Melita Maschmann

19

June 2022
Sunday
19:18
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On parle souvent des Occidentaux qui entouraient Mâ Ânandamayî comme Atmananda et Vijayananda mais, bien entendu, il y en avait d’autres, qui sont restés pour des périodes plus courtes, ou qui ont suivi seulement dans les dernières années.

Melita Maschmann
(1918-2010)

J’ai découvert ce mois-ci la trajectoire de Melita Maschmann (1918-2010). Son parcours est si fulgurant que j’ai décidé d’écrire un article dédié.
Elle a connu Mâ Ânandamayî en 1961 et l'a suivi deux années dans tous ses voyages. Elle n'a plus quitté l'Inde jusqu'à ce que la maladie l'y pousse, à l'âge de ses 80 années...

Comment peut-on passer de Hitler à Shrî Ânandamayî Mâ ?
Le simple fait de mettre ces deux noms dans une même phrase me choque moi-même.


La réponse pourrait cependant être simple et tranchante : l’espoir et la foi.

La jeunesse hitlérienne


Après la première guerre mondiale, le chômage explose en Allemagne. Les gens comptent les bouts de pain et la famine commence son chemin terrible…

Melita Maschmann s'est présentée elle-même comme une fille qui a atteint la majorité dans une culture imprégnée de la honte de la défaite de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. "Avant de comprendre le sens du mot 'Allemagne', je l'aimais comme quelque chose de mystérieusement assombri par le chagrin..."

« Une partie de la misère dont les adultes se plaignaient quotidiennement était le chômage, pas de travail, Berlin comptait quatre millions d'habitants... Imaginez toutes les familles vivant à Berlin ayant à peine assez de pain sec pour satisfaire leur faim... J'ai cru les nationaux-socialistes quand ils ont promis de supprimer le chômage... Je les ai crus quand ils ont dit qu'ils feraient réunir la nation allemande, qui s'était scindée en plus de quarante partis politiques, et surmonter les conséquences de la paix dictée de Versailles."

Son drame a été d'espérer un renouveau de sa patrie et sa confiance aveugle dans un Hitler et son parti qui allaient réaliser cela.

La Ligue des Filles Allemandes

Son histoire est celle de l'adolescence de millions d'Allemands nés et grandis dans un total désert de l'âme et de l'esprit. " Rien (en dehors de l'Allemagne) ne vous appelait, ne vous attachait, n'exigeait de vous quelque chose... Vint en vous un fantôme qui prétendait être ce " tout ", cette figure du passé et de l'avenir. Ses différents symboles, le sang, le sol, la race, le peuple, le Führer, le Reich, se trouvaient soudain et irrésistiblement envahis par le flot, parfaitement inconscient, de ce désir insatisfait : désir de trouver dans la vie une unité qui fût la source d'une inlassable énergie. "

(Ida Frederike Görres, préfacière de « Fazit », traduit en anglais sous le titre « Account Rendered » en 1964)

"(...) trouver dans la vie une unité qui fût la source d'une inlassable énergie." Comme ces mots sont porteurs de sens ! N'est-ce pas l'idéal spirituel que nous portons tous en nous ? S'unir à une énergie irrévocable, l'énergie de la Vie unifiée... du l'Unité Vivante...

Le 1er mars 1933, Melita Maschmann, à l’âge de 15 ans, enfreint l’autorité parentale et adhère, « à cent-cinquante pour cent », à la "Bund Deutscher Mädel" (BDM), La Ligue des Filles Allemandes —  en fait la section féminine des Jeunesses Hitlériennes ("Hitlerjugend").

Elle a fait valoir que le BDM lui avait donné un sentiment de but et d'appartenance. Maschmann a admis qu '"elle s'y consacrait nuit et jour, à la négligence de sa scolarité et à la détresse de ses parents »
Toutes les filles du BDM ont été invitées à se consacrer à la camaraderie, au service et à la forme physique pour la maternité.
Les parents se sont plaints du temps que leurs enfants ont été forcés de passer à l'extérieur de la maison dans des activités organisées par le BDM et les Jeunesses hitlériennes. Ils avaient le sentiment que le parti nazi prenait le contrôle de leurs enfants.

