Deux livres ont été rajouté :
- "Trois saintes" de Jad Hatem
- "La Piste"de Madhuri
Pour ces deux ouvrages, l'introduction ou l'avant-propos a été publié.
On a rajouté également l’introduction de : "Introduction à la philosophie indienne de la connaissance de l'absolu, selon Srî Mâ Ânandamayî ", de Swami Kedarnath.
Je voudrais m’attarder sur celui-ci.
Parce que, probablement, ce livre ne sera lu que par des amateurs ou des férus de philosophie… ou par ceux qui veulent mettre de l’ordre et mieux structurer les enseignements de Mâ.
Auparavant, je me suis tellement fait avoir par le mental — et sa capacité de tout réinterpréter sur des bases infondées—, que j’ai beaucoup de réticences à l’idée de structurer, mentaliser ou conceptualiser l’enseignement de Mâ.
Ça me paraît être une idée… inutile… voire inconvenante…
J'ai bien peur que ce ne soit une façon, pour beaucoup d'entre nous, de repousser le moment véridique à plus tard.
Srî Mâ Ânandamayî ne disait-elle pas : "Parce que vous êtes en chemin, vous discutez des "chemins"."
La Réalité ne peut pas être définie. Elle ne peut être que « réalisée ». Et quand elle est « réalisée », toute notre compréhension antérieure à la réalisation est transformée en une intelligence totalement nouvelle ou « prajna », qui dépasse toute compréhension.
Je ferai peut-être des commentaires régulièrement, dans de prochains posts, sur les passages lus, mais pour l’instant, l’idée même de ce livre me dérange… enfin, me dérangeait, jusqu’à ce que je lise l’introduction du Swami.
J’ai bien du mal avec le thème même de ce livre : concevoir les enseignements de Mâ Ânandamayî sous l’aspect de la philosophie. Quelle étrange idée, me suis je dit.
Ici, Swami Kedarnath nous montre qu’il met toutes les perspectives en place afin de bien mettre en évidence que seule la réalisation directe peut permettre la connaissance de l’absolu. Et donc le terme « philosophie » a une autre connotation en Inde (par rapport à ce que l’on connaît en Occident).
On peut ajouter que c’est cette réalisation directe ou « vision » qui fait de la philosophie un « darsana » (vision de la Vérité). Et c’est cette vision qui transmue la conception en perception et rend la connaissance de la Vérité complète et absolue.
Je ne sais plus où j’avais lu cela, mais il était question d’un chercheur de vérité qui avait touché les sommets et avait un début de réalisation. Cela a été si intense et impressionnant qu’il a eu du mal à le supporter et encore moins à rendre la chose permanente. Il s’est alors réfugié dans la mystique. Et le commentaire mettait en évidence que c’est ce qui peut arriver ; la mystique ou la philosophie sont les lieux où le mental a encore une assise pour gagner du temps et se maintenir.
En Occident, la philosophie est pour ainsi dire une structure mentale hyper développée, basée sur la capacité qu’à ce mental de se chercher dans sa propre volonté de dépassement.
Gilles Deleuze — qui avait l’intime conviction d’être le dernier à connaître le sens profond de ce qu’est la philosophie — disait qu’il est question essentiellement de « fêlure du cristal ».
Lorsque la structure cristalline se fissure et permet de laisser entrer des rayons de lumière (par la fêlure), c’est toute sa dimensionnalité qui ressurgit sous une nouvelle perspective. Il décrivait cette perspective, cette vision, comme quelque chose de si grand que le philosophe qui l’aurait reçue ne pourrait le supporter, la chose étant beaucoup trop grande pour lui.
On constate au passage qu’il est aussi question de perception et de vision. Mais qui a vu et qu'est-ce qui a été vu ? Le craquement lié à la fêlure ouvre un champ où circulent des images actuelles et virtuelles, les lignes de fuites ne mènent pas à l'absolu, mais à des replis incessants, des recoupements sur mille plateaux. C'est proche de la folie, quand les références se perdent à l'infini, d'un réveil hors du temps linéaire.
Et que fait-on lorsqu’on perçoit une fraction d’immensité, bien trop grande pour soi ?
On construit des concepts qui tendent à rendre cette vision à la conscience, à les architectoniser et à les re-territorialiser sur de nouveaux plateaux… un peu comme on transcoderait une vision en peinture ou en musique.
La philosophie, pour Deleuze, c’était essentiellement l’acte - quasi artistique - de création : la création de concepts.
Dans un monde où tout peut être redéfini, il y a de réelles dérives possibles. Et la philosophie deleuzienne en est porteuse. La chose, bien qu’abstraite, porte à des conséquences jusqu’à restructurer une société et une vision du monde.
