Première partie
Sur les traces des yogis
Chapitre I
Paris 1945
Six juin 1944 ! La grande nouvelle se répand comme une traînée de poudre : les Alliés ont débarqué en Normandie. L'armée allemande recule en déroute ! Ce qui paraissait impossible s'est enfin réalisé. Ce débarquement est peut-être le plus formidable fait d'armes de l'histoire. Puis vint le 10 août 1944, l’attaque sur les côtes du Midi. Et la main sanglante de l’hitlérisme lâche prise, comme tranchée par un coup de hache.
Le territoire était libéré. Enfin on pouvait respirer librement. Il semblait qu'on venait de se réveiller d'un long cauchemar. J'étais médecin. Comme tout le monde, je fus remobilisé. J'avais alors 30 ans. Je demandai les FEFEO, (Force Expéditionnaire Française d'Extrême- Orient), car la guerre n'était pas terminée. Les Japonais n'avaient pas encore demandé grâce et on se battait ferme en Extrême-Orient. Ce n'est pas que j'avais une hostilité quelconque contre les japonais. Loin de là ! La culture de ce grand peuple a toujours été pour moi l'objet d'une profonde admiration. Le courage indomptable et l'esprit chevaleresque de ses samouraïs, son art raffiné, son éthique culminant dans la forme zen du bouddhisme ont forcé l'admiration du monde entier. Mais les FEFEO, c'était la porte ouverte vers l'Extrême-Orient. On m'avait promis une affectation à Colombo au grand quartier général. Et Colombo c'était presque l'Inde. Car c'était l'Inde qui m’attirait.
L'Inde ? Mais qu'est-ce donc que l'Inde ? Certes, l'Occident peut être fier de sa civilisation matérielle et des miracles réalisés par ses savants. Et dans ce domaine, l’Orient n'a presque rien à nous enseigner. Même sur le plan des valeurs éthiques, le code moral des religions judéo-chrétiennes, la loi romaine et la législation des nations modernes marquent un niveau qu'on ne peut guère dépasser, mais l'Inde, malgré ses transformations, est restée la terre de prédilection de la culture spirituelle. Un artiste qui veut se perfectionner en peinture ou en musique va à Rome ou à Florence. Pour le nec plus ultra de la médecine, c'est la faculté de Paris qui faut fréquenter. Avant la deuxième guerre mondiale, la chimie s'apprenait le mieux en Allemagne... Et ainsi de suite. Mais pour atteindre la perfection spirituelle, c'est aux Indes qu'il faut aller faire un stage. Point n'est besoin d'adopter la religion et les coutumes des hindous. Il s'agit simplement "d'apprendre aux pieds d'un maître" cette sagesse qui n'est pas la propriété d'une race ou d'une nation, mais qui appartient à tout le genre humain. Qu'on l'appelle le Brahma-jnâna, la connaissance de soi, le "gai savoir" ou de n'importe quel autre nom. Aussi loin qu'on puisse remonter dans l'histoire de l'Inde, on s'aperçoit que la flamme de cette sagesse a toujours été maintenue vivante même dans les périodes les plus sombres de l'histoire du pays. Il semble qu'il y ait toujours eu au moins un sage parfait capable de l'enseigner. L'Occident a connu un Moïse et un Christ, et maintenant vit sur les traces qu'ils ont laissés. Mais aux Indes, chaque génération voit apparaître des Christ et des Moïse. Et peut-être même certains d'entre eux sont-ils plus grands que ces fondateurs des religions d'Occident.
Mais pour le moment me voici à Paris. Après un entraînement à Saint-Raphaël, puis en Algérie, je fus muté au GQG des FEFEO rebaptisé Corps Expéditionnaire Français d’Extrême-Orient. Mais les japonais ont demandé grâce devant la bombe atomique, et nous attendons donc notre démobilisation.
Paris ! Il y a toujours eu un coin tendre dans mon cœur pour cette grande ville si calomniée par les étrangers. Certes, il y a de la luxure à Paris et des boîtes de nuit. Mais toutes les grandes villes du monde en ont leur part au même titre que notre capitale. Ce que j'aime à Paris, ce n'est pas seulement la beauté de ses avenues, la luxueuse exubérance de son architecture, la grâce de ses habitants, et leur fine culture. Paris est une ville qui n'a pas son égal dans le monde entier ; à vrai dire, ce n'est pas seulement une ville, c'est un monde. C'est le résumé de toute la culture de l'Occident, depuis des siècles. Chaque partie a son cachet spécial qui ne ressemble à aucune autre. Tous les domaines de l’art, de l'humanisme et de la science y sont représentés, sous leurs formes les plus hautes. Mais ce que peu de gens savent, c'est que même celui qui a soif de spiritualité peut aussi y trouver ce qu’il cherche. Et c'est à ce genre de recherche que j'allais utiliser mon temps libre.
Gouroukrita, le sage de Saint-Mandé.
