Dualité
Pierre Trudeau : Le progrès est-il possible ?
Mâ : Oui, toujours. Avec des efforts, vous pouvez accomplir une expérience de vérité directe, tangible et réelle. Tout comme un étudiant peut atteindre un stade de connaissance qui n’était pas à sa portée au début, un être humain peut acquérir un degré de conscience qui est convenable pour son état de créature.
Q : Est-ce qu’on peut prétendre à ces acquis tout de suite, ou après de longs efforts ?
Mâ : Les deux. Quand vous grattez répétitivement une allumette, le flamboiement se produit toujours de façon subite, il peut arriver après beaucoup d’efforts, ou bien du premier coup. Dans la création de Dieu tout est possible.
Q : Comment un homme peut-il savoir si ce qu’il est en train de faire est la meilleure chose à faire ? S’il est vrai avec lui-même ou pas ?
Mâ : Cette question se réfère-t-elle aux choses de ce monde ou bien de l’autre ?
Q : Selon moi, les deux ne sont pas séparés. Je peux comprendre l’autre seulement par rapport à ce monde-ci.
Mâ : Ce sont les phases, ou les niveaux de la compréhension. L’étudiant au stade le plus bas a des potentialités, mais il ne peut pas s’attendre à être à la portée des leçons de niveau supérieur. Le voile de l’inconscient ou de l’ignorance est repoussé de temps en temps. L’homme peut agir selon son meilleur degré de connaissance d’une situation, mais ses efforts sont relatifs et non absolus. C’est pour cette raison, voyez-vous, que vous faites toutes sortes d’efforts mais que le résultat ne vous donne pas satisfaction. Il est impossible pour les êtres humains de savoir ce qui est le mieux.
Ce que vous disiez au sujet de la non-différenciation entre les deux mondes est très juste. Ce monde-ci est dominé par le mental et par conséquent il crée des divisions. Le mental fonctionne dans le domaine de la créativité, du rendement, du meilleur train de vie, etc… Le mental mesure.
Nous sommes définis par notre sens des valeurs. Le mental établit des normes.
L’Incommensurable est parfait tel qu’il est. Cette réalisation commence à poindre du moment que le mental est dissout. La réalisation quelle qu’elle soit, est Cela seulement.
C’est seulement ce que Cela doit être et pas autrement. C’est vrai. Cependant, à moins que l’on n’obtienne cette vision englobante de la totalité, on ne doit pas renoncer à ses plus gros efforts pour faire ce que l’on pense être la meilleure chose.
Question : Si tout est créé par Dieu et qu’il n’y a rien d’autre que Dieu, quoi que nous fassions, c’est la volonté de Dieu.
Ainsi, si je tue un homme, cela ne va pas à l’encontre de la volonté de Dieu. Comment cela serait-il possible ?
N’y a-t-il pas, au contraire, certaines situations où nous allons explicitement à l’encontre de la volonté divine ?
Mâ : Pourquoi me demandez-vous cela ?
Si votre position était juste, vous ne me poseriez pas cette question, vous resteriez silencieux.
Si vous posez la question, c’est que vous savez que votre position est fausse. Il vous faut découvrir la vérité au-delà de cette apparente contradiction.
N’êtes-vous pas à la fois et selon les circonstances, un père, un fils, un mari...
Etes-vous pour autant trois personnes différentes ?
De la même manière, Dieu est Celui qui fait, Celui qui vous fait faire, et Celui qui jouit de ce qui a été fait.
C’est l’ignorance qui vous a fait poser cette question.
Quand l’ignorance est détruite par la connaissance, il n’ y a plus de place pour aucun doute...
Ainsi encore, quand vous étiez célibataire vous étiez Un.
Quand vous vous êtes marié, vous êtes devenu deux.
Quand vous avez eu des enfants, vous êtes devenu trois, quatre, cinq, etc.
Mais, quand le voile de cette ignorance est enlevé, alors vous réalisez que cette multiplicité apparente s’intègre dans l’unité de la famille que vous avez vous-même créée.
C’est pour détruire l’ignorance, obtenir la Connaissance et s’établir dans le Soi que sont pratiquées ici les sadhanas (ascèses) que vous savez.
Ces sadhanas ne sont pas faites pour obtenir un nouveau Soi, mais pour dissiper le voile qui recouvre votre Vraie Nature, présente de toute éternité.
Question : Nous vous entendons souvent dire : "Pensez à Dieu."
Mais Dieu est sûrement impensable et sans forme.
Ce à quoi on peut penser doit avoir un nom et une forme et ne peut donc pas être Dieu.
Réponse : Oui, sans aucun doute, Il est au-delà de la pensée, de la forme et de la description, et pourtant je dis : "Pensez à Lui !"
Pourquoi ?
Parce que vous êtes identifié à l'ego, parce que vous pensez être celui qui agit, parce que vous dites : "Je peux faire ceci et cela", et puisque vous vous mettez en colère, que vous êtes avide, et ainsi de suite, vous devez donc appliquer votre "moi" à la pensée de Lui.
Il est vrai qu'Il est sans forme, sans nom, immuable, insondable.
Pourtant, Il est venu à vous sous la forme du Son éternel ou de la descente de Dieu sous la forme du Verbe, ou sous la forme d'un Avatar.
