Extrait
chapitre
numéro
16

Histoires

itinéraire avec Mâ Ananda Moyî, textes rassemblés et présentés par Jacques Vigne
Lyon : Ed. Terre du ciel, 1997

Chapitre VIII - HISTOIRES


LA FASCINATION DES BIENS MATÉRIELS

(Vijayânanda trouve cette histoire si importante qu'il dit en souriant qu'on devrait l'afficher dans toutes les chambres de tous les âshram...)

Il était une fois un guru qui avait un très bon disciple, un brahmacharin qui était inspiré par l'esprit de renoncement : il ne possédait rien, si ce n'est un kupinam (Kupinam, linge servant de caleçon, le vêtement minimum).
Un jour, son guru lui dit : « Tu vas te rendre dans un endroit isolé pour l'y consacrer à la méditation. Je te donnerai un mantra et je viendrai voir dans quelques années comment ça va. »
Alors notre jeune homme est parti et s'est mis à pratiquer la méditation selon les instructions de son guru.
Son programme journalier était le suivant : le matin il se levait, lavait son kupinam, le faisait sécher sur l'herbe, puis commençait sa méditation. Ensuite, vêtu de son seul kupinam, il allait au village pour mendier sa nourriture ; il revenait pour le repas et s'asseyait de nouveau pour la méditation.
Un jour, un rat ou une souris fit des trous dans son kupinam. Notre brahmacharin était désespéré ; c'était sa seule possession. Il l'a raccommodé tant bien que mal et, en mendiant sa nourriture au village, il a dit aux gens qu'il n'avait plus de kupinam. Les villageois lui dirent: « Cela ne fait rien, on va te donner un autre kupinam ! »
Ainsi fut fait. Il était tout à fait heureux avec son nouveau kupinam, et il a recommencé son programme journalier.
Quelques jours après, la même histoire s'est reproduite. Une souris a de nouveau fait des trous à son kupinam ; il va de nouveau au village et redemande un kupinam que les villageois lui ont volontiers donné.
Cette histoire est arrivée deux ou trois fois.
Finalement, les gens se sont fatigués et lui ont dit: « Bâbâ, on ne va pas te donner tous les jours un nouveau kupinam ! On va te donner un chat, tu le garderas près de toi, le chat chassera les souris et celles-ci ne viendront plus manger ton kupinam ! »
Le brahmachârin a alors emmené son chat, et les souris se sont éloignées. Il était tout heureux, son kupinam n'était plus déchiré par les souris.
Seulement voilà, il y avait un autre problème. Il fallait nourrir le chat, lui donner du lait.
De ce fait, quand il allait au village, il demandait aux gens : « S'il vous plaît, donnez-moi aussi un peu de lait pour mon chat. » Les villageois lui ont donné volontiers du lait pour le chat.
Cela s'est reproduit plusieurs jours, pendant une semaine ou deux, et les villageois ont fini par se fatiguer. « Eh, Bâbâ, on ne va pas te donner tous les jours du lait ! On va te donner une vache, tu vas la traire et tu auras du lait pour nourrir ton chat. »
Alors il a emmené la vache, a appris à la traire et ainsi il a eu du lait tous les jours pour lui et pour son chat.
Mais un nouveau problème est apparu : il fallait nourrir la vache. Quand il allait mendier, il demandait aux villageois de lui donner du foin pour nourrir sa vache. Les villageois lui ont d'abord donné du foin, puis finalement se sont lassés et lui ont dit : « Eh, Bâbâ, on ne va pas toujours te donner du foin ! Il y a des terres en friche près de ton âshram. Tu vas les cultiver, on va te donner du blé à semer, il va pousser, tu auras du blé pour faire tes roti (Roti, galette de froment), et tu auras de la paille pour ta vache.
Alors il a dit oui, car il était obéissant et très influençable, comme beaucoup de brahmachârin et de sâdhu. Il a fait cela, récolté son blé, en a semé une partie à nouveau, a commencé à stocker de la paille. Finalement, au cours des années, il n'a plus pu faire le travail lui-même. Il a dû demander aux villageois des hommes pour l'aider.
Au début, ils lui en ont donné, mais après ils lui ont dit : « Bâbâ, on va te donner une femme, tu vas te marier avec elle, elle t'aidera, elle te donnera des enfants et les enfants t'aideront à leur tour. »
C'est ce qu'il a fait, et petit à petit son âshram s'est transformé en une grande propriété, avec des greniers pour le foin et le blé, des ouvriers comme dans une entreprise.
Un jour, son guru est venu. Il a vu la ferme, avec des gens occupés à droite et à gauche.
Il a demandé à un homme : « Dis donc, j'avais mis un brahmachârin ici, qu'est-il devenu ? Est-il parti ? »
L'homme répondit : « Non, non, il est debout là-bas. »
Notre brahmachârin était habillé comme tout le monde, il donnait des ordres à ses ouvriers.
Son guru s'est approché de lui.
Quand le brahmachârin l'a vu, il est tombé à genoux et a dit : « Guruji, regardez ! Tout ça, c'est à cause d'un kupinam ! »


