Première Partie
Chapitre 1 : Paris 1945
6 juin 1944, La grande nouvelle se propage comme une traînée de poudre : les alliés ont débarqué en Normandie. En déroute, l’armée allemande recule, Ce qui paraissait impossible s’est enfin réalisé, Puis vient le 15 août 1945, l’attaque sur les côtes du midi.
Le territoire est libéré. Enfin, on peut respirer. Impression de se réveiller d’un long cauchemar.
Je suis médecin. Comme tout le monde, je suis remobilisé. J'ai trente ans. Je demande les FEFEO (Forces expéditionnaires d’Extrême Orient) car la guerre n’est pas terminée. Les Japonais n’ont pas encore demandé grâce. On se bat en Extrême Orient.
Je n’ai pas d’hostilité envers les Japonais. Loin de là. La culture de ce grand peuple a toujours été pour moi l’objet d’une profonde admiration. Le courage indomptable et l’esprit chevaleresque de ses « samouraïs », son art raffiné, son éthique culminant dans la forme ZEN du Bouddhisme ont forcé l’admiration du monde entier.
Les FEFEO est la porte ouverte vers l’Extrême Orient. On m'a promis une affectation à Colombo, au C.Q.G. Colombo. Presque l’Inde. L'Inde qui m’attire. L’Inde ? Mais qu’est-ce que donc l’Inde ? Certes, l'Occident peut être fière de sa civilisation matérielle et des miracles réalisés par ses savants, Dans ce domaine, l’Orient n’a presque rien à nous enseigner. Même sur le plan des valeurs éthiques, le code moral des religions judéo-chrétiennes, la loi romaine et la législation des nations modernes marquent un niveau qu’on ne peut guère dépasser. Mais l’Inde, malgré ses transformations, est restée la terre de prédilection de la culture spirituelle.
Un artiste qui veut se perfectionner en peinture ou en musique va à Rome ou à Florence. Pour le nec plus ultra de la médecine, il faut fréquenter la Faculté de Paris. La chimie s’apprend le mieux en Allemagne. Et ainsi de suite. Pour atteindre la perfection spirituelle, il faut aller faire un stage en Inde. I! n’est pas nécessaire d’adopter la religion et les coutumes des hindous. Il s’agit simplement d'apprendre aux pieds d’un maître cette sagesse qui n’est pas la propriété d’une race ou d’une nation mais qui appartient à tout le genre humain ; qu’on l'appel le « BRAHMA-GYAN », « la connaissance de soi », « le gai savoir » ou n’importe quel autre nom.
Aussi loin qu’on puisse remonter dans l’histoire de l’Inde, on s’aperçoit que la flamme de cette sagesse est toujours restée vivante, même dans les périodes les plus sombres de l’histoire du pays. Il semble qu'il y ait toujours eu au moins un sage parfait capable de l’enseigner. L'Occident a connu un Moïse et un Christ. Ce continent vit maintenant sur les traces qu’ils ont laissées. Mais en Inde, chaque génération voit apparaître des Christ et des Moïse. Peut-être même certains d’entre eux sont plus grands que les fondateurs des religions d'Occident …
Je suis à Paris. Après un entraînement à Saint Raphaël puis en Algérie, je suis muté au COG des FEFEO, devenu le CEFEO (corps expéditionnaire d’Extrême Orient). Mais les Japonais ont demandé grâce devant la bombe atomique et nous attendons notre démobilisation.
Paris, Il y a toujours un coin tendre dans mon cœur pour cette grande ville si calomniée par les étrangers. Certes, il y a de la luxure à Paris et des boîtes de nuit. Mais toutes les grandes villes du monde ont leur tare au même titre que notre capitaie,
J'aime Paris pour la beauté de ses avenues, la luxueuse exubérance de son architecture, la grâce de ses habitants et leur fine culture. Paris est une ville qui n’a pas son égale dans le monde entier. Ce n’est pas seulement une ville, c’est un monde. Le résumé de toute la culture de l'Occident depuis des siècles. Chaque quartier à un cachet spécial qui ne ressemble à aucun autre. Tous les domaines de l’art, de l’humanisme et de la science sont représentés sous leur forme la plus haute. Peu de gens savent que même celui qui a soif de spiritualité peut aussi y trouver ce qu’il cherche. Je vais y consacrer mon temps libre.
Gouroukrita, le sage de Saint Mandé
De mystérieux liens d’amitié relient les mystiques. Il semblerait qu’un pouvoir invisible les assemble et les fait sympathiser.
A St Raphaël, j'ai rencontré le Docteur M, un médecin plus âgé que moi. Le Docteur M est bouddhiste et il en est fier. Ses sympathies vont plutôt vers le bouddhisme tibétain, le « lamaïsme ». I! connaît le sanserit et le tibétain et a traduit des textes tibétains en français. Il a une sérieuse et longue expérience de la méditation. Je l’écoutais avec admiration et lui demandais des conseils comme à un grand frère. Il m'a parlé de son « gourou », son maître spirituel: «un véritable sage désireux de guider ceux qu’il juge aptes à recevoir son enseignement ». J’ai bondi de joie. Depuis l’âge de vingt ans, le mot de gourou a été pour moi comme une formule magique. Le prononcer ou simplement y penser m’amenait des larmes aux yeux. Mais qu’est-ce donc qu’un Gourou ? Est-ce si différent des relations humaines ? J'avais à peine quatre ans quand mon père est mort et son visage n’a pas laissé de traces dans ma mémoire d'enfant. Les psychanalystes diront qu’ayant été privé de l’amour paternel, cette privation refoulée et sublimée s’est manifestée par la recherche du Gourou dans la conscience de surface. Peut-être est-ce partiellement vrai. Mais qu'importe ce que disent les psychanalystes. La psychanalyse est une science encore dans l’enfance. Elle n’a exploré qu’une faible partie des méandres de l’esprit humain. Mais notre esprit est un ensemble où tous les niveaux fonctionnent en interrelation. On ne peut le connaître et porter de jugement que si on l’a compris dans sa totalité.
