Jay Mâ n°114
(AUTOMNE 2014)
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Paroles de Mâ
Chapitre 31
Extrait du livre ‘Paroles de Mâ Anandamayî-Classées par thèmes’
SATSANG
Il est du devoir de l’être humain de rechercher la présence de tout ce qui est bon et vrai (satsang), la présence de Dieu. Il ne peut être que bénéfique pour vous d’avoir autant de satsang que possible, car ceux-ci orientent votre esprit vers Dieu.
Faites en sorte que votre condition mentale soit toujours favorable au satsang. Et si vous n’avez pas l’occasion de pratiquer des satsang, soyez attentifs à ce que votre bhava (état d’être) soit toujours bon, positif, (sadbhava).
Si vous avez ne serait-ce qu’un aperçu de cette joie suprême (en fait, Mâ utilise le mot bengali et hindi maza, qui signifie aussi ‘amusement’), plus jamais vous ne rechercherez le bonheur de ce monde-ci. C’est l’absolue vérité. La compagnie de personnes spirituelles, la pratique des satsang, la lecture des écritures, etc., vous conduisent vers Cela (cette béatitude). Vous n’aurez pas à quitter quoi que ce soit, efforcez-vous seulement de vous raccrocher à Lui. Les choses que vous devriez quitter vous quitteront d’elles-mêmes.
Préservez-vous en vous entourant de Cela (qui est le bien et le vrai). Employez-vous à garder constamment votre esprit tourné vers les actions positives, de manière à toujours être en situation de satsang et dans un environnement qui vous soit bénéfique.
Pratiquez le japa de Son nom aussi longtemps que vous le pouvez, cela équivaudra à rester en Sa présence. Tout comme un ami de ce monde vous raconte tout de lui-même, lorsque vous êtes en sa compagnie, Lui, le plus grand et le meilleur des amis, vous révèlera Sa nature essentielle lorsque vous serez à Ses côtés. Renoncez-vous à vous baigner dans la mer lorsque vous voyez les vagues agiter sa surface ? Non. Au contraire, vous finissez votre baignade par un beau plongeon dans les vagues. Faites-en autant avec Lui : dans les remous et les tornades de la vie, vivez votre vie en pratiquant Son japa et invoquez-Le.
Ayez les mahâtma (âmes élevées) pour compagnons. Entendez par là : mettez en pratique, aussi souvent que vous le pouvez, tout ce que vous avez appris venant d’eux.
Il est indispensable de garder votre esprit dans un environnement clair et pur et d’avoir des discussions sur Dieu et la spiritualité. Gardez toujours ceci prêt à l’esprit. Il suffit d’un instant de dérapage pour tomber dans la boue, gardez toujours ceci prêt à l’esprit.
La signification et le but du satsang sont de demeurer en compagnie de Dieu qui est la forme de la vérité. Prenez refuge auprès de Lui, car Lui seul vous délivrera de vos fautes. Il est votre père, votre mère, votre parent, votre ami. Il est tout pour vous. Ayez cela toujours présent à l’esprit. Est-il possible que Lui soit dans l’incapacité de vous donner telle ou telle chose ? Si vous en avez le désir profond, il est impossible que vous n’arriviez pas à la réalisation du Soi. « Le parcours est-il long ou bref ? » Ne laissez jamais cette pensée traverser votre esprit. Par contre gardez toujours en tête cette idée : « Il faut que j’obtienne ceci ! » Mettez en œuvre toute votre force. Il n’y a qu’ainsi que vous atteindrez votre but. Les allées et venues ne sont pas de mise. Vivez constamment avec ce bhava : « Je suis l’Atma ». Vous devez chercher refuge auprès du gourou pour vous libérer des allées et venues. D’où venez-vous ? Où allez-vous ? Lui, Celui qui est votre refuge, est partout.
Si vous continuez à vous rendre à un mahâpurush, il n’est aucunement question d’effondrement. Si vous vous approchez du feu, n’en sentirez-vous pas la chaleur ? Continuez à vous rendre auprès des mahâtma pour vous libérer des allées et venues dans ce monde. C’est parce qu’il y a « allée » qu’il y a « venue », c’est parce qu’il y a « allée » que vous devez revenir.
Votre foi est en rapport avec les relations et les fréquentations que vous avez. C’est pour cela que vous devez participer à des satsang. Vous aurez la foi si vous croyez en vous-mêmes. L’incroyance n’est en fait que la croyance en d’autres. Ce bhâva, cette croyance qui est en l’Etre humain, cette foi, c’est elle qui fait que vous avez foi en Dieu. C’est pour cette raison que la naissance humaine est si difficile à atteindre. On ne peut pas dire que l’on n’a aucune foi, aucune croyance en rien. Il y a toujours une foi en quelque chose.