Il y a de mystérieux liens d'amitié qui relient les mystiques entre eux. Il semblerait qu'un pouvoir invisible les assemble, et qu’il les fait sympathiser. Comment expliquer autrement la rencontre que je fis à Saint-Raphaël du docteur M., un médecin plus âgé que moi. Le docteur
M. est bouddhiste et il en est fier. Ses sympathies vont plutôt vers le bouddhisme tibétain, le lamaïsme. Il connaît le sanskrit ainsi que le tibétain et il a traduit des textes du tibétain en français. En plus il a une longue et sérieuse expérience de la méditation. Je l'écoutais avec admiration et lui demandais des conseils comme à un grand frère. Il me parla de son gourou, son guide spirituel : "Il s’agit d’un véritable sage, capable et désireux de guider ceux qu'il juge aptes à recevoir son enseignement". Mon cœur bondit de joie : le mot de gourou a été pour moi depuis l'âge de vingt ans comme une formule magique. Le prononcer ou simplement y penser m’amène des larmes dans les yeux. Mais, qu'est-ce donc qu'un gourou ? Est-ce quelque chose de si différent des relations humaines ? J'avais à peine quatre ans quand mon père est mort et son visage n'a pas laissé de traces dans ma mémoire d'enfant. Les psychanalystes diraient que, ayant été privé de l'amour paternel, cette privation refoulée a été sublimée, et elle s'est manifestée comme la recherche d’un gourou dans la conscience de surface. Peut-être est- ce partiellement vrai. Mais qu'importe ce que disent les psychanalystes... La psychanalyse est une science encore dans l'enfance. Elle n’a exploré qu'une faible partie des méandres de l'esprit humain. Cependant, notre esprit est un ensemble où tous les niveaux fonctionnent en interrelation. On ne peut le connaître et porter des jugements que si on l'a compris dans sa totalité. Les psychologues d’Occident admettent couramment que l’art, la dévotion, l'amour du Divin etc. sont des sublimations de l'instinct sexuel. Mais peut-être, faudrait-il renverser les données du problème et postuler que l'amour sexuel n'est qu'une dégénérescence ou une fausse interprétation de l'amour du Divin. Il est vrai que beaucoup de nos actes et de nos pensées sont des représentations symboliques de la vie sexuelle. Mais notre pulsion génitale n'est pas le dernier mot. Et l'acte sexuel est en fait lui-même une représentation symbolique de quelque chose de plus fondamental. L'impulsion vers la recherche de l’Autre provient de ce que, sur le plan instinctif, nous avons conscience que nous sommes "séparés" de "quelque chose" et que nous espérons l'union : union avec la conscience universelle. Et le gourou n’est- il pas le chaînon qui devra nous relier à cette conscience ?
Le gourou physique (je veux parler du véritable gourou) marque en quelque sorte le point de virage de l'amour humain à l'amour du Divin. Ce n'est qu'une de ses fonctions, mais non la moindre. En langage psychanalytique, on pourrait dire qu'il opère un "transfert affectif". Mais
en réalité, le véritable gourou est Dieu lui-même ou si l'on préfère, notre "Moi" lumineux, le Christos des gnostiques et se concrétise en quelque sorte en une forme humaine et visible quand notre esprit devient mûr pour la recherche intérieure.
Mon ami le docteur M. avait écrit à son maître pour m’annoncer, et par une belle après- midi d'été le métro me conduisit à Saint-Mandé. L'avenue Victor Hugo... L’hospice Lenoir- Jousseran... Je demande le docteur Goret. On me conduisit dans sa chambre. Une chambre de malade ! Car ce docteur, ancien interne des hôpitaux de Paris, diplômé de psychiatrie, est cloué sur son lit depuis près de trente ans. Il vit là comme un véritable moine, dénué de tous moyens, aux frais de l'Assistance Publique ; des troubles cérébelleux, conséquence d'une insolation l'ont amené ici, semble-t-il, après une vie active. Un homme ordinaire se serait laissé aller au désespoir et aurait sombré dans la démence. Mais le docteur Goret (Gouroukrita comme il s’est lui-même nommé), n’est pas un homme ordinaire. Il était, pour utiliser ses propres termes, un ascète né ; son esprit s'était retourné vers lui-même, en introspection, et il en était venu à comprendre les secrets et la complexité de notre machine à penser ; ensuite, il avait fait une découverte encore plus grande, la découverte de quelque chose qu’il a appelé « l’au-delà ».
