Daya Mata avait décidé de se rendre avec son groupe – composé de Ananda Mata, de Soeur Revati et de moi-même – à l’ermitage de Sri Yukteswar situé à Puri près de la mer. Après un court séjour dans cet endroit, nous décidâmes de retourner à l’ashram YSS
Baranagar, non loin de Calcutta, où nous vivions habituellement. Ce devait être le 9 février. On nous apprit, dès notre retour, que durant notre absence, Mâ Anandamayî était arrivée à Calcutta.
Ce fut une grande émotion pour nous ! Les phrases magnifiques qu’avaient écrites notre maître Paramhansa Yogananda à propos de Mâ, dans son Autobiographie d’un Yogî, nous avaient frappés, nous ses disciples. Nous étions subjugués par l’amour extatique de Mâ, et son infinie dévotion pour le Divin. L’un de nos grands espoirs, sinon le plus grand, lors de notre venue en Inde, c’était d’avoir le privilège de la rencontrer. Or, le destin avait, d’une certaine façon, conduit la Mère Divine sur le pas de notre porte ! Nous brûlions du désir de la rencontrer.
Mon impatience toutefois n’était pas exempte d’une certaine anxiété. En effet, je devais prendre un vol le vendredi suivant, pour Madras, où j’étais censé tenir une conférence au centre SRF-YSS. Comment faire pour rencontrer Mâ avant ce jour-là ? Il aurait fallu que je trouve quelqu’un qui soit en mesure de me conduire à Calcutta, car je n’avais pas la possibilité de m’y rendre par mes propres moyens.
Le mercredi 11 février, à l’heure du dîner, nous étions assis tous les quatre autour de la table de la salle à manger, en compagnie de deux ou trois amis Indiens. La conversation tournait, bien évidemment autour de Mâ Anandamayî et de notre désir profond de la rencontrer.
Nous fîmes part à nos amis de l’une de nos préoccupations, à savoir que nous n’avions aucune idée de l’endroit où elle se trouvait à Calcutta.
« Elle est sans doute à Agarpara » affirma Mohini Chakravarty, un de nos amis Indiens.
« C’est là qu’elle demeure lorsqu’elle vient à Calcutta. »
- Sais-tu comment nous pourrions nous rendre là-bas ? lui demandai-je.
- Oui, répliqua-t-il. Je peux vous y emmener.
- A quelle heure reçoit-elle les visiteurs, normalement ?
- A cette heure-ci, plus ou moins.
C’était là une opportunité à ne pas manquer.
« Et si nous y allions à l’instant même ? » lui dis-je.
A en juger par leur regard surpris, les amis de mon groupe ne s’attendaient pas à cette proposition. Mohini, quant à lui, accepta aussitôt de m’accompagner.
Quelques minutes plus tard nous étions en route.
J’entrai en méditation alors que nous roulions dans la nuit. Une joie étrange emplissait mon coeur. La Mère Divine savait-elle déjà que nous venions la voir ? Peut-être m’envoyait-elle sa bénédiction avant même que je me présente devant elle ?
« Mohini, » dis-je, « soyez gentil de ne pas dire à Mâ qui je suis, à savoir que je suis un disciple de Paramhansa Yogananda, que tout l’entourage de Mâ connaît bien. Je n’ai pas envie d’affronter les formalités d’une présentation. Je me glisserai discrètement au fond de la salle où je m’assiérai pour méditer. Cette joie me suffira. »
Je désirais une rencontre spirituelle avec Mâ, et pas du tout sociale. En fait, je me sentais intimidé, moi, simple disciple indigne, à l’idée de me faire connaître en tant que représentant de notre Maître, devant un être aussi élevé, aussi extraordinaire. Je préférais entrer discrètement et aller m’asseoir sans me faire remarquer.
Je l’aperçus de l’extérieur, à travers une suite de portes-fenêtres qui s’ouvraient sur la façade de la salle des réunions. Je compris à l’instant où je la vis – et chaque fois que j’eus la joie de la rencontrer par la suite, fut-ce même dans la pénombre où je ne distinguais pas ses traits – je compris le sens profond de certains mots de notre Maître. Il avait écrit quelque part : « L’extase emplit votre coeur à la simple vue d’une sainte créature ». Je me rendais compte à quel point ces paroles étaient justes. Il y avait, là, devant mes yeux une créature divine.
J’entrai dans la salle et me dirigeai silencieusement vers le fond. Puis je m’assis en lotus. Il devait y avoir quelque cent cinquante personnes.
Mâ parlait d’une voix tranquille. Ses phrases étaient souvent ponctuées de petits rires amusés. Et cette voix, qui par moments avait la consonance de celle d’une jeune enfant, faisait vibrer mon coeur. Je fermai les yeux et entrai en méditation. Une grande paix intérieure m’envahit, mêlée d’une profonde dévotion.
Après un certain temps, l’assistance se leva. Selon toute évidence, la réunion était terminée. Je ne pus me résoudre à bouger, ni même à ouvrir les yeux. Les gens autour de moi commencèrent à bavarder. Je présumai donc que Mâ avait quitté la salle.
Je n’avais pas voulu lui être présenté, mais maintenant qu’elle s’en était allée, une certaine tristesse me gagnait. « Il eut été agréable d’échanger ne serait-ce qu’un regard avec elle, ou même un sourire affectueux », pensai-je. Mais il était trop tard, elle était partie. Et de toutes façons, qui étais-je pour prétendre à de telles faveurs ? Alors je me contentai de la bénédiction que j’étais certain d’avoir reçue.
Je repris ma méditation pendant quelques minutes. Quelqu’un me tapota sur l’épaule. C’était Mohini.
« Je vais voir si l’une de ces personnes peut demander à Mâ de te rencontrer quelques instants. »
« Non ! » exclamai-je. « Je t’en prie, ne fais pas cela. Ce serait comme lui imposer la chose ! Ses entretiens avec le public sont terminés. Qui suis-je pour mériter un pareil privilège? »
Mais Mohini ignora amicalement mon opposition. Il savait ce que je souhaitais réellement. Il s’approcha d’une des disciples de Mâ et lui fit sa demande. La réponse arriva peu de temps après : Mâ acceptait de me rencontrer.
Je me rendis aussitôt près de sa chambre et attendis non loin de sa porte. Mon coeur battait fort, empli qu’il était, d’appréhension en même temps que de bonheur.
Tandis que j’attendais la venue de Mâ Anandamayî, Sri Anil Ganguli, un disciple de Mâ, lança une boutade amusée : « Attention au poison du cobra ! Une fois qu’il est entré dans ton
organisme, tu ne peux plus jamais l’en expulser! »
C’est alors quelle apparut. Elle me demanda avec douceur d’où je venais, depuis combien de temps j’étais en Inde, et me posa quelques autres questions d’ordre général.
Je lui dis que j’étais un disciple de Paramhansa Yogananda, ajoutant que grâce à lui, nous tous, dans l’ashram en Amérique, nous nourrissions un grand amour pour elle.
Elle sourit avec gentillesse, puis elle répliqua tranquillement : « Il n’est d’amour que l’amour de Dieu. Sans Son amour il est impossible d’aimer les autres ».
Cette phrase, et la manière dont elle la prononça, m’émurent à tel point que je fus incapable d’ajouter un mot. Je me contentai de sourire de bonheur.
Après un silence de quelques secondes, elle me demanda à quelle date je comptais rentrer en Amérique.
« Nous avons prévu de retourner dans notre ashram en avril », lui dis-je.
«‘Notre ashram’ ! Pouvez-vous me dire où est votre ashram, pour que vous vous sentiez obligés d’y retourner ? »
Avec un sourire d’approbation, je me corrigeai :
« Ce corps est mon ashram, parce que c’est toujours là que je suis quand je médite ».
« Non ! Pourquoi votre corps. Votre corps est provisoire. L’ashram est partout. Il ne peut pas avoir de limites ».
« Sur le plan spirituel, » poursuivit-elle, « la signification du mot ‘ashram’ est ‘ar shram noy’, cessation de toute activité compulsive. Dans cet état divin exempt de toute contrainte, le tout est perçu en tant qu’unité.
« Sur un autre plan, ‘ashram’ se réfère aux quatre phases de la vie : brahmacharya, grihasta, vanaprastha et sannyasa. Mais le Divin peut être connu dans chacun de ces états. Et ces états, eux aussi, sont un seul. Chaque chose est un. Tout est un. Elle prononça le dernier mot dans notre langue et se mit à rire de sa façon d’utiliser un mot étranger.