Le satsang est le devoir d’un maître de maison. N’allez que dans les endroits où l’on parle de Dieu, de textes spirituels, où il y a des bhajan et des kirtan. Ne faites pas de discriminations. Ecoutez et recevez avec le cœur et l’esprit ouverts. Votre Gourou est le Gourou du monde et le Gourou de chacun est votre Gourou. Ni votre Gourou, ni l’Ishta ne sont moins importants que d’autres. C’est Lui qui est partout et dans toutes les formes. Priez en vous-mêmes : « Oh Seigneur. Oh Ishta ! Vous êtes tout. Cette révélation est tellement merveilleuse ! Permettez-moi de la comprendre ! »
Lorsque quelqu’un a des doutes à propos d’un sujet donné, il y a un réexamen de ce sujet, puis une discussion, afin d’effacer les doutes. C’est pour cela qu’il est positif et bénéfique d’avoir une discussion. Quand donc votre voile sera-t-il soulevé ? Une discussion, pour que votre vue, votre regard prennent une certaine distance. Ce regard n’est pas le vrai regard. Il faut atteindre et voir l’endroit où il n’est plus question de vue ni de création. La vue où les yeux n’existent pas, où il y a la vue sans la présence des yeux. L’œil de la connaissance (gyan chakshu).
(Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)
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‘Une histoire traditionnelle
racontée par Mâ’
Tirée de ‘Satsang avec Mâ à Nadiad ‘
Nous donnerons plus tard des extraits de ce ‘satsang’ exceptionnel qui eut lieu en 1979, qui fut traduit de l'Hindi et du Bengali par : Sri D. Kulkarani et Sri Gangoli.
Recueilli, traduit en français et présenté ensuite par : Yann et Anne-Marie Le Boucher
Yann Le Boucher est disciple d’Arnaud Desjardins et il a un centre au nord de Rennes. Jacques Vigne a visité en mars l’ashram de Nadiad, Shantaram, qui appartient à une lignée de maîtres qui remonte au 19ème siècle, non seulement fidèles de Ram mais aussi très actifs dans le domaine social, et inspirés par Gandhi. Ils ont encore une grande photo de Mâ dans le hall de leur ashram. Ils ont financé un bâtiment de réunion dans l’ashram de Bhimpura (de Mâ) sur les bords de la Narmada au Gujarat.
OM - Jaï Mâ
Question d’un homme : Au nom de tous, Mâ, je me permets de vous poser les quatre questions suivantes : Où Dieu réside-t-il ? Que mange-t-il ? Quand rit-il ? Que fait-il ?
(Comprenant que l’homme souhaitait qu’elle raconte à l’auditoire le conte traditionnel qu’il avait déjà entendu de sa bouche en une autre occasion, Mâ s’exécute 1) :
1 Ne disposant pas d’une traduction fiable du “mot à mot” de Mâ, ce qui suit est une transcription littéraire de son récit, davantage fidèle à l’esprit qu’à la lettre de ses propos.
Mâ : « Il était une fois un grand roi qui traversait une période de crise spirituelle aiguë : malgré tous ses efforts, sa quête intérieure n'avait abouti qu'à une série de doutes qui s'étaient cristallisés autour de quatre questions.
N'ayant réussi à rencontrer Dieu ni dans les temples, ni dans les lieux de pèlerinage, ni même auprès des sages qu'il avait pu approcher, le roi s'interrogeait : "Dieu existe-t-il vraiment ? Et si oui, où diable peut-on Le rencontrer ?"
Voyant que les offrandes de nourriture qu'il faisait régulièrement au temple n'étaient jamais consommées par les statues des Divinités mais finissaient toujours dans l’estomac des humains sous forme de prasad, il se demandait : "Dieu se nourrit-il vraiment ? Et si oui, que mange-t-Il ?
Les livres qu'il avait lus pour tenter de comprendre d'où venait le monde parlaient de la lîla de Dieu. Mais si le monde était le produit d'un jeu divin, qu'est-ce qui pouvait bien faire rire Dieu dans ce jeu ?
Enfin, devant l'inéluctabilité de la loi de cause à effet qu'il voyait partout à l'œuvre, le roi doutait de plus en plus de l'omnipotence divine : "Face au karma, Dieu est-Il vraiment tout- puissant ?"
De plus en plus tourmenté par ces questions qui restaient sans réponses, le roi eut un jour une idée. Il fit annoncer dans tout son royaume qu'il récompenserait d’une forte somme d’argent celui qui pourrait fournir une réponse satisfaisante à ses quatre questions.
À cette nouvelle, tous les savants et les lettrés de la contrée se mirent à réfléchir activement dans l'espoir de gagner la récompense. Mais aucune des réponses qu'ils proposèrent ne put satisfaire le roi. Le temps passa. Alors que se développaient dans tout le pays d'interminables discussions autour de ces quatre questions, le roi devenait de plus en plus perplexe quant à la chance qu'il avait de rencontrer un jour quelqu'un capable de mettre un terme à sa crise spirituelle.