Melita Maschmann est devenu partisane du parti nazi . Elle critiquait vivement ses parents pour ne pas voir les raisons pour lesquelles Hitler offrait le meilleur espoir pour l’Allemagne, cette « lutte désespérée pour sauver la démocratie. »
Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale (une douzaine d’années au total), Maschmann a travaillé dans les hautes sphères de la presse et de la propagande du Bund Deutscher Mädel, où elle a rédigé des textes idéalistes… certainement à cause de son éducation et de son penchant pour les grands classiques et philosophes (Kant, Nietzsche, Goethe)...

« Si l’orgueil national de ma génération n’avait pas été exacerbé par l’amertume de la défaite il n’aurait jamais tourné au fanatisme, comme il le fit sous l’influence de Hitler. Dès le début notre vision des choses manqua de modération… nous étions donc prêts pour devenir des nazis enthousiastes…

Jeunes filles arborant l'insigne d'honneur de la "Ligue des Filles Allemandes"


Nous rêvions de nous sacrifier à un idéal… L’idée de
Hitler d’une « association de toute la nation » me fascinait. J’imaginais que cela ferait de ce monde un paradis où toutes les classes vivraient ensemble comme les membres d’une même famille. Je ne pensais pas alors que quantité de gens seraient exclus de ce paradis.

Hitler et la BDM

Hitler réussit à nous communiquer son fanatisme…
Le fanatique croit que la fin justifie les moyens. Il ne voit que le but à atteindre et reste sourd à tout le reste. En nous, sans que nous nous en rendions compte, peut s’estomper la frontière qui sépare le bien du mal. L’abominable, c’est que ce ne sont pas des gangsters ni des brutes, mais des hommes bons, dont l’esprit et l’âme étaient honorablement doués, qui se sont mis au service d’un mal sans limites.
»

Melita a écrit ces mots dans les années 60, dans son livre « Fazit », qui signifie "bilan" mais traduit en français sous le titre « Ma jeunesse au service du Nazisme — pas une tentative de justification"
Dans cet ouvrage, elle relève que son effort de lucidité l'a conduite dans un état de schizophrénie… la portée de l'analyse que Melita Maschmann entreprend d'elle-même et de son histoire est hors-norme, dans le sens où elle a franchit le cap là où la plupart sont restés muets : Melita Maschmann apporte une volonté rigoureuse à refuser la part de complaisance, voire le confort des alibis, qui entrent parfois dans les aveux de culpabilité spectaculaires. Plus péniblement, mais plus honnêtement, elle cherche d'abord à voir clair dans ce qu'elle fut et ce qu'elle est devenue.
C’est la description minutieuse d’un processus de foi dans une idéologie qui s’est avérée progressivement épouvantable et un processus long et pénible de finalement s’en défaire…

"Fazit, Kein Rechtfertigungsversuch", Melita Maschmann, 1963

Sa longue confession n'est intervenue qu'une bonne quinzaine d'années après la fin de la guerre, après avoir entamé des études de philosophie et une rencontre avec un prêtre, qui lui a ouvert les yeux sur les méfaits d'un régime qu'elle avait servi pendant si longtemps.
C'était, selon tous les témoignages, l'un des premiers et des plus populaires récits d'un ancien nazi expliquant son passé, et c'était certainement le premier d'une femme.
En Allemagne, le livre a connu huit éditions (la dernière en 1987) et a été ajouté aux listes de lecture des lycées dans certains districts scolaires. Il est devenu une partie des débats privés, publics et universitaires de l'Allemagne sur sa propre histoire.

Maschmann a expliqué son objectif (concernant l’écriture du livre) à Hannah Arendt en 1963, dans une lettre qui exprimait son désir d'aider d'anciens collègues nazis à réfléchir sur leurs actions et d'aider les autres à "mieux comprendre" pourquoi des gens comme elle avaient été attirés par Hitler.

Hannah Arendt lui a écrit « Votre livre est un document important en ce temps et je crois que vous avez été totalement sincère, autrement je ne vous aurais pas répondu."

Hannah Arendt

Ce livre est apparu à un moment où l'expression d'Arendt "la banalité du mal" faisait son chemin dans la conversation publique, et alors que le parlement ouest-allemand débattait de la prescription des crimes commis par les nazis. Certains critiques ont trouvé le texte de « Fazit » franc et direct ; d'autres le considéraient comme défensif, tergiversant et mélodramatique. Certains des anciens collègues de Maschmann, — des nazis qui ont reçu du kérosène pour brûler leurs documents à la fin de la guerre —, l'ont considéré comme une trahison et ne lui ont jamais pardonné de l'avoir écrit.

