IIIème partie :
Sages et yogis de l’Inde contemporaine
Chapitre I
Krishnamurti
On imagine souvent un sage de l’Inde vêtu d’une vaste toge ou d’un DHÔTHI de couleur orange, aux cheveux blancs tombant sur les épaules et portant une longue barbe, À moins qu’il ne soit rasé à la manière des SANNYASIS.
Peut-être vit-il dans une retraite solitaire dans l’Himalaya ou dans une caverne aux environs de RISHIKESH. A moins qu’il ne réside dans un ashram au bord du Gange avec ses nombreux disciples. On le voit environné d’une foule d’admirateurs ou d’un groupe choisi de CHELAS (élèves) vêtus comme les anciens RISHIS de l’Inde. Souvent il est adoré comme un Dieu, tous se prosternent devant lui avec vénération et lui apportent des offrandes. Ses paroles profondes et rares sont toujours en accord avec les Ecritures. En sa compagnie, l’homme moderne oublie qu’il vit dans l’âge atomique et il a l’impression d’avoir fait une marche arrière dans le temps, jusqu’à la bienheureuse époque védique.
Rien de semblable avec Krishnamurti. S’il est vrai (et c’est mon opinion) que le nec plus ultra de la grandeur spirituelle consiste à paraître absolument naturel, Krishnamurti a certainement atteint le sommet de cette réalisation. Rien, ni dans son vêtement, ni dans sa conversation, ni dans ses manières, ni même dans son attitude ne laissent deviner qu’il n’est pas un homme ordinaire. Si ce n’est pourtant son noble visage éclairé d’un sourire parfois teinté d’une légère tristesse où l’on peut découvrir une compassion infinie pour tout ce qui vit. Ses grands yeux comme on n’en voit que chez les hindous semblent refléter cette « vie impersonnelle », sujet central de ses conférences.
Ses conférences attirent toujours une grande foule. À une maîtrise parfaite du langage, il allie un sens psychologique raffiné et sait exprimer en termes clairs des situations et des nuances psychologiques que la plupart des psychanalystes de métier soupçonnent à peine.
Il n’enseigne ni la psychologie, ni la psychanalyse. Bien qu’il s’en défende, il enseigne quelque chose. Et ce qu’il dit le place parmi les grands gourous modernes. Non seulement il n’accepte pas le rôle de gourou, mais, rompant avec l’antique tradition hindoue, il déclare catégoriquement que le gourou n’est pas nécessaire, que prendre appui sur un maître ne peut que retarder la progression spirituelle ; qu’on ne peut découvrir la Vérité qu’en soi-même par un effort personnel et indépendant. Il rejette même l’autorité de toute écriture ou tradition quelles qu'elles soient.
[] est difficile de dire avec précision ce que Krishnamurti enseigne dans ses conférences. Ses méthodes (si méthode il y a) sont avant tout négatives. Il est certain que l’enseignement ésotérique ne peut être codifié dans des formules ni enfermé dans des écrits. C’est une chose vivante qui varie selon les individus et les circonstances. Quand le subjectif a pris le pas sur l’objectif, alors l’expérience spirituelle commence. Essayer de l’exprimer par des mots, c’est déjà l’objectiver et la couvrir d’un voile qui la déforme.
Dans ses conférences, Krishnamurti conseille à ses auditeurs de découvrir le fonctionnement de leur propre esprit dans son aspect conscient aussi bien que dans son mécanisme inconscient. I] refuse tout point d’appui, que ce soit celui d’une méthode de yoga, de la direction d’un guide ou le soutient d’une déité tutélaire. Ils doivent tenter cette aventure car c’est une redoutable aventure : « a Journey on an uncharted sea », sans idées préconçues, sans préjugés, sans peur. Il s’agit d’observer le mouvement de nos pensées, sans porter de jugement, sans surimposer une interprétation parlée voire même sans tentative de maîtrise de soi. Observer n’est d’ailleurs pas le mot exact. Prendre l'attitude de l’observateur produit une division de l'esprit en deux éléments : une formation mentale jouant le rôle du spectateur des autres formations mentales. Ce n’est pas la méthode qu’indique Krishnamurti. La prise de conscience du courant des pensées doit se faire de l’intérieur. L’observateur doit rester intensément conscient tout en étant emporté par le courant des pensées sans essayer d’entraver ou de changer quoi que ce soit de leur cours.
