II - AVEC LA FAMILLE DE RAMANI MOHAN (1909-1918)
Se conformant aux anciennes coutumes villageoises de l'Inde, les, parents de Nirmala se mirent en devoir de lui trouver un mari alors qu'elle sortait à peine de l'enfance. On disait grand bien de la famille de Sri Jagatbandhu Chakravarty du village d'Alpara ; et c'est ainsi que son troisième fils fut estimé être un bon parti pour Nirmala.
En conséquence, le 7 février 1909, Nirmala fut mariée à Sri Mohan Chakravarty, à l'âge de douze ans et dix mois. A la campagne, la coutume veut qu'après la cérémonie, la mariée s'en retourne vivre chez ses parents ou bien que la famille du mari l'accueille comme leur nouvelle fille en attendant qu'elle mûrisse. En tout cas la jeune épouse a la possibilité d'aller voir très souvent sa famille, ce qui lui permet de s'adapter progressivement veulent à son nouvel entourage. Après son mariage, Nirmala resta donc quelques temps chez ses parents. Ramani Mohan avait appris qu'elle était élève à l'école primaire et il eut l'idée de lui écrire. Cela fit sensation dans le village où l'arrivée d'une lettre était un évènement. Tout le monde fut au courant. Mokshada Devi mit la lettre bien en évidence afin que sa fille puisse la prendre sans être gênée. Mais la lettre restait à sa place et il fallut que les amies de Nirmala l'incitent à l'ouvrir et à la lire. Au milieu des rires et des taquineries, Nirmala et ses amies s'employèrent à rédiger une réponse.
Au bout d'un an environ, Bipin Bihari accompagna sa fille chez Revati Mohan le frère aîné de Ramani Mohan. Leur mère était morte avant le mariage de Ramani et c'est la femme du frère aîné, Srimati Pramoda Devi, qui occupait les fonctions et les responsabilités de sa belle-mère. Nirmala resta chez cette famille près de quatre années. Ramani Mohan avait cinq sœurs et quatre frères, dont le plus jeune était écolier. L'un d'eux, Kamini Kumar, avait quitté son village et la seule chose qu'on savait de lui, c'était qu'il était devenu clergyman après s'être converti au Christianisme.
Revati Mohan était chef de gare. Il se déplaçait dans diverses gares situées sur la ligne Dacca-Jagannathgunj. Au moment de son mariage, Ramani Mohan travaillait dans les services de police. Sept mois plus tard, il perdit cet emploi et resta quelque temps au chômage. Il quitta alors son village natal et se rendit à Dacca pour trouver du travail. De temps en temps, il allait voir Revati Mohan et sa famille et apportait parfois de petits cadeaux pour sa femme. Sur ces premiers temps de mariage, Sri Anandamayi raconte " Au début, Bholanath (1) me rapportait des livres. Un soir il me demanda de lire à haute voix tandis qu'il se reposait. Je déchiffrai péniblement un passage, après quoi il m'arrêta en grognant " Très primaire, effectivement". ».
(1) Mataji ne parle jamais de Ramani en disant « mon mari » ; elle l'appelle Bholanath ou Pitaji.
Après le départ de Nirmala, sa famille quitta Khéora et retourna dans son village de Vidyakut. Nirmala commençait une vie nouvelle dans la famille de son mari. Tout de suite, elle eut la charge de la maison de. son beau-frère, ce qui représentait un lourd fardeau. Il fallait aller chercher de l'eau, aider à faire la cuisine, s'occuper des enfants, faire les courses, tout cela pour une belle-soeur passablement exigeante. Tous. ceux qui virent Sri Anandamayi travailler dans cette maison témoignent de la vivacité et de la précision de ses gestes. Elle semblait accomplir un maximum de choses en un minimum de temps. Au début, son absolue docilité commença par exaspérer sa nouvelle famille mais bien vite, cette exaspération fit place à l'indulgence quand on s'aperçut que Nirmala était sincère dans cette pratique de l'obéissance envers ses aînés.