Le résultat a été qu'elle a été harcelée. Elle s'est enfuie en Afghanistan et y a gagné sa vie en tant que journaliste pour des journaux allemands. Elle y a vécu isolée et pauvre…

À l'été 1962, elle voulait retourner en Allemagne, mais après avoir voyagé en Inde pendant quinze jours, "une pure coïncidence" l'a amenée à Ânandamayî Mâ. Elle a annulé tous ses projets de voyage, est restée avec Shrî Mâ, a voyagé à travers l'Inde avec Elle pendant les deux années suivantes et a élu domicile en Inde.

Maschmann a reçu un nom hindou, a vécut dans les ashrams et n'est retournée en Allemagne que lors de brèves visites familiales tous les deux ou trois ans.

Le récit de son expérience avec , qui n'est pas le produit d'un simple esprit de dévot crédule mais le rapport d'une journaliste à l'esprit critique et averti, est si impressionnant et éclairant, parfois passionnant, élégant dans son style, objectif dans son approche...


Le tigre chante

Melita Maschmann a publié un livre sur ses impressions de Ânandamayî Mâ sous le titre "Der Tiger singt Kirtana" (1967).

Encountering Bliss, My journey through India with Ânandamayî Mâ, Melita Maschmann

C'est un chef-d'œuvre spirituel, qui montre la grande sensibilité de l'écrivain allemand. Il a été traduit sous le titre "Encountering Bliss" pour la nouvelle édition anglaise (2002).

Etant donné le parcours de Melita Maschmann, on comprendra aisément que les questionnements auprès de Mâ Ânandamayî tournent autour de la souffrance, de la destruction, du mal, du besoin de servir et de sauver l'humanité...

Le malheur est un problème qui en déroute plus d'un.

Le malheur - par exemple dans l'histoire des peuples ou dans la vie des familles et des individus, la destruction apparemment insensée - comment ces faits sont-ils compatibles avec l'idée d'un Dieu, que nous devrions aimer, non seulement craindre mais aussi aimer ?
En référence à une question un peu similaire, Ma a eu un jour un dialogue avec Melita Maschmann, dont l'essentiel est donné ci-dessous :


Ma : Croyez-vous que Dieu est le Créateur de ce monde et donc son Seigneur ?
Melita : De toute façon, dans notre discussion, prenons cela pour acquis.


Ma : Très bien. Si Dieu est le Seigneur du monde, il peut en faire ce qu'il veut. Supposons que vous ayez fait pousser de belles fleurs dans votre jardin, mais que vous décidiez de planter des arbres fruitiers à la place, ne devrez-vous pas enlever les fleurs ? Si vous avez une belle maison, mais que vous souhaitez en construire une plus grande et plus belle sur le même terrain, vous serez obligé de démolir l'ancienne. La liberté qui est la vôtre dans les petites choses, Dieu l'exerce dans les grandes. Il est dans les deux, dans la destruction comme dans la construction. L'histoire des nations, des familles et des individus est la grande lîlâ qu'Il met en scène avec Lui-même.

Melita : Qu'en est-il du mal dans le monde ?
Ma : Lorsque vous avez réalisé Dieu, alors le bien et le mal n'existent plus pour vous.

Melita : Voulez-vous dire que je dois m'abstenir de combattre le mal dans mon entourage ?
Ma : Servez les êtres humains autant que vous le pouvez, mais ne vous identifiez pas à leurs désirs et à leurs besoins. Vous devez aller au-delà de tout cela et chercher Dieu.

Melita : Où se trouve la source du mal ? Si Brahman est tout en tous, comme l'enseigne l'hindouisme, alors le mal doit aussi dériver de Lui et se produire avec Lui.
Ma : Le bien et le mal sont des distinctions qui apparaissent dans la pensée et l'expérience humaines. Ce n'est qu'en entrant dans le monde de la dualité que nous commençons à distinguer le bien et le mal.

(Ananda Varta XIII)

Sur la souffrance

Melita Maschmann nous fournit un indice sur l'indifférence apparente de Ânandamayî Mâ pour les événements politiques.
La romancière allemande est restée auprès de la Mère imprégnée de Béatitude pendant la crise des missiles cubains de 1961.
Elle raconte qu'elle a pu garder son calme tout au long de la crise, même si elle était consciente du danger inhérent à la situation. Être en présence de l'a aidée à élever sa conscience au-dessus du royaume de la dualité et lui a fait réaliser que son véritable Moi ne peut être touché par rien de matériel.
Là où règne la félicité, la peur doit disparaître.