Notre esprit est une chose en mouvement et ce mouvement est produit par l’opposition de deux forces comme l’est n'importe quel autre mouvement. Opposer une pensée à une autre, c'est alimenter ce mouvement et lui donner un nouveau dynamisme, même si cette pensée est un acte de maîtrise de soi ou simplement l’attitude de l’observateur. Le mouvement de notre esprit ne peut être arrêté qu’en annulant le conflit des vagues mentales qui s’opposent constamment les unes aux autres.
Cette méthode est extrêmement difficile et n’est pas à la portée de n’importe qui. La plupart de ceux qui s'engagent dans la voie spirituelle préfèrent choisir une plus humble carrière. c'est-à-dire un chemin progressif. La route qu'indique Krishnamurti est le « chemin abrupt » pour employer le langage ZEN. Bien qu’il ne l'ait jamais dit, ses conférences reflètent la déclaration du Bouddha :
« Comme dans les grands océans il n’y a qu’une seule saveur, celle du sel, ainsi dans mes paroles il n’y à qu’un seul enseignement, celui de la libération » ;
À l’image de Bouddha il y a deux millénaires et demi, l’avent de Krishnamurti marque une réaction révolutionnaire à un excès de ritualisme et à un occultisme s’aitardant et souvent s'égarant en route pour cueillir des demies vérités ou des pouvoirs occultes décevants.
Krishnamurti est né de la Société Théosophique. II fut élevé et instruit par Anie Besant qui avait prédit qu’il serait un jour « l’instructeur du monde ».
J'avais lu en France ou plutôt dévoré avec avidité tout ce qui m'était tombé sous la main au sujet de ses conférences, celles du camp d’Omen, d'Ojaï et aussi des livres. J'avais alors à peine vingt ans et cette méthode dénudée avait imprégnée profondément mon esprit. Pourtant je n'avais jamais pleinement accepté cet enseignement au point de me placer parmi les disciples. Nietzsche disait que ceux qui pensent être ses disciples ne l’ont pas vraiment compris. On peut aussi appliquer cela à Krishnamurti.
Je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer le grand sage personnellement. Ce n’est qu’une vingtame d'années plus tard, en Inde que j'aurai la bonne fortune de passer un moment auprès de ce grand maître moderne.
De 1951 à 1959, j'habite le plus souvent à Bénarès dans un ashram au bord du Gange. Krishnamurti vient presque chaque hiver à Bénarès vers le mois de décembre. Il loge à l’école qu'il a fondée à RAJGAT et donne des conférences publiques pendant presque toute la durée de son séjour dans la ville sainte.
Je vis reclus et il est rare que je sorte de l’ashram autrement que pour une courte promenade. D'autre part, le Gourou qui me dirige a rempli mon esprit et mon cœur à tel point que je n’ai aucun désir d'aller voir un autre sage.
Pourtant un jour. des amis hindous m’amènent à la B.HU (Bénarès hindou university) où Krishnamurti doit faire une conférence dans l'après-midi. Nous arrivons un peu en avance. Krishnamurti n'est pas encore là. La salle est pleine de monde. Le publie est presque uniquement formé d’hindous, surtout des étudiants et étudiantes de l’université. Presque tous sont habillés à l’européenne. Je suis vêtu à la manière des SADHUS de l’Inde, porte une barbe et de longs cheveux. C’est une étrange situation : un SADHU européen dans la ville sainte au milieu d’hindous occidentalisés.
Bientôt un homme entre dans la salle. Il est habillé à l’européenne et porte une gabardine. Rien ne le distingue des autres visiteurs. Il n’est ni annoncé ni accompagné. Il monte sur l’estrade très simplement et commence à dire quelques mots. C’est Krishnamurti. TI regarde l’auditoire. Automatiquement, le SADHU européen à la barbe et aux longs cheveux, étrange représentant d’une Inde traditionnelle au milieu de ce public occidentalisé attire son attention. Un sourire légèrement ironique passe sur son visage car Krishnamurti n’aime pas les marques extérieures d’une vie spirituelle. Il commence la conférence, répondant surtout à des question qu’on lui pose. Il aborde les sujets dont il parle ordinairement. Il insiste surtout sur l’autorité des écritures et du gourou qui ont encore conservé toute leur force dans ce bastion de l’orthodoxie hindoue qu’est Bénarès.