Les enfants de Revati Mohan s’attachèrent très vite à Nirmala. Labanya, la fille aînée, ne quittait plus sa tante. L'enfant lui dit un jour: «J'ai envie de t' appeler maman et pas ma tante, je peux". Entendant cela, sa mère lui reprocha de dire des bêtises. Ashu, le frère de Labanya aimait aussi beaucoup sa tante (kakima). Un jour qu'elle le préparait pour l'école, il se mit à faire des histoires en disant qu'il ne voulait plus recevoir à manger des mains de sa tante. Comme c'était d'ordinaire un de ses plus grands plaisirs, sa mère se demandait ce que cela voulait dire ; elle finit par découvrir que les mains de Nirmala étaient dans un état pitoyable. A force de laver et de frotter continuellement, sa peau s’était usée et. des plaies étaient apparues sur le dessus des mains Tout le monde fut horrifié et voulut savoir pourquoi Nirmala n'avait rien dit. En fait, personne n'avait songé .à vérifier la somme de travail accompli tant le calme de son allure ne laissait jamais deviner la moindre souffrance , et personne ne comprenait qu'on puisse souffrir physiquement sans une plainte. Nirmala se laissa soigner aussi docilement qu'elle avait accepté les durs travaux qui avaient peu-à-peu rongé ses mains.
Bien que retrouvant chaque jour ses multiples tâches ménagères Nirmala put aussi s'initier à différents artisanats. L'après-midi, quand les hommes parlaient travailler, elle disposait d'une petite heure de liberté qu'elle employait à rendre visite à ses voisins Sa douceur lui ouvrait toutes les portes. Malgré une timidité et une réserve de rigueur chez une jeune mariée, elle avait toujours un sourire d'amitié pour les jeunes femmes de son âge. C'est ainsi qu'au cours de ces agréables moments, tout en devisant amicalement, Nirmala apprit à coudre, à canner, à filer etc. Elle prenait un vif intérêt pour tout ce qui était nouveau et apprenait vite.
L'une des soeurs de Ramani Mohan, connu plus tard sous le nom de Matori Pisima (tante Matori),vint passer quelques temps avec eux. Elle était à peu près du même âge que Nirmala et les deux jeunes filles se lièrent d'amitié. Matori Pisimâ était une personne très espiègle, au regard malicieux; elle imaginait toutes sortes de friponneries, comme par exemple, goûter aux conserves de sa belle-soeur pendant que cette dernière faisait la sieste. Même ces tours inoffensifs n'étaient pas dans la nature de Nirmala. Comme elle était la plus grande des deux, elle descendait les pots et les bocaux pour son amie mais ne touchait jamais leur contenu.
Nous avons déjà dit que dans son enfance, Nirmala était sujette à des « absences ». Or il arrivait à présent qu'au beau de son travail, on la découvrait parfois comme plongée dans le sommeil. Pramoda, sa belle-soeur, fut attirée une fois ou deux par une odeur de brûlé qui venait de la cuisine et découvrit Nirmala gisant sur le sol au milieu des ustensiles épars. Après qu'on l'eût secouée, elle reprenait ses esprits, semblait navrée à la vue de ce gâchis et s'employait aussitôt à le réparer. Pramoda pensait qu'elle s'était endormie et les choses en restaient là.
Il y a quelques années, Sri Anandamayi se rendit à Calcutta pour honorer de sa présence une grande cérémonie organisée par les fidèles (2) de cette ville.
(2) En anglais " devotee ". Mataji dit toujours qu'elle n'est pas un Gourou et qu’elle n'a pas de disciples.
