Les Dhyani Bouddhas nous enseignent que nos "poisons" — ignorance, colère, attachement — peuvent devenir des lumières, des sagesses. Ils ne sont pas à fuir mais à transformer...
La fleur de lotus s'affranchit de la vase pour atteindre la lumière, au-dessus de l'eau.
Les mots sont importants : comment peut-on transformer un poison en sagesse ?
Ce qui fait la spécificité de l'enseignement du Bouddha, probablement, c'est de déclarer qu'il n'y a pas de fatalité : on peut se libérer de l'illusion et de la souffrance. On peut même dire que le Bouddha est venu pour briser le fatalisme.
Mais comment se libérer ? En prenant de bons remèdes...
Il y a "remède" parce qu'il y a affliction, trouble, souffrance... c'est une brûlure interne... une émotion perturbatrice, une erreur de perception... Il y a un "remède" car l'esprit est brouillé, troublé, affligé, perturbé...
L'affliction (Klesha), ce trouble ou cette "pollution" de l'esprit peut être "nettoyée", "purifiée"...
Le "poison" n'est pas fixe : ce n'est pas une "prison", ce n'est pas "mauvais", c'est juste une distorsion d'une énergie pure à l'origine... Plutôt que de rejeter ou combattre les kleshas, les poisons, on les transforme progressivement en bodhi (Eveil) – ils ne sont pas des ennemis à détruire, mais des énergies brutes à rediriger.
Et du grossier apparaîtra le subtil (sukshma) et le très subtil (Atisukshma).
La nature de l'esprit est pur et indestructible depuis toujours, c'est le Dharmakaya, la réalité ultime au-delà des formes. Les "sagesses-remèdes" nous ramènent à cet état primordial... déjà là, accessible, depuis le début... il s'agit d'une transformation, d'un retour...
J'ai essayé d'écrire un texte pour présenter les Dhyani Bouddhas. J'ai essayé de mille façons, pour tenter de vous offrir les éclaircissements que j'ai reçu.
Mon coeur chrétien a dû s'entretenir avec mon coeur bouddhiste, ils ont dû ouvrir les mots pour laisser entendre tout l'enseignement profond des écritures.
J'ai re-découvert qu'il n'y a pas de poids à la faute... au "péché"... cette "cible manquée"...
et de la même manière, on peut dire que le karma est une "action", non pas une sentence...
Il est vrai que l'erreur de perception, la cible manquée, peut amener des troubles difficiles à supporter (la souffrance) mais le remède nous ramène à la vie, au chemin et à la vérité...
Tu n'es pas condamné par un ordre cosmique figé, un conditionnement ou un péché originel...
TU PEUX SORTIR...
ICI et MAINTENANT.
Le Nirvana et le Royaume des Cieux ne sont pas un "après" lointain, inaccessible : c'est un état que l'on peut atteindre par l'effort et la vue juste... par la foi et le renoncement... par la dévotion et la pratique... en suivant les enseignements et en prenant les "médicaments"...
Christ comme Bouddha et Mâ Ânandamayî ne jugent personne. Ils ne sont pas venus pour juger, ils sont venus pour sauver les hommes de leurs troubles... et les alléger.
Jésus a dit à peu près :
« Venez à moi si vous êtes à bout,
et je vous soulagerai.
mes conseils sont simples à suivre,
et en me suivant,
vous trouverez un poids en moins sur vos épaules.
vos âmes seront allégées. »
(interprétation libre de Matt.11:28-30)
On retrouve cela aussi dans l'enseignement du Bouddha :
« Les cinq agrégats sont de véritables fardeaux,
Le porteur du fardeau est la personne.
Prendre le fardeau, c'est souffrir dans le monde,
Déposer le fardeau est un bonheur.
Après avoir déposé le lourd fardeau
Sans prendre un autre fardeau,
Ayant extirpé le désir avec sa racine,
On est libéré de la faim, pleinement apaisé. »
(Saṁyutta Nikāya Discours Connectés sur les Agrégats 22.22. Le Fardeau)
Une mère nettoie son enfant par amour, autant de fois qu'il le faut.
"Laissez votre cœur être nettoyé par le flot de Sa présence,
comme un enfant est bercé et apaisé par l’amour de sa mère."