Mohini prit la parole : « Notre frère Kriyananda m’avait demandé, lorsque nous venions ici, de le faire entrer discrètement dans la salle dans le but d’aller simplement méditer. Il m’avait prié de ne pas dire qui il était. »
« Qu’entendez-vous par là ? ‘Qui il était’ ! Pourquoi, qui est-il ? Qui est l’un, qui est l’autre ? Cette petite fille – je savais que Mâ se référait à sa propre personne lorsqu’elle parlait ainsi – s’oublie elle-même à tel point qu’elle ne se souvient même plus qui elle est censée être ! Il m’arrive même de demander : ‘Où est un tel ou une telle’, en désignant la personne en question par son nom, en général quelqu’un qui s’est assis à côté de ‘ce corps’ pendant des années et qui précisément est là tout près de moi. Certains disciples s’attristent quand je ne les reconnais pas, mais c’est parce que je n’utilise pas mon mental de la même façon que les autres. Je suis guidée, poussée par le...kheyal, par une humeur, un état d’esprit (elle utilisa à nouveau un mot anglais, ‘mood’, et se mit à rire joyeusement. Avec ce mot ‘mood’, elle n’entendait toutefois pas dire qu’elle était ‘moody’, c’est à dire ‘lunatique’, ‘d’humeur changeante’, dans le sens habituel, humain, du terme. Mais tout comme les humeurs des êtres humains sont irrationnelles et imprévisibles, le kheyal se situe, lui, au-delà de la raison et ne relève pas du processus logique dans ses perceptions et ses décisions. ‘Kheyal’ peut parfois sembler fantasque au regard de l’intellect limité, mais il ne l’est jamais.)
Mâ Anandamayî rappela que le lendemain devaient se dérouler les festivités, la pûjâ – le culte religieux – de Saraswati.
Saraswati est la déesse hindoue de la connaissance et de la musique. Mâ me conseilla vivement d’assister à la cérémonie, si j’en avais la possibilité.
Mohini lui dit alors que j’aurais pu chanter quelques chants religieux en bengali.
Mâ répondit : « Ce serait très agréable, mais demain ce ne sera pas possible. Par contre le jour suivant nous pourrons les écouter. »
« Oui, mais », répliqua Mohini, « la difficulté c’est que notre frère est censé quitter Madras vendredi matin... »
C’est alors qu’une idée me poussa à intervenir : « C’est exact, je suis censé partir, mais j’envisage sérieusement de retarder ce voyage ». Tout le monde, y compris Mâ, eut un petit rire de satisfaction. Sri Ganguli lança : « Je l’avais bien dit ! Le poison du cobra a commencé à faire son effet ! » Encore une fois, tout le monde se mit à rire.
Mohini fit alors part du désir de Daya Mata, de rencontrer Mère, en privé. Celle-ci n’ayant pas encore rencontré Daya Mata, eut le sentiment, je ne sais trop pourquoi, que c’était moi qui, en fait, désirais ce rendez-vous.
« Père », dit-elle « vous savez que je n’aime pas être liée par des rendez-vous. Lorsque j’ai fait une promesse, je me dois de la respecter, en dehors de toute autre considération. Soyez gentil d’aller parler avec Swami Paramananda, en bas, et de lui demander de prendre ce rendez-vous pour moi. »
Elle se leva pour se retirer. Je lui étais reconnaissant et je la remerciai, en bengali, de s’être dérangée uniquement pour me rencontrer.
Mâ sourit. « ‘Merci’ est trop formel ! », fit-elle remarquer. (En bengali, cette expression est employée moins fréquemment que dans d’autres langues. Il y a une expression consacrée pour cela : « dhanyawad. ») « Remercieriez-vous votre propre soi ? », dit-elle.
Perplexe, j’étais en train de me demander à quelle alternative je pourrais avoir recours, lorsqu’elle s’adressa à Mohini : « Demandez-lui s’il remercierait sa propre mère ? »
« Oui », répondis-je, après que Mohini m’eut traduit la question, « dans notre langue c’est une façon de marquer notre appréciation, notre contentement, y compris à l’égard de ceux que nous aimons. »
Mâ sourit, puis, conciliante elle dit : « Bien, si cela vous est coutumier alors c’est parfait ! »
Affectueuse, elle me tendit une fleur et une mandarine. Je murmurai alors, en souriant : « Que puis-je vous dire à présent ? Dois-je accepter cela en silence ? »
Avec un petit rire de sympathie, elle répliqua : « Répondez ce que vous voulez. Ce sera très bien. »
Je la remerciai en anglais. Sans doute étais-je un peu trop Occidental ! Puis, le cœur empli de gratitude, je lui dis à quel point j’étais heureux de l’avoir rencontrée. Tandis qu’elle se retournait pour s’éloigner, j’effleurai ses pieds avec dévotion. (J’appris quelque temps plus tard que j’étais allé à l’encontre des règles de l’ashram qui interdisent de stricte façon ce genre d’attitude. Mais sur le moment, personne, et moins que tout autre Mâ elle-même, ne me reprit pour ce manquement – involontaire – à l’étiquette).
Mon cœur était comblé. Frémissant d’impatience, je me transportai mentalement au lendemain. Je projetai d’exhorter le reste de notre groupe à nous rejoindre pour assister aux cérémonies rituelles en l’honneur de Saraswati, à l’ashram.
Jeudi 12 février 1959
Daya Ma et les autres avaient projeté de rendre visite à Mère le vendredi suivant, mais ils changèrent leur programme lorsqu’ils apprirent que la pûjâ de Saraswati était un évènement tout à fait particulier à l’ashram d’Agarpara.
Nous arrivâmes sur les lieux aux environs de onze heures du matin. Daya Ma était aussi anxieuse que je l’avais été à la seule idée d’intérioriser cette expérience. Elle ne voulait pas que cela devint une sorte de rencontre cérémonielle entre les dirigeants de deux organisations religieuses. C’est ainsi que nous décidâmes, à sa demande, de ne pas dévoiler son identité, ni celle des autres sœurs. Toutes trois prirent un siège légèrement à l’écart de la foule et à une certaine distance de Mère. Quant à moi, je pris place à l’arrière de l’assistance.
A un certain moment je me levai pour situer l’endroit où étaient assises les sœurs. Mon regard croisa celui de Mâ. Je me rassis et instantanément j’entrai en méditation profonde.
Nous ne pûmes pas éviter, au-delà d’une certaine limite, la curiosité du public à notre égard.En effet, lorsque la pûjâ prit fin, plusieurs personnes s’approchèrent de Prabhas-da (un cousin du Maître) et de Mohini Chakravarty et leur demandèrent qui nous étions. C’est ainsi que la vérité se fit jour. Daya Ma et nous tous, fûmes immédiatement invités à monter sur l’estrade et à nous asseoir aux côtés de Mère qui offrit une guirlande à Mataji et des roses à chacun de nous.
De nombreuses personnes s’avancèrent pour recevoir sa bénédiction. Une femme étala de nombreux cadeaux devant elle, mais elle ne le fit pas dans un esprit de dévotion. Mère l’ignora et se tourna vers nous. Elle exhalait un tel magnétisme qu’en peu de temps nous entrâmes en état de méditation.
Peu après elle me demanda de chanter. Bien qu’intimidé, je m’exécutai et chantai, en bengali, un chant magnifique de Ram Proshad « Will that day come to me, Mâ, when crying, Mother! My eyes will flow with tears? ». Je m’abandonnai bien vite à la chaude inspiration de ces paroles.
« Un chant merveilleux ! s’exclama Mère dès que j’eus terminé. Puis elle se tourna vers l’assistance et dit à notre propos : « Comme ils sont gentils ! »
Elle se leva et nous dit : « Restez assis, je vous en prie. Je reviens, je n’en ai pas pour longtemps. »
Après qu’elle nous eut quittés, j’entonnai une mélodie du Maître, en anglais : « In the Valley of Sorrow ». Mâ revint alors que j’avais terminé et me dit : « Je vous ai écouté. Soyez gentil, chantez la de nouveau ».
C’est ce que je fis. Puis je chantai deux autres mélodies, en bengali : « Blue Lotus Feet » et« Take Me on Thy Lap, O Mother ! »
« Vous exprimez une grande douceur lorsque vous chantez ces mélodies ! » s’exclama-t-elle.
Je répondis : « Cela me procure une grande joie de pouvoir chanter pour vous ! » Ce à quoi elle répliqua :
« La joie ne se mesure pas en termes de ‘grand’ ou de ‘petit’. Elle est absolue. »
Une disciple entonna alors un chant en hindi. Tandis que la femme chantait, Mère posa son regard sur Daya Ma. Un regard long et profond. Puis elle s’exclama, à l’adresse de l’assistance : « Regardez ! Vous avez là un exemple du peu d’importance que peut avoir la compréhension littérale des paroles. Ces Américains n’ont pas compris un seul mot de ces chants hindis. Et pourtant, regardez ! Ils ont été bouleversés à tel point par l’esprit de ces mélodies, que leurs joues sont mouillées de larmes ! » Elle passa une guirlande à Daya Mata, et en donna une à chacun de nous. Ensuite, indiquant Daya Mata, elle dit : « Elle a parcouru un long chemin pour établir ce contact. Son état de méditation est merveilleux. »
Mais l’heure était venue pour nous de repartir. Usant d’une expression bengali pour saluer, je dis « Tabe asi » (littéralement : « Et je reviendrai »).