"Jusqu'à présent, notre discussion sur sâdhanâ a été entièrement consacrée aux questions spirituelles. Le service à l'humanité ne fait-il pas partie des sâdhanâ ? "

Cette question se posera évidemment aux Occidentaux chez qui la religion s'est presque identifiée, à l'heure actuelle, au service social. Ils sont susceptibles de se demander si Ânandamayî Mâ est totalement indifférente au bien-être humain. Ignore-t-elle l'énorme souffrance physique des masses qui est un élément très visible et déprimant de la vie indienne ?

Mère Teresa

Melita Maschmann, la romancière allemande, s'est en quelque sorte penchée sur cette question. Lors de son séjour à Calcutta, elle a rencontré Mère Thérésa, la religieuse catholique qui a consacré sa vie à la fondation d'orphelinats, de centres médicaux, de maisons de retraite, qui a fait de l'Inde un lieu d'accueil pour les personnes âgées, en d'autres termes, elle s'est engagée dans le travail d'assistance sociale.

Mlle Maschmann a mentionné à l'un des disciples de Ânandamayî Mâ qu'il lui semblait que, contrairement à Ânandamayî Mâ, la religieuse catholique se conformait vraiment au commandement selon lequel il faut aimer son prochain comme soi-même.
La réponse immédiate du disciple a été que le service à l'humanité était précisément ce que Ânandamayî Mâ faisait tout le temps. Ânandamayî Mâ dirait sans doute que chacun doit jouer un rôle différent dans le drame cosmique de Dieu. Un rôle a été attribué à Mère Thérésa, un autre à Ânandamayî Mâ.
En fait, Elle insiste sur l'importance d'aider les autres non seulement spirituellement : " Élargissant votre cœur ratatiné, faites vôtres les intérêts d'autrui et servez-les autant que vous le pouvez par la sympathie, la bonté, les cadeaux et ainsi de suite. Tant que l'on jouit des choses de ce monde et que l'on a des besoins et des désirs, il est nécessaire de répondre aux besoins de ses semblables. Sinon, on ne peut pas être considéré comme un être humain. Chaque fois que vous en avez l'occasion, donnez aux pauvres, nourrissez les affamés, soignez les malades.....
Faites du service comme un devoir religieux et vous saurez, par une perception directe, que la personne servie, celui qui sert et l'acte de service ne sont séparés qu'en apparence.
"

S'il est évident que Ânandamayî Mâ convient que le soulagement de la souffrance physique, s'il est effectué dans un esprit désintéressé, contribue à l'avancement spirituel de chacun, Elle-même, tout comme le Bouddha, est soucieuse de s'attaquer à la racine de toute souffrance, pour l'éliminer une fois pour toutes. Son diagnostic est le suivant ; l'aliénation de l'Unique (le vrai Soi) est la cause fondamentale de toute souffrance. Par conséquent, en supprimant la souffrance physique, on s'attaque aux symptômes et non à la cause sous-jacente de la maladie. En fait, une concentration unilatérale sur l'élimination de la souffrance physique peut même prolonger la maladie.

Il faut ici garder à l'esprit que tout l'enseignement de Ânandamayî Mâ insiste sur le fait que toutes les expériences apparemment négatives ont finalement des conséquences positives. Comme nous l'avons déjà dit, la souffrance est en réalité un moyen de mettre fin à la souffrance : "De même que le feu brûle toutes les scories et les déchets, la triple souffrance purifie le cœur de l'homme de toute impureté et a pour résultat une pensée unique croissante dans sa recherche de la Vérité. Lorsqu'il prend profondément conscience de sa faiblesse et qu'il est tourmenté par la pensée de ses impulsions indésirables et de ses caractéristiques pénibles, lorsque des afflictions telles que la pauvreté, le deuil ou l'humiliation lui font sentir que sa vie est futile, alors et alors seulement il développe une véritable foi et une ferveur religieuse, et devient désireux de s'abandonner aux pieds de l'Être suprême. La souffrance doit donc être accueillie favorablement. Jamais la douce lumière de la lune ne semble plus apaisante qu'après la chaleur torride d'une journée d'été."

