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0

Préface

Classées par thèmes - préface de Jacques Vigne ; trad. de l'anglais par Jean E. Louis
Rosny-sous-Bois : Ed. Unicité, 2013
Préface


Par Vigyânânand (Dr Jacques Vigne)


C'est dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina, situé au nord-est de Delhi dans l'angle de l'Inde entre le Tibet et le Népal, que j'ai pu avoir connaissance du texte anglais non encore publié. Il s'agissait de la traduction à partir du bengali d'un recueil assez fourni de paroles de Mâ classées par thème. J’ai reçu ce texte de Swami Nirgunânanda, mon voisin dans ce bel ermitage où il vit depuis 22 ans, Il a effectué lui-même une bonne partie des traductions à partir du bengali, et a travaillé avec une autre personne qui elle, était partie de la version en hindi, nécessairement moins précise puisqu'elle était elle-même déjà une traduction de l'original bengali. Swami Bhaskarânanda, qui était le bras droit de Mâ et auquel celle-ci a confié la charge de donner l’initiation après le décès de sa mère Didi Mâ, a beaucoup encouragé la traduction de ce livre du bengali en anglais, pensant qu’il était bon de revenir facilement grâce à cette anthologie à ce que Mâ disait directement. Nous avons décidé de publier ces paroles de Mâ à la fois en français et en espagnol pour mettre sur le site de Mâ Anandamayî.


C’est Jean E.Louis de Nice qui s'est chargé de la traduction française, que j'ai révisée, en discutant un certain nombre de points peu clairs dans le texte anglais avec Swami Nirgunânanda à l'ermitage. À chaque fois, il est revenu à l'original bengali, nous avons discuté de ce qu’a vraiment voulu dire Mâ, et cela a permis d'améliorer certains points obscurs de la traduction anglaise, et de les rendre plus clairement à la fois en français et en espagnol. Pour cette dernière version, c'est Andrea Veselich qui s'en est chargé. Jeune avocate passionnée par l'Inde, elle ne vit cependant pas tout près, puisqu'elle réside en Patagonie, la pointe sud de l'Argentine près de la Terre de feu... Mais grâce à l'Internet et à sa bonne volonté, car elle ressent un lien fort avec Mâ, elle a pu rendre ce service de traduction au lectorat hispanophone intéressé par la sagesse de l'Inde. Swami Vijayânanda qui a passé plus de 30 ans auprès de Mâ Anandamayî, et vit toujours dans ses ashrams après 57 ans continûment en Inde, dit clairement et fortement : guru vakya mantra, ‘la parole du gourou est un mantra’. Dans la Guru Gita, il est aussi une strophe célèbre où il est dit mantra-mulam guru-vakyam, ‘la racine du mantra, c'est la parole du gourou’. La qualité principale du gourou n'est pas de donner un enseignement intellectuel et linéaire, mais d'avoir un impact par une transmission de l'énergie, ce qu'on appelle dans le langage traditionnel le shaktî-pat. Il peut le faire à travers un mantra chuchoté dans l'oreille au moment de l'initiation rituelle, mais aussi à travers n'importe quelle autre parole survenant dans n'importe quelle autre circonstance, à travers le don d'un objet, d'une fleur, d'un prasâd, et encore, sans aucun intermédiaire (anupaya), de façon directe, d’âme à âme. Du trop-plein de ce réservoir d'énergie qu’est le gourou, le manque du disciple peut être comblé. Pour bien comprendre comment Mâ transmettait l'énergie, il ne suffit pas de lire ces paroles, mais il faut également se plonger dans sa vie et dans les expériences de ses disciples proches.

Nous avons traduit en français sous le titre de Matri Darshi an, le témoignage princeps de Bhaiji, le premier grand disciple de Mâ Anandamayî après son mari Bholonath, et qui a donné à celle qui s'appelait auparavant Nirmala Dévî le nom d'Anandamayî. Il y a aussi l'ouvrage de Bithika Mukerjee qui donne beaucoup de détailsii, et le dernier livre de Jean-Claude Marol – il est paru deux mois avant sa mort trop précoce – La Saturée de joie aux éditions Dervy. Il y développe en particulier l'importance du féminin spirituel, et le lien qu’il discernait entre le lien avec Mâ et le respect pour l’image de la Dame au Moyen Âge, qui a continué dans le catholicisme jusqu'à nos jours à travers le culte de NotreDame. Il y a tout un mouvement de fond au XXe siècle et qui prend de l'ampleur maintenant : il tend à remettre à l'honneur l'aspect féminin du sacré. Il peut se manifester à travers l'écologie, où Gaïa est présentée comme une personne vivante, la déesse Terre, qu'il faut respecter et cesser de violer dans tous les sens.