Un jour, il tomba par hasard sur certains livres à propos du bouddhisme théravada et du védânta et remarqua que ses propres découvertes étaient en accord, et même coïncidaient parfaitement avec les enseignements du Bouddha et des grands sages de l'Inde. Maintenant il se nomme lui-même un bouddhiste théravadin. Néanmoins, l'accusation qu’un grand maître zen avait portée une fois contre un de ses disciples - "il y a trop de bouddhisme dans ce que tu dis !" ne peut certainement pas être portée contre Gouroukrita ; en effet, son enseignement est vécu, c'est une chose vivante et il utilise des mots extraits des livres simplement pour communiquer facilement avec ses interlocuteurs. Les paroles, dit-il, sont des "intermédiaires indispensables". De fait, les bouddhistes de Paris le regardaient avec méfiance, car ses vues, à leur avis, n'était pas toujours très orthodoxe. On peut même dire, des fois, qu’elles avoisinaient l’hérésie.
Son enseignement, néanmoins, transcende toutes les structures religieuses. Appelé "ascétologie", c'est une science qui, si elle n'est pas neuve, est au moins familière et adaptée à l'esprit moderne " L’ascétologie n'est pas religieuse", dit-il. Il a pris des notes importantes sur cette science, mais il refuse de les publier et ne les montre jamais à des sceptiques et à des non-croyants. Elles sont réservées à ses disciples, un groupe restreint et trié sur le volet. Il parle, parfois assis, parfois allongé, mais ne peut quitter le lit. Crayon à la main, il paraît prendre interminablement des notes, notant les remarques de son interlocuteur ou ses propres commentaires.
Son visage âgé, serein, souriant, se détache sur fond d'une barbe grise et soignée. On n’y trouve aucun signe de cette résignation profonde et triste qui marque si souvent le visage de ces gens qui souffrent de maladies incurables ou des pensionnaires de maisons de vieillesse. Ses yeux, toujours brillants, toujours alertes, prennent rapidement en note une réaction intéressante de son interlocuteur ou reflètent une conscience aiguë de ses propres réponses mentales. "L'essentiel, c'est de ne jamais perdre sa shanti, sa sérénité intérieure", dit-il.
Je suis devenu son disciple. Sachant qu'il a quelque chose à communiquer, qu’il avait un grand désir d'enseigner et demandait qu'on lui envoie des élèves. Mais il est pointilleux quand il s'agit de les accepter. Il a une préférence pour les membres du corps médical, la condition étant qu'ils répondent favorablement aux "tests ascétologiques" qu’il effectue... sans qu'ils s'en aperçoivent ! Avec moi, il commença sa leçon comme un instituteur le ferait, en insistant pour que je prenne des notes. Avant que je ne le quitte, il me tendit la première partie de son manuscrit sur l’ascétologie et un bon nombre de livres tirés d'une armoire qui en débordait. Pendant cinq ans, j'ai étudié sous sa direction. Cela a été un stade important de mon progrès spirituel. (Avant de terminer l'écriture de ce livre, j'ai eu une lettre de France qui m'a informé de la mort de Gouroukrita je joins ici une description de ses derniers moments, par un témoin direct : "Il est mort d'une pneumonie le 5 mars 1966 à 6 heures du matin. Je pense qu'il avait pressenti la fin. Il était totalement conscient quand il est mort et il montra le même intérêt pour la connaissance de soi que vous lui connaissiez bien. Son visage mortuaire était frappant, impressionnant dans sa beauté sereine et dans sa suggestion d’un sourire intérieur, légèrement sardonique, peut-être, mais radieux".
Un autre enseignant spirituel auquel ma recherche m'a mené à cette époque était Monsieur Gurdjieff, le "maître" russe. Quel étrange personnage ! "Un "maître" de la sorte la plus inhabituelle, tel qu'on en rencontre simplement, rarement", ceci, au moins, était comment l'un de ses principaux disciples parlait de lui, avant de m'introduire au "maître". Une fois de plus, cela a été ma chance particulière dans ce domaine - en travaillant grâce à mon ami le docteur M. – j’ai pu être guidé vers ce monde stupéfiant de Monsieur Gurdjieff. Le docteur M. lui- même n'était pas à Paris à cette époque mais il m'avait donné une lettre d'introduction à C. à l'Institut Pasteur ; C. a été mon second maillon dans la chaîne. Le troisième a été Madame de S., le "gardien du seuil".
Madame de S. était une grande dame russe avec un air majestueux et impressionnant. Ses grands yeux, qui regardaient de façon pénétrante dans les vôtres, vous donnaient le sentiment qu'elle pourrait vous hypnotiser si elle en ressentait l'envie. Elle avait le rôle d'interprète entre Monsieur G. et ses élèves, car le français du maître était quelque peu élémentaire, souvent obscur et incompréhensible. C'était elle aussi qui communiquait les instructions du maître et les expliquait ; en réalité, elle semblait avoir la responsabilité entière du fonctionnement spirituel et pratique de l'organisation. En fait, on avait l'impression que c'était elle qui était le "Maître" réel et que Gurdjieff était présent simplement comme un spectateur amusé regardant les bizarreries des poupées humaines avec lesquelles il pourrait bien jouer lui-même s'il le voulait...
