Les cinq
Dhyanis Bouddhas

Sources
- Site officiel du Centre bouddhisme paris
- Site Yogi-ling
- "Enseignement du Bardo", Lama Lodreu, © éd. Yogi-Ling 1998
Sommaire
1. La Bodhi
a) L'aspect cognitif de la bodhi
b) L'aspect volitionnel de la bodhi
c) L'aspect émotionnel de la bodhi
d) Trikaya : Les trois corps du bouddha
2. Le mandala des cinq Bouddhas
—Vairocana
—Aksobhya
—Ratnasambhava
—Amitabha
—Amoghasiddhi
1. La Bodhi

Commençons par revenir à la base, à l’idée de la Bouddhéité.
La première chose qu’il nous faut comprendre, et c’est très important, c’est que le Bouddha est un être humain.
Mais un Bouddha est un être humain d’une sorte particulière, de la plus haute sorte en fait, pour autant que nous sachions.
Un Bouddha est quelqu’un qui, dans son développement spirituel, transcende tellement le cours ordinaire de l’humanité que, en un sens, il n’est plus du tout un être humain.
Un Bouddha est un être humain qui a atteint la bodhi ou, plus techniquement, la samyaksambodhi.
Bodhi signifie « Connaissance », « Compréhension », voire « Éveil ».
Samyaksambodhi signifie « Connaissance Suprême » ou « Compréhension Parfaite », etc.
La bodhi, cependant, est bien plus que la connaissance, bien plus, même, que la Connaissance Transcendantale.
Au sens large, la bodhi, ce qui fait d’un Bouddha un Bouddha, a trois aspects principaux. Pour simplifier, nous allons les appeler les aspects cognitif, volitionnel et émotionnel.
- a) L’aspect cognitif de la bodhi.
De ce point de vue, la bodhi est un état de Vue Pénétrante, de Sagesse, de Prise de Conscience.
Mais de Vue Pénétrante de quoi ?
- 1) Tout d’abord, il y a la Vue Pénétrante de soi-même.
Cela veut dire, en d’autres termes, tourner un regard intime, clair et profond sur soi-même et voir comment, à tous les différents niveaux de son être, on est conditionné, gouverné par l’esprit réactif (on réagit mécaniquement, automatiquement, en fonction de conditionnements psychologiques passés dont on est bien trop souvent largement inconscient).
Cela veut dire, de plus, voir à quel point on est dominé, contre son gré même (et souvent sans le savoir), par les émotions négatives.
- 2) Puis il y a la Vue Pénétrante des autres.
Cela veut dire étendre sa vision et voir comment les autres aussi sont conditionnés, tout comme on est soi-même conditionné.
- 3) Puis, s’étendant plus loin encore, la Vue Pénétrante consiste à inclure dans sa vision la totalité des phénomènes, la totalité de la nature, l’univers lui-même à tous ses niveaux, et à voir comment cela est aussi conditionné, transitoire, toujours changeant, frustrant et irréel.
La Vue Pénétrante n’est pas qu’une vue de la conditionnalité universelle. C’est une vue qui traverse le conditionné et trouve l’Inconditionné.
C’est voir l’Éternel dans les profondeurs du transitoire, le Réel dans les profondeurs de l’irréel, et même, de façon ultime, voir que les deux ne font qu’un, étant comme différentes facettes de la même Réalité ultime et absolue.
- b) L’aspect volitionnel de la bodhi.
La bodhi n’est pas qu’un état de Connaissance. C’est aussi un état de Liberté ou d’Émancipation non entravée, tant subjective qu’objective.
Subjectivement c’est un état de libération de toute souillure morale et spirituelle. En d’autres termes cela consiste, par exemple, en une libération des « cinq poisons mentaux » en une libération de toute émotion négative, en une libération de tout le processus de l’esprit réactif.
Objectivement, cela consiste en une libération des conséquences des souillures.
En d’autres termes, cela consiste en une libération du karma et de la renaissance, une libération des tours de la Roue de la Vie.
Plus positivement, on peut dire que cette Liberté, cet aspect volitionnel de la bodhi, consiste en un état de créativité — plus spécialement de créativité spirituelle — et de spontanéité ininterrompues.
- c) L’aspect émotionnel de la bodhi.
La bodhi est aussi un état d’émotion positive, ou, devrions-nous peut-être dire, d’émotion spirituelle. Ceci aussi peut être décrit subjectivement et objectivement.
Subjectivement, cela consiste en un état ou une expérience de joie, de félicité, d’extase suprêmes.
Objectivement, cela se manifeste par un état d’Amour et de Compassion illimités envers tous les êtres vivants.
- d) Trikaya : Les trois corps du bouddha.