Par ailleurs, à cause du conflit israélo-arabe chronique au Moyen-Orient, beaucoup de gens sensés se mettent à réaliser que le monothéisme avec son dieu purement mâle et exclusivement unique risque de ne jamais réussir à dépasser les guerres saintes, qu'au contraire les armes de destruction massive exposent au danger et qu'elles deviennent beaucoup plus dévastatrices qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. D'où la nécessité de renforcer l'aspect féminin du sacré, en encourageant le développement d’enseignantes religieuses femmes et aussi du point de vue métaphysique, en remettant à l’honneur le couple divin dieu/déesse qu’on retrouve dans pratiquement toutes les formes religieuses de l'humanité, excepté le monothéisme. De plus, l'aspect féminin de la mystique est aussi relié à l'expérience chamanique, restant proche de la source et peu encombrée de dogmatiques et d’idéologies religieuses. Dans ses débuts, l’auto-initiation de Mâ par exemple et ses transes multiples évoquaient tout à fait la descente d'une expérience chamanique.

Cependant, Mâ n'est certainement pas restée à ce niveau, elle était déjà prise dans le vaste courant de la bhakti du Bengale avec les grands exemples de Chaitanya Mahâprabhu au XVIe siècle et de Râmakrishna au XIXe. Elle a passé sa vie de gourou à guider la majorité de ses disciples sur cette voie traditionnelle de la bhakti, d'où ses multiples conseils dans cet ouvrage sur la récitation du mantra et la force du lien avec le gourou, mais elle était aussi solidement enracinée dans la voie de la connaissance et dans l'expérience de l'Un. Elle revient tout le temps à l’Unité fondamentale, en exprimant en des termes simples mais forts l'absence de dualité et la capacité fondamentale qu'a un être humain à se relier directement à l'Absolu sans intermédiaire. Un mot d'explication est nécessaire pour s’imprégner du sens que l’on donne à ‘la Mère pénétrée, constituée de Parole’. Ce nom évoque la première forme de la Mère divine dans les védas, Vak, de la même racine que vox en latin et ‘voix’ en français, cette déesse « Voix » donc qui permet l'expression audible du Brahman. On dit qu'elle est née de la langue de ce Brahman, ou parfois qu'elle en est son épouse. Elle n'est pas sans évoquer la Hohkhma-Sophia-Sagesse de la mystique juive. Dans l'hindouisme classique, elle s'est transformée en Sarasvatî, déesse blanche de la pureté, de l'enseignement et de la connaissance, ainsi que de la musique. Elle réside (vatî) sur un cours d'eau (saras), c'est le sens de son nom. Cet archétype s'associe assez spontanément à Mâ Anandamayî, qui a été toute sa vie vêtue de blanc, et dont l'ashram principal et le tombeau sont situés au bord du Gange tout près d'Hardwar. Ce qu'il y a de particulier dans le cas de Mâ, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une divinité vieille de plusieurs millénaires et présente uniquement sur le plan subtil, mais d’une personne bien vivante qu'on pouvait rencontrer si on le voulait.

Dans ce contexte, la transmission d'énergie était beaucoup plus puissante et concrète, au moins pour les visiteurs ou disciples qui avaient l'ouverture requise pour recevoir ce transfert. Au début de cet ouvrage, nous avons traduit telle quelle la préface à l'édition hindi. Elle est écrite dans le style fleuri de l'Orient et de la bhakti. C'est certes un autre monde mental que celui de l'Occident rationnel contemporain, mais pourquoi ne pas entendre ce qu'il a à nous dire de temps en temps ? Surtout quand il y a contact direct, le coeur est touché et peut transcender bien des barrières culturelles. Sarvâtma était un des premiers disciples français de Mâ Amritânândamayî. Il avait très peur en France que sa manière d'embrasser les gens pendant le darshan et de leur distribuer des bonbons choque avec un public plutôt rationaliste et quelque peu coincé. En fait, rapidement, il y a eu de longues queues pour passer dans les bras de celle qu'on appelle Amma, et donc celle-ci s’est mise à se moquer de Sarvâtma en lui disant : « Regarde donc tes Français ! Ils sont prêts à attendre des heures simplement pour avoir un bonbon ! » Quand on lit continûment le livre, on s'aperçoit que Mâ revient souvent sur des thèmes fondamentaux car elle voulait donner des bases au public général de visiteurs qui venaient la trouver.


