Extrait
chapitre
numéro
8

A propos de Mâ Anandamayî

Témoignages et réponses d'un disciple français de Mâ Anandamayî

Deuxième Partie

Les entretiens de Kankhal

1986-1989 et 1997-1999

Propos réunis et transcrits par Jacques Vigne





Première section :

Réponses écrites de

Vijayânanda dans la revue Jay


I) A PROPOS DE MA ANANDAMAYI


Q : Mâ était-Elle consciente d’aider les autres ?

V : Je ne sais pas. Elle était dans un état très élevé, et le simple fait qu’elle fasse attention à une personne, qu’Elle l’écoute entraînait que les choses tournaient au mieux pour cette personne. Cela pouvait être sur le plan matériel, sur le plan de la santé physique, mais c’était surtout sur le plan de l’évolution intérieure. Souvent, il ne se passait presque rien à l’extérieur, et il se produisait une révolution complète à l’intérieur. L’action de Mâ était comme celle d’un roi. Il suffit qu’un roi dise à son majordome à propos d’un nouveau venu : ‘C’est mon ami’ pour que tout se déroule impeccablement pour ledit ami : logement, repas, service, etc… Peut-on dire que le roi est conscient de tous les détails ?


Q : Pensez-vous que le Gourou peut prendre le karma de ses disciples ?

V : Certainement. C’est arrivé très souvent dans la vie de Mâ. Soit elle prenait directement la maladie d’un disciple sur elle, sous forme atténuée, soit elle l’en libérait sans en paraître affectée. Le psychisme des sages est très fort. Il ne peut être troublé par les disciples. Mais la perturbation se porte sur leur corps. Une fois, à Bénarès, j’avais eu depuis plusieurs jours une morsure, sans doute de rat, qui s’était infectée à partir du pied. J’ai essayé que Mâ ne voie par cela, mais Atmânanda (une occidentale sannyâsinî avec Mâ) m’a ‘dénoncé’. L’infection, une fois que Mâ l’a vue, a pratiquement disparu en vingt-quatre heures. Le Gourou ne peut ‘donner la Réalisation’ à son disciple, mais il peut le ‘porter’ pour un passage difficile. Peut- être était-ce à cause des disciples que Mâ était si souvent malade. C’est peut-être pour cela aussi que Vivékananda, qui ne s’était pas protégé de ses fidèles durant ses voyages en Occident et qui ne se préoccupait guère de son corps, est mort jeune.


Q : Pourquoi ne semblait-il pas y avoir de grands spirituels dans l’entourage immédiat de Mâ ?

V : Une fois Arnaud Desjardins m’a posé cette question. Je lui ai répondu que la méthode de Mâ, c’était de ne garder près d’elle que les gens qui ne pouvaient pas voler de leurs propres ailes. Les autres, elle les envoyait au loin pour méditer. De plus, c’est très difficile de transmettre la Réalisation : on dit que dans l’entourage du Bouddha lui-même, seuls deux disciples y sont parvenus. Dans mon cas, au bout d’un an en Inde avec elle, je lui avais demandé d’aller méditer seul. Mais elle m’a gardé encore deux ans auprès d’elle avant de me laisser partir pour un an de solitude, et puis ensuite pour une douzaine d’années dans l’Himalaya. Mâ n’avait pas besoin d’être secondée, elle faisait ce qu’elle avait à faire seule. Ce sont les principales raisons, à mon sens, pour lesquelles il n’y pas de gens remarquables dans les ashrams de Mâ actuellement. Ceci dit, peut-être qu’ils se cachent.


Q : Quand vous voyagiez avec Mâ, est-ce que les gens se rendaient compte qu’ils étaient près d’un être peu ordinaire ?

V : Oui. Déjà, Mâ était très belle. Mais surtout, elle était dans un état de joie intense, et communiquait cet état aux gens qui l’approchaient. Ce n’était pas une joie habituelle ; c’était une joie sans aucune excitation, avec pleine maîtrise de soi. Mâ avait dit à Didi que quand elle vieillirait, elle serait voilée. Effectivement, plus tard, elle avait un corps de vieille dame, et sa personnalité suivait le corps en quelque sorte. Il fallait chercher pour trouver cette joie intense derrière les apparences.

Il y avait toutes sortes de manières de rencontrer Mâ. Un jour, nous avions transporté quelqu’un qui venait d’avoir eu une fracture chez un chirurgien connu de Calcutta. Quand le chirurgien a vu Mâ, il a dû croire que c’était la femme d’un des membres du groupe et lui a lancé : ‘Vous, allez-vous-en !’, et elle est partie. On lui a expliqué après qu’il s’agissait de la célèbre Mâ Anandamayî, et il a fini par devenir l’un de ses grands fidèles.