« Si vous dites ‘je reviendrai’ » répondit-elle, « cela implique que nous allons être séparés pendant un certain temps. Or, il ne peut y avoir de séparation entre nous.
Vendredi soir, 13 février
Je renvoyai mon voyage pour Madras, de manière à profiter au maximum du séjour de Mâ à Calcutta.
Le vendredi soir, je retournai à l’ashram d’Agarpara, en compagnie de Mohini ; mais sans le reste du groupe. Mâ me demanda une nouvelle fois de chanter. Alors je chantai : « Blue Lotus Feet » et « Will that Day Come to Me, Mâ ? Peu après, toujours persuadée que c’était moi et non pas Daya Mata, je suppose, qui avais demandé un entretien, elle me demanda si je voulais la voir en privé. Gêné, tout d’abord, de lui prendre son temps, je déclinai son invitation, mais je me ravisai presque aussitôt et je lui dis : « Oui. »
Mohini vint avec moi dans la salle des entretiens pour faire office de traducteur. Mais une fois arrivé là, je ne trouvai rien à dire ! Je n’avais plus aucune idée ! Et puis je finis par me souvenir que frère Turiyananda, en Amérique, m’avait dit que la seule chose qu’il désirait de l’Inde c’était la bénédiction de Mâ et un quelconque objet lui ayant appartenu. Je fis alors part de sa requête à Mâ.
« Très bien, » dit-elle.
« Et aussi, » poursuivis-je, me rappelant un problème qui me tourmentait, « j’ai eu des difficultés avec ma sâdhanâ, ces dernières semaines. Pourrais-je...avoir votre bénédiction et peut-être...un conseil ?
Mâ répondit : « Pensez toujours que la Grâce Divine est avec vous. Tout dépend de cela. Vous ne la trouverez jamais en vous contentant de la désirer. » Elle fit une pause et poursuivit : « Maintenant dites-moi quel objet, m’ayant appartenu, vous voulez que je vous donne ? »
« Mâ, c’est à vous de me le dire. »
« Non. Prenez ce que vous voulez – un drap, un châle – n’importe quoi. »
J’hésitai.
« Seriez-vous gêné de demander quelque chose à votre propre mère ? »
« Mais moi je ne sais pas ce qui sert le plus...»
« Je n’ai besoin de rien ! »
« Je vous en prie, demandez à l’une de vos disciples de choisir pour vous. »
Mâ répliqua avec fermeté : « Non ! C’est vous qui devez choisir ! N’êtes-vous pas moi-même ? »
Alors je décidai d’opter pour une chose aussi modeste que possible : « Très bien Mâ, pourrais-je avoir un mouchoir ? »
Aussitôt une assistante se leva et alla me prendre un mouchoir. Réalisant tout à coup combien il eut été merveilleux d’avoir un souvenir pour moi aussi, j’ajoutai précipitamment : « Mère, pourrais-je avoir deux mouchoirs ? »
Tout le monde se mit à rire.
Mâ retira son châle et me le tendit : « Tenez, c’est pour vous. Je m’en suis servie pendant cinq ans ». Elle me regarda avec affection. Puis, son « humeur » étant de me donner plus encore, elle dit à son assistante de m’apporter également un bouquet de fleurs. Après quoi, indiquant le châle, elle me dit : « Drapez-vous dans ce châle. Mais rappelez-vous toujours que Nama – le nom de Dieu – est la plus belle chose dans laquelle vous puissiez vous draper. »
Submergé par l’émotion, je pressai le châle contre mon cœur pendant quelques instants. Puis je dis à Mâ : « Nous avons tous le sentiment que ce n’est pas la première fois que nous vous rencontrons. »
Elle dit alors : « Plus vous progresserez dans la méditation, plus vous vous identifierez à moi. »
Je lui demandai : « Mâ, pourriez-vous me donner quelques conseils pour ma pratique spirituelle ? »
Mâ me répondit : « Pratiquez tout le temps le japa. Occupez votre esprit en chantant le nom de Dieu et vous n’aurez plus le temps de penser à rien d’autre qu’à cela. Dites ‘Hari ! Hari !’ » Puis elle frappa joyeusement ses deux mains l’une contre l’autre, comme pour signifier qu’avec la pensée de Dieu, toutes les choses de ce monde disparaissent. « Ou n’importe quel autre mantra que vous aimez. Empli de la joie de Dieu, vous vous rirez de tous les dangers ! »
Captivé par ses paroles, je lui dis : « J’aimerais prendre le nom de mon Gourou. »
« C’est très bien, » dit-elle. « Tout ce à quoi vous parvenez, vous y parvenez grâce à sa bénédiction. »
Je sentais un grand bonheur en moi. Je fermai les yeux et entrai en méditation. Tandis que je méditais, Mâ échangea quelques mots avec Mohini qui lui dit que mon groupe et moi-même avions l’habitude de méditer cinq ou six heures par jour.
« Je m’en rends compte, » dit-elle. « Vos frères et vos sœurs sont bien avancés sur la voie spirituelle. En particulier Daya Mâ qui jouit d’un calme, aussi bien intérieur qu’extérieur, qui est remarquable. »
« Vos paroles sont si bonnes, Mâ. »
« La bonté ne peut que susciter la bonté » dit-elle avec douceur.
Elle me tendit le bouquet qu’elle avait demandé pour moi, ainsi qu’un mouchoir. Puis elle ajouta à cela un grand essuie-main. Une vague d’amour emplit mon cœur.
« Tomar chele khub kusi, » – lui dis-je en partant – « Votre enfant est très heureux ! »
Samedi 14 février
Nous retournâmes à Agarpara le soir même. Mâ me demanda de chanter de nouveau pour elle « Blue Lotus Feet ». Ce que je fis avec plaisir.
« Combien de fois ne lui ai-je pas demandé de chanter cette mélodie ! » fit-elle remarquer. « Mais, en dépit de toutes ces répétitions, elle ne perd rien de son charme. »
Quelque temps après, je lui dis : « Daya Mâ aimerait beaucoup passer quelques moments seule avec vous, Mère. Sans parler. Uniquement pour méditer. »
« Elle est toujours la bienvenue, » répondit Mâ.
J’avais apporté un foulard dans l’intention de le lui donner. Tout hésitant, je ne le lui offris qu’au dernier moment, ce qui lui fit dire, avec drôlerie : « J’étais sur le point de vous l’arracher, mais j’attendais pour voir si vous alliez me le donner ! » Puis elle me demanda de le lui passer autour des épaules.
Je fis ce qu’elle me demandait. Alors elle répéta dix fois, avec solennité :
« Tomar ghare ami thaki – « Je demeure dans votre cœur ».
« Je sais », répondis-je, pensant à la bénédiction qu’elle m’avait envoyée durant la méditation, ce matin-là. Et j’ajoutai : « Ami tomar chele » – « Je suis votre enfant ».
« Cette relation n’est pas nouvelle » dit-elle, « Elle est éternelle. »
« Je sais » dis-je. Je pensais au plan humain tout en voyant Mâ comme une manifestation de la Mère Divine.
Avec le temps tous, ici, finirent par me considérer et me désigner affectueusement comme son « Chhoto chele » – « Petit enfant. »
Par la suite, au fil des mois et des années, je lui rendis visite très souvent. Elle me témoigna toujours une grande gentillesse. Un jour elle me dit : « Des milliers de disciples et de visiteurs sont venus pour rencontrer ‘ce corps’. Mais personne n’a éveillé mon intérêt comme vous l’avez fait. »
Les traducteurs ont attiré plusieurs fois mon attention sur le fait qu’elle avait prononcé le mot « Personne ».
Une autre fois, elle me dit : « De nombreuses personnes sont restées avec moi pendant vingt-cinq ans, voire d’avantage, mais aucune n’a pris de moi ce que vous, vous avez pris. »
Et l’on m’a raconté qu’un jour elle avait dit : « Regardez ce lotus dans l’étang. Il y a plein de grenouilles immobiles sous ce lotus. Une abeille arrive, se pose, aspire le nectar et s’envole. Kriyananda est cette abeille. »
Je fus très surpris, un jour, lorsqu’elle me dit : « Que diriez-vous si je vous demandais de rester ici ? »
Pourquoi me posa-t-elle cette question ? Peut-être voyait-elle les souffrances que me causerait l’enseignement de mon Gourou. Mais même si j’avais su ce que l’avenir me réservait, j’aurais préféré affronter cette souffrance plutôt que de me résoudre à abandonner mon Maître. Peut-être ne voulait-elle pas que je consacre ma vie à servir, mais que j’accomplisse tout simplement ma sâdhanâ. J’aurais pu rester fidèle à mon Maître tout en étant dans l’ashram de Mâ. Elle ne m’aurait certainement pas demandé de le quitter, ce n’était pas dans sa façon de faire. Et puis je ne pouvais pas effacer les paroles de mon Maître : « Ta vie sera une vie d’intense activité et de méditation. » Pas plus que je ne pouvais ignorer cette déclaration qu’il me fit : « Tu auras pour tâche l’enseignement et l’écriture. » Ou ce fréquent rappel qu’il me faisait : « Tu as une grande mission à accomplir. » De toute façon j’ai dédié cette incarnation à la diffusion de son œuvre. Je ne vis pour rien d’autre que cela.