LE POUVOIR DE LA COMPAGNIE DES SAGES

Kabir habitait à Bénarès au XVe siècle. Il était d'humble condition et se promenait habillé comme un pauvre.
Un jour, un homme riche, au caractère plutôt violent et méchant, I'interpella, le prenant pour un porteur : « Eh, toi, viens par ici, j'ai besoin de toi pour porter mes chargements ! »
Kabir accepte, mais le riche lui dit : « Dis-moi d'abord combien tu demanderas !
- Comme vous voulez !
- Vous tous, les porteurs, vous dites cela, mais à la fin vous demandez le double du prix !
- La question n'est pas si importante, dit Kabir, car dans vingt minutes vous allez mourir, mais quand vous verrez les anges de la mort et qu'ils vous laisseront le choix d'avoir d'abord une journée de paradis, saisissez l'occasion !
- Comment cela ! Porte d'abord mes affaires jusqu'à chez moi, et là-bas, tu verras à la raclée que je vais te donner que je ne suis pas mort ! »
Arrivé devant sa maison, le riche tombe raide mort. Les anges de Yama viennent le prendre, font les comptes de ses mauvaises actions sur le Grand Livre ; elles étaient tellement nombreuses qu'ils se sont dit : « Celui-là, il est bon pour l'enfer ! » mais par acquis de conscience, ils jettent un coup d'œil à la page de droite du livre et voient que le riche a passé vingt minutes avec le grand sage Kabir.
A cause de cela, ils lui laissent le choix d'aller d'abord une journée au paradis ou d'abord en enfer. Le riche se souvient du conseil de Kabir et choisit d'aller d'abord une journée au paradis.
Là il rencontre Kabir qui lui enseigne le taraka mantra (le mantra qui sauve), et quand les messagers de Yama viennent le chercher, ils ne peuvent plus rien contre lui.


UN VOLEUR CONVERTI PAR QUELQUES SECONDES DE SATSANG

Un voleur professionnel devenait vieux et avait décidé de former un successeur. Il avait appris à son fils le métier de voleur, et celui-ci était devenu un expert en la matière.
Le père lui avait donné comme dernier conseil : « Surtout, pas de satsang (compagnie des sages), cela pourrait ruiner ta carrière ! »
Le fils avait scrupuleusement suivi ce conseil, sauf une fois où, passant par hasard devant une assemblée, il avait entendu le prêcheur dire :
« Il y a deux signes d'authenticité pour une apparition de dieu ou de déesse ; leur corps ne fait pas d'ombre et leurs pieds ne touchent pas terre. »
Un jour, avant de tenter un vol réellement important et risqué, il va à un temple isolé de Kâlî, le rendez-vous des voleurs, et prie ainsi : « O Mère, si tu fais en sorte que ce coup réussisse, je t'apporterai des offrandes de diamants, d'or et de nourriture en quantité ! Un second voleur, qui était lui de petite envergure, était là tapi dans l'ombre et entendit la prière.
Il se dit : « Je vais faire une bonne affaire. Une fois qu'il aura laissé ses offrandes à Kâlî, il suffira de les prendre et de m'en aller. Je n'ai qu'à attendre ici ! »
Le premier voleur réussit à voler le trésor qu'il avait convoité, mais, pas voleur pour rien, oublia sa promesse à Kâlî.
Le second voleur attend longtemps, s'impatiente et finalement monte un stratagème. Il se déguise en Kâlî, avec tout l'attirail nécessaire : le masque avec la langue pendante, le collier de crânes et le sabre. Il vient un soir tard à la maison du premier brigand, pousse brusquement la porte et se met à hurler : « Tu es un voleur, voleur que tu es ! Tu n'as pas tenu ta promesse ! Je vais te tuer et toute ta famille avec ! »
Dès qu'ils ont entendu cela, tous les gens qui entouraient le grand voleur se sont sauvés, et il est resté là tout seul.
Il a dit : « Bien sûr, bien sûr, je vais te donner tout de suite ce qui te revient ; attends juste une seconde que j'allume la lampe. » Une fois la lampe allumée, il regarde Kâlî et voit que son corps portait une ombre.
Il jette un coup d'œil à ses pieds et voit qu'ils touchaient terre. Les deux seules phrases qu'il avaient entendues en satsang lui reviennent en ce moment crucial.
Il comprend la situation et se met à crier : 'À l'aide ! À l'aide ! C'est un imposteur ! »
Le second voleur laisser tomber là tout son attirail de Kâlî, prend ses jambes à son cou et disparaît.
Le premier voleur avait ainsi sauvé son magot, et peut-être même sa vie.
Après cette expérience, il s'est mis à réfléchir : « Si deux simples phrases de satsang m'ont tellement aidé, je gagnerai sûrement beaucoup plus à avoir un satsang régulier. »
Ce qu'il fit, et sa vie fut transformée.