La grande promesse est : "C'est par la tristesse que le Seigneur dissipe la tristesse et c'est par l'adversité qu'Il détruit l'adversité. Quand c'est fait, il n'envoie plus de souffrance. Il faut s'en souvenir à tout moment."

(The Essential Sri Anandamayi Ma, de Alexander Lipski)

Sur la tradition

Le respect de Ânandamayî Mâ de la tradition s'étend même à l'institution de la caste qui, pour un occidental, est des plus difficiles à comprendre. À une époque où de nombreux intellectuels indiens condamnent le système des castes et où la constitution indienne l'a, en théorie du moins, proscrit, les restrictions liées aux castes sont appliquées dans les ashram de Ânandamayî Mâ.

La Mère imprégnée de félicité est elle-même au-delà des castes. Tout comme le plus grand philosophe de l'Inde, Sankaracharya, Elle peut dire : "Je n'ai ni naissance, ni mort, ni caste".
Tous les êtres humains sont égaux à ses yeux. Mais la majorité de ceux qui l'entourent sont strictement orthodoxes et préoccupés par la contamination. Les étrangers qui cherchent le darshana de Ânandamayî Mâ découvrent qu'ils sont traités comme des sans-caste.

Ils doivent manger et dormir séparément et éviter de s'approcher de la cuisine, car leur seule présence dans la cuisine contaminerait la nourriture.

Ces règles s'appliquent même à la Brahmacârinî Âtmânanda.
Melita Maschmann en particulier était troublée par cette attitude apparemment incohérente de Ânandamayî Mâ. Après tout, si Un seul existe, pourquoi insister sur les distinctions de castes ? Lors d'un entretien avec Ânandamayî Mâ, elle a fait part de ses sentiments.

expliqua alors qu'au cours de Sa sâdhanâ, Elle s'était comportée de manière très peu conventionnelle et s'était donc aliénée de nombreux hindous orthodoxes. Elle avait consulté un jour un mahâtmâ qui lui avait conseillé de se conformer aux traditions hindoues, sous peine d'éloigner l'élément orthodoxe de la population.
Alors qu'Elle-même continuait à traiter tout le monde de la même façon, quelle que soit l'origine de la caste, Elle décida de ne pas interférer dans l'application des règles de caste. Elle était pleinement consciente du fait que les étrangers subissaient certaines difficultés, mais comme il n'y avait qu'une poignée d'étrangers concernés, elle n'a pas jugé bon de rendre impossible pour les hindous orthodoxes de profiter de Sa présence.

La majorité de ses disciples vivaient encore à un niveau de conscience où le respect des restrictions de caste était important pour eux.
Au moment opportun, ils transcenderaient le sentiment de caste, mais on ne peut pas accélérer artificiellement ce développement.
Elle semblait convaincue que le moment d'abolir le système des castes n'était pas encore arrivé.

Une telle attitude doit être totalement incompréhensible pour les militants occidentaux engagés dans des croisades sociales.


(The Essential Sri Anandamayi Ma, de Alexander Lipski)

D'autres textes de Melita Maschmann peuvent être lus sur ce site : des extraits traduits en français du livre "Encountering Bliss"

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We often speak of the Westerners who surrounded Mâ Ânandamayî like Atmananda and Vijayananda but, of course, there were others, who stayed for shorter periods, or who followed Mâ only in the last years.

This month I discovered the career of Melita Maschmann (1918-2010). Her career is so meteoric that I decided to write a dedicated article.
She met Mâ Ânandamayî in 1961 and followed him for two years in all his travels. She did not leave India until illness forced her to do so, at the age of 80...

How can one go from Hitler to Shrî Ânandamayî Mâ?
The mere fact of putting these two names in the same sentence shocks me.


The answer, however, could be simple and sharp: hope and faith.

Hitler Youth

After the First World War, unemployment exploded in Germany. People are counting the scraps of bread and famine begins its terrible path...

Melita Maschmann presented herself as a girl who came of age in a culture steeped in the shame of Germany's defeat in the First World War. "Before I understood the meaning of the word 'Germany', I loved it as something mysteriously darkened by grief..."

"Part of the misery that adults complained about daily was unemployment, no work, Berlin had four million people... Imagine all the families living in Berlin with barely enough dry bread to satisfy their hunger... I believed the National Socialists when they promised to eliminate unemployment... I believed them when they said they would bring the German nation, which had split into more than forty political parties, together and overcome the consequences of the peace dictated from Versailles."