Quelque temps après mon retrait de la SRF, Mâ Ânandamayî me dit qu’elle m’aurait très volontiers pris dans son ashram. Mais mon Maître lui-même semblait avoir prévenu cette éventualité car on me refusa l’obtention d’un visa pour l’Inde pendant dix ans.
En dépit de tout cela, Mâ occupe dans mon cœur une place plus que particulière. Elle est à mes yeux la Mère Divine en personne. C’est elle qui, après mon Maître, m’a donné la plus belle bénédiction de ma vie. En effet, j’ai pu établir avec elle une relation que mon immaturité, sur la voie de la spiritualité, ne m’aurait jamais permis d’avoir avec mon Maître, de son vivant. Une relation qui, bien loin de m’éloigner de mon Gourou, m’a permis de renforcer, de rendre plus intense, mon rapport avec lui.
7 Janvier 1973
J’ai passé cette dernière semaine à Kanpur avec Mâ Anandamayî. Cette visite a été merveilleuse pour moi, mais je crains fort que le récit que je vais en faire ne vous paraisse décevant. Rien de bien particulier ne s’est passé sur le plan de la vie de tous les jours. C’est en moi, dans mon cœur et mon esprit, que quelque chose est advenu, car les jours que je viens de vivre aux côtés de Mâ, ont été les plus beaux que j’aie jamais vécus en sa présence.
Lors de mes précédentes visites, elle donnait toujours libre cours à la joie débordante qui était en elle, et manifestait son bonheur par des mots d’esprit pleins de drôlerie. Elle prêtait une oreille attentive et intéressée à toutes les questions qu’on lui posait et mettait toute son ardeur à y répondre. Elle prodiguait ses encouragements et ses conseils à qui en avait besoin. Ces moments-là figurent parmi les plus beaux souvenirs de ma vie.
Mais cette fois-ci, je l’ai trouvée très différente : repliée sur elle-même, l’aspect fragile, elle restait la plupart du temps silencieuse, ne s’exprimant que par murmures, quand elle consentait à parler. Elle avait eu un accident de voiture, quelques années auparavant et depuis lors, son état de santé n’avait cessé de se dégrader. Il faut tenir compte, par ailleurs, du fait qu’elle approche des quatre-vingts ans, et qu’une vie entière passée à tant donner d’elle-même, quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, serait en soi une explication suffisante quant à son état de santé. Il faut savoir que les grands sages offrent leur propre corps en sacrifice pour d’autres êtres humains, prenant sur eux le karma de leurs disciples. Sa vie durant, Mâ a été une véritable mère pour tous ceux qui ont eu besoin de son aide. Les personnes qu’elle a soulagées du fardeau de leur karma, se comptent par dizaines de milliers.
J’ai le sentiment qu’elle arrive au terme de sa vie. Je constate qu’elle a le même genre de comportement que j’avais remarqué chez mon propre Maître durant les deux ou trois dernières années de sa vie. J’ai le sentiment que Mâ ne reconnaît pas individuellement les gens qui l’entourent. Son regard semble abstrait, comme s’il était tourné vers des réalités cachées, inaccessibles à la vision normale. Je crois que ce retrait en elle-même n’est pas dû uniquement à l’âge ou à son mauvais état de santé, mais aussi à son propre kheyâla.
En dépit de son nom peu engageant, J.K. Temple, est en fait une très belle structure, probablement le seul bel édifice de Kanpur, appréciation guère sympathique de ma part, je l’admets, d’autant plus que je n’ai vu qu’une petite partie de la ville. Le temple est entouré de vastes espaces verts dont un beau jardin très bien entretenu. Sur l’un des côtés se trouve la partie réservée aux hôtes. Nous logeons de l’autre côté de la route, dans les dépendances séparées de la construction principale.
Après le premier satsang, on m’a conduit jusqu’à ces dépendances où j’ai retrouvé un certain nombre de vieux et chers amis.
« Kriyananda ! Quelle surprise ! Tu nous as beaucoup manqué ! Cela fait combien de temps ? Dix ans...Onze ans ? »
On m’attribua une pièce qui avait été préparée à la hâte pour moi, en me présentant des excuses pour le simple matelas sur le sol – en fait un énorme tapis de gymnastique – pour le manque de mobilier, etc...A mon sens, c’était déjà beau d’avoir cela, alors qu’ils n’étaient au courant de ma venue que depuis peu. Et puis dans un tel lieu ! Quelle hospitalité ! En effet mes projets n’étaient pas bien définis et puis je ne savais pas où ni à qui écrire. Je n’avais donc pas averti de mon arrivée.
Mais peu importe. Bien vite nous nous mîmes à parler des années d’absence, à échanger des nouvelles les uns avec les autres. J’engageai la conversation avec Panuda, le secrétaire, maintenant à la retraite [en fait, Panuda est resté actif jusqu’à ses deniers jours, en particulier pour l’hôpital et l’ashram de Varanasi].
Mâ, elle, ne reconnaît aucune affiliation à quelque organisation que ce soit. « Nous avons eu de tes nouvelles par l’intermédiaire de différents visiteurs », me dit-il. « Mon Dieu, quel choc pour nous tous lorsque nous avons appris la nouvelle de ta séparation d’avec le SRF ! Mais je dois reconnaître que le travail que tu as accompli depuis, a été remarquable. Plusieurs personnes qui se sont rendues en Amérique nous en ont parlé. »
Je lui fis voir les photos d’Ananda. D’autres personnes se joignirent alors à nous. Tout le monde semblait très intéressé.
Un peu plus tard, ce premier soir, je retrouvai l’un de mes plus vieux et plus chers amis en Inde, Swami Virajânanda, un disciple de Mâ depuis l’époque de ma naissance. Nous passâmes une heure ou deux à bavarder. Il s’occupait de façon très efficace des affaires de l’ashram, mais désormais il s’est pratiquement retiré et se consacre de plus en plus à la méditation dans la solitude. En fait, la plupart des anciens disciples semblent avoir adopté l’exemple de Mâ et se retirent en eux-mêmes.
Je dois dire que moi aussi, j’ai connu cette sorte de retrait en soi, ici, avec Mère. J’étais allé à l’ashram pour en parler avec elle, il y a une semaine de cela. J’étais assis dans le couloir, près de sa chambre. Elle avait dû apprendre que j’étais là, car peu de temps après ma venue, elle est sortie et m’a accueilli affectueusement. Mais le véritable échange fut intérieur, il ne fut extérieur qu’accessoirement. Et il en a été ainsi durant toute la semaine. Je suis toujours resté à l’écart de la foule qui était présente. En moi, dans mon esprit, je m’inclinais devant Mâ et je ressentais une telle joie à ce contact intérieur, que je n’éprouvais absolument pas le besoin de me joindre à la foule qui se pressait autour d’elle, dans l’espoir d’un sourire ou d’un mot de sa part, alors que la plupart du temps elle fixait ces gens qui passaient devant elle, sans même les voir. Son corps peut faire beaucoup. Mais son esprit peut aider des millions d’êtres. C’est avec cet esprit que j’ai désiré être en contact. C’était en fait la raison essentielle de ma présence ici. Et j’ai trouvé là bien plus qu’une bénédiction.
Au début, je ne voulais pas d’entretien privé avec Mâ. Je me disais : « Elle dispense déjà beaucoup trop de son énergie. » Et puis un jour, lorsqu’un disciple me demanda si je souhaitais obtenir un « privé », je me résolus à accepter. Mais lorsque Mâ sortit dans le hall pour parler avec moi, je restai tout simplement sans paroles. Mon cœur était empli d’un tel bonheur, que je me mis à pleurer. Mâ me répéta alors, dans un murmure, combien elle était heureuse de me revoir après tant d’années. Puis elle ajouta ces quelques mots :
« Faites en sorte de toujours obéir aux ordres de votre Gourou. N’acceptez aucun conseil de ceux qui pourraient être en désaccord avec ses ordres. »
Je voudrais vous donner quelques détails sur les règles et les coutumes de certains ashrams. Ainsi, par exemple, les Occidentaux doivent faire table à part, lors des repas. En outre, la simple présence d’un Occidental peut être « polluante. » Elle est susceptible, de souiller l’eau réservée à l’usage de Mâ. Il est arrivé qu’on ignore ma présence lors de la distribution d’eau bénie par elle, ou lors d’une remise de guirlandes aux hôtes présents.