Le classement par thèmes est intéressant quand on veut méditer directement sur un sujet précis, mais il a l'inconvénient de faire ressortir certaines répétitions. Cependant, celles-ci peuvent avoir un effet ‘mantrique’ sur le lecteur : avec un mouvement qu'on pourrait appeler en spirale, on revient régulièrement au même point, mais à un niveau de profondeur plus grands. Mâ conseille d’ailleurs le mantra comme une méthode accessible à tous, capable d'accompagner le processus de transformation et de purification du sâdhaka à long terme. Une bonne partie des conseils de son livre pourrait se résumer ainsi : « Répétez votre mantra avec persévérance et une confiance complète dans le gourou, et vous atteindrez un niveau où toutes les questions et les contradictions seront résolues spontanément. »

Cependant, il ne faut pas rester sur une fausse impression de simplisme en lisant ce livre d'une traite. Dans les entretiens privés, Mâ donnait bien d'autres enseignements et exercices de méditation que le mantra. Quand j'ai demandé à Swami Vijayânanda qui, nous l'avons dit, a passé plus de 30 ans sous la guidance directe de Mâ, s'il récitait le mantra quand il s'asseyait pour la méditation, il m'a répondu que non. Par contre, quand il fait sa cuisine ou des activités concrètes, il aime bien garder l'esprit relié à l’Absolu et à Mâ grâce au japa, mais quand il était assis en méditation, il aimait bien suivre ses propres pratiques et leur évolution spontanée.
Pendant toute la période de début, il était dans l'idée qu'un gourou doit avant tout donner des conseils de techniques de méditations, des kriyas, et Mâ effectivement lui en a donnés abondamment lors d'entretiens privés. Cependant, à chaque fois qu'elle en expliquait quelquesuns, elle ajoutait ; « Ceci est un exercice secret, ne le répète pas. » Mâ a expliqué aussi que les kriyas étaient faits pour secouer la torpeur, le tamas. La plupart des gens sont somnolents, mais c'est bon pour eux de faire quelque chose, que ce soit des kriyas ou des rituels. Cela leur donne un début de réveil. Cependant, à un niveau élevé, la volonté de faire quelque chose se révélera être un obstacle. Mais ce « non faire » n'est pas pour les débutants. Un autre aspect des kriyas, ou rituels, doit aussi bien être compris : ils peuvent être destinés à éveiller des pouvoirs, comme les techniques de toumo chez les tibétains qui développent la capacité de ressortir le feu intérieur et donc de résister aux grands froids. Pour aller plus loin, on peut évoquer aussi les pratiques de magie qui sont des formes de kriyas, mais qui peuvent tourner à la magie noire.
Au fond, quand la vie intérieure est éveillée, la manière de méditer vient spontanément. On ne peut pas en faire une généralité. Ce qui vous réussit à vous peut être inutile, voire dangereux pour d'autres. Il en va de même pour les conseils que le gourou vous donne personnellement, d'où l'avertissement de Mâ. Dans ce sens, on dit dans la kabbale qu'il y a trois niveaux d'enseignements, le niveau général correspondant aux conseils que le maître donne à un petit groupe, le niveau personnel dans sa relation à un disciple en face-à-face, et le niveau supérieur sous forme d'expériences qui remontent spontanément chez le disciple, mais qui n'en sont pas pour autant étrangères à la présence du maître. Vijayânanda ajoute que les kriyas ne sont pas si importants, la voie spirituelle dans son ensemble est beaucoup plus large qu’une sorte de technologie où la révélation d'un code secret pourrait vous ouvrir l'accès à tous les programmes d’un coup. Cette voie spirituelle nécessite un engagement complet de l'individu : il est bon déjà d'avoir une base large de lectures et de connaissances pour comprendre vraiment quel est son intérêt, et ensuite de s'impliquer dans une pratique destinée d'emblée à transformer toute la vie et le comportement concret. Cela est beaucoup plus large que l'exécution plus ou moins mécanique de certaines techniques méditatives supposées secrètes et toutes-puissantes. Il est tout à fait classique en Inde d'insister sur l'abandon entre les mains du gourou.
Ceci choque les occidentaux qui ont d'ailleurs souvent perdu le lien avec la spiritualité traditionnelle chrétienne qui insiste elle aussi à sa manière sur l'importance du maître spirituel et du voeu d'obéissance pour les moines. « Être comme un cadavre dans les mains du laveur de mort » disait par exemple Ignace de Loyola. J'ai essayé d'éclaircir ces questions dans mon premier ouvrage, Le maître et le thérapeute, qui parle de la relation d'aide à la fois spirituelle et psychologique.
De son côté, Swami Vijayânanda a tendance à distinguer deux niveaux, le niveau concret où il obéissait à la lettre aux paroles de Mâ, justement pour le plaisir en quelque sorte de montrer qu'il était capable de faire ce qu'elle lui demandait, et un niveau plus profond où il gardait tout son discernement et sa liberté. Mâ ne semble pas avoir été choquée par son attitude, constatant sans doute qu'elle relevait plus de la voie de la connaissance que de celle de la dévotion. Dès leur premier entretien à Bénarès en février 1951, elle avait d’ailleurs constaté et dit de lui qu'il était un pranava upasaka, littéralement un ‘adorateur du Om’, c'est-à-dire quelqu'un qui suivait la voie de la connaissance. Dans ce sens, elle ne lui a jamais demandé par exemple de faire de poujâ ni de centrer sa dévotion sur la forme d'une divinité hindoue. Il aurait bien sûr beaucoup d'autres choses à dire à propos de Mâ Anandamayî. J’ai parlé d'elle dans un chapitre de mon livre L’Inde intérieure, et d'après Swami Vijayânanda, la meilleure introduction qui ait été écrite au livre de Mâ en français se trouve sous la plume de Jean Herbert dans les quelques pages qu'il a mises au début de Aux sources de la joie. iii Mâ disait d'elle-même qu'elle n'était pas une réformatrice, qu'elle avait pris l'hindouisme comme il était, et qu'elle ne faisait que transmette l'enseignement de l'Inde ancienne et des rishis-munis de jadis. Elle a accompli cette tâche avec un souci de la perfection et en transmettant tout autour d'elle une énergie indubitable d'amour et de joie.