Les psychologues d’Occident admettent couramment que l’art, la dévotion, l’amour du Divin.etc. sont des sublimations de l’instinct sexuel. Peut-être faudrait-il renverser les données du problème et postuler que l’amour sexuel n’est qu’une dégénérescence ou une fausse interprétation de l’amour du Divin. Il est vrai que beaucoup de nos actes et de nos pensées sont des représentations symboliques de la vie sexuelle. Mais notre génitalité n’est pas notre dernier mot. L'acte sexuel est une représentation symbolique de quelque chose de plus fondamental. L'impulsion vers la recherche de 1’ « Autre » provient du fait que (sur le plan instinctif) nous avons conscience d’être séparés de « quelque chose » et que nous aspirons à l” «union » : l’union avec la Conscience universelle. Gourou est-il le chaînon qui devra nous relier à cette conscience,
Le Gourou physique (je veux parler du véritable gourou) marque en quelque sorte le point de virage de l’amour humain à l’amour du Divin. Ce n’est qu’une de ses fonctions mais non la moindre, En langage psychanalytique. on pourrait dire qu’il opère un « transfert affectif ». En réalité, le véritable gourou est Dieu lui-même. Notre « Moi » lumineux, le « Christos » des gnostiques. Il se concrétise en une forme humaine visible quand notre esprit devient mûr pour la recherche intérieure.
Mon ami, le Dr M a écrit à son maître pour annoncer ma venue. Par une belle après midi d'été, le métro me conduit à St Mandé. Avenue Victor Hugo. Hospice Lenoir- lousseran… Je demande le Docteur Garet. On me conduit dans sa chambre. Une chambre de malade! Le docteur, ancien interne des hôpitaux de Paris, diplômé de psychiatrie est cloué sur son lit depuis près de trente ans. Il vit comme un véritable moine, dénué de tout moyens, aux frais de l’assistance publique. Des troubles cérébelleux, conséquence d’une insolation l’ont amené 1ci après une vie active. Une homnmie ordinaire se serait allé au désespoir ou aurait sombré dans la démence. Mais, le Dr Guret ( Gougoukrita comme 1l se surnomme) n’est pas un homme ordinaire. Il est un « ascète né » pour employer son propre vocabulaire. Son esprit s’est tourné au-dedans, vers l’introspection. Il a découvert les secrets et le fonctionnement des rouages complexes de notre machine à penser. Il a trouvé quelque chose de plus. Ce qu’il appelle «l’Au-delà de… »
Un jour, des livres sur le « Bouddhisme Theravada » et sur le « Vedanta » sont tombés entre ses mains. Il s’est aperçu que ses découvertes coïncidaient avec la sagesse du Bouddha et celle des grands sages de l’Inde. Maintenant il se dit bouddhiste Theravadin. On ne peut lui faire reprocher ce que disait un grand maître Zen à un de ses élèves : «Il y a trop de bouddhisme dans ce que vous dîtes ». Ce qu’il enseigne est une chose vivante et vécue, Il ne se sert de mots et d’idées puisées dans les livres que pour faciliter les contacts avec ses interlocuteurs. Le langage des mots est « l'indispensable intermédiaire » dit-il.
Les Bouddhistes de Paris le regardent avec méfiance. Car selon eux, ses vues ne sont pas très orthodoxes. Elle friseraient même parfois l’hérésie.
Une courte barbe grise encadre ce visage de vieillard souriant et paisible. Pas de trace de cette tristesse résignée que l’on observe si souvent chez les malades incurables ou les pensionnaires d’hospices de vieillards. Ses yeux sont toujours en alerte, toujours éveillés, saisissant au vol une réaction intéressante de l'interlocuteur et surveillant soigneusement ses propres réactions mentales, « Avant tout ne pas perdre sa SHANTI (paix intérieure) » dit-il.
Me voici son élève. Il veut enseigner, sachant qu'il a quelque chose à transmettre. I] demande donc qu’on lui envoie des élèves. Mais 1l est difficile dans le choix de ses disciples. I accepte de préférence les médecins, à condition qu’ils aient répondu favorablement aux « tests ascétologiques » qu’il fait à leur insu.
Il commence ses leçons comme le ferait un maître d'école. Il insiste même pour que je prenne des notes. Avant de partir, il me prête la première partie de son manuscrit sur l’Ascétologie, et quelques livres sortis d’une armoire abondement fournie.
Pendant cinq ans, je suis son enseignement. Une étape importante qu’il m'aide à couvrir.
Peut avant de terminer ce livre, une lettre venant de France m’apprend la mort de Gougoukrita. Voici comment un témoin oculaire a décrit ses demiers moments :
« Il est décédé le 5 mars 1966 à 6h du matin d’une broncho-pneumonie. Ce fut je crois la phase terminale d’une fin qu’il pressentait. Il est mort en pleine conscience, avec le souci d’analyse que vous lui connaissiez. Son masque mortuaire m'a vivement frappé par sa beauté sereine, avec une sorte de sourire intérieur un peu moqueur mais rayonnant… »
Monsieur Gurdjieff, le « Maître russe »
Monsieur Gurdjieff est un étrange personnage. « Un maître d’une classe exceptionnelle comme il est rare d’en rencontrer ». C’est ainsi qu’en parle un de ses principaux disciples avant de me le présenter. Encore une providence. Mon ami le Dr M m’a introduit dans cet étonnant milieu. I! n’est pas à Paris, mais il m'a donné un mot d'introduction pour C de l'institut pasteur. Il est le deuxième chaînon. Le troisième est Madame de S, la gardienne du Seuil.