Dans son appartement de la rue N. Madame de S. me reçut avec une grande cordialité. Dès le départ, elle a adopté un ton de familiarité affectueuse comme si j'avais déjà été accepté dans le cercle des disciples. Mon premier contact avec le "Maître" allait être une invitation à dîner à sa table. Dans la mesure où je me considérais moi-même comme un initié presque inconnu, je fus profondément ému par ce grand honneur.
Ainsi donc, le jour dit, je me suis présenté à l'appartement de la rue N et me suis trouvé en face du célèbre gourou russe. Mr G. est un homme de taille moyenne, avec une tendance à la corpulence. Il semble tout à fait âgé, probablement plus de 60 ans, il est complètement chauve et avec une moustache longue et pendante. Sans aucune prétention, il ne donne pas la moindre indication de vouloir jouer le grand homme ou de faire impression. Il semble vivre dans un état de relaxation permanente, à la fois physique et mentale. Il parle un français rudimentaire qui consiste presque entièrement en des noms communs et des adjectifs, et souvent dépourvu de verbes et d’articles. De temps en temps, il s'adresse en russe à un compatriote parmi les disciples, et celui-ci traduit si nécessaire. Il sourit presque tout le temps, il s’agit d'un sourire ironique, peut-être même légèrement moqueur.
On m’introduit au Maître... Il prononce un jugement sur moi en quelques paroles dont la signification précise m’échappe. Je lui demande s'il acceptera de prendre la responsabilité de me guider dans le monde de l'esprit. Sa réponse est une question :
"Est-ce que vous fumez ?"
"Non, ou au moins, seulement une bouffée de pipe de temps en temps, ou de façon excessivement rare, une cigarette".
"Bien, alors", dit-il, "faites-vous une idée de combien vous avez pu économiser en ne fumant pas, donnez-moi l'argent et alors je prendrai la responsabilité de vous guider". Est-ce qu'il plaisante ? Ou est-ce qu'il parle sérieusement. ? Je préfère considérer cela comme une plaisanterie car je ne peux avoir qu’une pauvre estime pour un "maître" qui est prêt à vendre sa sagesse pour de l'argent. Néanmoins, des années plus tard en Inde, j'ai découvert, du point de vue de la tradition hindoue, qu’il n'y avait rien d’insultant dans une telle demande. C'était l’usage, auparavant, de donner au Gourou la dakshina, c'est-à-dire, un paiement pour son enseignement. Néanmoins, je n'ai jamais vu quelque chose de tel parmi les grands sages d’aujourd'hui que j'ai rencontrés. Gurdjieff semble avoir fait la cuisine lui-même, ou au moins s’être impliqué pour y mettre la dernière touche, car je le vois, la louche à la main, en train de remuer quelque chose dans la casserole sur le réchaud.
Le moment est venu de manger et nous nous mettons à table. A côté du Maître et de Madame de S. il y a nombre de gens que je ne connais pas. Depuis le début, G. met chacun à l'aise. Il n'y a rien de formel, pas de cérémonie d'aucune sorte. Je me sens complètement à la maison. Il y a de nombreux petits plats, hors d’œuvres, etc., la plupart délicieux mais qui me sont tout à fait nouveaux. Peut-être sont-ils russes, grecs ou du Caucase, car le maître est en fait un grec caucasien ; ou peut être sont-ils faits d’après des recettes qu'il a rapportées d'Inde, du Tibet ou de Mongolie.
Ce qui m'a stupéfait, néanmoins, et même choqué, c'était la boisson. Elle était servie dans des petits verres, plutôt comme des verres à vin de par leur taille. Il n'y avait pas d'eau sur la table ni même de vin, seulement cette portion avec un haut degré d'alcool. Vodka, peut-être ? De toute façon vous pouviez manger ou non, mais boire, il le fallait. Il n'y avait pas d'échappatoire. Le maître lui-même prenait soin que chacun vide son verre et le remplissait immédiatement. Il n'y avait pas de place pour les récalcitrants.
Moi-même, j'étais un buveur d'eau, et je ne vivais pas cela comme un manque à ma personnalité ! En des occasions très rares, je prenais un peu de vin, mais j'avais en horreur les boissons alcoolisées. Je n'avais jamais été capable de comprendre comment on pouvait prendre plaisir dans ce liquide qui mettait la bouche en feu, induisait des contractions douloureuses de l’œsophage et produisait des étranglements et des hoquets. À cette occasion, j'ai essayé de manœuvrer, pour échapper à la torture, mais le Maître était implacable. Tout ce que j'ai réussi à faire était d'échapper éventuellement à une tournée ou de laisser quelques gouttes dans mon verre.