Her tragedy was her hope for a revival of her homeland and her blind trust in a Hitler and his party who would achieve this.

Her story is the story of the adolescence of millions of Germans born and raised in a total desert of soul and spirit. "Nothing (outside Germany) called you, tied you down, demanded something of you... There came into you a ghost who claimed to be this 'all', this figure of the past and the future. Its various symbols, blood, soil, race, people, Führer, Reich, were suddenly and irresistibly invaded by the perfectly unconscious flow of this unsatisfied desire: the desire to find in life a unity that was the source of unremitting energy. "

(Ida Frederike Görres, preface to "Fazit", translated into English as "Account Rendered" in 1964)

"(...) to find in life a unity that was the source of untiring energy." How meaningful these words are! Is this not the spiritual ideal that we all carry within us? To unite with an irrevocable energy, the energy of unified Life... of Living Unity...

On 1 March 1933, Melita Maschmann, at the age of 15, broke her parents' authority and joined the Bund Deutscher Mädel (BDM), the League of German Girls - in fact the women's section of the Hitler Youth ("Hitlerjugend").

She argued that the BDM gave her a sense of purpose and belonging. Maschmann admitted that "she devoted herself to it night and day, to the neglect of her schooling and the distress of her parents"
All BDM girls were asked to dedicate themselves to camaraderie, service and fitness for motherhood.
Parents complained about the time their children were forced to spend outside the home in activities organised by the BDM and the Hitler Youth. They felt that the Nazi party was taking control of their children.

Melita Maschmann became a supporter of the Nazi party. She was highly critical of her parents for not seeing the reasons why Hitler offered the best hope for Germany, that "desperate struggle to save democracy."
Before and during the Second World War (a dozen years in total), Maschmann worked in the upper echelons of the press and propaganda of the Bund Deutscher Mädel, where she wrote idealistic texts... certainly because of her upbringing and her penchant for the great classics and philosophers (Kant, Nietzsche, Goethe)...

"If the national pride of my generation had not been exacerbated by the bitterness of defeat it would never have turned into fanaticism, as it did under the influence of Hitler. From the beginning our outlook lacked moderation... so we were ready to become enthusiastic Nazis...

We dreamed of sacrificing ourselves to an ideal... Hitler's idea of a "nationwide association" fascinated me. I imagined that this would make the world a paradise where all classes would live together as members of the same family. I did not think then that many people would be excluded from this paradise.

Hitler succeeds in communicating his fanaticism to us...
The fanatic believes that the end justifies the means. He sees only the goal to be achieved and remains deaf to everything else. Within us, without our realizing it, the line between good and evil can become blurred. The abominable thing is that it is not gangsters or thugs, but good men, whose minds and souls were honourably gifted, who have put themselves at the service of a limitless evil."

Melita wrote these words in the 1960s, in her book "Fazit," which means into french "bilan" but translated as "Ma jeunesse au service du Nazisme - pas une tentative de justification."
In this book, she notes that her effort at lucidity led her into a state of schizophrenia... the scope of the analysis that Melita Maschmann undertakes of herself and her history is out of the ordinary, in the sense that she has gone where most have remained silent: Melita Maschmann brings a rigorous willingness to refuse the share of complacency, even the comfort of alibis, that sometimes enters into spectacular confessions of guilt. More painfully, but more honestly, she seeks first to see clearly what she was and what she has become.
It is a careful description of a process of believing in an ideology that gradually proved to be appalling and a long and painful process of finally letting go of it...

Her long confession came only some fifteen years after the end of the war, after she had begun to study philosophy and met a priest, who opened her eyes to the evils of a regime she had served for so long.
It was, by all accounts, one of the first and most popular accounts of a former Nazi explaining his past, and certainly the first by a woman.
In Germany, the book went through eight editions (the last in 1987) and was added to the reading lists of high schools in some school districts. It became part of Germany's private, public and academic debates about its own history.

Maschmann explained her purpose (for writing the book) to Hannah Arendt in 1963, in a letter that expressed her desire to help former Nazi colleagues reflect on their actions and to help others "better understand" why people like her had been drawn to Hitler.

Hannah Arendt wrote to her, "Your book is an important document in this time and I believe you were totally sincere, otherwise I would not have replied."