Ceux-ci aussi sont Lui-même et par conséquent, si vous vous en tenez à Son nom et contemplez Sa forme, le voile qui est votre "moi" s'usera et alors, Lui, qui est au-delà de la forme et de la pensée, sera...
Vous pensez que vous vous engagez dans la sadhana, mais en réalité c'est Lui qui fait tout, sans Lui rien ne peut être fait.
Et si vous vous imaginez que vous recevez en fonction de ce que vous faites, ce n'est pas correct non plus, car Dieu n'est pas un marchand, avec Lui il n'y a pas de marchandage.
Un journaliste irlandais et un étudiant chercheur à l’Université hindoue de Bénarès vinrent pour le darshan de Mataji.
Q : Qu’avez-vous à dire sur ceux qui insistent sur le fait qu’il n’y a qu’une religion qui soit la bonne?
Ma : Toutes les religions sont des chemins vers Lui.
Q : Je suis chrétien…
Ma : Moi aussi, je suis chrétienne, musulmane, tout ce que vous voulez.
Q : Serait-il juste pour moi de devenir un hindou ou est-ce que mon approche doit se faire par la voie chrétienne ?
Ma : Si c’est votre destinée de devenir hindou, cela se produira de toutes façons. C’est comme vous ne pouvez pas demander ce qui arrivera en cas d’accident de voiture. Quand l’accident arrivera, vous verrez bien.
Q : Si je sens le besoin impérieux de devenir hindou, dois-je y céder ou est-il juste de le refouler, puisqu’on dit que chacun est né à la place qui est meilleure pour lui ?
Ma : Si vous sentez réellement le besoin de devenir hindou vous ne poseriez pas cette question, vous le feriez effectivement.
Cependant, ce problème a un autre aspect. Il est vrai que vous êtes chrétien, mais il y quelque chose d’un hindou en vous, sinon vous ne pourriez même pas connaître quoi que ce soit au sujet de l’hindouisme. Tout est contenu dans tout.
De même qu’un arbre produit des graines et que d’une seule graine des centaines d’arbres peuvent se développer, de même la graine est contenue dans l’arbre et l’arbre tout entier, potentiellement, dans une graine minuscule.
Q : Comment trouver le bonheur ?
Ma : Dites-moi d’abord si vous êtes d’accord pour faire ce que ce corps vous demandera.
R : Oui, je le suis.
Ma : L’êtes-vous réellement? Très bien. Maintenant, supposez que je vous demande de rester ici, en serez-vous capable?
R : Non, pas vraiment…(rires)
Ma : Vous voyez, le bonheur qui dépend de quelque chose d’extérieur, femme, enfants, réputation, amis ou n’importe quoi d’autre, ne peut durer ; mais trouver le bonheur en Lui qui est présent partout, votre propre Soi, voilà la chose réelle.
Q : Vous dites donc que le bonheur réside dans le fait de trouver mon propre Soi ?
Ma : Oui. Trouver votre Soi, découvrir ce que vous êtes réellement signifie trouver Dieu, car il n’y a rien en dehors de Lui.
Q : Vous dites que tout est Dieu ; mais certaines personnes ne sont-elles pas plus Dieu que d’autres ?
Ma : Pour celui qui pose cette question, il en est ainsi ; mais en réalité, Dieu est pleinement et également présent partout.
Q : N’y a-t-il pas de substance en moi en tant qu’individu ? N’y a-t-il rien en moi qui ne soit pas Dieu ?
Ma : Non. Même dans le fait de ‘ne pas être Dieu’, il n’y a que Dieu seul. Tout est Lui.
Q : N’y a-t-il aucune justification au travail professionnel ou dans le monde ?
Ma : S’occuper d’affaires mondaines agit comme un poison lent (jeu de mot probable entre vishay, les objets mondains et vish, le poison).
Progressivement, sans même s’en apercevoir, cela mène à la mort.
Est-ce que je dois conseiller aux Pitaji et Matajis (aux pères et mères) qui viennent me visiter de suivre ce chemin ? Je ne le peux.
Ce que ce corps dit est : "Choisissez la Voie de l’Immortalité, prenez le chemin qui, d’après ce que vous sentez de votre tempérament, peut mener à la Réalisation de votre Soi."
Néanmoins, même en travaillant dans le monde, il y a une chose que vous pouvez faire.
Quoi que vous fassiez tout au long de la journée, essayez de le faire dans un esprit de service.
Servez Dieu en chacun, considérez tous et tout comme Ses manifestations et servez-Le quel que soit le travail que vous entrepreniez.
Si vous vivez dans cet état d’esprit, le chemin vers la Réalité s’ouvrira devant vous.
Q : Mais ne dites-vous pas Hari kathâ hi kathâ aur dab vrithâ viathâ : on doit parler de Lui seul, tout le reste n’est que vanité et souffrance.
S’il n’y a que le Un-sans-second, comment peut-il y avoir des paroles et un discours ?
Mâ : Demeurez seulement en Lui, habitez seulement en Lui !
On ne peut Le laisser de côté, bien qu’on puisse essayer de L’exclure.
Il est toujours là, mais si vous Le reconnaissez, Il sera aussi là sur le plan où les conversations et les discussions existent.