Maya
L’épouse de l’ambassadeur hollandais et son amie, toutes deux psychologues jungiennes, sont venues voir Mâ et ont posé les questions suivantes :
Q : En psychologie, on guérit les patients en leur parlant, mais ici on dirait que votre émanation guérit les gens sans paroles. Nous essayons d’aider les gens. Que devons-nous faire pour eux en priorité ?
Mâ : En ce monde, qui peut être considéré comme normal ? Tout le monde est un peu fou : certains courent après l’argent ou la beauté, d’autres sont passionnés par la musique ou entichés de leurs enfants, etc. Ainsi nul n’est parfaitement équilibré.
Q : Quel est donc le remède ?
Mâ : De même que l’on n’arrose pas les feuilles d’un arbre mais ses racines, de même il faut s’attaquer aux racines de la maladie des hommes. Le remède à toutes les maladies consiste à stopper les fluctuations mentales. Quand l’esprit aura cessé de s’agiter, alors tout ira bien pour l’individu, tant au niveau physique que psychologique.
Q : Comment les fluctuations mentales peuvent s’arrêter ?
Mâ : En comprenant le chemin qui permet de découvrit “Qui suis-je ?”.
Le corps, qui passe de la jeunesse à la vieillesse, finit par disparaître. Ce n’est pas le vrai je.
L’homme doit donc découvrir sa véritable identité. Quand il s’y emploiera, son esprit recevra la nourriture qui le calmera. L’esprit ne peut trouver une nourriture adéquate dans les choses de ce monde, qui sont périssables, mais seulement dans cela qui est Eternel. Le rasa, le nectar de cet Eternel, pacifiera l’esprit.
C’est la Joie qui est à l’origine de l’univers, et c’est pourquoi les choses éphémères de ce monde procurent une joie passagère. Sans joie, la vie est un supplice.
Vous devez donc découvrir cette Joie pure qui a engendré le monde et qui est l’essence même de votre être. Et cela se produit quand les fluctuations mentales s’arrêtent.
Q : Je suis pris dans les filets de l'illusion (mâyâ). Comment en sortir ?
Mâ : A la machette.
C'est comme ça qu’on se fraie un chemin dans la jungle. Pour cela, il faut déjà s'enfoncer dans la jungle.
Nous parlons de l'illusion de qui ? Les jeux d'illusions de Dieu n'ont pas de commencement. Pourtant ils peuvent avoir une fin.
Même au plus profond de la jungle, on peut ouvrir une clairière.
Un pot bien astiqué révèle sa qualité. "Cela qui est" resplendit quand on a suffisamment frotté !
Comment retirer la pellicule de l'illusion ? Dans la compagnie des sages, et en suivant les conseils de son guide (guru).
Tant que le guide de n'a pas été trouvé, tous les noms font écho à Son Nom, toutes les formes sont Sa forme, toutes les qualités, Sa qualité.
Réfléchissez bien à cette question : comment me libérer de l'illusion ?
Quelle est la voie ? Quels sont les moyens ?
D'une façon ou d'une autre, pensez toujours à Lui.
Nos pensées, nos paroles, dédions-les Lui. Le reste n'est que futilité et souffrance.
Vijayananda a demandé : ‘Peut-on atteindre la Réalisation en intensifiant une émotion comme l’amour?’
Mâ : Oui, prema, l’amour pour Dieu, est une voie. Mais ce que le monde appelle amour est moha, "illusion".
Il n’y a pas d’amour vrai entre les individus. Comment pourrait-on recevoir un pur amour de quelqu’un qui est limité par l’égocentrisme et la possessivité ?
Les gens me disent : “Mon amour pour Untel est vrai, ce n’est pas un amour ordinaire”.
Mais ils se bercent d’illusion, moha est toujours un amour pour ce qui est mortel et conduit donc à la mort.
Si vous ne pouvez pas obtenir l’objet de votre amour, vous voulez le tuer ou mourir vous-même.
Mais l’amour de Dieu, prema, conduit à la mort de la mort, à l’Immortalité.