The book appeared at a time when Arendt's phrase "the banality of evil" was making its way into public conversation, and when the West German parliament was debating the statute of limitations for crimes committed by the Nazis. Some critics found the text of 'Fazit' frank and direct; others saw it as defensive, prevaricating and melodramatic. Some of Maschmann's former colleagues - Nazis who were given paraffin to burn their documents at the end of the war - considered it a betrayal and never forgave her for writing it.

The result was that she was harassed. She fled to Afghanistan and made a living there as a journalist for German newspapers. She lived there isolated and poor...

In the summer of 1962, she wanted to return to Germany, but after travelling in India for a fortnight, "a pure coincidence" brought her to Ânandamayî Mâ. She cancelled all her travel plans, stayed with Shrî Ma, travelled through India with her for the next two years and made her home in India.

Maschmann received a Hindu name, lived in ashrams and only returned to Germany for brief family visits every two or three years.

Her account of her experience with Ma, which is not the product of a mere gullible devotee's mind but the report of a critical and knowledgeable journalist, is so impressive and enlightening, at times exciting, elegant in its style, objective in its approach...

The Tiger Sings
Melita Maschmann published a book on her impressions of Ânandamayî Mâ under the title "Der Tiger singt Kirtana" (1967).
This is a spiritual masterpiece, which shows the great sensitivity of the German writer. It has been translated as "Encountering Bliss" for the new English edition (2002).

Given Melita Maschmann's background, it is easy to understand that her questions to Mâ Ânandamayî revolve around suffering, destruction, evil, the need to serve and save humanity...

Misfortune is a problem which baffles many.
Misfortune — for instance in the history of peoples or in the lives of families and individuals, seemingly senseless destruction — how are these facts compatible with the idea of a God, whom we should like, not only to fear but also to love ?

With reference to a question somewhat like this, one day Ma had a dialogue with Melita Maschmann, the gist of which is given below :

Ma : Do you believe that God is the Creator of this world and therefore its Lord ?
Questioner : Let us anyway in our discussion take those for granted.

Ma : Very well. If God is the Lord of the world, He can do with it as He pleases. Suppose you have grown beautiful flowers in your garden, but decide to plant fruit trees their in place, wouldn’t you have to remove the flowers ? If you have a fine house, but wish to build a larger and better one on the same plot, you will be obliged to demolish the old one. The freedom that is yours in small things, God exercises in great ones. In both is He, in destruction as well as in construction. The history of nations, families and individuals is the great lîlâ that He stages with Himself.

Questioner : what about evil in the world ?

Ma : When you have realised God, then good and evil do not exist for you anymore.

Questioner : Do you mean to say that I should refrain from fighting the evil in my surroundings ?

Ma : Serve human beings as much as you can ; but do not identify yourself with their wants and needs. You must go beyond all this and seek God.

Questioner : Where does the source of evil lie ? If Brahman is all in all, as Hinduism teaches, then evil must also derive from Him and occur with Him.

Ma : Good and evil are distinctions that arise in human thought and experience. Only when entering the world of duality we begin to distinguish between good and evil.


(Ananda Varta XIII)


On suffering
Melita Maschmann provides us with a clue to Ânandamayi Ma's apparent indifference to political events.
The German novelist stayed with the Blissful Mother during the Cuban missile crisis of 1961.
She says that she was able to remain calm throughout the crisis, even though she was aware of the danger inherent in the situation. Being in the presence of Ma helped her to raise her consciousness above the realm of duality and made her realise that her true Self cannot be touched by anything material.
Where bliss reigns, fear must disappear.

"So far, our discussion on sâdhanâ has been entirely devoted to spiritual matters. Is not service to humanity a part of sâdhanâ? "

This question will obviously arise in the West, where religion has become almost identified, at present, with social service. They are likely to wonder whether Ânandamayî Mâ is totally indifferent to human welfare. Does she ignore the enormous physical suffering of the masses which is a very visible and depressing feature of Indian life?

Melita Maschmann, the German novelist, has in a way addressed this question. While in Calcutta, she met Mother Teresa, the Catholic nun who dedicated her life to founding orphanages, medical centres, old people's homes, who made India a home for the elderly, in other words, she engaged in social welfare work.