Voilà pourquoi j’ai décidé il y a bien longtemps de me désintéresser complètement de la philosophie…
La carte n'est jamais le paysage, et encore moins celui qui observe et traverse le paysage.
Car ce n’est pas l’opération mentale, via des concepts philosophiques, qui doit restructurer le réel mondain. C’est plutôt l’abandon à la Réalité Ultime qui doit restructurer le mental…jusqu’à le rendre lisse comme un miroir.
Même si Deleuze disait que le philosophe est essentiellement un personnage qui s’abandonne jusqu’à ce que le cristal en lui se fissure…
Mais sans être attaché au Réel et à la Vérité Absolue, une déstructuration mentale peut amener n’importe où… à faire n’importe quoi…
La Vérité ne peut être connue en traçant les lignes de schémas de pensée sur la toile du mental. Le ou les modèles peuvent être appréciables, mais ils ne sont que des « pensées » de la Réalité et non la Réalité « telle qu’elle est ».
La philosophie de l’absolue, avec l’enseignement de Mâ Ânandamayî, c’est bien autre chose.
Et heureusement, Swami Kedarnath nous met en confiance lorsqu’il témoigne que, lors de sa première rencontre avec Mâ, sa réaction a été de fondre en larme.
Ce n’est que par cet effondrement que nous pouvons savoir que quelque chose d’indescriptible (dont le mental ne s’est rien en faire) a dominé tous les horizons de l’être…
La conscience de soi, pour ainsi dire, avait fait place à une Réalité qui n’avait ni parole à dire, ni mental pour penser ou analyser.
(...)C’était comme un voyage d’une âme vide vers une Réalité qui est plénitude, et qui englobe paradoxalement tous les opposés tels que l’Être et le Non-être
(...) la Vérité ne fut désormais pour moi ni négation exclusive, ni affirmation isolée, mais un « Rien » silencieux et illuminé qui est une synthèse des deux et résout toutes les contradictions.
(...) Ce qui apparaît comme une contradiction pour l’intelligence, est une résolution pour la « révélation ». Là où le mental échoue, la foi l’emporte.
Swami Kedarnath, n’envisage pas philosophiquement l’enseignement de Mâ… c’est plutôt toute la philosophie indienne qui doit être relue avec les yeux du petit enfant, en larme devant Mâ, percevant Mahâsûnya (le Grand Vide) jusqu’au plus intime.
Là encore, il s’agit de déstructuration… mais cette fois… c’est Vivant…Réel… Absolu…
L’expérience qu’il décrit, et qui parle a beaucoup de personnes, n’est pas l’aboutissement, ce n’est que le début de Yatra…
Je voulais parler de tout ceci, car j’ai été ému et interpellé en lisant Swami Kedarnath…
Quelle quête !
La lecture n’est pas simple, car la philosophie a cet art étrange de sculpter l’abstrait et d’en rendre l’exercice hautement chirurgical, complexe… Mais c’est une voie vénérable comme une autre.
S’il y a bien quelque chose que j’ai perçu en lisant, ce mois-ci, c’est qu’on désigne souvent par un même mot ce qui constitue le chemin et à la fois ce qui en est l’aboutissement…
C’est en prenant tel chemin, que ce chemin même mutera en accomplissement, de sorte qu’ils portent le même nom… parce que la graine porte l’arbre en potentiel… et que l’arbre actualisé est la manifestation de la graine…
Mais qu’on ne s’y trompe pas
une « voie » n’est pas le « but » tant que l’on est sur la voie.
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Two books have been added:
- "Three Saints" by Jad Hatem
- "The Trail" by Madhuri
For these two books, the introduction or foreword has been published
We also added the introduction of: "Introduction to the Indian philosophy of the knowledge of the absolute, according to Srî Mâ Ânandamayî", by Swami Kedarnath.
I would like to dwell on this one.
Because, probably, this book will be read only by amateurs or enthusiasts of philosophy... or by those who want to put order and better structure the teachings of Mâ.
Previously, I was so taken in by the mind - and its capacity to reinterpret everything on unfounded bases - that I have a lot of reservations about the idea of structuring, mentalizing or conceptualizing the teachings of Ma.
It seems to me to be an idea... useless... even unseemly...
I am afraid that it is a way, for many of us, to postpone the true moment to later.
Didn't Srî Mâ Ânandamayî say: "Because you are on a path, you discuss 'paths'. "
The Reality cannot be defined. It can only be "realised". And when it is "realised", all our understanding prior to realisation is transformed into a totally new intelligence or "prajna", which is beyond all understanding.
I may comment regularly, in future posts, on the passages read, but for the moment, the very idea of this book bothers me... well, bothered me, until I read the Swami's introduction.