Néanmoins, en dépit de mon inexpérience en alcool, je ne suis pas devenu ivre. Je ne suis même pas devenu bavard. Était-ce peut-être l'influence du maître ? Peut-être avait-il ajouté dans la boisson une sorte d'antidote ? Peut-être seulement était-ce que je pouvais supporter l'alcool mieux que je me l'étais imaginé. Il est possible aussi qu'il y ait eu un élément délibéré dans la technique du maître d'alcooliser un disciple ou un nouveau venu, car l'alcool induit un état de relaxation mentale et de loquacité et cela rend ainsi facile d'évaluer la personnalité et le tempérament de quelqu'un qui est sous son influence.
À chaque tournée, nous portions un toast. Ce n'était pas un toast de banquet conventionnel, néanmoins ; c'était un toast aux "idiots"... Ainsi, par exemple, quelqu'un disait "je bois à l'idiot sans espoir". Cela n'est pas aussi ridicule qu'il y paraît. Car le but de toute discipline spirituelle est, après tout, de transcender pensée et langage et, au bout du compte, de réduire le mental au silence. C'est pourquoi le spirituel "idiot" se trouve à l'autre extrême de celui qui lui correspond dans le monde ; car, tandis que le second est en bas de l'échelle sociale, le premier en a atteint le sommet par la réalisation spirituelle. Or, l'espoir est la variable centrale qui motive notre fonctionnement de pensée. Abandonner tout espoir et tout désir, c'est se libérer soudainement de toutes les ombres qui nous illusionnent. C'est alors que le Réel qui est le Bonheur parfait se révèle spontanément.
Après le dîner, je pris congé du Maître ; mais plus tard dans la soirée, il devait y avoir une rencontre des disciples à laquelle j'étais invité. D'abord, je suis allé chez Madame de S. Nous nous sommes rassemblés là-bas pour des exercices spirituels et pour des instructions sur des sujets tels que les méthodes de méditation. Ensuite nous sommes allés chez G. pour la rencontre. Je ne peux guère la décrire. Elle n'avait absolument aucune ressemblance avec aucune autre rencontre à laquelle j'avais assisté ou dont on m'avait parlé. C'était plus comme cocktail. Nous étions debout, nous nous déplacions, parlions, rions, plaisantions... Et nous buvions encore un coup! Les verres étaient plus petits cette fois-ci mais la liqueur était plus forte. Malgré le chahut et la confusion, G. veillait à ce que l'on vide les verres consciencieusement. J'ai saisit l'occasion d'un instant où son attention était engagée ailleurs pour repasser mon verre au voisin qui était plus porté que moi sur ce genre de liquides, mais hélas !, le maître m'a pris la main dans le sac, et m'a regardé avec réprobation. "Je voulais vous inclure dans le cercle ésotérique, mais maintenant vous ne serez que dans l'exotérique", me dit-il, ou quelque chose dans le même sens. C'est ainsi que je fus déboulonné... Nous étions vingt ou trente dans une chambre ordinaire d'appartement. Presque tous étaient jeunes ; il n'y avait pratiquement pas de personnes plus âgées. La plupart de ceux qui étaient présents m'étaient inconnus mais la plupart semblaient venir de milieux aisés. Il y avait des docteurs, des écrivains et des artistes. Certains avaient à l'évidence une foi profonde dans leur maître, mais la plupart semblaient avoir trouvé quelque chose de bon dans cet enseignement puisqu'ils revenaient chez G. pour ces rencontres et les suivaient régulièrement.
Le Maître était entouré par de nombreuses jolies filles. L'une d'entre elles, était particulièrement jeune (pas plus de dix-huit ans) et particulièrement jolie ; elle semblait être la favorite. Les médisants insinuaient que les contacts du maître avec ces "jeunes esprits " n'étaient pas limités aux sphères mystiques ou même platoniques.
Alcool et femmes ? Etait-ce cela que cette section de la haute société parisienne venait chercher ? Certainement pas. Pas cela. Ou, au moins, pas "seulement" cela. Il y avait plein d'endroits à Paris où l'on pouvait trouver facilement de telles occasions de se distraire. Loin de moi l'idée de porter un jugement sur le maître russe. De fait, mes contacts avec lui ont été trop brefs pour me donner le droit de le faire, après quelques jours j'ai battu en retraite pour ne jamais revenir. En ce qui concerne la vie spirituelle, je ne suis, hélas, qu'un conformiste vulgaire. Mon idéal du sage est le type classique de l'ascète pur "comme une goutte de rosée", "lumineux et transparent comme un saphir". J'ai choisi de prendre la grande route, la route qui mène l'esprit à sa dissolution dans l'Absolu, grâce à un travail de purification et de raffinement.
Il est vrai, néanmoins, que l'Absolu transcende à la fois le bien et le mal et qu'il y a une route suivant un parcours négatif à travers nos esprits. Des écoles de pensée qui ont essayé d’exploiter le dynamisme de l'union sexuelle afin de nous rendre capables de transcender nos limitations humaines ont existé de tout temps.
