Extrait
chapitre
numéro
7

Entretiens du 22 avril 1985

Entretiens avec Atmananda
Medirep, 1986

Lundi 22 avril 1985

A 9 heures du matin ce jour là, je me suis rendue chez Atmananda à sa demande. Il commençait à faire si chaud qu'elle ne voulait pas que je marche en plein soleil au mileu de l'après-midi, pour me rendre à Kalyanvan. De plus, elle voulait me conduire aux temples de Shiva et de Ram qui se trouvent dans le jardin même de Kalyanvan. Mais auparavant, Atmananda m'avait promis de me faire connaître une curieuse histoire concernant la construction du temple de Ram.

Voici ce qu'elle me raconta:

Dans ce temple, vous verrez les statues de Ram, Sita, Lakshman et Hanuman. Un jour, un devotee de Mâ qui chaque mois lisait le Ramayana en entier à l'ashram, ce qui prend de 24 à 28 heures, eut l'idée de construire un temple à Kalyanvan. Et Mâ ayant été d'accord, le temple fut construit. Il fallut après cela y mettre les statues. Et les plus belles sont fabriquées à Jaipur dans le Rajasthan. Parmi les devotees de Mâ, se trouvait un officier qui avait vécu dans cette ville. Et Mâ lui demanda de bien vouloir s'occuper de l'achat de ces statues, en lui donnant des instructions précises quant à la taille, l'aspect, le visage, etc.

La mère de cet homme, ainsi que toute sa famille, était très dévouée à Mâ. Ils se rendirent à Jaipur avec leur automobile, et se mirent ensuite à parcourir à pieds, les rues de la ville où il est possible de trouver ce qu'ils cherchaient. Ils visitèrent beaucoup de boutiques, examinèrent un grand nombre de statues et se donnèrent, en vain, un mal infini, sans trouver ce que Mâ leur avait demandé. Ils se sentaient vraiment très découragés et ne savaient que faire.

C'est alors que survint un jeune garçon: "Vous cherchez des statues ?" leur dit-il. "Suivez-moi, je sais où vous pouvez en trouver !" Mais fatigués et lassés par leur recherche, ils ne l'écoutèrent pas. Le garçon insista tellement malgré les rebuffades, qu'ils se décidèrent à le suivre, non sans lui assurer qu'ils avaient tout vu, et qu'ils ne croyaient pas ce qu'il leur disait. Il les conduisit dans une ruelle et leur indiqua un fabricant de statues: "Ici vous trouverez ce que vous cherchez !", dit-il.

Les amis de Mâ, à leur grande surprise, virent que c'était vrai. Aussitôt, ils commandèrent à l'artisan les quatre statues selon les instructions de Mâ. Et dans leur joie, ils voulurent donner une récompense au jeune garçon qui les avait guidés. Mais ils ne le trouvèrent pas, ce qui en Inde et en Orient, est assez étonnant, le "bakchich" étant de rigueur dans ces cas là. On le chercha en vain. Personne ne l'avait vu, ni ne put donner d'explication là-dessus.

Q.- Quelqu'un avait bien dû le voir ?

At.- Mâ a donné l'explication lorsqu'on lui rapporta le fait: "C'est Ram lui-même qui est venu indiquer l'endroit où l'on trouverait les statues..."

Q.- On ne peut soupçonner Mâ de parler à la légère .... Merci de m'avoir raconté cela.

At.- Et vous verrez, les statues sont tellement jolies, tellement vivantes. Ram et Lakshman sont si beaux... Et on voit qu'ils sont frères, ils se ressemblent. Vous allez voir aussi le petit temple de Shiva. Lui aussi a une histoire.

Q.- Je serais heureuse de l'entendre. Voulez-vous me la raconter ?

At.- Volontiers ! Quelqu'un avait offert toute cette partie du terrain où se trouve le temple pour y bâtir une école pour les garçons de l'école de l'ashram qui s'appelle "Vidyapeeth".

Q.- Ici à Kalyanvan, une école ?

At.- Il y en avait eu une d'abord à l'ashram de Kishenpur, mais vous savez, avec Ma tout remuait.

O.- Vous voulez dire que tout s'organisait ?

At.- Non, tout bougeait, allait d'un endroit à un autre, même les écoles. (Atmananda sourit, elle sourit souvent, et son visage est plein de gaieté).