Un jour, cependant, quelques mots d'une de ces conversations entre érudits vinrent aux oreilles d'un paysan illettré. Il demanda aux interlocuteurs la raison de leur ardeur oratoire. Mais ceux-ci se mirent à rire, lui rétorquant qu'il ne serait d’aucune utilité pour lui de la connaître.
Cependant, sur son insistance, ils finirent par lui faire part des quatre questions du roi. À leur grande surprise, le paysan se mit à sourire en disant : "Il ne s'agit pas là de quelque chose de bien difficile. Conduisez-moi au roi, et je lui fournirai les réponses qu'il désire".
Ses interlocuteurs tentèrent d'abord de l’en dissuader, le supposant un peu simple d'esprit :
- Allons, comment pourriez-vous satisfaire le roi sur ces sujets alors que les plus grands lettrés du royaume ont tous échoué !
Mais finalement, l’insistance du paysan à vouloir être conduit au palais eut raison d'eux ; et, la chose s’étant ébruitée, c'est une foule de plus en plus large qui, chemin faisant, s'en alla accompagner notre homme jusqu’au lieu d'audience…
C'était du plus haut comique que de voir ce simple paysan, vêtu de haillons, en présence du roi et de toute sa cour. Le roi sourit à ce qui lui sembla d'abord n'être qu'une plaisanterie. Mais il était juste et intelligent et donna sa chance au paysan.
Devant un parterre bondé d'érudits et de lettrés suspicieux, il posa sa première question :
- Si Dieu existe, où se trouve-t-il donc ?
Le paysan, malicieux, répondit simplement :
- Ô roi, faites-moi d'abord savoir où vous êtes certain que Dieu ne se trouve pas !
En entendant cela, le roi se plongea quelques instants dans une intense réflexion, et, tout à coup, l'omniprésence de Dieu lui devint évidente.
Etonné mais satisfait d'une réponse si éclairante, il posa sa deuxième question :
- Puisque Dieu ne touche pas aux offrandes de nourriture qu'on Lui fait dans les temples, est- ce qu'Il se nourrit ? Et si oui, que mange-t-il ?
Ce à quoi le paysan répliqua que c'était non pas les offrandes matérielles mais l'ego du donateur qui servait de nourriture à Dieu :
- Ô roi, s'Il ne mange pas la totalité de votre ego, soyez certain que vous ne pourrez pas Le réaliser !
De nouveau, en entendant ces mots, l'intelligence du roi s'éveilla et il fut pleinement satisfait.
En réponse à la troisième question : Qu'est-ce qui peut bien faire rire Dieu ? Le paysan expliqua :
- Quand, avant de naître, nous sommes confinés dans le sein maternel, nous souffrons de cet emprisonnement et nous nous souvenons alors de toutes les mauvaises actions commises dans nos vies antérieures. Aussi commençons-nous à prier Dieu avec une repentance sincère et profonde pour qu'Il nous délivre de cette horrible prison qu'est la matrice, et nous Lui promettons qu'en échange, nous serons désormais des adorateurs pleins de ferveur et pleins de zèle. Mais, aussitôt que nous venons en ce monde, nous nous laissons reprendre au piège de Maya 2, et, oubliant toutes nos promesses, nous retombons dans nos vieilles erreurs. C'est pourquoi, à chaque fois qu'un enfant vient au monde, Dieu rit, car Il sait combien cet être humain va avoir de mal à tenir la généreuse promesse qu'il Lui a faite avant de naître…
2 Maya : la puissance cosmique d’illusion.
Après cette troisième réponse, le roi devint tout à fait bienveillant à l'égard du paysan, et posa avec déférence sa quatrième question :
- Dieu a-t-il un pouvoir limité par les lois du karma ou bien peut-Il tout faire ? Mais au lieu d'y répondre d'emblée, le paysan annonça :
- Ô roi, il s'agit là d'une question fort délicate et je ne peux la traiter tant que quelque chose de bien particulier n'a pas été accompli.
Le roi, qui était désormais des mieux disposé à l'égard du paysan, acquiesça en disant :
- Je suis prêt à satisfaire votre demande quelle qu'elle soit. Le paysan lui dit alors :
- Bien ! Dans ce cas ayez donc l'obligeance de quitter votre place et de prendre la mienne, car, pour pouvoir répondre à votre dernière question, il faut que je sois assis sur votre trône !
Pris au piège de sa propre parole, le roi s'exécuta et vint s’asseoir à la place du paysan, alors que ce dernier gravissait les marches du trône, s'y installait, puis entrait dans ce qui semblait être une profonde méditation. Cela apparaissait à tous comme le spectacle le plus incongru qui soit. Aussi le roi rappela bien vite au paysan son devoir :
- Hé ! Vous devez donner votre quatrième réponse maintenant !
- Mais je l'ai déjà donnée, rétorqua alors le paysan du haut du trône royal.
- Comment cela ?