La Bible parle des horreurs des cultes de Baalzebut et de Moloch, les enfants d'Israël étant chargés de les déraciner afin de les remplacer par le culte d’El-Elyon, le Seigneur suprême. Dans la Grèce ancienne, les voies dionysiennes et apolliniennes semblent avoir existé côte à côte. A notre époque aussi, un bon nombre de ces différents mouvements apparaissent et fleurissent en Inde. Le vamâchâra est une branche de l'école shakta. "Cet horrible vamâchâra" comme Vivékananda l'appelait, a pris comme objet de son adoration tout ce que l'Inde orthodoxe a en horreur ; l'union sexuelle, l'alcool et la viande. Il offre à ses fidèles, non pas le renoncement au monde comme un moyen vers le bonheur et la libération, mais bhokti- mukti, les plaisirs du monde et la libération en même temps. Les aghorapanths sont un groupe de yogis parmi lesquels même le cannibalisme n'est pas inconnu. Ils ont pratiquement disparu aujourd'hui, bien qu'on puisse toujours en rencontrer dans la région montagneuse de Girinar au Goujarat. Il y a aussi un autre groupe qu’on appelle aussi les sahajikas et qui sont associés à la voie vishnouïte. Chez eux, les disciples entretiennent des relations amoureuses, et quand le maître demande à ‘une’ disciple : "As-tu trouvé ton Krishna. ?", le sous-entendu est, "est-ce que tu as trouvé un amant parmi les disciples ?"
La plupart des membres de telles sectes, si même ils réussissent à s'élever au-dessus des instincts animaux, ne le font qu'afin de maîtriser des arts magiques inférieurs, tels que l'art de la séduction, de dominer l'autre comme un esclave ou de tuer un ennemi par des moyens surnaturels, etc.
Toutes ces voies sont difficiles et dangereuses, elles ne sont pas adaptées à l’esprit Occidental. Il est vrai qu'on ne peut discuter le fait que le maître n’est plus sujet aux conventions sociales et aux critères de bien et de mal ou à la loi morale ou religieuse ; mais, étant identifié au "bien parfait", il n'accomplira que des actions en règle générale qui sont au- delà de tout reproche ; à ce sujet Ramakrishna, avec son langage familier, donne ce commentaire : "un danseur parfait ne met jamais un pied de travers", et de fait, ni en Inde ni à Ceylan, je n'ai rencontré un sage parfait qui allait à l'encontre du code moral ou des conventions sociales.
Néanmoins, des histoires et légendes parlent de yogis ayant exercé librement leur droit d'être "au-delà du bien et du mal". Vimalakirti, un des disciples laïcs du Bouddha avait atteint un tel degré de perfection qu'il pouvait fréquenter les cabarets et d'autres lieux de débauche impunément. C'est du moins ce que nous dit le Vimalakirti Nirdesha. Il était aussi tellement doué comme dialecticien qu’aucun des grands disciples du Maître ne pouvait lui faire face.
Une autre histoire nous parle du grand Shankaracharya, célèbre par sa sagesse et sa pureté. Un jour, voulant donner à ses disciples une leçon, il en prit une douzaine avec lui dans une taverne et commanda de la liqueur. En Inde, on a une grande vénération pour les gourous et l’on considérait Shankaracharya comme un maître du plus grand ordre, mais boire du vin est considéré comme une faute grave, même parmi les laïcs, et les disciples se demandaient s'ils devaient suivre l’exemple de leur maître. Beaucoup d'entre eux décidèrent de boire mais ceux qui avaient plus d'expérience s’abstinrent. Shankaracharya ne fit pas de commentaires et après avoir quitté la taverne continua à marcher comme d'habitude, entouré par ses disciples. Il rentra ensuite chez un forgeron et commença à avaler des braises rougeoyantes. Inutile de dire qu’à ce moment-là, aucun de ses disciples n’osa suivre son exemple.
En une autre occasion, Shankaracharya a prouvé sans aucune contestation possible qu’il était au-delà du bien et du mal. Afin d'accomplir sa mission – qui était de rétablir le brahmanisme orthodoxe dans une Inde qui subissait alors l'influence bouddhiste – il sillonnait en tous sens le pays, en s'engageant dans des discussions religieuses avec des moines bouddhistes et avec des représentants d'autres groupes. A cette époque-là, ce qu'il y avait en jeu dans ces discussions était beaucoup plus qu'une simple bataille de mots. Il n'était pas rare que le perdant soit obligé de se brûler vif ou de se noyer dans la mer.
Une de ces joutes philosophiques eut lieu un jour avec un célèbre brahmane appelé Madan Mishra. Ce dernier était un représentant de l'école du Purva Mimansa qui considérait que l'accomplissement des rites sacrificiels prescrits par les védas était suffisant en lui-même pour l'obtention du but suprême et qu'il n'y avait pas besoin du renoncement au monde que Shankaracharya prêchait. L'enjeu sur lequel on s'était mis d'accord a été le suivant : si Madan Mishra était battu, il devrait renoncer au monde, devenir un moine (sannyâsin) et vivre selon les enseignements de l'école de Shankaracharya. Si, au contraire, ce dernier était battu, il devrait abandonner la discipline monastique et vivre une existence dans le monde.