Pramoda Devi, devenue une très vieille dame, vint voir sa belle-soeur. Les choses avaient bien changé et tout cela dépassait ce qu'elle avait pu s'imaginer. On aurait pu croire qu'elle allait se sentir un peu perdue au milieu d’un tel rassemblement. Le programme de Sri Anandamayi était très chargé et il était bien difficile de l'approcher. Un soir, après le départ de tous les visiteurs, alors que l'Ashram se reposait, Sri Anandamayi sortit sans bruit de sa chambre. Il était plus de minuit et seuls quelques compagnons veillaient encore; ils la suivirent. Elle se rendit auprès de sa belle-soeur et doucement, elle s'assit à ses côtés, lui prit les mains et se mit à lui parler gaiement dans le dialecte de son village. Elle fit un saut dans les souvenirs, évoquant les vieux amis, les endroits familiers, les événements passés. Pramoda fut tout d'abord un peu déconcertée, mais parut bientôt tout à fait ravie. Leurs éclats de rire éveillèrent tous les dormeurs et la chambre fut bientôt pleine de monde. Chacun prit part à la conversation. Sri Anandamayi les faisait rire en racontant des anecdotes amusantes sur la vie au village. En riant elle dit à sa belle-soeur : "Tu vois, toutes ces ménagères se croient très expertes. Dis-leur si moi aussi je ne me suis pas bien occupée de ta maison? ». Pramoda réfléchit un instant puis dit le plus sérieusement du monde : " Vous ne pouvez pas vous imaginer comme elle était bonne et douce. Non seulement elle faisait tout mon travail mais je vous assure que je n'ai jamais eu à me plaindre d'elle au cours des années qu'elle passa chez moi. Vraiment, cet esprit de service est rare de nos jours ". Pour certains des témoins de cette scène, la satisfaction visible de Sri Anandamayi était encore plus merveilleuse que cette généreuse appréciation. Avec sa modestie naturelle, elle paraissait très heureuse que l'on reconnaisse et rende hommage à son dévouement.
En 1913, environ quatre après le mariage de Nirmala, Revati Mohan mourut plongeant, sa famille dans le chagrin. Sa veuve, ses enfants et sa belle-soeur Nirmala, allèrent à Alpara. Nirmala passa six mois avec la famille tandis que Ramani Mohan travaillait à Ashtagram. Elle dut s'occuper de la famille en deuil. Les soeurs de Ramani Mohan étaient toutes mariées et ses frères travaillaient dans des endroits différents. Tous considéraient Revati Mohan comme le chef de la famille. Sa mort les privait d'un foyer où ils pouvaient se voir. Petit à petit, chacun partit de son côté et c'est seulement beaucoup plus tard qu'ils furent à nouveau réunis par leur jeune belle-soeur, Nirmala Devi. Après cela, Nirmala retourna chez ses parents à Vidyakut pour six mois avant de se rendre, en 1914, à Ashtagram pour tenir la maison de Ramani Mohan. En disant adieu à sa fille, Mokshada Devi lui donna ces instructions. « A présent, tu dois considérer ton mari comme ton protecteur. Il faut lui obéir et le respecter comme tu le faisais pour tes propres parents ". Selon son habitude, Nirmala suivit à la lettre ce conseil.
Plus tard, Sri Anandamayi donna à Ramani le nom de Bholanath. 0n peut affirmer que tant qu'il fut en vie, Mataji ne fit jamais rien sans son consentement : " 0n m'avait dit au moment de mon mariage que je devais respecter Bholanath et lui obéir. Je lui vouais donc le même respect et la même obéissance qu’à mon propre père. Dés le début, il fut un père pour moi. Il avait foi en moi et était convaincu que tout ce que je pouvais faire était bien ".
Bholanath était un simple villageois dont le savoir ne dépassait pas les connaissances élémentaires de la vie religieuse et de la sâdhanâ. A l'époque de son mariage, il ne se doutait guère des événements exceptionnels qui devaient radicalement changer le cours de sa vie. Mais il ne fut pas pris en défaut lorsqu'il dut faire face aux conséquences peu banales de son mariage. C’est à lui que fut révélée en premier la personnalité sans égale de Sri Anandamayi ; il fut le premier à en recevoir le choc. Il eut le privilège d'être le témoin des merveilleux kriyas (3) de la sâdhanâ à Bajitpur; et c'est lui qui ouvrit au monde ses portes toutes grandes, malgré l'avertissement de Sri Anandamayi lui disant qu'il venait de déclencher un phénomène dont bientôt il ne serait plus maître.
(3) Action yoguique ou rituelle.