Miss Maschmann mentioned to one of Ânandamayi Ma's disciples that it seemed to her that, unlike Ânandamayi Ma, the Catholic nun really did comply with the commandment to love one's neighbour as oneself.
The disciple's immediate response was that service to humanity was precisely what Anandamayi Ma did all the time. Ânandamayî Mâ would no doubt say that everyone must play a different role in the cosmic drama of God. One role has been assigned to Mother Teresa, another to Ânandamayî Ma.
In fact, she stresses the importance of helping others not only spiritually: "Expanding your shriveled heart, make the interests of others your own and serve them as much as you can by sympathy, kindness, gifts and so on. As long as one enjoys the things of this world and has needs and desires, it is necessary to meet the needs of one's fellow human beings. Otherwise, one cannot be considered a human being. Whenever you have the opportunity, give to the poor, feed the hungry, heal the sick .....
Make service a religious duty and you will know, by direct perception, that the person served, the one serving and the act of service are separate only in appearance."

While it is obvious that Ânandamayî Mâ agrees that the relief of physical suffering, if done in a selfless spirit, contributes to one's spiritual advancement, She herself, like the Buddha, is concerned to get to the root of all suffering, to eliminate it once and for all. Her diagnosis is that alienation from the One (the true Self) is the root cause of all suffering. Therefore, by removing physical suffering, one is addressing the symptoms and not the underlying cause of the disease. In fact, a one-sided focus on eliminating physical suffering may even prolong the disease.

It should be borne in mind here that the entire teaching of Ânandamayi Mâ insists that all seemingly negative experiences ultimately have positive consequences. As we have already said, suffering is in reality a means of putting an end to suffering: "Just as fire burns away all dross and waste, so the threefold suffering purifies man's heart of all impurities and results in a growing single-mindedness in his search for the Truth. When he becomes deeply conscious of his weakness and is tormented by the thought of his undesirable impulses and distressing characteristics, when afflictions such as poverty, bereavement or humiliation make him feel that his life is futile, then and only then does he develop true faith and religious fervour, and become eager to surrender at the feet of the Supreme Being. Suffering must therefore be welcomed. Never does the soft light of the moon seem more soothing than after the scorching heat of a summer day."

The great promise is: "It is through sorrow that the Lord dispels sorrow and it is through adversity that He destroys adversity. When this is done, He sends no more suffering. This should be remembered at all times."

(The Essential Sri Anandamayi Ma, by Alexander Lipski)


On tradition
Ânandamayi Ma's respect for tradition extends even to the institution of caste, which for a Westerner is most difficult to understand. At a time when many Indian intellectuals condemn the caste system and the Indian constitution has, in theory at least, outlawed it, caste restrictions are enforced in Ânandamayi Ma's ashrams.

The Mother, imbued with bliss, is herself beyond caste. Like India's greatest philosopher, Sankaracharya, She can say, "I have no birth, no death, no caste.
All human beings are equal in her eyes. But the majority of those around her are strictly orthodox and concerned with contamination. Outsiders who seek the darshana of Ânandamayî Mâ find that they are treated as casteless.

They have to eat and sleep separately and stay away from the kitchen, as their very presence in the kitchen would contaminate the food.

These rules apply even to the Brahmacârinî Âtmânanda.
Melita Maschmann in particular was troubled by this seemingly inconsistent attitude of Ânandamayî Mâ. After all, if only One exists, why insist on caste distinctions? In an interview with Ânandamayi Ma, she made her feelings known.

Mâ then explained that during Her sâdhanâ, She had behaved in a very unconventional manner and had thus alienated many orthodox Hindus. She had once consulted a Mahâtmâ who had advised her to conform to Hindu traditions or else she would alienate the orthodox element from the population.
While She herself continued to treat everyone equally, irrespective of caste origin, She decided not to interfere with the enforcement of caste rules. She was fully aware of the fact that foreigners suffered some hardship, but as there were only a handful of foreigners involved, She did not see fit to make it impossible for orthodox Hindus to enjoy Her presence.

The majority of his disciples were still living at a level of consciousness where respect for caste restrictions was important to them.
In due course they would transcend caste, but this development cannot be artificially accelerated.
She seemed convinced that the time for abolishing the caste system had not yet arrived.

Such an attitude must be totally incomprehensible to Western activists engaged in social crusades.

(The Essential Sri Anandamayi Ma, by Alexander Lipski)


Further texts by Melita Maschmann can be read on this site: excerpts from the book "Encountering Bliss".

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