Nombre de disciples de Mère adhèrent de façon stricte à certains tabous populaires dans lesquels les étrangers n’occupent pas la meilleure place, je le crains fort. Et ce rigorisme semble avoir pris de l’ampleur depuis mon dernier séjour ici.
Ce sont principalement des veuves bengalis qui en sont responsables. La chose est pardonnable si l’on considère que quelques-unes des pires traditions populaires du Bengale englobent l’exclusion sociale des veuves. D’ailleurs, des Indiens, débordants de sollicitude, sont venus me trouver pour me manifester leur indignation à propos de ces pratiques. Je leur ai assuré que je n’étais pas du tout offensé.
D’une certaine façon, c’est une très bonne chose pour l’ego que d’être traité parfois comme un paria. Et par ailleurs, je ne suis pas venu ici avec le désir d’être traité de telle ou telle manière particulière. Je suis venu uniquement pour recevoir la bénédiction de Mâ. Comme elle le dit elle-même : « N’est-ce pas aussi une forme de rigorisme que d’être incapable de tolérer le rigorisme des autres ? »
En effet, si d’autres personnes sont ignorantes, ne serait-il pas aberrant d’ajouter à ce défaut si communément répandu, notre propre dose d’ignorance ?
Le sens de l’humour devrait faire partie intégrante du bagage mental de tous ceux d’entre nous qui sont amenés à voyager à l’étranger. Ainsi, par exemple, il y a une chose que je trouve parfois difficile à accepter ici, en Inde – mais qui finit par être amusante et met une note de drôlerie dans notre vie – c’est cette tendance qu’ont les gens à vous interrompre, toujours, qui plus est, avec l’intention de vous donner une leçon.
J’imagine que c’est pour cette raison qu’ils finissent leurs conversations, même les plus banales, en criant à tue-tête ! Ils comptent sans doute, en hurlant de la sorte, parvenir à placer dans la conversation tout ce qu’ils avaient à y placer. Bref...Tout le monde piaille, mais personne n’écoute !
Autre chose : je serais incapable de vous dire le nombre de personnes qui se sont évertuées, sachant parfaitement que j’avais passé plus de la moitié de ma vie sur la voie de la spiritualité, à m’expliquer des choses que je connaissais depuis fort longtemps.
On me disait, par exemple : « Voyez-vous, nous, ici, nous croyons – pardonnez-moi, mais c’est en tout cas notre sentiment – nous croyons en ce que vous pourriez peut-être considérer, ou tout au moins désigner comme étant la transmigration des âmes, ou réincarnation. »
J’ai eu, un jour, un entretien avec Swami Akhandânanda qui faisait journellement des exposés sur la Gîta. Il est considéré comme l’un des plus grands érudits de la langue sanscrite en Inde. J’ai mis à profit cette rencontre pour lui demander, entre autres choses, quelle était la valeur réelle des deux mantras Hong-Sau et So-Ham. Il m’a répondu :
« Les Shastras (les Ecritures) nous enseignent qu’il faut prononcer Hong sur l’inspiration et Sau sur l’expiration. Mais les deux mantras sont très bien, puisque avec les répétitions Hong-Sau devient So-Ham. C’est comme l’histoire de Valmiki qui, à force de répéter ‘Mara’ (Satan), car sa malveillance était telle qu’il ne pouvait prononcer ‘Rama’, finit néanmoins par répéter le nom sacré ‘Rama’.
« Hansa (Hong-Sau) est aussi un nom que donnent les Ecritures pour désigner le Seigneur Suprême. C’est un bîja-mantra, un mantra-semence, que l’on peut trouver dans le plus ancien des Rig Veda. « Mais il faut faire avant tout ce que dit le Gourou. Ce que dit le Gourou est plus important que les Shastras mêmes.
« Un jour un Gourou donna un mantra erroné (ashudha, impur) à son disciple. Après que celui-ci l’eut répété pendant un certain temps, un ange lui apparut qui lui dit : ‘Ton mantra n’est pas juste.
Tu devrais le dire de cette manière...’ Mais le disciple lui répondit, fort intelligemment : ‘C’est en le répétant de la façon que m’a enseignée mon Gourou que tu m’es apparu !’ L’ange ne dit rien. Qu’aurait-il pu ajouter à cela ?
« Les Ecritures nous disent que même si Dieu est satisfait, mais que le Gourou n’est pas satisfait, alors cela ne suffit pas ! Satisfaire le Gourou, avoir une confiance aveugle dans le Gourou, voilà tout ce qui compte.
Chaque matin j’ai passé des heures ici, à méditer. Cela a été pour moi quelque chose de merveilleux. Demain je retourne à New Delhi avec Mâ. Mais je ne veux pas y rester. Mâ non plus d’ailleurs. A dix heures je m’envolerai pour Calcutta.
Si quelqu’un n’agit pas pour l’amour de Dieu et qu’il n’assume pas d’un cœur joyeux toute responsabilité qui puisse lui incomber n’importe quand, il trouvera l’existence excessivement ennuyeuse et ne sera jamais capable d’accomplir quoi que ce soit. Le devoir de l’Etre humain – en particulier pour ceux qui ont fait de la Quête Suprême leur but seul et unique – est de travailler joyeusement pour élever le niveau du monde, avec la conviction que tout service est Son service. Le travail fait dans un tel esprit aide à purifier l’esprit et le cœur.
Ecrivez-lui que son état occupe en fait souvent le kheyal de ce corps. Lui-même, par son propre effort de volonté, doit faire preuve d’un esprit fort et laisser tomber son attitude négative. Au contraire, il doit avoir la détermination de ressentir que ça sera possible, que la réussite finalement lui échoira. Il doit se dire en son for intérieur : «Quelque soit l’état dans lequel Dieu se plaît à me garder, c’est à cela que je me résigne, en m’abandonnant à Celui dont je suis la créature, dont « ceci » est le corps. C’est tout. Avec un calme et une tranquillité parfaite, il doit rester complètement allongé dans ce qu’on appelle shavâsana, la posture du cadavre et répéter silencieusement son mantra en rythme avec son souffle. Il n’y a qu’un Brahman sans second. (Ekam advaitam Brahman), c’est ce qu’il doit réaliser. Ecrivez-lui en des mots simples que pour lui, il n’y a pas besoin d’intermédiaires.
…C’est l’attachement au monde qui a apporté une telle détresse chez ce malheureux. Rien d’autre que l’ignorance est à la racine de tout cela. Il doit continuer à donner de ses nouvelles à ce corps de toutes les façons qu’il peut : il n’a personne à qui il puisse confier ses perturbations et chagrins qui – chacun en son genre – ne sont que les fruits de ses propres actions passées.
Quelque soit le travail que l’on fasse, on doit le faire bien. Si l’on cultive l’habitude de faire tout bien, il y a bon espoir qu’on fera de même sur le chemin spirituel également. L’action est Lui, le responsable de l’action est Lui et personne d’autre. En toute circonstance, on doit s’efforcer de développer cette attitude d’esprit. La Vérité, CELA qui EST, doit être adoptée complètement.
Après avoir rencontré la Divine Mère, beaucoup de gens se posent naturellement la question, mais quel est son enseignement ? Quel conseil donne-t-elle ? Que dit-elle?
A de telles questions, je réponds : La Divine Mère ne suit aucune doctrine en particulier.
Sa spécialité, c'est qu'elle n'a pas un type d'enseignement uniforme. Parfois, j’ajoute : Plutôt que de me demander ce que Mâ enseigne, eh bien, allez à sa rencontre. Écoutez vous-même ses paroles. Entendez ce nectar délicieux qui s'écoule depuis ses lèvres. Écoutez le silence derrière son rire. Comprenez le message de son regard. Entendez ce qu’elle dit dans les mots, mais également ce qu'elle ne dit pas.
Lorsque j'ai rencontré Mâ, je me suis intéressé à ceux qui s'étaient dévoués entièrement à elle. Certains étaient des renonçants, des sannyasis, et d'autres avaient une vie de famille. Certains portaient des graines de tulasi, des vishnouites, et d'autres portaient des graines de rudraksha, vénérant le Seigneur Shiva. Je voyais certains avoir un trident dans la main, d'autres un bâton et un bol pour faire l'aumône. Et puis, d'autres encore n'avaient rien, absolument rien. Certains chantaient des hymnes védiques. D'autres étaient des advaïtines, ceux qui suivent, l'advaïta vedanta, la voie de la non-dualité. Et puis certains pleuraient, pleuraient d'émotions en regardant le visage de la divine Mère.
En les connaissant mieux, j'ai découvert que certains avaient été initiés par des gurus de la ligne Tirtha, d'autres par la ligne Giri, d'autres encore par la ligne Puri.