Q : Est-ce que montrait qu’elle pouvait voir dans l’esprit de ses visiteurs pendant les entretiens, ou posait-elle les questions qu’on pose d’habitude lorsqu’on veut faire connaissance avec un nouveau venu ?

V : Elle posait des questions tout à fait ordinaires. Mâ était des plus simples et naturelles dans son contact, et c’était cela qu’elle avait de très grand. C’était après les entretiens, par les effets qu’ils avaient, qu’on pouvait se rendre compte pleinement de son pouvoir de sage.


Q : Mâ prenait l’état émotionnel des gens pour les en libérer. Mais est-ce que tout le monde ne prend pas cet état émotionnel (bhav) dans une relation par simple effet d’imitation, sans pour autant libérer les autres ?

V : Non ; à moins d’être très amoureux d’une personne, on ne prend pas son état émotionnel, on s’y oppose plutôt constamment, on s’en défend, c’est ce qui fait rebondir et durer les conversations habituelles. Il faut être un sage comme l’était Mâ pour pouvoir prendre complètement sur soi l’état émotionnel de quelqu’un d’autre.


Q : Qu’est-ce que voyait du monde intérieur de ses visiteurs ?

V : Elle voyait l’état émotionnel, le bhav fondamental, mais pas le détail de leur esprit. Parfois, en cas d’urgence, elle pouvait changer leur bhav pour un temps. Mais c’était aux visiteurs ou disciples de comprendre le fonctionnement de leur propre esprit et de le changer de manière durable.


Q : demandait-elle parfois à ses disciples : ‘A vos yeux, qui suis-je ?’

V : Non, elle sentait directement l’opinion des gens sur elle. Par exemple, je la considérais comme mon Gourou, et avec moi elle agissait comme un Gourou. Elle a fait plusieurs fois des allusions claires au fait qu’elle l’était. Elle disait souvent : ‘Comme vous jouez de l’instrument, de même vous entendez le son.’. Si par exemple des parents avaient perdu un enfant auquel ils étaient très attachés, Mâ devenait cet enfant, réellement : Elle avait soudain un visage d’enfant, une voix d’enfant, des gestes d’enfant, ce qui impressionnait vivement les parents.

Q : Vous dites parfois que était ‘trop gentille’. Qu’est-ce que cela signifie ?

V : En paroles, elle était toujours très gentille. Mais dans les faits, si on ne faisait pas ce qu’elle suggérait, on en subissait les conséquences tôt ou tard, non pas parce qu’elle avait une quelconque volonté de punir, mais parce qu’elle voyait clairement d’avance les mauvais pas dans lesquels on était sur le point de s’engager, et essayait de les éviter. Si on connaissait Mâ, on pouvait la manier comme on voulait. Il suffisait d’aller la voir en lui disant : ‘Mâ, aujourd’hui je ne me sens pas bien, j’ai mal au ventre’ pour qu’elle vous dise immédiatement ‘ne fais pas le travail que je t’ai demandé, va te reposer’. Elle répondait à votre état émotionnel. Mais même si on le voulait, ce n’était pas facile de changer son état émotionnel quand on allait la voir.


Q : Kabir critiquait vivement les castes. Mâ ne les critiquait pas. Pourquoi cette contradiction entre deux êtres réalisés ?

V : J’en ai parlé directement avec Mâ à plusieurs reprises, pendant des heures. Au début, Mâ ne tenait pas compte des règles de caste. Puis, à la longue, il y a eu de plus en plus de pression sur elle. Un jour elle a dit : ‘Celui qui viendra aujourd’hui va décider’. C’est un pandit qui est venu ; il a dû lui dire quelque chose du genre : ‘Mâ, à notre époque où nous sommes au fond du Kali-Yuga, où tout est décadent, les règles de caste ne sont pas si mauvaises, elles sont une barrière contre l’immoralité. Et depuis ce moment, Mâ s’est mise à suivre les règles très exactement. De toute façon, elle n’était pas réformatrice. Elle avait l’habitude de dire : Jo ho jay (Arrive ce qui doit arriver). Si elle était née en Occident, je suis sûr qu’elle se serait complètement adaptée à nos coutumes. En cela, elle était différente de Swami Ramdas, qui était contre les castes ‘de manière militante’ disait-il.


Q : voyait-elle les différences entre les grandes religions ?