C'EST LA FOI DANS LE MANTRA QUI AGIT

Mâ disait souvent que la chose la plus importante dans le japa, la répétition du mantra, c'est la foi que le disciple y met.
Elle affirmait même que n'importe quel mantra peut amener à la réussite, à la Réalisation, à la condition que le disciple ait une foi intense, et racontait à ce propos l'histoire humoristique suivante :

Il y avait un jour un disciple qui avait une très grande foi dans son guru, mais qui était un peu simple d'esprit, et le guru ne voulait pas lui donner l'initiation.
Celui-ci le harcelait pourtant constamment.
À la fin, le guru lui dit : « Écoute, quand il y aura un moment où je serai libre, je te donnerai l'initiation. »
Depuis cet instant, le disciple guettait son guru pour voir quand il serait libre. Un jour, il voit son guru sortir dans la nature avec un lotâ. Voyant le maître s'asseoir dans un endroit isolé, il se précipite sur lui et dit « Gurujî ! Maintenant, tu es libre. Donne-moi l'initiation ! »
Le guru devient furieux et lui dit : « Que je sois ici ou là, quand je vais aux toilettes, tu ne peux pas me ficher la paix ! »
Le disciple fait alors la prosternation à plat ventre (ashtânga pranâm) et dit : « Gurujî ! Tu m'as donné l'initiation ! »
Il se mit alors à répéter : « Ici ou là, même quand je vais aux toilettes, tu ne peux pas me ficher la paix », « Ici ou là, même... »
Selon ce que recommande la tradition, il est alors parti sur les routes, répétant son mantra avec une foi intense, respectant les règles avec conviction et observant une chasteté absolue. Les gens se sont mis à voir à la lumière de son visage qu'il avait une certaine expérience spirituelle.
Un jour, il arrive dans un village où tout le monde était en deuil, car le fils du maire venait de mourir. Voyant son visage un peu éclairé, les gens se précipitent sur lui et lui disent: « Gurujî, tu vas ressusciter ce garçon ! » Le brahmachârin répond :
« Comment cela ? Je ne suis pas capable de ressusciter un mort!...
- Si, si, tu en es capable ! »
Comme ils insistaient beaucoup, il dit : « Moi, je ne peux rien faire, mais puisque vous m'y obligez, je vais réciter le mantra de mon guru. »
Il va près du garçon qui était mort, et il se met à réciter : « Ici ou là, même... » et… chose curieuse, l'enfant ressuscite.
Il y eut une joie immense dans tout le village et le brahmachârin fut couvert de cadeaux et d'argent. Il dit : « Moi, je n'y suis pour rien... C'est mon guru ! Allez donner tout cela à mon guru ! »
Les villageois se dirent : « Si le disciple a ce pouvoir, le guru doit vraiment être extraordinaire ! »
Ils vont voir ledit guru pour lui offrir les présents en grand nombre. Celui-ci ouvre de grands yeux étonnés et dit :
« De quoi s'agit-il ?
- Un de vos disciples a ressuscité un mort !
- Moi ? Je n'ai pas de disciple comme cela ! »
À force de le décrire, il finit par repérer de quel disciple il s'agit : « Oh, c'est celui-là ! » Il l'a alors fait appeler et lui a dit : « Toi, tu es un véritable disciple ! »
Dans chaque mantra, y a trois éléments.

D'abord, la foi du disciple, c'est essentiel. Ensuite, le pouvoir dont le charge le guru, et troisièmement le fait que ce soit un mantra védique. Si ces trois éléments sont là, le disciple peut réellement faire des miracles.