Tous m’ont dit : « Quel que soit le chemin, c'est Mâ et uniquement elle qui me guide. »
Après avoir rencontré la divine mère, certains hommes, certaines femmes ont quitté leur maison pour vivre à ses côtés. Mais souvent, le plus souvent, elle recommandait à ceux qui voulaient venir en ashram de se marier. Elle leur disait : « Souvenez-vous, où que vous soyez, cette petite fille sera toujours, toujours avec vous. »
Au coeur de toute cette diversité, ce tient la divine Mère qui coordonne les courants qui s'en vont dans toutes les directions.
Si l'on pense à l'histoire de la spiritualité dans le monde, alors une nouvelle ère s'est ouverte avec l'apparition de Sri Ramakrishna Paramahamsa, quelques 60 ans avant Anandamayi Mâ.
Il a expérimenté toutes sortes de pratiques, toutes sortes de religions, et il a dit que toutes les religions étaient un chemin authentique vers le Suprême.
Lorsque nous observons Mâ, nous voyons qu'elle a cultivé toutes ces différentes approches. Mâ a nourri tous ces enfants. Ces enfants étant les différentes voies, la voie de la dévotion, la voie de l'action, la voie de la connaissance, la voie de l'introspection.
Alors comment parler d'un enseignement de Mâ ?
Un jour, elle dit : « Il y a un nombre infinie de voies, des façons innombrables d'avancer et une infinité d'État.
- Est-ce qu'il y a une infinité d’États spirituels?
Mâ dit :
- Oui, mais il y a quelque chose au-delà de tous les Etats, de tous les chemins, de toutes les pratiques, où tous les Etats, tous les chemins et toutes les pratiques se dissolvent dans la réalité Une. Il n'est même plus question de chemin. La caractéristique du monde relatif, du monde phénoménal, c'est sa diversité.
Mère, tout, absolument tout est la manifestation du Seigneur. Il est lui-même cette diversité. Quel que soit le chemin qui est pris, quel que soit la voie, quel que soit l'enseignement, une seule chose importe ; Se consacrer entièrement à ce qui est la pratique, qui consiste à se souvenir de sa Véritable Nature, à se rappeler de cette Vérité, à retrouver le trésor authentique. Eh bien, cela est appelé Sadhana. »
Quelque soit l'activité qui contribue à ce rappel à Soi, eh bien c'est ça le vrai devoir, selon Mâ.
Tout ce qui va venir s'opposer à cet effort doit être écarté, doit être évité. Pour cela, laissez-moi vous raconter une anecdote. Une jeune épouse était constamment en Samadhi, en extase spirituelle.
Ou plutôt les gens imaginaient qu'elle était en Samadhi. Parfois, elle semblait sans vie, et ses bras et ses jambes devenaient totalement froids. Une fois, cela s'est produit en présence de la divine Mère. La divine Mère a compris tout de suite ce qui se passait avec cette jeune femme. Elle a chuchoté un mantra à son oreille. Et quel était ce mantra ? « Vous recevrez bientôt une lettre de votre mari. »
À partir de ce moment-là, les extases spirituelles disparurent, et son comportement devint tout à fait normal. Ce n'était pas un Samadhi.
Il y a eu un autre incident pour illustrer cela. Un jeune homme avait des visions, des visions célestes, des visions divines. Par exemple, il pouvait voir le Seigneur Krishna expliquer l'enseignement de sagesse à Arjuna, comme s'il était témoin de cette scène de la Bhagavad Gita. Il était bien sûr très ému par ce type de vision. Des larmes s'écoulaient constamment sur ses joues. Alors la divine Mère lui dit quelque chose : « Ne perdez jamais la maîtrise de vous-même. Ceux qui recherchent la vérité ne peuvent être victimes ou submergés par leurs propres émotions. Au contraire, pleinement conscients, pleinement éveillés avec l'attitude du spectateur, ils doivent observer tout ce qui se produit, sans s'identifier et sans s’impliquer. »
Il y avait aussi cette dame qui avait des extases. Des extases qu'on appelle Bhava Samadhi. Des extases amoureuses pour le Seigneur. Mataji, Anandamayi Mâ, commenta : « Elle reconnaît elle-même qu'elle est très heureuse lorsqu'elle est dans cet état. Mais ça veut dire que lorsqu’elle n'est pas dans cet état, elle n'est pas si heureuse que ça. »
Mâ avertissait ses fidèles en disant que c'était difficile parfois de distinguer le cuivre de l'or. Sur le chemin de la vérité, il faut être absolument honnête avec soi-même et Mâ comprenait intimement ce qui se jouait en chaque cherchant.
Un autre élève remarqua, il dit : « Les gens du Bengal, ils sont très émotifs, ils manifestent leur dévotion de manière très visible. Alors ils dansent, ils chantent, avec emphase, et puis deux heures après, ils sont complètement déprimés. Mais ça sert à quoi ces montées d’émotions si c'est pour retomber comme cela ? »
Mâ dit : « C’est vrai que la joie de la dévotion qui ne dure pas n'a pas beaucoup de valeur. Mais ce qui doit se jouer, ce qui doit se déployer dans la manifestation, pour tous ces dévots, au moins pendant un moment, leur regard se tourne vers ce qui est. »
Oui, Mâ conseillait toujours, à tout le monde, de focaliser leur attention sur Dieu.
Un jour, un homme d'âge mûr demanda à Mâ s’il pouvait rentrer chez lui à la maison.
Et Mâ a rit. Elle a dit : « Oui, préparez-vous à rentrer à la maison. Ce que vous appelez votre maison maintenant, c'est juste temporaire. C'est drôle, dit-elle, que tout le monde est pressé de rentrer chez lui en imaginant que c'est sa maison. Seulement, ils ne savent pas quelle est leur vraie demeure. »
Elle dit à l’homme : « Ô père, ce que tu appelles la maison, c’est juste une auberge de passage, que tu devras quitter un jour, sans avertissement. »
Ceux qui veulent connaître leur véritable demeure, alors, pour cela, Mère organise absolument tout en fonction de leur profil, de leur « personnalité ».
Mâ a dit : « Quel que soit la foi, quel que soit le chemin, alors moi, j’aiderai, j'aiderai celui qui est sur la voie. Parce que finalement, ce qui aide n'est autre que ce qui Est. »
Les paroles de Mâ sont magnifiques.
Un autre jour, elle nous a dit : « Gardez un petit bonbon dans la bouche. »
On appelle ça un mishri, en Bengali, un mishri.
« Gardez un petit bonbon dans la bouche, un petit bonbon délicieux.
Quel est le bénéfice de cela ?
Eh bien, lorsque vous travaillez, vous êtes au bureau, lorsque vous lisez, que vous écrivez, que vous échangez avec vos amis, une partie de votre attention sera toujours placée sur la douceur du bonbon.
Qu'est-ce qu'est la douceur du bonbon ? Le nom du Seigneur. »
Mâ a dit : « Dans le nom du Seigneur, le Seigneur lui-même est présent. Il y a d’autres formes de vénérations qui impliquent de se rendre dans un temple ou dans un ashram, mais lorsqu'on se focalise sur la présence dans le nom du Seigneur, on n'a pas besoin d’aller nulle part.
Dans le nom, sa chère Présence suprême est toujours disponible ou que nous soyons. »
Mâ dit encore : « Le nom du Seigneur, c'est comme du tamarin, plus vous répétez son nom, plus votre esprit se purifie, plus les impuretés et les malas, c'est-à-dire les croyances (par exemple, « je suis le corps », les croyances que ceci ou cela m’appartient), tout cela disparaît.
Répétez le nom, ça veut dire nettoyer. En nettoyant, votre véritable nature se révèle.
Cela est véritable connaissance, Jnana. Par l’eau bienfaisante de la connaissance, tout le karma sera effacé. »
Il y a déjà de très nombreuses voies. Alors pourquoi inventer une nouvelle voie ?
Mâ dit : « Il y a beaucoup de jouets et puis le jeu de « Je vais m’éveiller » a été joué pendant de si nombreuses existences. Quel que soit le jeu que vous allez pratiquer, vous comprendrez que tout est pareil. Dire « je ne vais pas y arriver, je ne vais pas m’accomplir », tout cela, c'est de la paresse.
Le jour qui est passé ne reviendra jamais. Vous êtes tellement occupé avec les jouets du monde que vous n'avez pas de temps pour jouer le véritable jeu.
Une jeune fille se plaint un jour.
Elle dit : « Mâ, j'ai passé du temps avec vous, mais je ne suis pas satisfaite. »
Mâ sourit et commença a raconter une histoire.
Elle dit : « Un homme s'est rendu au marché pour faire du shopping. Puis quand il est arrivé là-bas, il y avait beaucoup de monde. C'était très bruyant. Alors il a dit : « Bon, je vais attendre que tout le monde parte, et là je pourrai faire mes courses tranquille. »
Puis il a attendu à un moment. Finalement, la foule s'est dispersée, le marché est devenu tranquille. Mais quand il s'est approché de l'étal, il a vu que tout ce qui avait une valeur était déjà parti.