Madame de S est une grande dame russe au visage noble et attrayant. Ses grands yeux vous regardent droit en face. Elle pourrait vous fasciner si elle le voulait. Elle sert d’interprète entre Gurfdjieff et ses élèves. Le maître s’exprime en effet dans un français élémentaire souvent obscur ou incompréhensible. C’est elle aussi qui transmet et commente les instructions du maître. Elle semble porter toute la charge de la direction spirituelle et matérielle de l’organisation.
Il semble que c’est elle le véritable « maître » et que Gurdjieff est là comme un spectateur goguenard regardant s’agiter les poupées humaines dont peut-être, il sait tirer toutes les ficelles, Madame de S me reçoit très aimablement dans son appartement de la rue N. Elle prend d'emblée un ton familier et affectueux comme si j'étais déjà accepté dans le groupe des disciples.
Mon premier contact avec le maître sera une invitation à déjeuner à sa table. Je suis très touché de ce grand honneur accordé au débutant inconnu que je suis, Le jour prévu, j'arrive à l’appartement du maître, rue M. Je me retrouve face à ce célèbre gourou russe, Gurdjieff est un homme de taille moyenne, plutôt gras. I paraît assez âgé, plus de soixante ans probablement. Son crâne est presque chauve et il porte une longue moustache. Un homme très simple. Pas le moindre désir de jouer un personnage ou de vouloir « en imposer ». Il semble vivre constamment dans un état de relaxation à la fois physique et mental. Le maître s’exprime dans un français élémentaire formé surtout de noms communs et d'adjectifs, dépourvu souvent de verbes et d'articles. De temps en temps, il s'adresse en russe à un compatriote qui traduit si nécessaire. Il sourit presque toujours, mais d’un sourire presque ironique.
Présentation au maître… En quelques mots, il porte un jugement sur moi dont je ne saisis pas la signification. Je lui demande s’il consentirait à prendre la charge de me guider dans le domaine spirituel. I! me répond par une question :
- Vous fumez des cigarettes ?
- Je ne fume pas. Juste quelques bouffées de pipe ou de rarissimes cigarettes.
- Et bien, calculez ce que vous avez économisé en ne fumant pas, vous me donnerez cet argent et je vous guiderai.
Plaisante-t-il ou parle-t-il sérieusement ? Je préfère croire qu’il plaisante car je n'aurai qu’une piètre estime pour un maître qui vendrait sa sagesse. Néanmoins, plus tard, en Inde, J'apprendrai que cette exigence n’aurait rien de choquant dans le cadre de la tradition hindoue. C'était jadis la coutume de donner au gourou la DAKSHINA, c'est-à-dire les honoraires pour Son enseignement. Pourtant, je n’ai rien rencontré de semblable auprès des grands sages modernes avec lesquels j'ai été en contact.
Gurdjieff semble faire la cuisine lui-même. Je le vois, une cuillère à la main remuer des ingrédients dans une casserole sur le fourneau.
Nous nous mettons enfin à table. En plus du maître et de Mme de S, d’autres personnes que je ne connais pas déjeunent avec nous. On est tout de suite à l’aise avec Gurdjieff. Pas de souci de politesse. Pas de rigidité. Je me sens étrangement naturel. Une multitude de petits piats tous délicieux sont servis, Ils me sont tout à fait inconnus. Des préparations russes, grecques Ou caucasiennes car le maître serait en fait un Grec du Caucase. À moins que ce ne soit des recettes ramenées d'Inde, du Tibet ou de Mongolie. La boisson me frappe et me choque à la fois. Elle est servie dans des petits verres, Pas d’eau sur la table, pas de vin non plus. On boit seulement un liquide fortement alcoolisé. De la vodka peut-être. Mangez ou ne mangez pas Mais il faut boire. Le maître nous force à boire les verres «cul sec» et les remplit immédiatement après. Il n’admet aucune défaillance sur ce point.
Je suis buveur d’eau (mais pas mauvais caractère…). Il m'arrive de boire du vin très rarement en petite quantité. Mais j'ai horreur de l’alcool. Je n’ai jamais trouvé de délices dans ce liquide qui vous brûle la bouche, fait contracter douloureusement l’æsophage, vous suffoque et vous donne le hoquet. l’essaye de parlementer pour essayer d'échapper au supplice, mais le maître est intransigeant. Je parviens seulement à échapper de temps en temps à une tournée ou à laisser un petit fond dans mon verre. Pourtant, malgré mon manque d’entraînement, Je ne Suis pas ivre, ni même loquace. Est-ce l’influence du maître ou bien y a-t-il une contre drogue dans les préparations ?
Peut-être cela fait-il partie des techniques du maître que d’alcooliser un de ses disciples ou un nouveau venu. L'alcool produit en effet une relaxation mentale qui permet d’étudier et de connaître plus facilement le tempérament et l’esprit d’une personne.
À chaque tournée, on porte un toastes. Des toastes aux idiots ! Nous disons par exemple : « Je bois à l’idiot sans espoir ». Le but de toute discipline spirituelle est d'aller au-delà des pensées et des mots et de réduire notre esprit au silence. « L'idiot » spirituel à l'inverse de l’idiot mondain (déchet de la société) est au sommet de l'échelle des réalisations spirituelles. D'autre part, l’espoir est le mobile central qui anime notre esprit. Renoncer à tout espoir et à tout désir, c’est abandonner des ombres décevantes. Alors le réel qui est le bonheur parfait se révèle spontanément.
Le repas terminé, je prends congé du maître. Je suis invité le soir à une réunion de disciples. En fin de journée, je vais d’abord chez Madame de S pour les instructions et l’enseignement spirituel. Elle nous donne également des directions sur la manière de méditer. Ensuite, nous allons chez Gurdjieff à la réunion du soir.