- Voyez ce que Dieu a fait ! Si c'est Sa volonté, en un instant, un roi devient un homme ordinaire, et un homme ordinaire devient roi. Puisque Dieu a pu si facilement inverser nos conditions respectives, soyez certain qu’il n’y a aucune limite à Son pouvoir…
Le roi fut comblé dans son attente et la récompense fut acquise au paysan… »
Cette histoire du roi et du paysan a été également publiée dans la revue ‘Infos Yoga’ N°97- Elle est extraite de la brochure ‘Satsang avec Mâ à Nadiad’, récemment republiée par Yann Le Boucher et disponible gratuitement en version pdf sur demande à adresser directement à : y.leboucher@netcourrier.com - Jacques Vigne ira animer une conférence et un stage chez Yann Le Boucher les 7 et 8 Février 2015 au lendemain de la ‘Fête du Yoga’ à Rennes.
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Postface au livre
« Vous voilà réveillés »
de Jean Bastide par Jacques Vigne
(Nous avions passé dans le dernier N° 113 du ‘JAY MA’ l’émouvant récit-confession tiré du livre de Jean Bastide ‘Vous voilà réveillés’, écrit suite à l’accident de voiture qui lui a enlevé ses deux enfants dans leur adolescence. Voici la première partie de la postface de J.Vigne :
Je suis heureux de pouvoir écrire maintenant une postface à ce livre qui a été longuement mûri. Jean Bastide et son épouse Danielle s'intéressaient déjà depuis un certain temps à la vie intérieure, grâce aux méthodes de psychologie, en particulier la Gestalt. Ensuite est venu ce grand choc de vie, le décès de leurs deux seuls enfants en même temps dans un accident de voiture alors qu'ils n'avaient qu’environ 18 ans. Sentant que la psychologie n'était pas suffisante pour réellement surmonter ce grand deuil, ils se sont tournés vers les voies traditionnelles, déjà le christianisme monastique avec la fréquentation de l'Abbaye de la Pierre Qui Vire, et également le bouddhisme tibétain. Ils sont venus en Inde et ont rencontré Swâmî Vijayânanda que j'ai suivi pendant 25 ans à Kankhal à l’endroit où le Gange sort de l’Himalaya. Cela nous a permis de nous lier d’amitié. Swamiji a quitté son corps en avril 2010. Comme Jean l'a expliqué, le commentaire direct de Swami Vijayânanda à propos de leur épreuve de vie a été de dire : « Maintenant, vous voilà réveillés ! » En fait, quand on regarde l'histoire personnelle de ceux qui s'engagent sérieusement dans la voie spirituelle, on trouve souvent un choc de vie. Parfois, il est manifestement fort, d'autres fois, il peut paraître plus léger, mais il s’avère qu’en leur for intérieur, les sujets l'ont ressenti très fortement. Ma formation de psychiatre et mon itinéraire de méditant en Inde m’ont fait réfléchir sur les moyens de réellement pouvoir dépasser les deuils et chocs de la vie. Nous y reviendrons ci- dessous, mais commençons déjà par évoquer le rôle de Jean Bastide en tant qu'enseignant et le lien avec le sujet de ce livre.
Vocation d'enseignant, d'écrivain et transmission de la connaissance.
Le travail d'enseignant est une vraie vocation, quand il est bien compris. Sa théorie est plutôt facile, mais sa pratique beaucoup moins. Les enseignants sont en première ligne du combat pour une société plus civilisée et plus humaine. Il ne s'agit pas de quelque chose de donné d'avance, mais ce travail se reconstruit à chaque génération. Un bel exemple de théoricien de l'éducation qui n'a pas assumé ses responsabilités dans la réalité concrète a été Jean-Jacques Rousseau. Son livre Émile, ou de l'éducation, est plein d'idées intéressantes sur
le sujet, mais il a lui-même mis ses enfants à l'Assistance Publique... On dit que les gamins sont comme l'eau, ils prennent tout le temps toute la place, et il y a du vrai là-dedans. Ils vous font travailler sur l’ego non seulement par l'intensité de leurs demandes en tous sens, mais aussi par leur vision directe de vos points faibles. En ce sens, les élèves sont des thérapeutes pour leurs enseignants : si ceux-ci sont capables de l’accepter, ils peuvent apprendre beaucoup de leurs propres élèves, sinon ils peuvent être détruits.
Dans l'organisation et la présentation de son ouvrage, on reconnaît la pratique pédagogique de Jean. Ses conseils par exemple sur la méditation sont concrets, on voit qu'il a l'habitude de parler pour être compris, et de faire en sorte que le message passe. En ce sens, il est comme un médecin généraliste qui sait que la santé de ses patients dépend de la compréhension des informations de santé qu’il leur communique. C'est une qualité importante, et elle n'est pas donnée à tout le monde.