En dépit de sa fierté et de son caractère entier, Bholanath était aussi généreux et son coeur était très tendre. Il s'emportait soudain d'une manière enfantine, mais on l’apaisait facilement. Parmi les proches de Sri Anandamayi, il occupait une place particulière. D'une part, il la considérait comme son Gourou, son maître spirituel, et de l'autre, elle était sa femme obéissante et dévouée qui le servait avec désintéressement. Nous ne savons pas comment il parvenait à concilier ces deux positions. En tous cas, cela ne sembla pas lui poser de problèmes. Son assurance et son amour de la vie ne pouvaient manquer de toucher ceux qui l’approchaient. Les proches de Sri Anandamayi reconnaissaient en lui le chef de leur petit groupe, leur guide.
Sa famille toutefois, n'appréciait pas tellement le comportement de Nirmala. Au fur et à mesure que la personnalité de cette dernière s'affirmait, il leur parut évident que Bholanath ne mènerait jamais une vie conjugale normale. Ils aimaient beaucoup Nirmala, mais pensaient que leur devoir était de pousser Bholanath à quitter sa femme pour se remarier. Ceux qui ont connu Bholanath savent bien qu'il n'aurait jamais pu envisager pareille solution On peut dire que pour ce couple, la vie conjugale ne fut pas un problème. Quand sa femme vint le rejoindre, Bholanath vit autour d'elle une aura spirituelle qui éloigna de lui toute pensée mondaine. Sri Anandamayi rapporte : " Au début, il disait souvent : " Tu es jeune ; tu es encore une enfant ; cela s’arrangera en grandissant ". Mais on dirait bien que je n'ai jamais grandi ! »
A Ashtagram, Bholanath était le locataire de Jai Shankar Sen. Charmée par le rayonnement de Nirmala, Srimati Sen l’appelait Khusîr Ma qui était un de ses surnoms d'enfance. les jeunes amies de Nirmala l'appelèrent « Rangâ Didi » (jolie soeur). Srimati disait : " Quand Khusîr. Ma va à l'étang, les ghâts (1) sont illuminés par sa radieuse beauté ". Nirmala Devi avait à cette époque dix-huit ans. Elle était très mince, sa taille était supérieure à la moyenne ; elle avait de longues tresses qui descendaient jusqu'aux genoux, de petites mains et de petits pieds menus et délicats. Tout le monde était frappé par la joie qui émanait d'elle. Un jour qu'elle rendait visite à un voisin, elle croisa en chemin un ami de Bholanath, Kshetra Mohan. Ce dernier la trouva si impressionnante qu'il se prosterna spontanément devant elle en l'appelant « Devi Durga » (2).
(1) Nom donné aux bords des étangs dans le village, où les femmes se rassemblent pour faire la lessive, échanger des nouvelles, bavarder.
(2) La Divine épouse de Shiva ; dans les Ecritures, elle porte des vêtements rouges.
Hara Kumar Rai habitait chez sa soeur Srimati Sen. C'était un homme cultivé qui avait une bonne situation. Mais il était parfois submergé par la ferveur religieuse et pendant ces périodes, il lui était impossible de travailler normalement. La mère de Hara Kumar était morte dans la pièce occupée par le jeune couple. C’est peut-être pour cela, ou pour d'autres raisons qui lui étaient propres, qu’à sa première rencontre avec Nirmala, il se prosterna devant elle en l'appelant " Mère ". Puis il ne manqua plus une occasion de lui rendre service Cela n'était pas facile, car Nirmala, comme c’est l'usage pour une jeune mariée, ne parlait qu’aux hommes de sa famille. Il lui portait tout de même des légumes et réussissait à lui procurer du bois sec. On imagine combien ces attentions que personne n'avait sollicitées étaient mal vues par les voisins. Hara Kumar ne s'en soucia pas et, faisant fi des usages, il venait voir Nirmala chaque jour pour le pranâma (3) et pour avoir un peu de prasâda (4).
(3) Prosternation: il en existe plusieurs types.
(4) Portion des aliments laissée par une personne respectée, le Gourou par exemple ; les Ecritures hindoues donnent une grande importance au prasâda Ce n'est plus un aliment ordinaire, mais un support grâce auquel il y a transfert de pouvoir entre Gourou et disciple.