C’est la raison pour laquelle, dit-on, c’est un péché de considérer que le Guru est limité à un corps humain. Il faut considérer que le Guru est Dieu.
Je connais une femme qui voulait se suicider quand son Guru est mort ; je lui ai dit :
‘Un Guru meurt-il ? Ce n’est pas parce qu’il a quitté son corps qu’il est mort.
Le Guru est omniprésent et n’abandonne jamais son disciple. Si vous voulez mettre fin à vos jours parce qu’il est parti, cela montre que vous l’aimez comme une personne, pas comme un Guru.’
Il arrive que les gens tombent amoureux de leur Guru, mais s’il s’agit d’un guru authentique il peut sublimer leur amour et le diriger vers le Divin. Mais s’il n n’a pas transcendé la personnalité, alors il y aura des problèmes.
Il arrive assez souvent que des jeunes filles inexpérimentées ou de jeunes veuves, voire des femmes mariées, se laissent entraîner sur un mauvais chemin. On dit qu’il faut abandonner son être entier, corps, esprit et coeur au Guru. Abandonner son corps signifie abandonner ses désirs au Guru afin qu’ils puissent être éliminés : cela ne signifie pas s’abandonner physiquement.
Q : Pourquoi Dieu permet-il tant de souffrances dans le monde ?
Demandez à qui que ce soit ici : personne n'est heureux et pourtant tous veulent l'être.
Mâ : Si vous désirez les choses de ce monde, vous serez malheureux et si vous progressez vers Dieu, vous serez heureux.
C'est la manière dont il vous enseigne à venir vers Lui.
Si vous n'aviez pas de difficultés, vous ne penseriez pas à Lui. Mais vous désirez toutes sortes de choses et ainsi vous êtes malheureux.
Il y a l'histoire de l'âne qui est une bonne illustration de la façon dont les choses fonctionnent dans ce monde.
Un dhobi (blanchisseur) possédait quelques ânes pour porter les habits dont il avait fait la collecte pour les laver.
Comme il était pauvre, sa maison était trop petite pour garder les ânes à l'intérieur et il les laissait dehors pendant la nuit. Il ne pouvait même pas s'offrir assez de corde pour tous les attacher. Les ânes s'enfuyaient et le dhobi passait des heures à essayer de les retrouver.
Il eut donc une idée astucieuse. Il noua autour d'une de leurs pattes un petit bout de corde et chacun, pensant par ce contact qu'il avait été attaché, resta debout au même endroit pendant toute la nuit.
Il en va de même dans le monde. Vous sentez le contact de Mâyâ et vous imaginez que vous êtes liés.
Vous pensez : comment puis-je faire sans mes enfants, mon mari, ma femme, mes parents, etc., et ainsi vous restez là où vous êtes et ne progressez pas vers Lui.
Un jour, un jeune homme moderne très audacieux osa dire carrément à Shrî Mâ que la félicité pourrait être aisément expérimentée en prenant des drogues appropriées, aussi pourquoi devrions-nous aller vers autant d’austérité (tapasya) ?
Shrî Mâ répliqua :
Oui, mais ces expériences sont passagères et non parfaites. Elles ont des répercussions déplaisantes.
La félicité, selon les Ecritures, ne peut pas être provoquée artificiellement parce qu’elle n’est pas liée au physique ou au mental, ni même au niveau intellectuel. En effet, on ne peut rien faire pour nous y amener. On peut seulement se préparer et attendre cet évènement comme une réalisation.
Ce n’est pas un état d’âme, mais on devient la nature même de la félicité.
Shrî Mâ était connue en général pour éviter la terminologie moderne concernant les états élevés de conscience.
Je l’entendis une fois dire avec emphase :
Parler de l’expansion de la conscience sans référence à la foi et à la dévotion est pure indulgence euphorique (vilasa).
Si vous laissez Dieu en dehors de vos intérêts dans la vie, alors vous vous désengagez du chemin qui mène à la paix absolue.