Dans le jeu du monde, il y a toujours de la confusion, des troubles. Ça fait partie du jeu, du lilà. Alors faites face aux difficultés et vous aurez aussi les articles de valeur. »
Une autre question qui était posée à Mâ, et une question qui est posée à de nombreux enseignants également, c'est :
« Mâ mon esprit n'est jamais tranquille. Que puis-je faire ? »
Mâ souriait, puis disait : « Je n'ai pas remarqué que votre esprit était très agité. Il s'est vraiment agité pour retrouver le Seigneur ? Parce que lorsqu’il sera vraiment agité, mobilisé à cent pour cent, pour se souvenir de sa véritable nature, alors là, il pourra redevenir tranquille. »
Une femme mariée posa la question à Mâ.
« Mâ, dans ma maison, personne n'approuve mes pratiques. Personne n'approuve mon puja, la répétition des noms du Seigneur, la méditation, tout ça… Non.
Mon mari, mon beau-père, mes beau-frères, ils sont tous contre. Qu'est-ce que je dois faire ? »
Mâ dit : « Une fois par mois, du matin au soir, regardez toute votre famille, comme s’ils étaient des manifestations du Seigneur, car ils sont cela.
Votre mari, votre beau-père, vos beau-frères, eh bien, voyez-les comme différentes incarnations du Seigneur. Regardez vos enfants comme s'ils étaient le petit Krishna, la petite Kumari. Quelle que soit les personnes qui se présentent à votre porte, voyez-les comme des formes de Dieu.
Et si ce jour-là, des problèmes se présentent, traitez-les comme des messagers du Seigneur. Si vous continuez, si vous persévéré dans cette voie, vous verrez que les circonstances vont devenir favorables pour tourner votre regard, votre attention vers ce qui est.
Faites-ça une fois par mois et ensuite une fois par semaine, puis vous verrez que le bonheur que vous ressentez durant ce jour consacré au Seigneur influencera le reste de la semaine.
Mâ poursuivi, chacun doit avancer selon son chemin.
Celui qui est amoureux du Seigneur doit voir le Seigneur comme l’amant Suprême.
Celui qui suit la voie de la connaissance doit voir le Seigneur comme la Connaissance elle-même, comme le Brahman sans forme.
De même qu'une seule et même personne peut être à la fois les fils, le mari et le père, eh bien le Brahman est simultanément être (Sat), conscience (Chit), et plénitude (Ananda).
Quelque soit l’angle selon lequel nous regardons le Seigneur, nous trouverons le Seigneur.
Car il n'y a que cela, il n’y a que ce qui est.
S'il décide de se consacrer au yoga alors il s’unira, l'Union éternelle.
Tous, le Bhakta, le dévot, le Jnanin, le connaissant du Soi, et le Yogi, le pratiquant des yoga, tous ceux-là transcenderont les couples d’opposés. Il ne sera plus question d'Union ou de séparation. En définitive, l'Eternité, l’absence d'Eternité, aller au-delà ou non, tout cela n'existe pas. »
Mâ a dit, exactement comme Sri Ramakrishna, qu'il y a autant d'approches spirituelles que de personnages.
« Comment cela se fait-il que tout ces chemins mènent au Soi ?
Je veux atteindre Vaikuntha, le royaume de Vishnu, et ce n'est pas Kailash, la montagne sainte de Shiva. Je veux la pure connaissance, mais c'est différent de l'Amour éternel. »
Mâ répond : « Tout est contenu en tout. Une petite graine contient un nombre infini d’arbres. »
Vous voyez, les paroles de Mâ ne sont pas de simples paroles. Elles sont des Lotus qui éclosent et produisent un parfum merveilleux. Les paroles de Mâ sont les étincelles du feu éternel.
Les paroles de Mâ sont des champs qui se balance au rythme des vagues de l'extase divine. Chaque parole de Mâ est un mantra qui ouvre le cœur. Chaque parole de Mâ est un rayon de lumière qui avale, détruit l'obscurité du doute et de l'argument.
Comment puis-je vous faire partager, chers amis, ce parfum, ce feu, cette extase divine, ce pouvoir des mantras, ces rayons de lumière.
Ceux qui écoutent les paroles de la divine Mère, savent intuitivement, directement, qu'elle divine magie est contenue dans les douces paroles de Mâ Ânandamayî Mâ, pleines de grâce.
"Je ne suis qu'un enfant et je ne sais pas comment faire des conférences ou des discours.
De même qu'un enfant, lorsqu'il trouve quelque chose de doux et de bon, l'apporte à sa mère et à son père, de même je vous présente ce qui est doux et bon. Prenez ce qui vous plaît.
Mon discours n'est qu'un bavardage d'enfant.
En fait, c'est vous seul qui interrogez et vous seul qui répondez.
Vous battez le tambour et vous entendez le son."
Mataji
Question du disciple : "Qu'est-ce que le guru ?"
Mâ répond :
Le guru émerge depuis l'intérieur.
Lorsque la recherche authentique prend effet, Sa manifestation authentique doit se produire ; il ne peut en être autrement. L'Unique, prenant Lui-même la forme du Guru, de son propre chef, se manifeste ou devient manifesté.
Celui qui se manifeste en tant qu'attente, en tant qu'espérance de trouver le guru, se manifeste aussi en tant que réponse à cette quête.
Mais il est nécessaire que la recherche soit authentique. A chaque instant, soyez attentifs à Lui, en vue de Sa Réalisation.
Lorsqu'un vrai dévot est là alors, assurément, le Sadguru se manifeste. Lorsqu'il y a un véritable besoin du maître son apparition est logique.
Tant qu'on n'a pas été initié par un guru, le devoir du bakta, du dévot, est simplement d'étudier les textes, de répéter les noms de Dieu, de méditer, de chanter le nom qui vous convient le mieux.
Mais afin d'atteindre cet état sublime de bakta, de dévot, dévouez-vous entièrement à ce qu'on appelle la Satkriyâ, cette action qui n'a pour but que l'Un, que l’éternelle Réalité.
Question :
Comment pouvons-nous trouver le véritable Guru et qui peut être le Guru ?
Mâ répond :
Dieu est le véritable Guru.
Dieu fera le travail par l'intermédiaire du guru déjà accepté et montrera le vrai chemin au disciple. Le véritable guru est notre propre Âtmâ.
- Cet Âtmâ donnera-t-il le mantra ?
- Certainement.
Question :
Mâ tout le monde dit que le guru est absolument nécessaire mais moi je n’ai pas besoin de guru, j'ai juste besoin de Dieu.
Réponse de Mâ :
Le Guru est Dieu Lui-même.
Le guru fait comprendre aux disciples ce qu'est le divin.
Il ne faut pas voir le guru comme un simple être humain. Chaque fois que l'on reçoit le darsana du guru, on devrait le considérer comme Dieu.
Il existe un état où, en éveillant un certain pouvoir, le monde entier peut être éveillé. "Le monde" signifie "ce qui est en mouvement". C'est Dieu qui fait naître, maintient et absorbe à nouveau ce monde en lui-même.
Alors qui peut être le véritable guru sinon Dieu ?
En ayant la foi en Dieu, on Le connaît. Le guru de cet univers entier n'est autre que Dieu Lui-même. C'est à travers le pouvoir du Guru que Dieu peut être réalisé.
Tant que l'on ne s'est pas assuré l'aide du gourou, il est très difficile de trouver Dieu.
Jusqu'où l'intelligence de l'homme peut-elle le mener ? Vous voulez saisir Dieu par votre intelligence ? Comment cela est-il possible ? Pour trouver Dieu, il faut d'abord un guru.
Vous devez comprendre également que celui qui est votre Guru est également le Guru de tous.
Question :
"Est-ce qu'il n'y a qu'un seul guru du point de vue du monde ?"
Mâ répond :
Les gurus semblent avoir plusieurs aspects, certains gurus vont donner des instructions spirituelles, d'autres vont enseigner, d'autres vont donner l'initiation, d'autres vont confier un mantra et certains par simple touché pourront transmettre le pouvoir du guru.
Tant qu'il n'y a pas de désir intérieur de prendre l'initiation et de chercher refuge aux pieds de lotus du guru, il ne faut pas prendre l'initiation.
Priez, demandez à Dieu de vous accorder un guru véritable. Ne vous faites pas initier ou ne recevez pas l'initiation parce que quelqu'un vous a dit de le faire. Sinon vous allez le regretter plus tard. Dès que vous avez accepté d'être initié par un guru, vous devez vivre selon ses instructions. Lorsqu'un tel mariage a été conclu, il n'est pas possible de le défaire.