S'ADAPTER

Il était une fois un raja dans un petit état himalayen. C'était un potentat absolu qui était craint par ses sujets. Ce raja avait l'habitude de se promener sans prévenir dans n'importe quel coin de son royaume, accompagné d'une petite suite. Il allait naturellement, comme tous les gens de la montagne à cette époque, pieds nus.
Un jour, au cours d'un de ces voyages, il s'enfonce une épine dans le pied. Furieux, il appelle ses ministres et leur dit : « Qu'est-ce que cela signifie ? Vous ne pouviez pas faire nettoyer la route aujourd'hui ? Si cela recommence, je vais tous vous faire punir très sévèrement. »
Ils ont eu peur et ont fait soigneusement nettoyer les routes avant que le raja n'y passe. Une autre fois, un caillou pointu tomba de la colline et le raja s'y blessa le pied. Il dit alors : « Si cela continue, je vous ferai tous décapiter ! »
Les ministres se sont mis à avoir très peur. Le premier ministre réunit le conseil et ils se mirent à discuter de ce que l'on pouvait bien faire pour que le raja ne se blesse plus les pieds.
Chacun donnait son avis. Par exemple, mobiliser une bonne partie de la population pour nettoyer les routes juste avant le passage du raja, etc., mais aucune solution n'était parfaite, car on n'était jamais à l'abri d'un caillou qui glisse de la pente, ou d'une branche épineuse tombant d'un arbre juste sur le chemin...
Ils ne trouvaient aucune solution. Il y avait un greffier qui depuis quelque temps faisait signe qu'il voulait parler.
Finalement, le premier ministre lui laissa la parole en lui disant : « Alors, toi, tu as quelque chose à dire ? » « Des chaussures ! Lança le greffier »


TOUT CE QUE FAIT DIEU EST POUR LE MIEUX

Un roi avait un vizir qui disait toujours : « Tout ce que fait Dieu est pour le mieux. »
Un jour, ils allèrent à la chasse avec la cour, et au bout de quelque temps, ils se perdirent tous deux. À force d'aller de-ci de-là, le roi se met à avoir faim et demande à son vizir de lui trouver un fruit.
Celui-ci en voit un dans un arbre, y grimpe et le redescend au roi qui, affamé, sort son grand couteau, glisse en coupant le fruit et s'ampute d'un doigt.
Le vizir avait cette habitude de dire : « Tout ce que fait Dieu est pour le mieux ! », quel que soit l'événement qui arrive. Il n'y manqua pas cette fois-ci pendant qu'il pansait le roi, ce qui eut le don de rendre celui-ci furieux. Il le chassa, et le vizir s'en alla en disant : « Tout ce que fait Dieu est pour le mieux ! »
Quelque temps plus tard, le roi fût fait prisonnier par une tribu de sauvages qui voulaient l'offrir en sacrifice à leur déesse. Le raja proteste : « Savez-vous qui je suis ? » Les sauvages répondent : « Oui, un raja ! Tant mieux, notre déesse sera contente ! »
Ils l'attachent à un poteau, et le brahmine chargé du service s'approche de lui avec un couteau pour lui couper la gorge.
Soudain, il voit qu'il a un pansement au doigt, il l'arrache et s'aperçoit que le doigt est amputé. Il dit : « Cet homme n'est pas entier ; nos règles nous interdisent de le sacrifier ! »
Ils le détachent alors et lui rendent sa liberté.
Le raja repart dans la forêt et se dit : « Tout de même, je n'aurais pas dû chasser mon brave ami le vizir ». L'ayant par hasard rencontré, il lui dit alors : « Tu as eu raison, tu dis que tout ce que Dieu fait est pour le mieux ; si je ne m'étais pas coupé le doigt, j'aurais été sacrifié par les sauvages. Je n'aurais pas dû te chasser. »
Le vizir dit : « Mais si, tout ce que Dieu fait est pour le mieux ; si tu ne m'avais pas chassé, ils m'auraient aussi attrapé et c'est moi qu'ils auraient sacrifié ! »