Mâ Ânandamayî dit aussi :
"Comme une mère essuie les larmes de son enfant et le console, ainsi le nom de Dieu efface les afflictions du cœur et le rend pur. Répétez Son nom, et tout sera nettoyé."
"Abandonnez-vous à Lui complètement,
et il n’y aura plus de place pour la peur."
J'ai finalement trouvé une manière d'écrire cet "avant-propos" des Dhyani Bouddhas...
et ... pour dire vrai, j'ai sué sang et larme pour l'accoucher...
j'ai voulu vous restituer une sorte d"assimilation" que j'ai eu de l'enseignement des Dhyani Bouddhas... et je n'ai trouvé que ce moyen, ce style d'écriture allégorique sur le thème :
"De la forteresse de l’illusion à la lumière de la Réalité Ultime."
C'est le voyage d'un soldat, appelé Ego, que je vous propose ici...
La Forteresse
15 septembre :
La brume se dissipe tout doucement.
Je discerne enfin le paysage,
je vois même une petite partie du camp en face…
Ils sont bien organisés, comme nous, ici,
aux aguets.
Notre nom
16 septembre :
Tout a été si vite, mon enfant – l’enrôlement, et me voilà ici.
Ton papa est parti trop vite… Tout s’est emballé…
Et je suis là… prêt à défendre la forteresse.
Je suis un soldat maintenant, comme tous mes compagnons,
on s’appelle Ego, c’est notre nom.
On est là pour protéger ton avenir, te créer un futur où tu pourras t’épanouir, mon fils.
Je suis fier de devenir ce rempart… de te protéger, toi et ta maman…
Ces champs où tu jouais… Cette terre, c’est mon sang, mon âme…
Je la défends pour toi, mon fils… et je crois que ça me rend heureux…
Leurs cris
19 octobre :
Ils parlent comme nous, tu sais…
C’est très dur, parfois ils rient ou ils injurient avec nos propres mots.
Aujourd’hui, je ne sais plus trop ce que je fais là.
Ils nous narguent, ils nous humilient.
On creusera la terre, on s’enfuira sous les tranchées s’il le faut,
mais on tiendra bon, on tiendra…
Tenir
28 octobre :
Les jours passent,
c’est parce que je vous aime que je me bats… c’est par amour…
Je me dis ça tous les jours, et c’est vrai.
Vous êtes mon refuge, ce pays, cette terre, cette vie, c’est mon trésor, c’est à nous, et personne ne pourra nous la voler…
Je suis là pour ça, on s’appelle Ego, on est des soldats et on tiendra…
on tiendra… il le faut…
Pour nous, pour les générations futures, nous devons tenir.
Ils nous ont dit qu’on devait représenter la patrie et sauver le pays…
que nous serions tués si nous cherchions à déserter.
Ils ont raison.
Il faut qu’on tienne… il faut qu’on tienne.
Le Silence
21 novembre :
Nous avons faim et le froid nous glacent les sang.
Je pense à vous, je pense à toi, mon fils… mais…
je crois que je suis devenu fou, tu sais…
Je t’écris… alors que… que…
tu n’es plus de ce monde…
je dois l’écrire… me le dire…
Je suis désespéré, ils nous ont déjà tout pris…
ma ville, toi… Ils ont pris nos rues,
ils m’ont pris ton rire...
tout ce que j’aimais…
Et pourtant, on doit tenir bon.
Encore tenir bon…
Tu n’es pas mort pour rien… je ne peux pas abandonner.
A quoi cela sert tout ça… des fois je me demande…
je dois bien l’avouer… ça ne te fera pas revenir…
J’ai l’impression de n’être que le jouet de quelque chose de beaucoup plus grand.
Un jeu absurde qui m’échappe…
Le Miroir
23 novembre :
On les a vu, nos ennemis, on les a vu de prês aujourd’hui…
on est encore en vie, on est là...
mais on a eu chaud, on a tous failli y passer.
Cette brute que j'ai en face de moi, c'est moi-même...
mais qu'est-ce que je fous là ?!
c'est moi l'ennemi ? c'est ça ?!
Leurs cris, c’est ma voix !
Je me bats contre moi-même depuis le début, c’est ça ?