Je suis moins intéressé par les paroles de l’orateur que par sa manière de s'exprimer et son attitude vis-à-vis du public. Ce n’est pas du tout un discours « ex cathedra », pas la moindre trace de la supériorité d’un homme qui enseigne. Il parle très simplement mais dignement, sans familiarité en excellent anglais. Il répond aux questions d’égal à égal, comme s’il s'agissait de chercher ensemble la vérité. Pourtant il me semble qu’il y a une froideur impersonnelle dans son contact avec le public. Plus tard, je comprendrais que c’est une violence qu’il se fait à lui-même.
Bien que les sujets traités soient abstraits, mon attention est intensément tendue et mon esprit dans un état d’hyperconscience. Cet état persistera pendant deux ou trois jours puis s’atténuera progressivement. Une personne ayant été longtemps en contact avec Krishnamurti m'affirmera que cet état est courant après ses conférences. Il dirige ses auditeurs vers leur fort intérieur, les presse à découvrir eux-mêmes le fonctionnement de leur esprit et leur refuse tout point d’appui, même pas (surtout pas) la parole du maître. Mais comme tous les véritables gourous (car bien qu’il s’en défende, il est un gourou), il leur donne le pouvoir d’accomplir cette tâche : l’hyperconscience indispensable pour l’étude introspective. Que Krishnamurti soit capable de transmettre du pouvoir, J'en ai eu la preuve plus tard lors d’une deuxième rencontre.
Néanmoins ce premier contact ne me laisse pas d’impression profonde et je pense à tort que Krishnamurti n’est qu’un froid intellectuel.
Quelques années plus tard, en 1957 ou 1958, je suis toujours à l’ashram et Krishnamurti est venu comme d'habitude à Bénarès pour l'hiver. Cette année, ayant probablement besoin de repos, il vit en demie réclusion et ne donne même pas d’entrevues privées.
Début mars, une française, madame B, célèbre pour ses recherches sur les réactions physiologiques dans les transes de YOGIS, vient me rendre visite à Bénarès. En cours de conversation, j'apprends que cette dame est théosophe, qu’elle a une grande admiration pour Krishnamurti mais n’a jamais eu l’occasion de le rencontrer personnellement. Un coup de téléphone à l’école de RAJGAT nous apprend que le maître est toujours à Bénarès car il a prolongé son séjour. Mais il ne sera pas possible d'obtenir une entrevue privée. Krishnanmurti ne sort de sa chambre que vers cinq heures du soir pour une promenade dans le jardin de l’école. C’est le seul moment où les visiteurs peuvent le voir. Nous décidons d’aller à RAJGAT le lendemain dans l’après-midi. Madame B n’a aucune question à poser mais désire simplement voir le maître. Un SANNYASI de l’ashram et un BRAHMACHARI (novice) désirant également avoir le DARSHAN de KRISHNAMURTI doivent nous accompagner. Notre ashram est sur la rive du Gange près de l’ASSI GHAT, à l’extrême sud de la ville. L'école de RAJGAT est à l’autre bout de Bénarès, à l’extrême nord, tout près du fleuve. Nous pensons que faire le chemin en barque le long du fMeuve serait le moyen de locomotion le plus agréable. sinon le plus rapide.
Le lendemain dans l'après-midi, notre petit groupe descend les escaliers qui mènent vers le GHAT, Une barque de pécheurs doit nous mener à destination.
Les promenades en bateau le long du Gange ont un charme qu’on ne trouve peut-être nulle part ailleurs, Est-ce l'influence de ce majestueux fleuve aux reflets bleu vert ? La magnifique vision des GHATS ct leur splendeur multicolore s’étalant te long de la berge ? Cette ardente ferveur religieuse d’une foule bariolée animant la rive ? A moins que ce ne soit l’influence des puissantes vagues mentales de tous les grands Sages et saints qui depuis des millénaires ont saturé de sainteté cette ville déjà sanctifiée. C'est probablement sur cette rive que cheminait le Bouddha il y à deux milles cinq cent ans avant d'aller à SARNATH, C’est ici qu’est venu le grand SANKARACHARYA quand 1! entreprit la gigantesque entreprise tâche de restaurer la religion hindouc en Inde.
C’est là qu'ont vécu KABIR, TULSI DASS. RAMANANDA, TRAILANGA SWAMI et tant d'autres yogis et sages connus et inconnus.
Le mystérieux reflet de ces eaux éveille en moi (pour employer le mot de Nietzsche) : « Ein goldbraunwein seliger geruch vom alten glucke ». « quelque chose comme un parfum d'Eternité ».