Je ne saurais comment décrire cette réunion… Cela ne ressemble en rien à une classe ou une salle de conférence, mais plutôt à un cocktail. On reste debout, on se ballade, on parle, on rit, on plaisante. Et on boit à nouveau. Malgré le Tohu-Bohu, Gurdjieff veille à ce qu’on vide consciencieusement les verres. Je profite d’un moment où son attention est dirigée ailleurs pour refiler une tournée à un voisin amateur de ce genre de liquide. Hélas, le maître aperçoit mon geste el dirige vers moi un regard réprobateur. Il me tient à peu près ce langage : « Je voulais vous placer dans mon cercle ésotérique mais maintenant vous ne serez plus que dans mon cercle exotérique ». Me voici dégradé. Nous sommes une vingtaine ou une trentaine dans une chambre d'appartement ordinaire. Presque fous sont jeunes. La plupart me sont inconnus. Ils semblent presque tous venir de classes aisées. Il y a des médecins, des écrivains, des artistes. Certains semblent avoir une foi profonde en leur maître. La plupart doivent avoir trouvé quelque chose à leur goût puisqu’ils reviennent et restent avec Gurdjieff.
Le maître est entouré de quelques jolies filles. Une toute jeunette ( pas plus de dix-huit ans) très belle semble être la favorite. Des racontars disent que les contacts du maître avec ces jeunesses ne se limitaient pas seulement à l’amour mystique ou même platonique…
L'alcool et les femmes ? Est-ce cela que cette aristocratie parisienne vient chercher ici ? Certes non. Ce n’est pas cela, Ou du moins que cela. Les lieux de débauche ne manquent pas à Paris.
Loin de moi l’idée de porter un Jugement sur le maître russe. Mes contacts avec lui ont Été trop courts pour me le permettre. Après quelques jours seulement. j'ai battu en retraite pour ne plus jamais revenir. En ce qui concerne la vie spirituelle, je ne suis. hélas, qu’un vulgaire conformiste. Mon idéal du sage est le type classique de l’ascète : « pur comme une goutte de rosée, lumineux et transparent comme le saphir ». C’est la route royale que j'ai choisie. Celle qui passe par une purification et un raffinage de l’esprit jusqu'à ce qu’il se fonde dans l’Absolu. ‘
Néanmoins, l’Absolu est au-delà du bien et du mal et il existe un chemin qui passe par le côté négatif de notre esprit. De tous temps, il y a eu des écoles qui ont tenté de se saisir du dynamisme de l’union sexuelle pour transcender nos limitations humaines.
La Bible nous parle des horreurs des cultes de BAAL-ZEBOUTH et de MOLOCH que les enfants d’Israël avaient comme mission d’éradiquer pour les remplacer par le culte de l’EL-ELYONN, le Dieu suprême.
En Grèce ancienne, les pratiques des voies dionysiaques et apolloniennes semblent avoir COexistés.
De nos jours encore en Inde, fleurissent quelques sectes :
Le VAMACHARA qui est un rameau de l’école SHAKTA Cet « horrible » VAMACHARA comme l’appelait VIVEKANANDA a pris comme objet de culte tout ce que l’Inde orthodoxe a en horreur : l’union sexuelle, l'alcool et la viande. Il propose à ses adeptes, non pas la renonciation au monde pour atteindre le bonheur de la libération, mais la BHOKTI-MUKTI .
la jouissance du monde et la libération en même temps.
Les AGHORAPANTHA forment une secte de yogis presque éteinte de nos jours. Mais il en existe encore quelques specimens dans la montagne de GIRINAR. Ils poussent l’horreur quelquefois jusqu’au cannibalisme.
Les KARTABHAJA appelés encore SAHAJIKAS sont rattachés à l’école Vishnaïste.
Les disciples vivent entre eux sous le mode d’amants et maîtresses. Quand le maître de demande à une femme disciple : « avez-vous trouvé votre Krishna ? ». cela signifie : « avez-vous trouvé Un amant parmi les disciples ? »
La plupart des membres de ces sectes, réussissent à dépasser l’instinet bestial pour s’emparer de pratiques magiques de bas étage comme l'art de séduire, l’art de rendre une personne esclave, l’art de tuer un ennemi par magie etc…
Toutes ces voies sont difficiles et périlleuses et ne conviennent pas un esprit occidental. Cependant, il est certain qu’un maître ( quand il est parfait) est au-dessus des conventions sociales de bien et de mal et de toutes les lois morales et religieuses. Néanmoins. étant le « Bien Parfait ». il ne fera en règle générale que des actes irréprochables. RAMAKRISHNA disait à ce sujet : « un parfait danseur ne fait jamais un faux pas »
Je n’ai jamais rencontré ni en Inde, ni à Ceylan de sage parfait enseignant le code moral admis par les conventions sociales. L'histoire et la légende nous parlent de yogis ayant librement fait usage de leur droit d'être au-delà du bien et du mal.
VILAMAKIRTI. un des disciples laïques du Boudha. dit le VILAMAHARTI NIRDESA (cite Arthur Walez dans « Buddhist texts » par E. Conze) avait atteint un tel degré de perfection qu’il pouvait fréquenter impunément les taveres et les lieux de débauche. C'était aussi un dialecticien si habile qu'aucun des grands disciples di maître n'avaient pu lui tenir tête.
PADMA SAMBHAVA, un des fondateurs du lamaïsme au Tibet avait commis les actes interdits les plus horribles par compassion pour les victimes. Bien entendu. le fait de violer le code moral établi n'est pas la preuve suffisante d'une réalisation parfaite. La preuve se trouve dans le pouvoir du Vogi et dans sa connaissance de la vérité.