V : Un jour, à Vrindavan, (village de Krishna et haut lieu du vishnouïsme, j’ai fait l’interprète entre elle et un moine trappiste. Elle a dit à ce dernier, répondant à la question : ‘Est-ce que cela ne vous ennuie pas quand des personnes d’une autre religion viennent discuter avec Vous ?’, : ‘De mon point de vue, les différences entre christianisme, islam, hindouïsme, etc… sont comme les différences qu’il y a ici entre les diverses sectes : les mahaprabhus, les ramanandis, les nimbarkas et ainsi de suite. De mon point de vue, toutes ces religions sont fondamentalement les mêmes.


Q : Qu’est-ce que signifie ‘l’abandon à la volonté du Gourou ’ ?

V : Avec Mâ, j’essayais de répondre immédiatement à la moindre de ses suggestions. Comme cela, on pouvait être libéré de certaines conséquences de nos actes antérieurs. Si l’on n’obéissait pas, Mâ disait : ‘Oui, c’est bien aussi, fait comme tu penses’. Mais à ce moment là on devait subir les conséquences karmiques de ses actes. Il n’y avait pas en fait de question d’obéissance envers Mâ, puisque l’obéissance suppose plus ou moins la peur. J’éprouvais envers Mâ de l’amour, de la vénération. A cause de cela, je pouvais suivre les conseils pratiques qu’elle me donnait de temps en temps, même si parfois ces derniers n’étaient pas très adaptés à la situation réelle qu’elle n’avait pas bien visualisée. Par contre, je ne lui ai jamais abandonné ma liberté d’esprit. Le ‘surrender’ de l’esprit, ce n’était pas pour moi. Ce que je cherchais chez Mâ c’était la transmission directe d’un pouvoir pour m’aider dans ma sâdhanâ, et elle me l’a donné abondamment.


Q : Pendant votre sâdhanâ, invoquiez-vous ?

V : Rarement, je ne voulais pas l’importuner, même à distance. J’avais choisi d’aller à l’extrême de mes propres possibilités. Vous connaissez l’histoire de Roland, à qui Charlemagne avait dit : ‘Si tu as besoin d’aide, sonne du cor’. Mais l’empereur savait la fierté de Roland, et quand il a entendu le cor de Roncevaux, il s’est exclamé : ‘Roland a sonné du cor. C’est donc qu’il est mourant !’. On peut appeler un peu avant d’atteindre sa limite quand même, mais la détermination de se débrouiller seul est importante. Evidemment, pour ceux qui suivent la voie de la bhakti, c’est l’inverse. Ils voient Dieu partout. C’est Dieu qui fait la sâdhanâ pour eux, tout ce qu’ils ont à faire, c’est de prier tout le temps. Le but est le même, mais la voie est différente. Maintenant que Mâ a quitté son corps physique, elle est complètement identifiée au pouvoir divin.

Je lui pose des questions de temps à autre. J’obtiens des réponses, en général dans les jours qui suivent, ou même immédiatement. Mais je ne le fais pas souvent, car on dit qu’il ne faut pas ‘tenter Dieu’.


Q : On parle beaucoup du regard de Mâ, avait-elle l'habitude de fixer certaines personnes pendant longtemps ou n'avait-elle pas besoin de cela pour transmettre ce qu'elle avait à transmettre ?

V : Le regard et l'expression du visage dont le regard fait partie intégrale peut transmettre des messages plus précis et plus directs que les expressions verbales, car il exprime directement le bhâva (la couleur mentale de base). C'est pourquoi Mâ comme tous les grands sages se servait souvent de ce véhicule pour transmettre un enseignement ou même simplement pour communiquer une remarque sans avoir besoin de se servir des mots. Bien sûr, Mâ n'avait pas besoin de regarder quelqu'un pour lui donner un éveil spirituel. Elle pouvait le faire tout en étant apparemment occupée avec quelqu'un d'autre et même à distance.

Dans mes débuts avec Mâ, je ne connaissais ni le hindi ni le bengali (Mâ ne parlait pas l'anglais) et je communiquais avec Mâ souvent par le regard ou par simple transmission mentale : en voici un exemple : la première célébration de l'anniversaire de Mâ à laquelle j'avais assisté était à Ambala au Punjab (si mes souvenirs sont exacts). A l'époque, la cérémonie était encore très simple, Mâ était allongée sur un simple lit en bois et paraissait être dans un état ressemblant à un sommeil profond. Ses fidèles disaient qu'à cette occasion (comme à chaque fois), elle entrait en Nirvikalpa samâdhi. Dans cet état, le monde empirique a disparu et il ne reste qu'un océan de Bonheur-Conscience. A cette époque, j'étais très attaché à la présence physique de Mâ et j'aurais voulu l'avoir toujours avec moi. J'étais assis à courte distance du lit de Mâ, au premier rang. Que Mâ se soit échappée dans le Nirvana me rendait très triste et je dis mentalement : 'Mâ est partie très loin de nous dans le Nirvikalpa Samadhi'. Presque immédiatement, Mâ s'assit sur son lit de bois, ouvrit les yeux et son regard se dirigea vers moi. Ce fut un très long regard plein de tendresse qui voulait dire clairement : “Non, je ne suis pas loin de toi, je suis toujours là présente dans ton coeur.”