Vigyânânand
Kankhal, Hardwar, Inde, mars 2009




0 – Introduction à la version hindi de cet ouvrage sur les paroles de Mâ

Les mots prononcés par les lèvres vénérées de Sri Mâ – Mâ qui habite le coeur de tous, Mâ qui est pure et éternelle – ces mots de Sri Mâ sont une manifestation particulière de la Mère divine en tant qu’Essence de la parole.
Tout au long de Sa Lîlâ (son jeu) en ce monde, Mâ s’est communiquée dans la pureté de Ses paroles. Avant que ne s’achève Sa Lîlâ ici-bas, Mâ a donné une idée de ce qu’est l’appel du non-manifesté. Dans le présent, Mâ brille de son éclat dans les mots de la Katha Upanishad : On se libère des serres de la mort lorsqu’on connaît Cela qu’on ne peut entendre ni toucher, qui est incolore et inaltéré, qui est sans goût, éternel, inodore, sans commencement ni fin, qui est distinct de Mahat (l’espace primordial) et toujours constant. Mâ a dit : « Je viens à votre portée, mais je ne vous permets pas de m’accaparer ». Les paroles reviennent et l’esprit ne peut s’en emparer, comme on dit dans une Upanishad : Yatho vacha nirvartante aprapya manasa saha Durant l’accomplissement de Sa Lîlâ, dans cette sphère qui est à notre mesure – Mâ s’est présentée Elle-même – dans la forme humaine de la mère – la Lîlâ de Sri Mâ Anandamayî. Elle était l’âme de Ses disciples et la grâce personnifiée. Elle était d’une douceur sans pareille et cette douceur masquait Sa divine grandeur.
Sa céleste magnificence allait au-delà de toute imagination. Sa Lîlâ était le Râs, la sève de l’expérience personnifiée. Quelques rares personnes ont le bonheur d’être en mesure de visualiser, aujourd’hui encore, (dans leur mémoire) l’irréprochable Lîlâ de Mâ – la Lîlâ dont il faut faire l’expérience pour la conserver gravée dans la conscience. Mais alors quel est l’état d’être, la condition, de ces innombrables âmes ordinaires qui ne jouissent pas de cet incomparable privilège, qui n’ont jamais rencontré Mâ ?
En effet, les premiers, tous ceux qui ont vécu à l’ombre apaisante de l’amour et de l’affection de Mâ – la mère tendre et douce dans la forme humaine, ceux qui ont grandi sous Sa protection, sous Sa discipline aimante et chaude, tous ceux-là ressentaient que la présence toute proche de Mâ était la plus grande consolation durant les temps de détresse et de souffrance qu’ils connaissaient. La chance inestimable de ces êtres, de ces disciples de Mâ, aurait-elle pris fin ? Non ! Le privilège extraordinaire d’avoir vécu aux côtés de Mâ s’est peut-être évanoui, quelque part dans les méandres du passé, mais les paroles de Mâ, elles, sont là, dans la forme écrite. Elles sont là, dans le présent. Et elles seront là aussi dans le futur. Une force rayonnante et l’image ineffaçable de Son geste offrant des guirlandes de mantra, ce sont là d’inoubliables et merveilleux souvenirs de Mâ. Les paroles de Mâ sont la source d’un intarissable nectar.