À propos du rôle éclairant de l'enseignant, il me revient en mémoire l'image très claire de la salle de sport où j'étais en classe de gymnastique lorsque j'avais une douzaine d'années. Je venais de réussir un saut en hauteur assez élevé, mais le professeur plein d'expérience ne m'a pas laissé me reposer sur mes lauriers, il m'a immédiatement demandé en souriant : « Refais donc le saut, pour bien nous montrer que ce n'est pas par hasard que tu l’as réussi ! » Quarante ans plus tard, j’y repense, en fait, comme un enseignement qui peut s’appliquer en profondeur à la méditation. Il y a des expériences qui nous tombent dessus, on pense d'abord que c’est par hasard, mais avec l'habitude-habileté dans la pratique, on peut comprendre à peu près comment elles sont apparues, et ainsi pouvoir non seulement les reproduire, mais même les faire se développer.
L'enseignant est celui qui relie l’enfant à la tradition du savoir au sens large, en ce sens il participe à l'archétype du maître spirituel. Ce n'est pas par hasard qu'on emploie d'ailleurs pour les professeurs d'école primaire le mot « maître ». Pour les petits enfants vierges de préjugés, il représente en quelque sorte tout le savoir. C'est là une grande responsabilité. En Inde aussi, on emploie le même mot « gourou » pour le maître d'école et le maître spirituel. Bien qu'en français, ce terme ait pris une connotation négative, c'est une notion qui est très respectée dans la culture de l'Inde. On peut même dire que la place du gourou dans la société indienne d'aujourd'hui se développe au même titre que son économie et sa population. Cet archétype du maître spirituel m'a semblé suffisamment important pour que j'y consacre mon premier livre, qui a été le résultat de quatre ans de recherches théoriques et pratiques sur le terrain en Inde. Les enseignants, éducateurs et parents y ont déjà trouvé, ou pourront y trouver, matière à réflexion (i).
(i) Vigne Jacques ‘Le maître et le thérapeute’ Albin-Michel 1991, qui doit être réédité aux éditions du Relié. En attendant, on peut trouver le livre dans son intégralité en version anglaise sur le site www.jacquesvigne.com
La force de la psychologie : revenir aux vrais problèmes de l'être humain.
Dans son évolution, l'être humain a eu l'habitude de faire intervenir les dieux, puis le Dieu unique. Ce dédoublement a eu certains avantages, mais l'évolution générale de la modernité va dans le sens de la restriction de plus en plus grande du domaine du divin. Non seulement la cosmologie scientifique l'a virtuellement éliminé d'un rôle dans l'apparition du monde, mais la psychologie moderne met sa fonction intérieure à rude épreuve. En réalité, cette vision sans Dieu est un phénomène nouveau surtout pour les monothéistes. En Inde, cela fait 29 siècles
que le jaïnisme puis le bouddhisme ont mis à rude épreuve le théisme sous toutes ses formes. Jean insiste à juste titre dans le début de son ouvrage où il parle de psychologie sur l'ignorance comme source de nombreux maux intimes. Nous sommes dissociés de notre centre profond, nous l'oublions, parfois nous ne voulons pas le voir, en tous les cas nous l'ignorons. Cela peut donner lieu à toutes sortes de pathologies, dont les dépendances, dont le nom même rime avec ignorance. Il est intéressant de voir que derrière les dysfonctionnements de la société planétaire moderne que Jean nous rappelle à juste titre, il y a régulièrement des problèmes psychologiques plus que réellement économiques. Comme le disait avec réalisme le Mahâtma Gandhi en une pensée qui résume beaucoup de choses : « Il y a assez de ressources sur notre terre pour nos besoins, mais il n'y en aura jamais assez pour nos désirs ! » Par exemple, nous dépensons 40 fois plus d'argent pour les produits de beauté que pour l'aide alimentaire à ceux qui ont faim. Beauté bien laide ? J’ai lu aussi que, si les pays développés renonçaient simplement à manger des glaces et en donnait le coût, il y aurait de quoi remédier à la faim dans le monde. L’élevage intensif pour la consommation de viande est aussi une forme de folie : il perturbe l'environnement à de multiples niveaux. De plus, on sait que par exemple il faut 15 kilos de céréales qui seraient comestibles par les êtres humains pour produire un kilo de viande. Pourtant, il y a au moins 500 millions de végétariens dans le monde qui prouvent clairement par leur existence même qu'on peut bien vivre sans viande.
La dissociation que nous avons avec nous-mêmes joue à différents niveaux, elle fait que nous avons des compartiments à l'intérieur qui ne communiquent pas : rappelons non seulement la célèbre séparation entre raison et sentiments, mais aussi entre les émotions et les sensations, les différentes parties du corps qui ne sont pas bien coordonnées, les blocages respiratoires, les nœuds énergétiques, tout cela élève comme des murs à l'intérieur de nous- mêmes. Si l'on devait donner un nom à notre pays intérieur, ce pourrait être : « les Etats- désunis »… L’intériorisation toute simple et l'observation de soi-même permettent déjà un certain rééquilibrage. C'est comme si des compartiments qui étaient à des pressions différentes pouvaient communiquer et que la pression globale s’égalisait.