Je sais plus... cette histoire n'a pas de sens...
Ils parlent notre langue, nous avons la même culture…
j’en oublie les moments où nous étions un seul peuple,
eux et nous, et maintenant on s’entretue…
on défend chacun notre tour…
ils font comme nous, nous sommes comme eux…
Comment dire… je ne vois plus ce que je fais là…
Ce sont mes frères… Je revois nos danses, nos chansons d’avant…
On buvait ensemble sous le même ciel.
Sous le même ciel…
Comment puis-je me tenir devant Dieu, suis-je encore digne si je tue mes propres frères ?
Je disais que je me battais pour toi, mon fils…
mais tout est mensonge…
rien ne tient… plus rien…
La Prison
22 décembre :
Le sang a coulé… beaucoup…
notre forteresse pue,
tout pue,
nous pataugeons dans la boue noire de l’automne…
et dans la merde…
C’est insupportable.
Les jours n’en finissent pas et tout se répète…
Je n’y arrive plus…
je dois te l’avouer, mon fils, je n’en peux plus.
Je pense de plus en plus à … me détourner de tout ça.
Je sais… je sais…
ils vont me tuer pour désertion… je sais…
Ai-je le choix… dis moi…
toi qui es ailleurs, peux-être que tu me vois d’en haut.
Ai-je le choix…
Je vois bien que des frères tuent leurs frères…
et ce n’est plus possible pour moi, tout ça.
Je suis soldat et mon nom est Ego…
mais je veux absolument être libéré de cette prison
que nous avons construite nous-mêmes…
Et la mort est peut-être le seul moyen.
Au moins je te rejoindrais, mon fils…
c’est une idée qui me traverse de plus en plus : te rejoindre…
Le Diamant
26 décembre :
J’ai vu dans leurs yeux, tu sais…
ils vivent ce que l’on vit, nous ici…
eux aussi ils veulent que ça s’arrête…
En fait... tout est comme une seule chose…
le coeur de nos enfants est la seule chose qui compte…
On va te rejoindre… on va tous te rejoindre…
mon fils, mon amour…
Je lâche ma tour,
et c’est toi que je trouve, mon vrai refuge…
moi je viens, je te vois,
tu me tends les mains…
et ce n’est pas un rêve…
Ou alors suis-je déjà mort… ?
Un vent doux passe, et je te sens…
Tu me parles sans mots…
Tu me dis que tout est pardon
Et leurs yeux ne me jugent plus
Je les vois comme je te sens parmi nous…
Comme une brise fraiche, un parfum…
et je vois bien que cette lumière est amour,
Elle est la seule chose que je dois suivre…
La seule...
Je ne suis plus soldat
et mon nom ne peut plus être ce qu’il était…
mes vêtements tombent,
la forteresse s’écroule, mon enfant…
Mes os ne sont plus glacés, tout devient léger…
Je n’ai plus peur… je ne veux plus fuir…
Juste te reconnaître… toi…
te voir, bien en face…
tout s’effondre
et mon coeur prend refuge à tes pieds…
tu es mon seul trésor… et c’est éternel…
indestructible…
comme un diamant pur…
reflétant la réalité ultime…
...
Le soldat Ego a transformé ses poisons en sagesses :
l’ignorance en une vision claire (Vairocana),
la colère en une clarté immuable (Akshobhya),
l’attachement en un amour pur (Amitabha),
l'orgueil en empathie (Ratnasambhava),
la peur et la paranoïa en courage lumineux (Amoghasiddhi).
Sa forteresse s’est écroulée,
révélant un Diamant pur
qui était là depuis le début,
la Réalité Ultime.
« Il n'y a pas un seul être sensible qui ne soit pas pleinement doté de la connaissance et de la sagesse des bouddhas ; c'est juste qu'à cause de notions illusoires, de pensées erronées et d'attachements, ils sont incapables d'en prendre conscience.
S'ils éradiquaient les notions illusoires, alors la connaissance universelle, la connaissance spontanée et la connaissance non obstruée deviendraient manifestes ».
Le Sutra Avatamsaka
Pour accéder aux Cinq Dhyani Bouddhas :
- Vairocana
- Akshobhya
- Ratnasambhava
- Amitabha
- Amoghasiddhi