L'histoire suivante en donne une illustration” : Adapté d'après le texte anglais : The books of the ere liberarion par Tavams- Wentz,
Un jour, un HERUKA (ascète nu) apparut dans une petite ville d’Inde (C’était PADMA SAMBHAVA qui avait pris cette forme). Il alla droit dans une taverne et demanda à la patronne de lui servir du vin. Boire du vin est une faute très grave pour un moine en Inde. Elle lui demanda quelle quantité il désirait. Le moine répondit : « Tout ce que vous avez en magasin ». Il y avait plusieurs centaines de jarres et la patronne lui demanda s’il avait de quoi payer. Le HERUKA répondit qu’il payerait après le coucher du soleil. Il se mit à boire sans arrêt et bientôt. Toutes les jarres de la taverne furent vidées. II envoya la patronne chercher du vin dans d’autres tavernes. Le soleil était sur le point de se coucher mais le moine posa son PHURBA (poignard magique) sur le comptoir, moitié dans l’ombre, moitié dans la lumière du soleil. Le soleil arrêta sa course et resta immobile dans le ciel. Cela dura plusieurs semaines. La chaleur devint intolérable, les rivières et les étangs s’asséchaient et les épis de céréale flétrissaient dans les champs. Les gens du pays se plaignaient. Ils pensaient que leur infortune était une punition des dieux due à l’inconduite du moine dans la taverne. Ils demandèrent au roi du pays d’intervenir.
Le roi lui-même descendit dans la taverne et réprimanda sévèrement le moine. Il lui demanda pourquoi il ne cessait pas de boire. Le HERUKA répondit qu’il avait promis de régler l'addition après le coucher du soleil et qu’il n’avait pas de quoi payer. Alors le roi fit remettre à la patronne de la taverne le montant de la note. Le HERUKA enleva son poignard magique du comptoir et le soleil se coucha. Puis tout rentra dans l’ordre.
On raconte aussi que le grand SHANKARACHARYA renommé pour sa sagesse et sa pureté, voulant un jour donner une leçon à ses disciples, entra accompagné d’une dizaine de moines dans une taverne et commanda de l’alcool. La vénération pour un gourou est très grande en Inde et SHANKARACHARYA était considéré comme un des maîtres du plus haut niveau. Les disciples se demandaient s’ils devaient suivre l’exemple du maître car boire du vin est considéré en Inde comme une faute très grave, même pour un laïque. Une partie des moines décida de boire le vin tandis que les moines les plus expérimentés décidèrent de s'abstenir.
SHANKARACHARYA sortit de la taverne sans dire un mot et continua sa promenade suivi de ses disciples. Il entra dans l’atelier d’un forgeron et se mit à avaler des charbons ardents mais là, aucun des disciples n’osa marcher sur les traces du maître…
À une autre occasion, SHANKARACHARYA démontra qu’il était au-delà du bien et du mal : Afin d'accomplir sa mission — c’est-à-dire rétablir le brahmisme orthodoxe dans l'Inde alors qu’elle était encore sous l’influence bouddhiste- SHANKARACHARYA voyageait de long en large dans le pays et engageait des discussions religieuses avec des moines bouddhistes et des représentants d’autres sectes de l’hindouisme. Ces discussions n’étaient pas de simples joutes verbales car l’enjeu était important. Il arrivait fréquemment que le perdant doive se brûler vivant ou aller se noyer dans la mer. L’une de ces joutes philosophiques eut lieu un jour avec un célèbre brahmane du non de MADAN MISRA. Il était un représentant de l’école du PURVA MIMAMSA qui soutenait que les rites sacrificiels prescrits pour les VEDAS étaient à eux seuls suffisants pour atteindre le but suprême. Il n’était donc pas nécessaire de renoncer au monde comme l’enseignait SHANKARACHARYA.
L'enjeu de la discussion était le suivant : Si MADAN MISRA était vaincu, il devrait renoncer au monde, devenir moine (SANYASI) et suivre l’enseignement de l’école de SHANKARACHARYA. S'il était victorieux, SHANKARACHARYA s’engageait à abandonner la vie monastique et à mener la vie d’un mondain.
La bataille oratoire s’engagea et dura plusieurs jours, Finalement MADAN MISRA dut s'avouer vaincu. Mais son épouse. une femme très sage. intervint et prétendit que la victoire de SHANKARACHARYA n'était pas complète car l’homme et son épouse formaient une unité, Il devait donc aussi vaincre cette dernière. SHANKARACHARYA accepta le défi. La dame aiguilla le défi sur les points du KAMA-SUTRA qui règle les relations sexuelles. SHANKARACHARYA avait toujours observé le vœu de chasteté le plus strict et il était tout à fait ignorant en cette matière. Néanmoins, il ne s’avoua pas vaincu et demanda un délai pour se documenter.
SHANKARACHARYA ne pouvait pas se permettre d’avoir des relations sexuelles, son corps physique étant un corps de yogi pur depuis l’enfance. De plus, son prestige de réformateur en aurait considérablement souffert. I contourna la difficulté. Un RAJAH du voisinage venait à peine de mourir. SHANKARACHARYA sortit de son corps physique qu’il laissa dans un endroit caché dans la jungle sous la garde de quelques disciples et entra dans le corps du RAJAH.
Quelle ne fut pas la surprise des ministres du roi et de ses reines quand ils virent leur monarque ressuscifer juste avant que soit allumée la flamme du bûcher funéraire ! Leur étonnement fut encore plus grand quand ils s’aperçurent que ce roi qui avait été un homme tout à fait ordinaire, parlait et se conduisait comme un grand sage.
Bientôt ils soupçonnèrent que quelque yogi avait opéré un transfert de conscience. Afin de ne pas perdre un roi aussi, remarquable, des ordres furent donnés aux soldats de battre la campagne afin de trouver un corps humain gisant sans vie et de le brûler.