La publication de ce livre, bénie par la caresse transcendante de ce ruissellement, est le fruit d’un effort dont on souhaite qu’il mène à un bain purificateur.

Mâ n’a écrit aucun livre.
Les mots qu’Elle prononçait venaient d’Elle, mais ne Lui appartenaient pas. Le nectar de Ses paroles jaillissait spontanément. Il contenait la réponse aux questions de Ses innombrables disciples qui souffraient des trois tourments (probablement la colère, le désir et l’avidité) que nous, les êtres humains, sommes condamnés à endurer en ce monde.
Nous avons réuni, dans cet ouvrage, un certain nombre des paroles de Mâ.
Mâ Anandamayî manifeste la Mère divine qui est l’âme du bîja-mantra (mantra-semence), qui a porté à la lumière les Vêda (Ecritures sacrées), qui est omniprésente, qui est dans la forme de Pranava (le Om). Les paroles d’une telle mère expriment l’essence des Veda. Les mots de Mâ imprègnent l’univers tout entier. Elle règne dans l’océan de l’esprit agité de Ses disciples, dans la forme de la vérité et de la paix éternelle. Qui donc sont les sources concrètes de ce témoignage – ce livre, en l’occurrence – qui est la manifestation du svarûpa, de l’essence de Mâ ? Ce n’est ni la pierre, ni le métal, ni le bois. Ce n’est ni la boue, ni la pluie. Les mots, ce ne sont que les mots. Filtres de nectar engendrés par les paroles physiques de Mâ. Les sources essentielles du présent ouvrage sont « Ânanda Varta » (journal trimestriel du mouvement de Mâ publié depuis 1952 et qui a recueilli, jusqu’à ce qu’elle quitte son corps en 1982, ses faits, gestes et dires lors de ses nombreux déplacements et interventions publiques), Matri-Darshan de Bhaiji, ainsi que les enregistrements de quelques conversations, dans lesquels on peut entendre les paroles de Mâ, que l’on peut retrouver également couchées sur le papier dans les livres.

Quand on lit ce livre d’une voix claire, il s’agit de quelque chose qui peut être vu aussi bien qu’entendu. Il n’est pas indispensable d’effectuer comme un rituel d’insufflation de vie à une statue pour la rendre consciente, ce qu’on appelle Pran-pratishtha. C’est l’énergie même contenue dans la forme lumineuse de Mâ qui infuse son énergie à toutes ses paroles.
Nous tous, dans notre élan vital, déposons l’offrande de nos prânams (prosternations) aux pieds de Mâ. Le fils dévoué de Mâ, Bhaiji, devant lequel nous devrions nous incliner chaque matin, nous a enseigné cette obéissance dans son livre rempli de science spirituelle, « Matri Vandana ».
A ce sujet, nous nous devons de citer quelques mots de Mâ concernant Bhaiji : « Bhaiji avait coutume de dire, à tout propos, que celui qui suivait pleinement et consciencieusement les conseils de Mâ, finissait par récolter les fruits de centaines d’années de sâdhanâ. En ne faisant que cela : suivre les conseils de Mâ. Bhaiji a vécu près de ‘ce corps’ avec cet intime sentiment (bhâva. »