Ainsi, un Bouddha est un être humain qui, ayant atteint l’état de samyak sambodhi, est une incarnation vivante de la Vue Pénétrante, de la Liberté, du Bonheur et de l’Amour.
J’ai utilisé l’expression « un Bouddha », mais au début de la tradition bouddhique il n’y avait qu’un seul Bouddha, le Bouddha, le Sakyamuni humain historique.
On constate que durant la vie même du Bouddha une distinction spirituellement importante fut faite (il semble que ce soit le Bouddha lui-même qui l’ait faite) entre d’une part l’individu historique Éveillé et d’autre part le principe abstrait de l’Éveil, entre Bouddha et Bouddhéité.
Cette distinction s’exprima dans certains termes techniques.
La personnalité historique Éveillée fut appelée rupakaya, ou « Corps de Forme » (rupa signifie « forme », kaya « corps » ).
Le principe de l’Éveil, indépendant de la personne qui le réalise, fut appelé dharmakaya, « Corps de la Vérité » ou « Corps de la Réalité ».
Malgré cette distinction, nous ne devons pas considérer qu’il y a une différence : le Corps de Forme et le Corps de Dharma sont tous deux, en un sens, des corps du Bouddha. On insista peu sur la distinction durant la vie du Bouddha, car dans son cas, Bouddha et Bouddhéité, rupakaya et dharmakaya, étaient unis.
Mais après le parinirvana la distinction devint plus prononcée.
Après tout, le Corps de Forme était mort et avait disparu, le Bouddha historique n’existant plus que sous la forme de reliques dans des stûpas, alors que le Corps de Dharma était éternellement présent.
Nous pouvons imaginer le Mahayana à ses débuts (quand fut élaborée la distinction entre les deux corps), pensant verticalement et voyant le Corps de Forme « en bas », dans un temps passé, et le Corps de Dharma « là haut », en dehors du temps, transcendant le temps, de telle sorte qu’il y ait une relation verticale entre l’individu Éveillé et le principe de l’Éveil.
Plus tardivement, le Mahayana continua à penser verticalement, mais un développement se produisit dans cette pensée verticale, ou dans cette expérience verticale.
Un troisième kaya ou « corps » apparut entre les deux autres, et vint à s’appeler sambhogakaya, ce qui signifie littéralement « Corps de Bonheur Mutuel » ou « Corps de Ravissement Mutuel ».
Ce terme, quoiqu’il ait en soi une profonde signification, n’aide pas beaucoup dans ce contexte et peut mieux être rendu, ou « interprété » par « Bouddha Idéal » ou même « Bouddha Archétype ».
Ce Bouddha Idéal n’est pas un principe impersonnel et abstrait comme le dharmakaya. C’est vraiment une personne, mais en même temps ce n’est pas une personne humaine et historique. On pourrait dire que c’est la personne Idéale, la personne archétype même, en dessous du niveau de l’Absolu mais au-dessus et au-delà de l’histoire.
À cette étape de développement il y avait donc trois kayas, trois « corps » alignés verticalement.
Ce sont, de haut en bas ;
le Corps de Dharma, puis
le Corps de Ravissement Mutuel, et enfin
le Corps Créé ou Nirmanakaya, comme il fut alors appelé...
Le terme rupakya étant à ce moment-là appliqué au Bouddha Idéal et au Bouddha historique pris ensemble.
Ce qui s’était développé est la fameuse doctrine du trikaya, la doctrine des Trois Corps du Bouddha, qui est très importante pour le Mahayana et le Vajrayana.
Pour l’instant, cependant, seul nous concerne le fait qu’elle devint la base d’autres évolutions tant dans le Mahayana que dans le Vajrayana.
2. Le mandala des cinq Bouddhas