La joute oratoire commença et dura pendant plusieurs jours jusqu'au moment où, finalement, Madan Mishra fut obligé d’avouer sa défaite. Sa femme, néanmoins - une femme intelligente - intervint et affirma que la victoire de Shankaracharya n'était pas complète. Un homme et son épouse étaient un, soutenait-elle, et Shankaracharya se devait encore de vaincre la femme. Shankara accepta le défi. La femme amena la discussion sur le Kâma Soutra (- qui règle les relations sexuelles) et Shankara, qui avait toujours vécu une vie de chasteté des plus strictes, était complètement ignorant de ce sujet. Cependant, il refusa d’admettre sa défaite et demanda qu'on reporte la discussion pour lui permettre de s'informer.
Shankara ne pouvait pas, bien sûr, s’autoriser à avoir des relations sexuelles ; son corps physique était un corps de yogui, pur depuis l'enfance. De plus, son prestige en tant que réformateur en aurait été considérablement affecté ; mais il contourna la difficulté. Le râja voisin venait de mourir. Il sortit de son corps physique qu’il laissa dans la jungle sous la garde de quelques-uns de ses disciples, et entra dans le corps du râja. On peut imaginer la surprise des ministres et des reines quand elles ont vu revivre le roi au moment même où ils allumaient le bûcher funéraire. Mais ce n'était rien comparé à leur stupéfaction quand ils s'aperçurent que ce roi, qui avait été un homme très ordinaire, parlait et se conduisait désormais comme un grand sage. Le moment où ils ont suspecté la vérité ne s'est pas fait attendre : quelque yogui avait dû effectuer un transfert de conscience - et comme ils étaient prêts à payer n'importe quel prix pour conserver avec eux un gouvernant si exceptionnel, ils envoyèrent des soldats avec pour ordre de fouiller le pays et de brûler immédiatement les corps dépourvus de vie qu'ils pourraient trouver.
Pendant ce temps le roi, Shankara, eut le temps de profiter des reines, de goûter aux plaisirs de la Cour et finit par oublier complètement ce qu'il avait été dans le passé. Les disciples, quand ils virent que leur maître ne revenait pas, envoyèrent l'un des leurs à sa recherche. Il réussit à entrer dans le palais, malgré les gardes et récita au roi - Shankara - un hymne que lui- même avait composée à la gloire de l'Atman. En entendant cela, Shankara s'est souvenu de son identité véritable et entra de nouveaux dans son corps qui revint à la vie au moment même où des soldats du roi qui l'avaient trouvé étaient sur le point de le jeter aux flammes.
Maintenant, tout à fait au courant au sujet des relations sexuelles, Shankara retourna auprès de Madan Mishra et reprit la discussion avec sa femme qui a été finalement vaincue comme son mari l'avait été. Les deux prirent le sannyas, l'initiation monastique, et furent en fait du nombre de ceux qui ont soutenu le plus ardemment le mouvement védantique.
Parfois, il est vrai, un gourou peut demander à son disciple, dans des circonstances exceptionnelles, d'accomplir ou de subir un acte répréhensible qu'il considère indispensable à son progrès. Ceci est illustré par les deux histoires suivantes :
La première est au sujet de maître Chih-Yueh (adaptée du Takatsu Tripitaka) :
Le maître de la loi, Fa-Hui étaient un moine bouddhiste chinois qui avait fait de grands progrès dans le monde de l'esprit. Mais il n'avait pas encore atteint la réalisation complète. Un jour, une religieuse lui conseilla très sérieusement d’aller à Kucha dans le Turfan, au monastère de la "Fleur d'or" où demeurait Chih-Yueh, un maître renommé qui, dit-elle, lui enseignerait le dharma suprême.
Fa-Hui suivit son conseil. Il alla voir Chi-Yueh qui le reçut très cordialement et après lui avoir offert un pichet plein de vin, l'invita à boire. Fa-Hui protesta avec véhémence qu'il ne pouvait pas s'obliger lui-même à avaler quelque chose d'aussi impur ; là-dessus, le maître Chih-Yueh le prit par les épaules, le fit se retourner, et sans autre forme de cérémonie, lui montra la porte. Toujours avec le pichet en main, Fa-Hui se dirigea vers la cellule qui lui avait été assignée. Dans cette cellule, il réfléchit avec sagesse : "après tout, j'ai fait tout ce chemin simplement pour chercher son conseil. Il se peut qu'il y ait quelque chose dans sa manière d'arranger les situations que je ne comprends pas. Je pense quand même qu'il vaut mieux que je fasse ce qu'il m'a conseillé."