Q : Bhaiji dit que le Nom de Mâ est l’unique mantra, mais il est dit aussi que le mantra doit être appris d’un Maître et prononcé correctement pour qu’il porte fruit. Il semble que le résultat peut être obtenu par la foi (Le Nom de Mâ) ou la connaissance (la récitation appropriée du mantra). Qu’en est-il ?

V : Il y a deux éléments dans le mantra. L’un est sa valeur intrinsèque en tant que mot de pouvoir, l’autre est la foi que le disciple a dans la puissance de son mantra. Ces deux éléments se fortifient mutuellement. C’est-à-dire, plus le disciple a foi dans son mantra, plus il est insufflé de pouvoir. Et l’inverse est aussi vrai. Si un mantra est réputé comme étant une formule de pouvoir, la foi du disciple viendra naturellement. Et bien plus encore si le mantra a été transmis par un guru qu’on aime et qu’on vénère. En outre, quand un Sad-gourou donne un mantra à ses disciples, il leur transmet en même temps du pouvoir spirituel. Et alors la répétition du mantra et l’éveil du pouvoir seront indissolublement liés. Mais l’élément essentiel est toujours la foi du disciple et son intensité spirituelle. Aussi, n’importe qu’elle formule pourra mener à la Réalisation, si le sâdhaka croit fermement que c’est un puissant mantra. Pour ceux (comme c’était le cas pour Bhaîjî) qui ont une intense dévotion pour Mâ, le fait de prononcer son Nom évoquera immédiatement Sa présence et pourra les mener vers l’union avec le Sad-gourou personnifié par la forme physique de Mâ. Néanmoins, pour le sâdhaka ordinaire, il est préférable de répéter le mantra qu’on a reçu lors de l’initiation par le Gourou. En répétant assidûment son mantra, la foi véritable viendra à la longue et l’intensité spirituelle s’accroîtra progressivement.


Q : Est-il vrai que devait s’entourer de gens purs, la pureté étant sa nourriture ?

V : C’est comme si l’on disait que le médecin doit s’entourer de gens en bonne santé, alors qu’être avec des gens malades est son moyen de gagner sa vie.

Mâ a pris un corps physique essentiellement pour aider les gens dans leur recherche du Suprême. Et cette recherche passe par la purification du mental. Mâ était entourée de gens qui avaient besoin d’être purifiés. Elle n’avait que faire de gens parfaitement purs puisqu’ils n’avaient pas besoin d’elle. Bien sûr, les gens entourant Mâ n’étaient pas (sauf cas rarissimes) des individus vicieux, car ceux-là ne vont pas se confier à un sage.

Il est vrai néanmoins que ceux qui faisaient le service de Mâ devaient être capables d’observer certaines règles de pureté physique : chasteté, pureté de nourriture, propreté corporelle, etc… mais si Mâ les gardait près d’elle, c’est parce qu’ils avaient besoin de son aide, justement pour la purification de leur esprit. Mâ avait dit que notre bonne conduite est ce qui la maintiendrait en bonne santé, mais hélas, nous avons vu qu’elle tombait souvent malade.

Il est vrai aussi que son corps physique était un instrument extrêmement sensible. Mais si elle a assumé un corps physique, ce n’était pas pour le protéger mais pour absorber le mauvais karma de ses fidèles. Et c’est étonnant que ce corps ait pu en absorber autant, et néanmoins garder un équilibre relatif.