Les garçons étaient d'abord à Dehradun dans l'ashram. Mais c'était trop petit. Alors ce "devotee" a acheté ce terrain pour les garçons, mais pour diverses raisons cela ne s'est pas fait, du moins à cet endroit précis. Et le terrain s'est donc trouvé inoccupé. Alors le donateur a proposé de faire construire en cet endroit, une chambre pour Mataji.

Il y a eu une cérémonie pour la pose de la première pierre, dans laquelle ont été scellés selon la coutume, des Ecritures Sacrées et diverses autres choses. Et finalement, rien n'a suivi, et les choses en sont restées là.

Un jour Mataji revint à Kalyanvan. Et elle dit à cet homme: "Les Ecritures sont enfouies avec la pierre. Vous avez oublié où elle se trouve. Tout le monde marche dessus ! Il ne faut pas laisser les choses ainsi, il faut que vous la retrouviez !" La pierre fut retrouvée. Et Ma dit alors: "Ne me construisez pas une chambre, je n'en ai pas besoin. Construisez un temple pour Shiva ". Son désir fut exaucé, et le temple fut construit.

Q.- Il y a donc deux temples à Kalyanvan ?

At.- Oui. Mais dans un seul bâtiment. A droite le temple de Shiva, et à gauche celui de Ram.

Le temple de Shiva est très petit ; celui de Ram qui lui fait face, est légèrement plus grand. Ils sont reliés entre eux par une sorte de véranda couverte ou de couloir. D'ailleurs venez, je vais vous montrer le jardin ; et le temple est à une trentaine de mètres d'ici.

Nous sortons. La chaleur est très forte. Mais les beaux arbres de Kalyanvan nous en protègent bien. Pour entrer dans le temple, nous gravissons quelques marches. A l'extérieur, un fauteuil sur lequel est posé un grand portrait de Ma Anandamayi, entouré de guirlandes de fleurs. Au seuil du temple, c'est Mataji qui nous accueille, avec ce visage plein de grâce et de lumière qu'elle nous a laissé à travers ses merveilleuses photographies.

Nous quittons nos sandales et entrons dans le couloir entre les deux temples. Nous faisons prânâm devant Shiva, et puis, nous nous dirigeons vers le temple de Ram. Un jeune brahmane, sans doute le prêtre du temple, s'y trouve en ce moment. Nous faisons pranam devant Sri Ram. Alors le prêtre prend dans une minuscule cuillère, un peu d'eau qui se trouve dans un récipient sur l'autel, et la verse dans mes mains, puis dans celles d'Atmananda qui se trouve en retrait. Ensuite il m'offre du prâsâd; et avant de se retirer, il salue de ses mains jointes l'étrangère que je suis. Alors, avec un bon sourire, il sort du temple.

Et une fois de plus, je ressens cette paix et cette sérénité. Quelle bénédiction que d'être dans ces lieux sacrés, si loin de la folie de nos vies en occident. Je regarde les statues: Ram, Sita son épouse... qu'ils sont charmants. Leurs visages sont beaux et riants; ils sont vêtus d'habits en tissu et portent les coiffures dont on pare habituellement dieux et déesses en Inde. Lakshman se tient près de son frère Ram. C'est vrai, ils se ressemblent, et le singe Hanuman, serviteur de Ram est là, légèrement en retrait. J'aime ce temple. Mais l'heure passe, et il faut partir.

Atmananda m'attend dans le couloir reliant les deux temples. En me dirigeant vers elle, mon regard tombe sur une petite plaque de quelques centimètres, de couleur rouge, que je n'avais pas aperçue en entrant; mes yeux, après la luminosité du dehors, n'étant pas alors accoutumés à la pénombre. Je m'approche pour lire l'inscription. C'est la seule que je sois capable de lire en sanscrit:

SHRI RAM JAI RAM JAI JAI RAM

C'est le grand mantra de Ram, celui dont la répétition constante amena swami Ramdas (qui le faisait précéder de la Syllabe Sacrée OM) à la Réalisation du Soi, et à l'illumination.

Je n'oublierai pas le temple de Ram à Kalyanvan I

En sortant, nous faisons pranam devant Mataji. Il est 11 heures 30. On entend les oiseaux. Atmananda me dit que je peux revenir dans l'après-midi si je n'ai pas trop chaud. Je n'aurai pas trop chaud...! Et j'ai encore d'autres questions. D'autant plus que le lendemain aura lieu la consécration du temple de Mâ, à Kishenpur, et la grande fête d'Akshaya Tritiya, qui commencera dès ce soir à 20 heures pour finir demain à 20 heures. Et après-demain, ce sera le retour à Dehli.