Même le choix amoureux qui disait, considéré de façon superficielle, être le grand moment de notre liberté d’être humain, est conditionné par toutes sortes de mécanismes biologiques. L'attachement est lié à la production d'ocytocine chez la femme, et de vasopressine chez l'homme. Les phéromones mâles qu'on ne sent pas avec l'olfaction habituelle mais qui sont quand même perçus, attirent les femmes et repoussent les hommes. Les livres du professeur Reynaud, un des grands spécialistes des addictions en France, montrent clairement les liens entre celles-ci et l'état amoureux. Il redécouvre en fait une vérité fondamentale qu’avait indiqué le Bouddha : comment le désir est le moteur de nos problèmes psychiques en particulier, et fait tourner la roue du monde, en général. On l’appelle trishna en sanskrit et tanha en pali, (ii)
(ii) Reynaud Michel ‘L'amour est une drogue douce… en général ‘- Robert Laffont, 2005 et ‘On ne pense qu'à ça - sensations, émotions, passions : l'amour dévoilé et... ou presque’ Flammarion, 2009.
Pour Desmond Morris, un instinct à la base de la psychologie, c’est la peur de l'étranger. C’est un facteur qui explique beaucoup de la violence humaine. En Orient, cette pulsion instinctuelle et naturelle est transformée par une réflexion profonde sur l’inconsistance de
L’ego, son manque d'existence fondamentale. Par exemple, on a demandé à la grande sage Mâ Anandamayî si elle n'était pas fatiguée de voir tous les jours des foules de nouveaux venus. Elle a répondu : « Pour moi, il n'y a pas de nouveaux venus ! » Elle voyait concrètement le même Soi en chacun.
Il est intéressant de remarquer que les animaux n'ont ni la capacité, ni l'intérêt de concevoir des génocides et de les mettre en œuvre. Il faut être malade comme un homme (les femmes le sont beaucoup moins) pour en arriver là.
Il y a de nombreux facteurs qui montrent la folie du monde et ses côtés sombres, Cependant, ses côtés lumineux existent aussi. Le Dalaï-lama a, par exemple, fait remarquer tout simplement que, bien qu'on souligne la violence et la capacité à la guerre de l'être humain, elle n'est pas si forte, car en effet, s'il en était ainsi, la population diminuerait en flèche, alors qu'on contraire actuellement elle augmente notablement.
Jean Bastide s'est formé en psychologie avec la Gestalt. Il s'agit d'une méthode de thérapie qui est assez proche de la méditation, car elle préconise un retour au corps et au ressenti régulier, afin de court-circuiter les schémas mentaux répétitifs. Il s'est aussi aidé de l'exploration des rêves, et c'est curieusement la compréhension du rêve qui peut être une voie d'éveil. Pour indiquer cela en une formule quelque peu poétique, on pourrait dire que le rêve pris en conscience introduit dans la grande grisaille du sommeil le précieux vermeil du réveil. L'important dans l'interprétation du rêve est de comprendre qu'il y a différents niveaux qui ne sont pas contradictoires, mais qui peuvent s'emboîter les uns dans les autres, un peu comme les éléments d'une tour en Lego. L'interprétation en fonction de la sexualité, chère aux freudiens, n'exclut pas les interprétations selon les archétypes ou directement dans le sens de l'évolution spirituelle. Pour ce qui est de l’Inde et du bouddhisme, on peut remarquer que certaines écoles ont donné des pistes, certes, pour l'interprétation des rêves et des symboles, l'hindouisme et le bouddhisme tibétain fourmillent d'archétypes, mais plus fondamentalement, l’essentiel de la réflexion a été sur le processus du rêve en tant que tel. L'idée est de développer une certaine forme de rêve conscient pour s'apercevoir que ce monde est un rêve, certes, mais on peut s'en éveiller, un beau jour, on pourrait même dire « une belle seconde » !
La méditation : gérer le stress et se familiariser avec la Paix lumineuse
L’un des bénéfices principaux de la méditation, même chez les débutants, est de fournir des instruments pour gérer le stress. Avec la progression dans cette voie, on réussit à dénouer le stress à des niveaux de plus en plus subtils. Le mot ‘Méditer’ correspond en tibétain à un terme qui signifie ‘se familiariser’. Pour être simple, on pourrait dire que tout au long de l'itinéraire de méditation, on se familiarise de plus en plus avec un état de sérénité lumineuse. Celui-ci n’exclut pas d'accepter les tempêtes intérieures quand elles viennent. Mais la sérénité est toujours là, planant au-dessus de la tempête, et même en son sein quand on sait la discerner. La méditation est au fond un processus essentiellement raisonnable.
Jean résume une pensée intéressante de Desmond Morris de la façon suivante : « Les pathologies, ainsi que les dérives violentes dans le comportement, n’apparaîtraient chez les
animaux que lorsqu'ils sont captifs. Nous pourrions donc nous considérer comme symboliquement captifs en raison de la surpopulation, du lourd couvert social, culturel et moral et également à cause de notre ignorance de ce qui nous pousse à agir avec une grande puissance ».