Nous publions cet ouvrage à la mémoire de Bhaiji.
Il fut la première personne à nous guider pour ce qui est du recueil et de la mise en ordre des paroles de Mâ.
Pour faciliter la lecture de ce livre, nous nous sommes efforcés, autant que faire se pouvait, d’en classer la matière sous différentes rubriques. Nous avons tenu compte, pour cela, des thèmes développés que nous avons placés dans des chapitres spécifiques.
Il est possible toutefois, dans le cas précis des paroles de Mâ, que la solution adoptée ne soit pas idéale. En effet, selon l’avis de différentes personnes, cette disposition par catégories, risque d’engendrer une certaine confusion, voire une interprétation erronée des textes. Et cela parce qu’un même mot de Sri Mâ peut être interprété de différentes façons, et, selon le niveau du lecteur, engendrer dans l’esprit de celui-ci, d’étranges vibrations. Les paroles de Mâ peuvent être classées de diverses manières. Certains mots, inclus dans une catégorie donnée, pourraient induire le lecteur en erreur et créer une certaine confusion au lieu de le mettre sur la juste voie. Il était préférable, dans cette situation de perplexité, d’invoquer la protection de la déesse du langage, et de revoir l’ensemble du projet, du début à la fin. De tout cela, il devra ressortir pour le lecteur le fait que Mâ est présente dans chacun des mots qu’Elle prononce, Elle qui n’a aucune attente, Elle qui est l’éternelle Mère AnandaMayî.
Même si la disposition par catégories, effectuée par le rédacteur, n’a pas d’intérêt pour certains lecteurs, la recherche et l’étude en elle-même, quand on est placé sous la protection de Mâ, seront bénéfiques. En fin de compte, le mantra « il progresse » (charaiveti) sera celui qui mène à la victoire. L’étude et la recherche constituent l’âme de la sâdhanâ. Quand on s’y est vraiment plongé, les paroles qu’on y étudie deviennent comme les siennes propres.
Mâ a dit : « L’océan est dans la goutte, la goutte est dans l’océan ».
C’est là le vrai principe éternel, tellement difficile à saisir et sujet à tant d’interprétations et de manifestations selon le moment et la situation. Tout d’abord, quelle est la signification de ce principe en ce qui concerne les paroles de Mâ ? Que veut dire Mâ lorsqu’elle affirme que « l’océan est contenu dans la goutte » ? Dans chacune des paroles de Mâ est contenu comme son thème central, son essence, l’océan de la Parole divine. Et ensuite, quel est le sens des mots « une goutte dans l’océan » ? Depuis l’aube des temps, les vibrations de tous les sons existants (manifestés ou non manifestés) y compris les sons grandioses et puissants, sont essentiellement mesurables comme des accumulations de grand homme énergétique.

En d’autres termes, chaque son et chaque parole sont de la nature de l’énergie.

Ce livre de paroles de Mâ est traduit d’un original bengali.

Achevons cette introduction en accompagnant cette nouvelle publication d’une prière que nous déposons aux pieds de Sri Mâ :

Aa¢vrav£mI e¢D ! ÇyaE¢tmIy£ mata ! haE Aa¢vB¥It

01 – Citation de Mâ h¢r kTa h£ kTa A¬r sb ÛyTa evmq v¦Ta. - ½£ ½£ ma|

02 - DEDICACE Dhananjay Ishwerlal Kania 14 juillet 1916 - 6 mars 2003

Ce livre, mis en offrande aux pieds de Mâ, est dédié à la mémoire de Dhananjay Kania – Kanhaia, comme l’appelait affectueusement Mâ. Babu Kania – c’est en fait sous ce nom que tout le monde le connaissait – avait trouvé sa place aux pieds de Mâ. Quant à nous tous, dans ce monde-ci, c’est avec émotion que nous nous souvenons de la période inoubliable durant laquelle nous avons joui de la merveilleuse présence de Mâ.

C’est uniquement par la grâce de Mâ que nous avons pu accomplir la tâche difficile que représente la traduction de ce livre.

Nous sommes infiniment reconnaissants à Swami Bhaskaranandji pour les bénédictions, les conseils et les encouragements qu’il nous a prodigués.

L’édition en hindi a été traduite par Jaya D. Kania avec l’aide de Rohini et Hemant Desai Puis en français par Jean E. Louis