Question :
Mâ, j’étudie dans la ville d'Allahabad et j'ai accepté Swami Ramatirtha comme mon guru. Lorsque j'ai eu 11 ans, j’ai entendu parler de lui et je l’ai toujours considéré comme mon guru.
Mâ répond :
Vous devez comprendre que dès que vous avez trouvé un guru, vous ne pouvez pas en accepter un autre. Vous devez suivre ce qu'il vous recommande. Chaque jour, priez Dieu afin qu'il se révèle à vous. Contemplez Dieu.
Pour vous, c'est l’enseignement de Swami Ramatirtha qui est important, mettez en pratique ses instructions.
Question :
Pourquoi ne pourrions-nous pas prendre directement Dieu comme guru ? Quel besoin aurions-nous d’un intermédiaire ?
Mâ répond :
Si vous voulez rencontrer le Gouverneur, il vous faut d'abord demander une permission. Sans cela vous ne recevrez pas l'autorisation de le rencontrer. C'est pourquoi un guru est nécessaire pour trouver Dieu.
Afin de recevoir la bénédiction d'être avec un guru, méditez sur Dieu. En méditant régulièrement, Il se manifestera. Ne vous inquiétez pas, gardez toute votre attention sur Dieu. Sachez que si vous avez besoin d'un guru, Dieu vous en trouvera un. Soyez simplement impatient de trouver Dieu. Plus votre effort sera intense, plus vite vous pourrez le réaliser.
Question :
Nous ne voulons pas être malheureux et pourtant cela se produit, nous voulons être heureux de manière authentique et pourtant cela ne se produit pas.
Mâ répond :
Votre désir de pur bonheur n'est pas assez intense, faites appel au guru.
- Mais comment trouver le guru ?
- Cherchez en vous-même
- Comment chercher Mâ ?
- Si votre enfant était perdu que feriez-vous pour le retrouver ?
Question :
Quelle est la façon la plus rapide de réaliser Dieu, faut-il chanter, faut-il réciter un mantra, faut-il faire du yoga, faut-il répéter les noms de Dieu ?
Mâ répond :
La voie que le guru indique à quelqu'un est la voie la plus facile pour cette personne.
Question :
Est-il possible de de pratiquer sans avoir à faire appel à un guru ?
Mâ répond :
Votre question révèle que vous avez vraiment besoin d’un guru. La signification réelle du concept de guru est extraordinairement profonde. le guru devrait être considéré comme Dieu. Le guru ne peut jamais être abandonné. Lorsque le guru est abandonné, il faut comprendre que l'acte par lequel la relation entre le guru et le disciple est établie n'a jamais eu lieu. Le guru, qui est censé guider l'individu vie après vie, ne peut jamais commettre de faute ou d'irrégularité. Son pouvoir et la dévotion qu'on lui porte ne peuvent jamais se relâcher. L'Être suprême qui, dans la recherche de la Vérité, est la Vérité elle-même, veille à l'accomplissement de l'objectif du disciple.
En fin de compte, tous les gurus ne font qu'un. Celui qui peut révéler le guru éternel qui réside dans le disciple est le seul véritable guru.
Si un guru est abandonné, il faut comprendre qu'il n'a jamais été réellement accepté.
Avant de choisir votre guru; vous devez le juger sur tous les aspects. Mais une fois qu'il a été accepté alors ces instructions doivent être suivies à la lettre.
Si, après que le gourou a initié son disciple, ce dernier dit : "il est vrai que j'ai reçu l'initiation mais je n'en ai tiré aucun bénéfice", alors je déclarerai que la véritable initiation n'a pas eu lieu.
Soyez prudent lorsque vous accepter un guru, ne soyez pas pressé, prenez votre temps et utilisez votre intelligence. Mais une fois une fois que vous avez accepté votre guru, c’est irrévocable et vous devez vous abandonner entièrement à lui. Si vous n'y parvenez pas, je maintiens que vous ne l'avez pas accepté comme guru.
S'il s'agit d’une véritable relation entre le guru et le disciple alors cette relation est éternelle. Lorsque le guru manifeste le pouvoir divin, même lorsque le disciple est temporairement assailli par le doute, ces derniers sont susceptibles de céder la place à la foi dans le pouvoir du guru qui agit à l'intérieur du disciple.
Question :
Comment défaire les nœud de l'ego ?
Mâ répond :
En suivant les instructions de votre guru sans questionnement.
Ici, la connaissance et l'intelligence ne suffisent pas. Ils sont utiles jusqu'à un certain point. Ils vous fournissent des informations. Les sastras ont été lus, étudiés et mémorisés. On a acquis des connaissances dans un domaine particulier. Ce n'est que le savoir de l'ignorance.
Ce n'est que lorsque l'on quitte cette connaissance que la réalisation peut avoir lieu. C'est pourquoi il faut suivre les instructions du guru sans poser de questions. Tant que la raison de l'individu est au pouvoir, comment les nœuds peuvent-ils être défaits ?
Question :
Comment naît la foi inconditionnelle (sans questionnement) dans le guru ?
Mâ répond :
Par la foi.
Au début, on n'a pas la foi - bien que pour certains la foi vienne immédiatement - alors que faire ?
Il faut penser par soi-même, faire preuve de discernement. Je vous ai entendu dire que, selon l'enseignement tantrique, il faut observer et étudier son guru pendant un an.
Ensuite, on ne prend l'initiation qu'une seule fois. Examinez et testez votre guru jusqu'à la limite de vos capacités.
Comment un élève peut-il tester son professeur ?
Vous ne pouvez pas le tester comme les professeurs testent leurs disciples. Néanmoins, faites tout ce que vous pouvez en posant des questions et en observant.
Une fois que vous avez accepté le guru comme votre guide - tout comme il n'y a qu'un seul mari - une fois que le lien a été forgé, c'est pour toujours.
Vous pouvez aller ici et là, où bon vous semble, rester dans n'importe quel endroit ; mais vous ne pouvez pas le quitter, à condition qu'il soit un Sadguru.
Il vous enseigne en vous donnant un coup après l'autre. Tout ce qu'il fait est pour le mieux, pour votre bien ultime.
Il arrive qu'un enfant n'étudie pas. C'est en étant giflé qu'il apprend. Il y a un dicton qui dit qu'un coup nous ramène à la raison. Une personne qui n'a pas foi en son guru devra continuer de la sorte.
Cependant, un Sadguru ne perdra jamais la main sur son disciple, mais le gardera sous son emprise. Une fois la relation établie, elle est indissoluble.
Tant que la foi n'est pas venue, lisez des livres de sagesse, répétez votre mantra, soyez toujours absorbé par des exercices spirituels.
Essayez de rester engagé dans une telle activité, que vous en ressentiez le besoin ou non.
Il n'est pas utile de dire "je n'aime pas cela" ou "je ne trouve pas cela agréable". Se laisser influencer par les goûts et les dégoûts, c'est rester dans la mondanité.
Si vous avez le désir de réaliser Dieu, efforcez-vous de vivre selon les ordres du guru.
Ne relâchez pas, votre effort provoque un miracle. En essayant encore et encore, en pensant sans cesse à Dieu, que se passe-t-il ? Le chemin s'ouvre enfin de lui-même.
Il y a de l'espoir qu'un tel état se produise.
Après avoir réussi à atteindre un état de foi qui permet d'accepter pleinement les injonctions du guru, que se passe-t-il alors ? Cet état de foi se manifeste si le guru est le véritable guru de l'individu.
Notre relation avec le monde est née de l'illusion ; la relation avec le guru est celle du Soi (atmique).
Ainsi, au début le disciple a beaucoup de mal à respecter les instructions du guru. Par une pratique persistante, en acquérant l'habitude, en s'efforçant de s'améliorer, par le désir de la réalisation de Dieu, on en vient à se repentir de ses doutes et de sa désobéissance. Désormais, le disciple ne peut plus s'empêcher d'exécuter les ordres du guru.
Chaque mot, chaque parole du guru dont il prend connaissance - s'il ne les met pas en pratique, il ne se sent pas à l'aise. Bien au-delà de ce qui peut être ressenti dans le monde.
Dans une telle situation, il se sent abattu, englouti dans le vide, lorsqu'il n'a pas pu mettre en pratique les ordres du guru.
Il s'ensuit une étape où, tant qu'il n'a pas réussi à mettre en œuvre les instructions du guru, il ne peut être en paix. Il se sent complètement vide ; il lui semble qu'il n'y a plus rien pour lui tant qu'il n'a pas obéi pleinement aux ordres du guru. Il se sent malheureux de ne pas avoir respecté les ordres du guru.
Et qu'est-ce que cette misère entraîne ?
Le karma de la désobéissance est consommé par sa souffrance. Maintenant, l'aspirant agira exactement selon les instructions de son guru, suivra à la lettre chaque conseil, et ainsi sa propre voie directe s'ouvrira d'elle-même.
Tout est contenu dans cet état.