Pendant ce temps, le roi -SHANKARACHARYA- se réjouissait avec ses reines, goûtait des plaisirs de la cour et finit par oublier complètement ce qu’il avait été auparavant.
Les disciples ne voyant pas revenir leur maître, envoyèrent l’un d’entre eux à sa recherche. Il parvint à pénétrer dans le palais malgré la présence des gardes et récita au roi —SHANKARACHARYA- un hymne que ce dernier avait composé sur la gloire de l’ATMAN. En l’entendant, SHANKARACHARYA se souvint de sa véritable personnalité et retourna dans son corps qui revint à la vie juste au moment où les soldats du roi qui l’avaient découvert allaient l’incinérer.
Désormais parfaitement documenté en matière de relations sexuelles, SHANKARACHARŸA retourma chez MADAN MISRA et engagea la polémique avec son épouse. Celle-ci fut finalement vaincue comme l’avait été son mari. Tous deux prirent le SANNYASA, l’initiation monastique et devinrent les plus ardents soutiens du mouvement VEDANTIQUE.
Un Gourou peut dans des circonstances exceptionnelles ordonner ou faire faire au disciple un acte délictueux s’il juge que cela est indispensable à son progrès. Les deux histoires suivantes en sont les Illustrations :
Le maître CHIH- YUEH
Le maître de la loi, FA-HUI était un moine bouddhiste chinois très avancé dans le domaine spirituel. Néanmoins, il n’avait pas encore atteint la réalisation sérieuse. Un jour, une nonne lui conseilla fortement d’aller à KUCHA dans le TURFAN au monastère de «la fleur d’or » où vivait CHIH-YUEH, un maître renommé, qui dit-elle lui enseignerait le suprême DHARMA (sagesse). FA-HUI suivit son conseil. Il arriva chez CHIH-YUEH qui le reçut très cordialement. Il lui offrit une cruche pleine de vin et lui demanda de boire. FA-HUI protesta avec véhémence et dit qu’il ne pouvait se résoudre à avaler cette chose impure. Le maître CHIM-YUEH prit FA-HUI par les épaules, lui fit faire demi tour et le mit à la porte. La cruche à la main, FA-HUI se dirigea vers la cellule qui lui avait été assignée.
Dans sa chambre, il réfléchit longuement et se dit : « Je suis venu de si loin pour lui demander conseil, peut-être y a-t-il quelque chose que je ne comprends pas dans sa manière d'agir. Il vaut peut-être mieux que je fasse ce qu’il m’a conseillé ». Alors il avala d’un trait tout le vin contenu dans la cruche. Cela le rendit complètement ivre, malade, malheureux et finalement il perdit conscience.
Quand il eut cuvé son vin, se rendant compte qu’il avait rompu ses vœux de moine, il eut terriblement honte et se frappa avec son bâton. Désespéré, il fut sur le point de se suicider.
Mais à l’issu de cet état de désespoir il atteignit l'ANAGAMI-PHALA, l’avant dernier état de réalisation spirituelle mentionné dans les écritures bouddhistes (le plus élevé étant celui d’ARAHANT).
Quand FA-HUI revint dans la cellule du maître CHIH-YUFH, celui-ci lui demanda :
- L’avez-vous eu ?
- Oui, je l’ai eu, répondit FA-HUI
Extrait du TAKAKUSU TRIPITAKA adapté d'après la traduction anglaise d'Arthur Waley
La plus belle fille de SAKYAS
NANDA, le cousin de Bouddha avait pris la robe de moine mais faisait ses pratiques sans enthousiasme et désirait retourner à la vie mondaine.
Ayant appris cela, le Bouddha lui demanda s’il était exact qu’il désirait retourner à la vie inférieure et qu’elle en était la raison. NANDA répondit : « Vénérable, le jour où j'ai quitté ma maison, une fille du pays des SAKYAS ( le royaume du père de GOTAMA le Bouddha), les cheveux à moitié défaits, la plus belle fille du pays se retourna pour me voir partir et me dit : « Puisses-tu revenir bientôt jeune maître ». Je pense sans cesse à elle. Je ne trouve aucun intérêt aux exercices spirituels et je compte abandonner mes pratiques pour retourner à la vie inférieure »
Utilisant son pouvoir magique, le maître prit NANDA par le bras et le transporta au royaume de SAKKA (INDRA, le roi des dieux).
Il y a avait là cinq cents APSARAS, des nymphes divinement belles qui venaient servir le roi des dieux. Elles étaient nommées : « celles au pied de Colombe ».
Le Boudha demanda à NANDA si elles étaient aussi belles que la fille de SAKYA. NANDA répondit que la plus belle fille des SAKYA comparée à une de ces nymphes serait semblable à une guenon dont on aurait coupé le nez et les oreilles. Le maître ramena NANDA sur terre et lui promit que s’il pratiquait consciencieusement ses austérités, il pourrait obtenir une de ces nymphes divinement belles. Les autres moines apprirent bien vite que le vénérable NANDA suivait ses pratiques religieuses en vue d'obtenir les cinq cents nymphes et le tournèrent en dérision.
Triste, honteux et dégoûté, NANDA vivait à l’écart et mettait toute son ardeur dans ses pratiques spirituelles. Il atteignit rapidement l’illumination finale. Il en oublia complètement les nymphes et la fille de SAKYAS car les joies terrestres ou célestes sont insignifiantes comparées au bonheur de l’illumination.
La mission RAMAKRISHNA
Ici, tout est clair et simple dans la classique et solide tradition vedantique de l’Inde.