Une chose assez spectaculaire se produisit ensuite.
Le Bouddha humain historique, le nirmanakya, disparut dans le passé, et fut presque perdu de vue (dans les pays Mahayana et Vajrayana, on constate que le Bouddha historique, Sakyamuni, occupe une place comparativement peu importante), et la Bouddhéité, le dharmakaya, s’estompa.
Après tout, le dharmakaya est assez abstrait, pour ne pas dire vague, et assez difficile à comprendre.
Ce qui restait, occupant si l’on peut dire le centre de la scène, était le Bouddha Idéal, Archétype. (C’est le Bouddha du Mahayana, comme dans le Sûtra du Lotus, où ce Bouddha Idéal est appelé Sakyamuni, bien que de façon évidente il ne soit plus la personnalité humaine du Bouddha ; il est plutôt le Bouddha Archétype de la Lumière Infinie et de la Vie Éternelle).
Le Mahayana ne s’arrêta pas là.
Une évolution supplémentaire se produisit.
Jusqu’alors le Mahayana avait pensé verticalement. Il se mit à penser horizontalement.
Deux autres Bouddhas apparurent de chaque côté du Bouddha Idéal.
À sa droite apparut Amitabha, le Bouddha de la Lumière Infinie, et à sa gauche Aksobhya, l’Imperturbable.
Ces deux Bouddhas incarnaient, sous la forme d’autres Bouddhas Idéaux, les deux aspects principaux de la Bouddhéité elle-même. Un indice de ce que sont ces aspects est donné par les emblèmes de ces deux nouveaux Bouddhas.
L’emblème d’Amitabha est la fleur de lotus. L’emblème d’Aksobhya est le vajra.
La fleur de lotus est douce, délicate et tendre ; le vajra est dur, fort et puissant.
La fleur de lotus est passive et réceptive, le vajra est actif et dynamique.
Nous pouvons donc dire, en des termes peut-être trop conceptuels, qu’Amitabha est l’incarnation de l’aspect d’Amour du Bouddha Idéal, l’aspect d’Amour de l’Éveil tandis qu’Aksobhya est l’incarnation de l’aspect de Sagesse Transcendantale.
(Il y a des variations sur ce modèle de base. On peut avoir, par exemple, un Bouddha encadré de deux Bodhisattvas. Le Bouddha représente le Bouddha Idéal, les Bodhisattvas ses deux aspects principaux d’Amour et de Sagesse.)
Nous devons maintenant considérer des évolutions du Vajrayana, ou Tantra.
Le Tantra pensait à la fois horizontalement et verticalement. De ce fait, deux autres Bouddhas apparurent. L’un apparut au-dessus du Bouddha Idéal, l’autre en dessous.
Pour l’instant nous pouvons appeler celui du dessus « le Bouddha de l’Action » et celui du dessous « le Bouddha de la Beauté ».
Nous avons donc maintenant cinq Bouddhas : un au centre, un à droite, un à gauche, un au-dessus et un en dessous.
Ces cinq Bouddhas forment ce qui est appelé un mandala, le mandala des cinq Bouddhas.
J’ai dit que le Tantra pensait à la fois horizontalement et verticalement, mais ce n’est pas tout à fait exact. Cela ne forme que deux dimensions, alors que le Tantra pensait en trois dimensions.
Nous devons imaginer les cinq Bouddhas occupant différentes directions sur un même plan horizontal : un au centre, un au nord, un au sud, un à l’est et un à l’ouest.
Puis nous devons imaginer, passant au centre de ce plan, un axe central vertical, avec le Corps de Dharma au zénith et le Corps Créé au nadir.
Le Bouddha Idéal est ainsi aligné verticalement avec le Corps de Dharma et le Corps Créé, et horizontalement avec les deux autres paires de Bouddhas Idéaux.
Dans la vision du Tantra, le Bouddha Idéal est ainsi au centre de tout le réseau tri-dimensionnel.

remarques :
— Vairocana est parfois placé à l'Est, et Aksobhya est alors placé au Centre...
L'agrégat de la forme et la couleur bleue peuvent donc se trouver au centre, dans certains système...
— En lieu et place d'Aksobhya on trouvera parfois Vajrasattva (Dorjé Sempa, tib.)
— En lieu et place d'Akasadhatesvari on trouve parfois Vajradhatvishvari ou la Tara blanche...— On constate une inversion du point de vue des éléments dont les Bouddhas féminins sont l'essence : entre Aksobhya (Eau) et sa parèdre Locana (Terre), de même qu'entre Ratnasambhava (Terre) et sa parèdre Mamaki (Eau)
Pour accéder aux Cinq Dhyani Bouddhas :
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