Q : Certains disent que le saint ne voit que le bien car le mal n’est pas en lui. Il me semble qu’il voit alors le bien et le mal de la même façon, sans jugement, étant au-delà. Mais ne doit-il pas y avoir tout de même discrimination, sinon il pourrait se trouver dans des situations fâcheuses…

V : Il faut distinguer entre un saint, c’est-à-dire un être très évolué dont l’esprit est identifié par le pur Sattva. Le saint voit le mal, mais son amour pour tous lui permet de concentrer son attention sur l’élément positif, car le mal n’est jamais totalement mauvais, et dans les actes les plus vicieux on peut trouver un élément de lumière. Quant au sage parfait qui est passé au-delà des Gunas, la distinction entre le bien et le mal n’a plus aucune signification pour lui. Partout, il voit le jeu du Divin, dans le sage et dans le fou, dans le saint comme dans le pécheur. Quand on voit jouer un acteur qu’on connaît et qu’on aime, ce qu’on admire, c’est son talent, quel que soit le rôle qu’il joue. Mais, s’il joue avec vous, cela ne vous empêche pas d’entrer dans le jeu. S’il joue le sage, vous l’écoutez attentivement ; s’il joue le fou, vous vous moquez de lui ; si son rôle est celui d’un voleur, vous le faites mettre en prison ou vous lui pardonnez, etc, etc… sans jamais oublier que c’est Lui, toujours Lui, derrière tous ces déguisements multiples.


Q : Est-il possible que des êtres saints nous prennent, nous et notre famille, dans leur méditation, tandis que nous les en prions à distance ?

V : Quand on médite, on entre en contact - ou on essaye d’entrer en contact -avec la Conscience. Ceux qui sont à ce moment dans votre champ de conscience en bénéficieront automatiquement. Qu’ils y soient entrés par un acte du méditant ou par leur propre volition, et en ce cas, même si le méditant n’a pas conscience de leur présence dans son champ de conscience.

Quand on s’assoit dans l’autobus, le chauffeur vous amènera à destination, que vous soyez son ami ou son ennemi, qu’il soit conscient de votre présence dans l’autobus ou non. Le simple fait d’être monté dans l’autobus est suffisant. Mais dans le cas du méditant dont le contact avec la conscience universelle est intermittent, réaliser la coïncidence n’est pas facile. Il n’en est pas de même dans le cas d’un sage parfait qui est constamment uni à la conscience universelle et avec lequel établir un contact est beaucoup plus facile.

Et à défaut d’une présence physique, une photo ou la lecture d’un enseignement sont suffisantes.


Q : Le Gourou intérieur n’est-il pas présent dans tous ?

V : Oui, il est en tous mais il est voilé ou, si l’on peut dire, dans un état de torpeur et c’est le rôle essentiel du Gourou physique de l’éveiller. Le Gourou intérieur est le Sad-gourou (ou Dieu) et il n’est pas question d’évolution mais simplement d’enlever progressivement les impuretés qui le déforment. Le Gourou intérieur vous guide aussi bien dans la vie spirituelle que dans la vie matérielle. En réalité, du point de vue de la sâdhanâ, il n’y a pas de différence entre les deux. La vie de tous les jours est aussi importante (par les leçons qu’elle nous donne) que les heures de méditation.


Q : L’année du centenaire de la naissance de Mâ se termine (1996). Elle nous a permis de faire mémoire des aspects temporels de sa vie, des évènements qui l’ont marquée, etc… Comment maintenant méditer sur son aspect intemporel ?

V : Mâ dit qu’elle est venue parmi nous parce qu’il y avait un appel qui l’avait attirée sur notre plan. Nous supposons qu’un groupe de personnes spirituellement développées et ayant une intense dévotion pour l’aspect féminin du Divin avaient lancé cet appel ; mais en fait, d’où venait-elle ? Ces choses bien entendu ne peuvent pas se concevoir par le mental. Cependant, schématiquement, nous pouvons dire qu’il existe une masse omniprésente de Conscience-Bonheur qui n’a pas de forme ni de lieu mais qui est le support et la base de tout ce qui existe. Les savants modernes s’en rapprochent quand ils parlent du ‘champ unifié’ qui est à la base de tous les atomes, molécules, etc…

Ainsi donc, ce qui nous est apparu sous la forme physique de Mâ était en quelque sorte une cristallisation de cet Omniprésent, cristallisation nous permettant d’entrer plus facilement en contact avec le Suprême. La forme physique a été retirée de notre champ visuel, mais le Suprême dont elle était la cristallisation est toujours le même. Il (ou Elle) répondra toujours à notre appel si nous le faisons avec une dévotion suffisamment intense. Bien sûr, la plupart des gens ne peuvent pas rentrer directement en contact avec le Sans-Forme et ont besoin d’un support visuel. Pour ceux qui ont été touchés par la splendeur de cette apparition divine qu’était Mâ Anandamayî (même s’ils ne l’ont pas rencontrée personnellement) une photo, la lecture d’un livre ou une méditation devant son samâdhi (tombeau) peuvent produire l’intensité nécessaire pour que l’appel soit efficace.