Ce jour de mars, notre promenade au fil de l’eau n’a pas son charme habituel. 11 fait un mauvais temps exceptionnel en cette saison à Bénarès. En dehors de la saison des pluies, il ne pleut guère dans la ville sainte et trés rarement en mars. Ce jour là, non seulement il pleut à verse, mais aussi des éclairs, le tonnerre et un vent furieux se sont mis de la partie. La barque réussit néanmoins à atteindre RAJGAT après avoir été passablement ballottée par les Mots. Notre petit groupe entre par le grand porche de l'école et emprunte une longue et vaste allée qui mène vers le bâtiment où réside Krishnamurti. Sur le Gange au milieu de Bénarès. nous faisons tout à fait couleur locale. T1 y a le DANDY-SANNYASI, membre de l’ordre l'ondé par SANKARACHARYA. Il est vêtu en orange et tient d'une main son DANDA, le bâton symbolique de la Connaissance et de l’autre, le KAMANDALOU classique des SANNYASIS de l'Inde (un pot à eau fait de bois spécial). Notre deuxième compagnon est un BRAHMACHARI de l’ashram au beau visage encadré d'une barbe noire et aux longs cheveux bouclés tombant sur les épaules.
Mon visage blanc et rose jure un peu dans l’ensemble du décor mais ma barbe. mes longs cheveux et ma toge de SADHU en corrigent l'effet. Enfin, je crois.
La présence de la femme parisienne n’a rien d'anormal car les visiteurs occidentaux ne sont pas rares à Bénarès.
Nous semblons différents dans cette école de RAJGAT très occidentalisée. En effet. Krishnamurti déconseille vivement toutes les marques extérieures de spiritualité. Que ce soit les longs cheveux et la barbe ou la GEROUA (couleur des SANNYASI) et le demi DHOTI des BRAHMACHARI Dans son entourage. il n’y a ni novices, ni moines. ni laïques. On est vêtu « comme tout le monde » et le plus souvent à l'européenne. Aussi. Je crains que l’arrivée de notre groupe bariolé ressemble presque à une provocation. Après avoir quelque peu erré dans le vaste parc de l'école. Nous finissons par découvrir la maison où loge le maître. I pleut toujours et de temps en temps. un roulement de tonnerre se fait entendre. Le BRAHMACHARI pense que ce genre de mauvais temps est «de très bon auspice » pour rencontrer un sage.
Nous nous nous abritons sous la véranda. La maison semble déserte. Pas de traces de visiteurs ni sur la véranda. ni dans le parc. Nous n'avons pas réalisé que par ce temps Krishnamurti ne ferait pas sa promenade habituelle et qu’il n’y aurait pas de DARSHAN ce jour là.
Un homme apparaît. sortant d’une des chambres du rez-de-chaussée. TI est un des secrétaires de Krishnamurti. T1 nous confirme ce que nous avons déjà compris par nous-mêmes : le maître ne sortira pas pour sa promenade du soir.
Nous décidons de retourner à notre ashram, quitte à revenir un autre jour. Nous nous apprêétons à partir. Sur ce, le secrétaire qui a disparu un moment revient et nous dit que Krishnamurti nous invite à venir le voir dans sa chambre au premier étage. Cette marque de délicatesse du grand maître me touche profondément. Le secrétaire nous guide jusqu’à la chambre du maître au premier étage. Krishnamurti nous reçoit avec une simplicité et une cordialité qui me va droit au cœur et m'étonne car je gardais en mémoire le visage d’un Krishnamurti impersonnel et distant, presque froid, tel que je l’avais vu à la B.H.V. Ici, sa cordialité semble si simple, si spontanée comme si nous avions été des amis de longue date. En Inde, la coutume veut qu’on fasse une offrande à un grand sage quand on va lui rendre visite, ne serait-ce que quelques heures. On nous avait dit que Krishnamurti n’acceptait aucune offrande et qu’il était opposé à cette pratique comme il l’est d’ailleurs à beaucoup d'autres coutumes de la tradition orthodoxe. Mon habitude de vivre parmi les hindous orthodoxes est tellement invétérée que je vais cueillir quelques roses dans notre ashram avec l’intention de les offrir au maître. Je le fais avec une légère appréhension. Une fois encore, Krishnamurti nous montre qu’il cache «un cœur de BHODISATVA » derrière un intellectualisme en apparence froid et impersonnel. Il reçoit les fleurs dans les deux mains. Il a l’attitude et l’expression d’un homme qui reçoit une marque précieuse d’amitié. Quelques pétales sont tombées à terre. Krishnamurti s’accroupit sur le sol et ramasse une à une toutes les pétales comme pour signifier qu'il ne veut rien perdre de ce don précieux. Cet aspect inattendu du maître m’attendrit profondément.