Mais Nirmala ne voulait pas faillir aux traditions. Tirant son sâri sur son visage, elle se tenait à distance respectueuse sans bouger, sans rien dire. Elle ne pouvait l'empêcher de se prosterner, mais il lui était impossible de lui offrir le prasâda. En désespoir de cause Hara Kumar s'adressa à Bholanath. Ce dernier, touché par sa sincérité, demanda à Nirmala de lui offrir un peu de riz qui était dans son assiette. Nirmala obéissait toujours à son mari et les voeux de Hara Kumar furent ainsi comblés. Il dit : " Pour l'instant, je suis le seul à vous appeler « Mère » mais un jour viendra ou le monde entier vous reconnaîtra et vous appellera " Mère " . On considérait généralement Hara Kumar comme un original. S'il avait été membre de la société à part entière, ses paroles auraient eu plus de poids. Mais de toute évidence, le temps de la reconnaissance n'était pas encore venue ; aussi la prophétie de Hara Kumar ne fut-elle pas entendue. Il fut encore un précurseur en attirant l'attention sur les états extatiques (bhâvâvhasthâ) de Nirmala qui étaient jusqu'alors passés inaperçus. Il eut aussi l'idée d'inviter dans la cour de la maison de Nirmala un célèbre groupe de chanteurs religieux. Nirmala et les femmes du voisinage vinrent écouter les chants. Au bout de quelques instants, le corps de Nirmala se figea et elle demeura sourde aux appels de ses amis qui la secouaient. Maintenant qu'elle était une jeune femme, il n'était plus question de croire à de la somnolence, à des " absences " ou à une faiblesse d'esprit, comme l’avait fait autrefois la famille de Bholanath et la sienne. On ne comprenait pas. Après le kîrtana, elle retrouva son état normal.
Seize mois après son arrivée à Ashtagram, Nirmala tomba malade et partit chez ses parents en convalescence. Sri Anandamayi a parlé de ce séjour à Vidyakut : " Il n'y avait pas beaucoup de travail à la maison, car mes soeurs étaient assez grandes pour aider ma mère. J'avais beaucoup de temps libre que j'employais en rendant visite aux voisins, aux amis ou bien à me promener seule. Dans l'obscurité, je percevais parfois une étrange lumière qui enveloppait mon corps et qui paraissait se déplacer avec moi ". Au village de ses parents, Nirmala pouvait aller librement sans voiler son visage. Mokshada Devi disait que Musulmans comme Hindous aimaient accueillir Nirmala et parler avec elle.
Nirmala avait une jeune cousine, Annapurna, qui venait de se marier ; elle vivait avec ses parents. Elle se mit à manifester des signes inquiétants, tombant pendant des heures dans un état de transe apparente. Les gens du village faisaient cercle autour d'elle et l'observaient avec déférence. Un jour, Nirmala témoin de cette scène s’approcha de la jeune fille et lui murmura quelque chose à l'oreille. Annapurna reprit conscience et depuis ce jour, elle n’eut plus jamais ce genre de crise. Les mots magiques que Nirmala lui avait murmuré a l'oreille étaient les suivants : « Ne te tracasse pas. Tu recevras bientôt une lettre de ton mari ». Sri Anandamayi raconte en riant que les gens du village étaient persuadés qu'elle avait utilisé un pouvoir spirituel pour guérir la jeune fille. Elle parla de cet incident pour montrer qu'il était généralement difficile de reconnaître un authentique bhâva (5).
(5) Extase spirituelle, en général de nature émotionnelle, qui survient habituellement lorsqu'on a atteint un niveau élevé sur la voie de bhakti (yoga de l'amour divin).
Tandis que Nirmala était à Vidyakut, Bholanath fut nommé dans une ville appelée Bajitpur. Il ne put y faire venir Nirmala immédiatement et elle demeura encore quelques temps à Vidyakut chez ses parents. Au début de 1918, il trouva un logement à Bajitpur ; Nirmala pouvait le rejoindre.