Notre auteur fait preuve d'humilité quand il déclare dans la conclusion que, pour sa part, il n'en est qu’au niveau de la « méditation utilitaire » : mais ce n'est pas une honte, la méditation est faite pour être utile, c'est dans sa nature même.
L’un de ses mécanismes d'action de base, c'est qu'elle nous permet de prendre une distance et de revenir à l'observateur. C'est le Soi, c'est le divin, Saint-François disait par exemple : « Celui que tu cherches est celui qui regarde ». Les Tibétains ont une comparaison dans ce sens qui est intéressante. Ils rapprochent le mental habituel du chien qui se précipite vers l’avant dès qu'on lui jette n'importe quoi, que ce soit un bout de bois ou une balle. Par contre, le lion est capable de se retourner et de dévorer celui qui a lancé l'objet. Il correspond au fonctionnement mental de l'esprit des méditants avancés. Celui qui lance l'objet est l’ego. Dans ce sens toujours, Jean nous a rappelé la belle citation : « Le vrai voyage n'est pas de chercher de nouveaux paysages, mais un nouveau regard ».
La notion de «sentence » qui est nouvelle pour la psychologie moderne, est en fait à la base de la plupart des pratiques méditatives, en particulier dans le yoga et le vipassana : développer son intuition par une conscience réceptive et précise du corps lui-même. C’est en fait en connaissant très précisément les liens entre le corps et l'esprit qu'on pourra aller au-delà du corps et de l'esprit et faire ce grand saut dans l'Absolu auquel aspire l’être humain au fond de son cœur. Pour cela, il faut développer la capacité de concentration, et pour des occidentaux, l'opinion de William James est importante, rappelons-là : « La faculté de ramener volontairement une attention vagabonde, encore et encore, est la source même du jugement, du caractère et de la volonté. » Jean Bastide a bien fait de rappeler aussi la simplicité d’une pensée de Pascal : « Le problème principal de l'homme, c'est de ne pas pouvoir rester tranquille sans rien faire dans une pièce. » S'il y réussit pourtant, même à petite échelle, un processus d'autodérision s'enclenche alors spontanément.
Donnons maintenant quelques grandes lignes pour montrer comment la méditation peut agir contre le stress. Evoquons déjà la méthode de balayage dans vipassana. L'idée est que nous sentons d'abord dans chaque partie du corps les sous-parties qui sont tendues par le stress. C'est normal, car celui-ci est une réaction rapide à un danger. Ce n'est que secondairement qu'on éveille la sensation dans les zones complémentaires, qui correspondent, elles, à l'anti-stress. Pour cela, il faut désirer vraiment les percevoir et nous concentrer dessus, On fait ainsi un travail fondamental de rééquilibrage. Le balayage du corps est le fil directeur de la MBSR, et nous avons maintenant de nombreuses études montrant son efficacité sur la santé physique et psychique.
Une seconde méthode de méditation est le Râja-Yoga. Il est fondé sur le rassemblement de l'énergie à partir de l'extrémité des membres jusque dans l'axe central, et ensuite sur sa montée jusqu'au troisième œil au centre du front. Les canaux qui véhiculent cette énergie ne sont pas en superficie, mais à l'intérieur du tronc, dans le plan frontal qui inclut l'axe montant
du centre du périnée jusqu’au sommet de la tête. Cela mène naturellement à une pacification et à un approfondissement de la vie intérieure. On cesse d'avoir « les nerfs à fleur de peau », ou même « une sensibilité d'écorché vif »... Le principe est simple, mais la réalisation demande bien sûr un travail de longue haleine. Dans le stress, l'énergie va vers l'extrémité des mains pour combattre, ou vers l'extrémité des pieds pour fuir ; c’est le célèbre fight or flight. Dans la méditation du Râja-Yoga, le mouvement n’est plus centrifuge comme dans le stress, mais centripète, et c’est en cela même que l'action anti-stress est très directe et palpable.
Une autre manière de méditer qui apaise le stress consiste à faire descendre l'énergie de la tête dans le cœur. En général, l’énergie des émotions perturbatrices suit certains courants ascendants, on dit dans ce sens : « la moutarde me monte au nez » dans la colère, ou « le rouge me monte au front » dans la honte ou la peur. Une solution simple pour contrecarrer le stress de ces émotions perturbatrices est de faire descendre l'énergie. Dans chaque tradition, on retrouve d’une manière ou d'une autre cette descente. Pour les bouddhistes tibétains il s'agit de vajra sattva, où la lumière descend du sommet de la tête dans le cœur sous forme d'une petite graine de lumière, et de là rayonne. Les méditants expérimentés disent qu’avec la pratique intensive, non seulement la tête descend dans le cœur, mais le pratiquant devient ‘un’ avec sa pratique. Pendant toute la période de début, il y a plutôt animosité et ressentiment, dualité au mauvais sens du terme entre pratique et pratiquant.