Le grand sage RAMAKRISHNA qui a vécu dans la seconde moitié du siècle dernier a ouvert une ère nouvelle dans les relations entre l’Hindouisme et le monde occidental. H semble avoir été le premier grand sage hindou qui a ouvertement et clairement reconnu l’unité fondamentale de toutes les religions, comme des voies différentes mènent vers le même but.
Son disciple, VIVEKANANDA a voulu aller encore plus loin et a entrepris de propager la sagesse de l’Inde sous la forme du VEDANTA dans le monde entier.
C’est de là qu’est née la Mission RAMAKRISHNA. Elle a maintenant des centres dans la plupart des grands pays du monde.
C’est la première fois dans l’histoire que l’hindouisme (religion foncièrement nationale et raciale) envoie des missionnaires pour propager ses doctrines. Il ne s’agit pas de convertir qui que ce soit. Le VEDANTA se considère comme une base commune à toutes les religions, leur fondation ésotérique. Selon les mots de VIVEKANANDA, le VEDANTA ne demande pas aux chrétiens ni aux musulmans de devenir hindous, mais veut l’aider à devenir un meilleur chrétien et un meilleur musulman, à mieux comprendre sa propre religion.
En 1945, le centre de la mission était à Saint-Mandé, rue Alphand dans l’appartement de Mme N dont l’époux avait été un ardent soutien du mouvement veddantique en France. Après la mort de son mari, Mme N poursuivit l’œuvre commencée.
Mme N me reçoit très cordialement. C’est elle qui s’occupe de la direction matérielle du centre RAMAKRISHNA de Paris. Selon une coutume courante en Inde, elle tient les fonctions de la « mère de l’ashram ». Le swami l’appelle NATAJI (NATA=mère ; Jl est un suffixe montrant le respect).
Le swami chargé de la direction de la mission est un hindou du Sud de l’Inde, prince de la famille royale de Cochin (sur la côte du Malabar). Son nom de moine est SWAMI SIDHESWARANANDA. Il est un disciple de BRAHMANANDA, le plus grand des disciples directs de RAMAKRISHNA. Sur la proposition de VIVEKANANDA et avec l’assentiment du maître, les co-disciples l’ont sumommé RAJA (leur roi), BRAHMANANDA fut le premier chef spirituel de la mission. Il a la réputation d’être très difficile dans le choix de ses disciples et ne donne l'initiation qu’à de rares élus. SIDHESWARANDA fut un de ces élus.
Un de mes amis de la bibliothèque nationale et disciple de longue date de SIDHESWARANANDA m'’introduit auprès du swami. Ce dernier est drapé de la robe orange du SANYASI et coiffé d’un turban de la même couleur. Il est plus grand que la moyenne. Il a de larges épaules. On a du mal à croire qu’il souffre d’une maladie du cœur qui l’emportera quelques années plus tard.
SWAMI SIDHESWARANANDA sait mettre ses auditeurs à l’aise dés le premier contact. Il a (comme certains sages hindous) cette familiarité cordiale, expression spontanée d’une tendresse pour l’humanité. Très différent de l’amabilité conventionnelle des gens bien élevés. Le swami a appris le français rapidement. Il le parle presque couramment, prononce des discours et écrit même des livres dans notre langue.
Il à eu la gentillesse de m’accorder une entrevue privée car je désirais lui demander quelques conseils. Il m’a attribué un mantra. Une formule magique sacrée à répéter en boucle. I] m’a indiqué la manière de le moduler. Enfin, il m’a donné des directions sur des méthodes de méditation. Selon le canon orthodoxe hindou, cela équivaut à une DIKSHA. une initiation officielle. Si je l’accepte, le swami prend envers moi la lourde responsabilité de Gourou et moi les obligations du disciple. Des liens qui ne peuvent jamais être rompus, même par la mort.
Les swamis de la mission RAMAKRISHNA ne donnent pas l’initiation en leur propre nom, mais ils initient au nom de RAMAKRISHNA. Comme le faisaient jadis les disciples du Christ.
En Inde, on pose souvent cette question à un SADHAKA (celui qui suit une discipline spirituelle) : Avez-vous reçu la DIKSHA ? Qui est votre Gourou ?
Depuis des millénaires, la tradition spirituelle est transmise dans ce grand pays de maîtres à disciples, de Gourou à SHISHY A.
Officiellement, si après un rite cérémoniel, le maître murmure un mantra dans l’oreille du disciple, la relation de Gourou à SHISHYA s’instaure.
En réalité, la chose est bien plus complexe. La véritable initiation est une transmission de pouvoir dont le résultat devra être un éveil partiel ou total de la KUNDALINI, le pouvoir - dormant dans chaque être humain.
Le mantra, la formule sacrée n’est qu’un support, utile, certes, voire même indispensable pour un Gourou de capacité moyenne.
Mais la simple communication d’un mantra sans transmission de pouvoir n’est qu’une illusion d'initiation. D’autre part (et cela est fréquent chez les grands sages) la transmission de pouvoir peut se faire sans mantra, par un regard; un attouchement, voire même à distance.
Une fois la kundalini, le pouvoir divin éveillé (qu’importe le nom qu’on lui donne), c’est le pouvoir qui guidera le disciple. C’est cela le Gourou intérieur, le Christos des gnostiques. Le Gourou humain n’interviendra alors que si le disciple a perdu le contact avec le guide intérieur ou si son esprit est voilé pour une raison quelconque. En fait, le rôle du Gourou humain est d’établir ou de rétablir une connexion de l’esprit du disciple avec le Gourou intérieur.
J'ai revu plus tard le swami à Marseille, puis à Gretz où la mission Ramakrishna fut installée. C’est en Inde que j'apprendrai avec tristesse que le swami SIDHESWARANANDA sera emporté par une crise cardiaque.