Sur ce, il avala tout le vin du pichet d'une seule traite. Complètement ivre, malade et misérable, il perdit finalement conscience. Quand il se réveilla, dégrisé, il se souvint qu'il avait brisé ses vœux monastiques et dans sa honte complète, commença à se battre lui-même avec son bâton. En fait, il était tellement désespéré qu'il était prêt à mettre fin à ses jours. Le résultat de cet état de désespoir, néanmoins, fût qu’il atteignit l’Anagami Phala (le « fruit du Sans-retour »), l'avant-dernier stade de la réalisation spirituelle mentionné dans les Ecritures bouddhistes, le stade suprême étant celui d’Arahant.
Quand il se présenta de nouveau devant le maître Chi-Yueh, celui-ci lui demanda : "Est-ce que tu l'as eue ?"
"Oui, je l'ai eue" répondit Fa-Hui.
La seconde histoire va dans le même sens. Nanda, le cousin du Bouddha, avait pris l'habit monastique, mais il accomplissait ses pratiques sans enthousiasme et avait un désir profond de retourner à la vie du monde. Etant mis au courant de cela, le Bouddha lui demanda si c'était vrai qu'il souhaitait revenir à la "vie inférieure" et si cela l'était, quelle pouvait en être la raison. "Vénérable", répondit Nanda, "le jour où j'ai quitté la maison, une jeune fille du pays des Sakyas (le royaume qui était gouverné par le père de Gautama Bouddha), en fait la plus belle des jeunes filles du pays, ses cheveux moitié dénoués, s'est retournée pour me regarder partir et a dit, "Puisses-tu revenir bientôt, jeune maître." Je pense à elle, ô Vénérable. C'est pourquoi je n'ai pas d'intérêt dans les pratiques spirituelles et je pense bien les abandonner afin de retourner à la "vie inférieure".
En utilisant ses pouvoirs surnaturels, le Maître prit Nanda par la main et le transporta au royaume de Sakka, un autre nom d’Indra, le roi des dieux. Là-bas, cinq cent apsaras, des nymphes d'une beauté divine, servaient le roi des dieux. On les appelait : "celles aux pieds de colombes." Le Bouddha demanda à Nanda si elles étaient aussi belles que la fille des Sakyas. "Comparée à ces nymphes", répliqua Nanda, "la plus belle des Sakyas ressemble à une guenon dont on aurait coupé le nez et les oreilles." Ramenant Nanda sur terre, le Maître promit alors que s'il pratiquait de façon intense et consciencieuse, il pourrait conquérir ces nymphes divinement belles. Sous peu, les autres moines devinèrent que le vénérable Nanda accomplissait ses rites religieux dans le but de gagner les cinq cent nymphes et il devint l’objet de leur dérision. Envahi par le chagrin, la honte et le dégoût, Nanda se réfugia dans la solitude et mit toute sa ferveur dans ses pratiques spirituelles. Très rapidement, il réussit à atteindre l’illumination finale. Et il va sans dire qu'il oublia complètement les nymphes et la fille des Sakyas car, comparée à la joie de l'illumination, les plaisirs des mondes d'ici-bas et de l'au-delà ne sont rien.
Il existe de nos jours - et j'en ai rencontré - des êtres humains ayant atteint l’illumination. J'ai vécu parmi eux et je suis encore sous la direction spirituelle d'un des plus grands d’entre eux. (Vijâyananda parle de Mâ Anandamayî, mais il ne voulait pas mentionner son nom dans ce premier livre retraçant son itinéraire intérieur par délicatesse, son souci étant de ne pas gagner d'argent avec le nom de son maître.) Est-ce du védânta ou du Yoga ? Du bouddhisme ? A moins que ce ne soit de la kabbale, du soufisme, ou peut-être de la théosophie ? Tous ces propos ne sont que des mots, des étiquettes sur des flacons. Et souvent l'étiquette est fausse, le flacon vide. C'est en nous-même que se trouve la solution du problème. Ce qui est réel en nous ne peut pas mourir. Ce qui est au centre de notre conscience est identique en tous les êtres. Ce qui est la base et le support de toute chose, qui ne peut être atteint ni par la souffrance ni par la mort, est aussi l'essence même de notre personnalité. Mais faut-il aller pour cela à Ceylan ou aux Indes ? Certes non ! Mais peut-être était-ce mon destin d'aller au pays des grands sages. Peut-être aussi les conditions extérieures y sont plus favorables à l'introspection, et à une vie de recherche intérieure. Mais mon objectif immédiat, c'était de rencontrer un de ces grands sages "qui a réussi" et de bénéficier de ces conseils. Mon programme était de visiter d'abord Ceylan, et si possible de vivre une courte période dans un monastère bouddhiste. Après, ce serait l'Inde, mais je comptais me limiter au sud car les trois grands sages célèbres, Ramana Maharshi, Râmdâs et Shrî Aurobindo vivaient dans le sud. En outre, mon temps disponible était limité à un mois de séjour…