LE YOGI ET LE JNANIN

Gorakshnath était un célèbre hatha-yogî, également l'un des quatre-vingt-quatre Mahâsiddha et le patron du Népal.
Un jour, alors qu'il voyageait, il rencontra un grand sage, un jnânin appelé Brahmânanda. Ils commencèrent alors à parler de leurs expériences respectives de yoga et de jnana.
Brahmânanda demande à Gorakshnath : « Qu'est-ce que tu as atteint ? » Gorakshnath dit: « J'ai atteint vajra-kaya, le corps indestructible, le corps de diamant. La preuve, dit-il en sortant son sabre et en le donnant à Brahmânanda (c'était la coutume des Nath de se promener avec un sabre), essaie de me transpercer. »
Brahmânanda essaie de le transpercer, mais cela est impossible tellement son corps est dur.
Brahmânanda lui dit alors : « Essaie à ton tour de me transpercer », et il rend son sabre à Gorakshnath, qui n'ose pas frapper.
Brahmânanda l'y incite et, finalement, Gorakshnath donne un coup de sabre, qui passe à travers le corps de Brahmânanda sans même le toucher.
Brahmânanda conclut : « Kaya, tchaya », « le corps est une ombre. »

LA DERNIÈRE PENSÉE AVANT LA MORT

Les sages indiens disent que ce qui conditionne la réincarnation suivante, c'est la dernière pensée qu'on a au moment de la mort.
A ce sujet, Mâ racontait cette histoire : Il y avait une femme qui était très avare.
Elle tenait une boutique, et chaque fois qu'un pauvre venait lui demander un peu d'huile, elle lui répondait : « Pas une goutte, pas une goutte ! »
Le jour de sa mort, toute sa famille était réunie autour d'elle et lui conseillait de réciter le nom de Dieu : mais elle n'écoutait pas ce qu'on lui disait, et tout ce qu'elle pouvait répéter, c'était : « Pas une goutte, pas une goutte ! »
Il y a, dans le Bhâgavatapurâna, une autre histoire à propos de la dernière pensée au moment de la mort. Un brahmine avait une conduite relativement vertueuse, mais un jour il tomba amoureux d'une prostituée. Il l'épouse, et cette dernière lui fait faire toutes sortes de bêtises et même de crimes.
Son fils préféré s'appelait 'Narayan’ (l’un des noms de Vishnu), et au moment de sa mort il eut un grand désir de le voir et se mit à appeler : « Narayan, Narayan ! »
Il est mort avec ce nom sur les lèvres. Les messagers de Yama sont venus pour le prendre, mais comme ils allaient l'emporter, les messagers de Vishnu sont venus aussi et ont dit : « Non, non, il est à nous ! Il a prononcé le nom divin au moment de mourir. » Et ils l'emmenèrent au paradis.


LA VÉRITABLE COMPASSION

Il y avait un maître zen célèbre qui enseignait quotidiennement à de nombreux disciples.
Parmi les auditeurs, on s'aperçut qu'il y avait un voleur.
Les autres élèves vinrent voir le maître et lui dirent : « Celui-ci, c'est un voleur, il faut le chasser ! »
Mais le maître a fait la sourde oreille. Après plusieurs demandes, les disciples, devenus furieux, ont fait une requête écrite au maître, en disant :
« Si vous ne chassez pas ce voleur, nous partons tous. »
Le maître les a réunis et leur a dit : « Mes amis, vous êtes de grands sages ; vous savez distinguer entre le bien et le mal, mais ce pauvre garçon ne le sait pas. Vous pouvez donc tous partir, mais lui, je le garde. »


AU-DELÀ DE LA LOUANGE ET DU BLÂME

Hakuin était un très grand maître zen, qui vivait simplement dans une maisonnette.
Ses voisins étaient de petits commerçants. Un jour, leur fille se trouva enceinte ; furieux, ils se mirent à la battre pour lui faire avouer qui était le père. Après avoir résisté, elle finit par dire: « Hakuin ». Ils se précipitèrent chez celui-ci et se mirent à l'injurier.
Hakuin demanda :
« Que se passe-t-il ?
- Vous avez mis notre fille enceinte !
– Ah oui ? "
Les voisins repartirent et quelques mois plus tard la fille accoucha. Les parents vinrent chez Hakuin et lui apportèrent le bébé en lui disant :
« Maintenant, occupez-vous de lui, c'est votre fils !
- Ah oui », fit Hakuin.
Et avec l'aide des voisins, il le fit téter, s'occupant de lui comme il le fallait. Dans l'intervalle, il avait bien sûr perdu toute réputation, et plus personne ne venait le voir.
Après quelque temps, la fille n'en pouvant plus d'être séparée de son bébé avoua la vérité à ses parents : « En réalité, c'est avec le fils du poissonnier du voisinage que j'ai eu des relations. »
Confus, les parents vinrent se répandre en excuses auprès d'Hakuin, et lui redemandèrent le bébé.
Il dit « Ah oui », et le leur rendit.