I have a lot of trouble with the very theme of this book: conceiving the teachings of Mâ Ânandamayî under the aspect of the philosophy.
Here, Swami Kedarnath shows us that he puts all the perspectives in place in order to make it clear that only direct realisation can allow the knowledge of the absolute.
And so the term "philosophy" has a different connotation in India (compared to what we know in the West).
We can add that it is this direct realisation or "vision" that makes philosophy a "darsana" (vision of the Truth).
And it is this vision that transmutes conception into perception and makes the knowledge of Truth complete and absolute.
I don't remember where I read this, but it was about a truth seeker who had reached the heights and had a beginning of realisation and it was so intense and impressive that he found it hard to bear, let alone make it permanent.
So he took refuge in mysticism. And the commentary made it clear that this is what can happen; mysticism or philosophy are the places where the mind still has a place to stall and maintain itself.
In the West, philosophy is a hyper-developed mental structure, so to speak, based on the ability of the mind to seek itself in its own will to surpass.
Gilles Deleuze - who was convinced that he was the last person to know the deepest meaning of philosophy - said that it is essentially a question of the "cracking of the crystal": when the crystalline structure cracks and allows rays of light to enter (through the crack), its entire dimensionality reappears in a new perspective. He described this perspective, this vision, as something so great that the philosopher who received it could not bear it, the thing being much too big for him.
We see in passing that it is also a question of perception and vision. But who saw and what was seen? The cracking of the crack opens up a field in which actual and virtual images circulate, the lines of escape do not lead to the absolute, but to incessant folding, to overlaps on a thousand trays.
It is close to madness, when references are lost in infinity, to an awakening outside linear time.
And what do we do when we perceive a fraction of immensity, far too great for us?
We construct concepts that tend to return this vision to consciousness, to architectonize and re-territorialize it on new tray... a bit like transcoding a vision in painting or music.
Philosophy, for Deleuze, was essentially the quasi-artistic act of creation: the creation of concepts.
In a world where everything can be redefined, there are real possible drifts. And Deleuzian philosophy is the bearer of them.
The thing, although abstract, has consequences that go as far as restructuring a society and a vision of the world, which is why I decided a long time ago to lose interest in philosophy...
The map is never the landscape, and even less so the one who observes and traverses the landscape,
Because it is not the mental operation, via philosophical concepts, that must restructure the worldly real.
Rather, it is the surrender to the Ultimate Reality that must restructure the mind... until it becomes smooth as a mirror.
Even if Deleuze said that the philosopher is essentially a character who surrenders until the crystal in him cracks...
But without being attached to the Real and the Absolute Truth, mental destructuring can lead anywhere... to doing anything...
Truth cannot be known by drawing the lines of thought patterns on the canvas of the mind.
The pattern or patterns may be appreciable, but they are only "thoughts" of Reality and not Reality "as it is".
The philosophy of the Absolute, with the teaching of Ma Ânandamayi, is something else.
And fortunately, Swami Kedarnath gives us confidence when he testifies that, on his first meeting with Ma, his reaction was to burst into tears.
It is only through this collapse that we can know that something indescribable (which the mind did not care about) dominated all the horizons of the being...
Self-consciousness, so to speak, had given way to a Reality which had neither words to say nor mind to think or analyse.
(...) It was like a journey from an empty soul to a Reality which is fullness, and which paradoxically embraces all opposites such as Being and Non-Being
(...) Truth was henceforth for me neither an exclusive negation nor an isolated affirmation, but a silent and enlightened "Nothing" which is a synthesis of both and resolves all contradictions.
(...) What appears as a contradiction to the mind is a resolution to "revelation".
Swami Kedarnath does not consider the teaching of Ma philosophically...
it is rather the whole of Indian philosophy that must be reread with the eyes of the little child, in tears before Ma, perceiving Mahâsûnya (the Great Emptiness) to the most intimate level.
Here again, it is a question of destructuring... but this time... it is Living... Real... Absolute...
The experience he describes, and which speaks to many people, is not the end, it is only the beginning of Yatra...
I wanted to speak about all this, because I was moved and challenged by reading Swami Kedarnath...
What a quest!
It is not an easy reading, for philosophy has this strange art of sculpting the abstract and making its exercise highly surgical, complex...
But it is a venerable path like any other.
If there is something that I have perceived while reading this month, it is that we often designate by the same word what constitutes the path and at the same time what is the outcome...
It is by taking such a path that this very path will mutate into an accomplishment, so that they bear the same name... because the seed bears the tree in potential... and the actualised tree is the manifestation of the seed...
But let there be no mistake,
a "path" is not the "goal" as long as one is on the path.