"Je"
Mâ (en riant) : Baba, qu'est-ce qu'on appelle philosophie ?
Upendra : Qu’est-ce que j'en sais ?
Mâ : Oh! Vous connaissez tant de choses ! Vous enseignez les garçons (en me regardant) : Est-ce que ce n'est pas vrai ? Est-ce qu'il n'est pas professeur ?
Moi-même : Oui, Mâ, il enseignait, mais maintenant il est à la retraite.
Mâ (en riant) : Ainsi donc, vous êtes un enseignant plein d'expérience. Dites-moi, qu'est-ce que signifie "philosophie"?
Upendra : Je ne pourrais parler que simplement si vous me le demandez. Pourquoi ne parlez-vous pas ?
Mâ : Qu'ai-je donc étudié ? Vous, dites-nous !
Upendra : Parler de quelque chose dont on n'a pas la connaissance, voilà ce qu'on appelle philosophie!
Mâ : Peut-on parler sans connaître quoi que ce soit?
Upendra : Bien qu'on ne sache pas, on prétend savoir.
Mâ (en riant) : Oui, c'est savoir quelque chose sans le comprendre. Mais Baba, vous avez très bien parlé, en fait.
Afin de Le connaître, vous devez entrer dans votre vraie nature.
Vous demeurez dans le royaume du manque constant. Tout ce que vous faites ne fait que produire de plus en plus de manque. Il ne peut y avoir de paix tant que vous ne transformez pas cet état de manque (abhâva) en votre vraie nature (svabhâva).
Upendra : Que devons-nous faire ?
Mâ : Je vous répète ce que je dis à tout le monde : commencez avec vos études ! Ce qui est destiné à arriver aura lieu de lui-même.
Tenez, quand les enfants commencent à étudier, ils ont d'habitude un sujet dans lequel ils sont particulièrement forts. De même, quand quelqu'un se met en chemin pour la quête de la réalisation de Dieu, tout ce qui doit être fait se trouve révélé à partir de son propre intérieur. C'est pour cela qu'on dit que Dieu brille de Lui-même. Il montre lui-même le chemin qui mène à Sa réalisation. Ce qui est nécessaire pour vous, c'est simplement de vous mettre au travail - de commencer vos études.
Très souvent, vous niez que votre mental soit agité et qu'il vous est impossible de le stabiliser. Mais en fait, de par sa propre nature, le mental ne peut se reposer. C'est pour cela que je considère le mental comme un enfant. L'intelligence et le sens du 'je' (ahamkâra) sont les parents du mental - enfant. De même que le père et la mère influencent leur enfant qui ne veut pas travailler de différentes façons afin de le persuader d'apprendre à lire et à écrire, ainsi, grâce au discernement de votre sens du 'je' et de votre intelligence, vous devez concentrer votre mental. Ce travail doit être accompli avec patience et avec le zèle d'un esprit bien unifié. Sinon, il n'y aura pas de résultats. De même que quand vous désirez extraire de l'eau du sol, vous devez creuser patiemment à l'endroit choisi et ne pas piocher un peu par ici un peu par là, de même, afin de réaliser Dieu, vous devez pratiquer pendant longtemps avec une dévotion unifiée et une persévérance des plus grandes.
Souvent, on entend dire, quel que soit le nombre de fautes que le plus grand des pécheurs puisse avoir commis, ils seront tous purifiés en prononçant le nom de Râm même une seule fois. Cela est tout à fait vrai, tout comme une seule étincelle de feu brûle plus d'objets que ce que l'homme ne pourra jamais accumuler. Que vous récitiez son nom ou que vous l'adoriez, quoi que vous fassiez pour réaliser Dieu, si vous l'effectuez avec une patience sans faille et une dévotion unifiée, vous trouverez le chemin de la paix durable.
En nettoyant la forêt, vous obtenez un champ, vous n'avez pas besoin de créer un nouveau champ.
Vous répétez souvent "je-je" (ahamkar) "je suis Lui" (soham), n'est-ce pas ?
Savez-vous où cela mène ? C'est comme l'arbre et son ombre, si vous suivez l'ombre, vous arriverez à l'arbre.
De même, en vous concentrant sur "aham", vous arriverez au "soham".
(Elle contemplait une feuille de bougainvillier)
Mâ : Comme c'est beau ! Regardez, les feuilles sont ocres.
Le visiteur : Dans mon pays toutes les feuilles tournent à l'ocre à l'automne.
Mâ : Dans votre pays ? Quel est votre pays ?
Le visiteur : Là où j'était avant de venir en Inde.
Mâ : Avant, ça veut dire quoi ? Et avant, où étiez-vous ?
Le visiteur : Avec vous.
Mâ : Avec moi ? Comment le savez-vous ?
Le visiteur : Vous le savez !
Mâ : Comment savez-vous que je sais ?
Le visiteur : Je ne sais pas.
Mâ : Comment savez-vous que vous ne savez pas ?
Le visiteur : Je ne sais rien ; je suis un fou !
Mâ : Comment savez-vous que vous êtes un fou ?
Le visiteur : Maintenant, il vaudrait mieux que je reste silencieux !
Mâ : Et quelle sera l'utilité de votre silence ?
Le visiteur : Des propos vains et insensés ne seront pas prononcés.
Mâ : Et pour quel avantage ?
Le visiteur : Je n'en sais rien.
Mâ : Vous n'en savez rien ? Vous redites que vous n'en savez rien ? Quelqu'un qui ne sait rien peut-il s'agacer ? Si l'on sait, on peut s'irriter de voir que les choses ne sont pas comme elles devraient être ! Mais un fou ne peut pas être dépité, car il ne sait pas ce qui devrait être. Toujours, souvenez-vous que vous êtes un fou et que par là rien ne peut vous décevoir. C'est le "je" qui proteste et c'est le "je" dont il faut se défaire. Alors le fou sera peut-être un éveillé...
En tout cas, gardez en tête que vous ne savez rien et que de ce fait rien ne peut vous irriter. Alors le "je" s'évanouira et la joie surgira.
Q : Dieu nous a donné le sens du "moi". Il nous l'ôtera de toute façon. A quoi bon renoncer ?
Mâ : Pourquoi posez-vous cette question ? Restez tranquille ; ne demandez rien.
Q : Comment rester tranquille ?
Mâ : C'est là que le renoncement est nécessaire.