Les amis du Bouddhisme
Le Dr M, membre proéminent de cette organisation m’introduit dans ce cercle de bouddhistes français. La plupart des membres ne sont pas seulement des « Amis du Bouddhisme », mais professent et pratiquent le bouddhisme en tant que religion. Ici, on suit les doctrines du THERAVADA et on l’enseigne. Le THERAVADA est encore appelé HINAYANA (petit véhicule) ou Bouddhisme du Sud. Cette doctrine est enseignée à Ceylan, en Birmanie et en Thaïlande. Les moines de cette école déclarent être les seuls à avoir conservé intact et pur l’enseignement original du Bouddha. Les autres écoles, le Bouddhisme du Nord ne seraient que des déformations et des aberrations acquises au contact des religions aborigènes.
Le bouddhisme du Nord qui s’appelle aussi le MAHAYANA (le grand véhicule) prétend que la secte rivale du THERAVADA ( HINAYANA- petit véhicule) n’a conservé que l’enseignement ésotérique du maître et qu’il existe une doctrine secrète qui n’a été recueillie que par quelques disciples.
A Paris, on pratique très sincèrement et sérieusement la doctrine du grand maître telle qu’elle est enseignée dans le canon PALI de l’école de Ceylan et l’on répète avec foi et dévotion le triple refuge :
BUDHAM SHARANAM GACCAMI
DHAMMAM SHARANAM GACCAMI
SHANGAM SHARANAM GACCAMI
Je prends refuge dans Bouddha
Je prends refuge dans la doctrine
Je prends refuge dans la congrégation (des moines)
L'organisation est rattachée à l’association mondiale des bouddhistes. L’âme du centre de Paris est sans conteste Miss Lounsberry. Une dame d’origine anglaise qui possède une vaste érudition religieuse et philosophique, ainsi qu’une sérieuse expérience de vie spirituelle et de méditation. Elle est digne de la plus haute admiration car elle a mis en jeu toute son énergie et sa fortune, mais aussi sa santé afin de créer cette organisation et propager le bouddhisme en France. Elle a écrit quelques livres d’une réelle valeur, en particulier sur les méthodes de méditation selon l’école du Bouddhisme dans le Sud. Elle est secondée par Mmme Lafuente, descendante de nobles espagnoles dont l’érudition religio-philosophique n’est pas moindre.
Cette dernière s'occupe aussi de la direction du périodique trimestriel de l’association : La pensée Bouddhique.
On se réunit dans la soirée au 31, rue de Seine. On médite régulièrement. Parfois des conférences sont organisées. La fête bouddhique de WAÏSHAK (la naissance du Bouddha) y est célébrée avec éclat et les représentants des ambassades des pays bouddhistes y assistent généralement.
Cette année, l’association comptera un membre de plus car je me suis inscrit comme membre actif des Amis du Bouddhisme.
MAHESH
Qui ne connaît pas MAHESH à Paris parmi ceux qui s’intéressent au Yoga ou à l’Hindouisme ? Je l’avais rencontré vers 1945 alors qu’il débutait à peine. Il est un Hindou de Mysore, un HATHA-YOGI. Un grand gaillard au corps admirablement bien proportionné, exemple vivant des résultats de la science qu’il enseigne.
Son Gourou s’appelle MRITYUNGJAYA. C’est un épithète de Shiva. Un nom comme les autres en Inde qui signifie : « le vainqueur de la mort ». Nom tout à fait approprié pour un maître du HATHA YOGA. L'objectif de cette science est de maintenir le corps en parfaite santé et équilibre ou de le ramener à un état de santé si nécessaire. Ceci, dans le but de préparer l’individu aux étapes supérieures du Yoga.
Il pratique un certain nombre de postures, d’exercices physiques et respiratoires. Les exercices n’ont rien de commun avec ceux de la gymnastique occidentale. Ils sont en effet basés sur une anatomo-physiologie totalement différente de celle qui est familière aux occidentaux. Ils partent de la connaissance du réseau subtil des sept CHAKRAS (MULADHARA, SWADHISTANA. MANIPURA, ANAHATA, VISHUDHA, AJNA et SAHASHARA), des centres psychiques du corps subtil et des innombrables NADIS (les courants nerveux psychiques) dont seuls les trois principaux sont importants à connaître : L'IDA, la PINGALA et le SHUSHUMA.
Les postures (ou ASANAS) et les exercices respiratoires (PRANAYAMAS) visent à emmagasiner de la force vitale dans un ou plusieurs des CHAKRAS et d'ouvrir ou de nettoyer des NADIS oblitérés ou encombrés.
Un HATHA-YOGI bien entraîné acquiert non seulement une santé normale, mais aussi une résistance extraordinaire aux maladies, un pouvoir de cicatrisation rapide des plaies, une digestion super-normale et un accroissement considérable des facultés intellectuelles. Une intensification de toutes les facultés.
Cette intensification a aussi un impact sur les instincts bestiaux et une discipline morale est une condition sine qua non pour la pratique d’un HATHA-YOGA intensif. Dans le cas contraire, on s'expose aux plus graves dangers : débauche, maladie, folie et même la mort. Néanmoins, quelques exercices choisis par un guide averti et une pratique modérée dans le but de se maintenir en forme sont sans danger.
Il y a eu des écoles (et il y en a encore) pour lesquelles le HATA-YOGA était un yoga total qui avait pour but l’illumination spirituelle. La plus célèbre est celle des quatre vingt quatre MAHA-SIDHAS, les « grands magiciens » dont les aventures et les miracles ressemblent aux histoires des contes des mille et une nuits.
MAHESH a été le premier maître à m’enseigner les ASANAS, Rétrospectivement, j’admire la prudence et la sagesse avec laquelle il m'a guidé dans mes premiers pas. Plus tard, en Inde. J'ai pratiqué la plupart des ASANAS presque comme un expert.