H s’assied sur une natte à même le sol comme c’est la coutume en Inde et nous nous installons en face de lui. Nous sommes venus pour le DARSHAN et non pour le fatiguer avec des questions, d'autant plus qu’il ne fait pas de conférence à cette période et vit en réclusion. L'importuner avec nos doutes philosophiques serait de très mauvais goût. D'ailleurs, le « silence » d’un grand sage n’est-il pas le meilleur des discours ? Nous échangeons à peine quelques mots avec le maître. Puis le silence. Je ne saurais dire comment cela s’est produit, mes paupières tombent et j’entre en méditation. Mes compagnons en font de même d’après ce que j'apprendrai plus tard. Sauf le BRAHMACHARI qui garde ses yeux ouverts pour « observer le spectacle » me dira-t-il. Je ne saurai dire combien de temps cette méditation dura. Vingt minutes peut-être d’après les dires du BRAHMACHARI. Ce sera pour moi l’occasion d’une curieuse expérience : il me semble que mon corps physique s’est effacé et qu’il ne reste au centre qu’une ligne droite sur laquelle s’étagent trois nœuds psycho-physiologiques auxquels la conscience se cramponne sans pouvoir s’en dégager. Je les identifis comme les trois GRANTHIS (nœuds) classiques décrits dans la philosophie du yoga. Les trois liens fondamentaux qui nous attachent à la conscience individuelle limitée. Ils sont formés à leur racine de deux parties : un élément physiologique qui peut se localiser sur un point du corps. Il ne faudrait pourtant pas essayer de lui fixer une base anatomique car il fait partie d’une anatomo-physiologie subjective différente de celle qui est étudiée en Occident. Approximativement, on pourrait dire que ce point correspond à un plexus nerveux de systèmes sympathiques et parasympathiques. Le second élément du GRANTHI est formé par la conscience individuelle qui est en quelque sorte « tordue »sur ce point par le conflit des deux vagues mentales opposées de peur et de désir. C’est la combinaison des deux éléments qui constitue le GRANTHI. Les « nœuds » existent constamment chez l’homme ordinaire. Ils forment la base inconsciente de notre comportement et son voilés par des couches mentales de plus en plus superficielles jusqu’à celle de la conscience claire.
Le premier « nœud » en allant de bas en haut est le GRANTHI génital. T1 est placé à un niveau de conscience relativement plus superficiel que les deux suivants. Par « génitalité », je ne veux pas dire seulement l’élément sexuel. On peut très bien mener une vie de chasteté, avoir une solide maîtrise de l’instinct sexuel et pourtant ne pas être libéré du GRANTHI génital. Il totalise toutes les nuances d'amour et d'affection dans nos rapports avec les autres, Chacune a une tonalité qui lui est propre et l’amour sexuel n'est que l’une d’entre elles.
Le deuxième nœud est placé au niveau du cœur à un point où nous prenons conscience d’une angoisse respiratoire quand la respiration nous manque. C’est le centre de l’instinct de conservation de la lutte pour notre vie physique.
Le troisième GRANTHI se lrouve au niveau du front. Il est placé sur un plan plus profond encore que l’instinet de conservation physique. C’est le centre de l’égoité, la volonté de s'affirmer comme étant une entité distincte des autres. Vu dans sa nudité, il se présente comme une volonté d’être sombre, triste, dure.
Cette description des trois GRANTHIS ne correspond que dans les grandes lignes à celle qu’on trouve dans les livres classiques. Peut-être serait-elle en désaccord avec ces derniers sur des points secondaires. Ce que j'ai voulu décrire ici est simplement une expérience personnelle qui a pu être différente pour d’autres individus,
Nous prenons congé du maître. Il se lève et nous accompagne jusqu’au couloir, plaçant son bras tour à tour sur nos épaules.
Il pleut toujours et nous refaisons le long chemin vers notre ashram. Chacun des membres de notre petit groupe donne ses impressions sur cette entrevue extraordinaire avec le maître. Devant mes yeux, flotte l’image d’un nouveau Krishnamurti. Un Krishnamurti qui sait allier à un intellectualisme raffiné, une compassion infinie et cette tendresse spontanée qui sont les Marques caractéristiques d’un véritable sage.