Citons encore une méthode importante pour contrebalancer directement le stress. Il s'agit de s'absorber dans le cœur subtil à droite. C'était le seul yoga que recommandait le grand sage védantin Râmana Mahârshi. D'habitude, nous sommes fascinés, voir hypnotisés par les battements du cœur à gauche, nous y accrochons notre perception corporelle préconsciente comme une mère anxieuse serrerait sur le côté gauche de son corps un bébé malade. En allant à droite, on prend une « distance de sécurité » de cette sorte de fontaine d'anxiété que représentent les battements du cœur physique. En effet notre inconscient corporel sait très bien qu'ils sont nécessaires à la vie, et que le « moulin » peut s'arrêter d'une seconde à l'autre : à ce moment-là, ce sera la fin. Le côté gauche est relié au cerveau droit, et aux émotions perturbatrices dont le centre est justement dans le cortex préfrontal droit. Son effet symétrique dans l’hémisphère gauche correspond aux émotions positives. On sait que ce côté gauche du cerveau est relié à l’hémicorps droit, et nous retrouvons tout l’intérêt de l'absorption dans le cœur subtil à droite.
Pour finir, mentionnons encore une méthode radicale pour apaiser le stress : l'écoute du son du silence. Celui-ci est complètement paisible et continu, il amène le flot de notre mental à devenir en miroir également paisible et continu. C'est ce qu'un grand poète comme Rainer Maria Rilke appelait, en jouant sur les mots en allemand, die stille Stimme, nous citerons de lui ci-dessous un passage important sur ce sujet. Cette voix silencieuse nous relie à une mémoire universelle. Le grand philosophe des sciences Irwin Laszlo parle de mémoire akashique, il a même écrit un livre de ce titre : âkâsh en sanskrit veut dire ciel. C'est comme s'il y avait un « disque dur » de l'univers, un « serveur » fondamental : si on s'y connecte, les possibilités de liens explosent littéralement, tout communique avec tout, parce que tout communique avec le Tout. L'intérêt de Laszlo, c'est qu'il relie ces notions traditionnelles à la pointe de la science moderne. Cette connaissance intuitive supérieure est nourrie par le silence, on pourrait évoquer cela par cette formule à méditer : « la Voix qui vient du silence n'est pas différente de la Voie qui y retourne ».
Le stress est lié à l'émotion, et ce terme même signifie « mouvement qui sort ». La méditation, elle, ramène à l'intérieur et à l'immobilité. C'est le double sens d'un des termes hébreux pour la méditation, hara, qui signifie à la fois ‘montagne’ et ‘femme enceinte’. Celle- ci a l'intention absorbée par la vie qui naît à l'intérieur d'elle-même. Il est intéressant de remarquer qu'en allemand, Berg signifie ‘montagne’, et comme verbe, bergen signifie ‘protéger’, ‘secourir‘. L'immobilité du corps et du mental est effectivement le meilleur secours, la meilleure protection contre la sensation de morcellement. Celle-ci est justement à l'origine de notre malaise, de notre mal-être, voire de la folie quand elle s'intensifie jusqu'à la schizophrénie.
Jean et son épouse Danielle ont bien compris que l'intensité de leur deuil échappait aux capacités de la psychologie habituelle, ils se sont donc tournés vers la voie spirituelle, d'abord la vie contemplative monastique chrétienne en visitant les bénédictins de La Pierre Qui Vire, et ensuite aussi des centres bouddhistes tibétains. Cela a été pour eux une expérience positive, qui leur a permis de développer l'acuité de leur conscience. Il est intéressant de remarquer en passant que ce terme « acuité » est pratiquement le même en français que ‘vacuité’, il n'y a que le ‘v’ en plus : on pourrait dire que ce ‘v’ représente la victoire de la vie, où la vie de la victoire. L’acuité de la conscience permet de percer ce ballon de baudruche qu'est l'apparence des formes et de discerner la vacuité sous-jacente, c'est-à-dire l'Absolu fondamental derrière elles. Finalement, le méditant est comme ce joueur dans les foires populaires. Il a une carabine à plombs, et se trouve en face de petits ballons de baudruche disposés un peu partout. Il doit les viser et les faire éclater en visant juste. La pensée juste pour le méditant, c’est de discerner la vacuité dans la forme. À ce moment-là il verra toutes les formes dans la vacuité. C'est la base du bouddhisme mahâyâna.
L'enracinement du bouddhisme en Occident est une révolution silencieuse. Les journaux en parlent peu, ils préfèrent évoquer la mort et le sang, mais elle est pourtant particulièrement signifiante à long terme. Certes, elle fait peur à certains chrétiens car ils sont pris en quelque sorte à contre-pied dans leur apologétique : ils ont été habitués dans leur histoire à prouver la supériorité du monothéisme sur le polythéisme, alors que maintenant ils sont directement en face d'une voie spirituelle complète qui n'a pas besoin de dieux, ni uniques ni multiples. Certains chrétiens savent dépasser leur peur et essayer des pratiques de méditation bouddhiste dans le cadre de leur propre démarche. Ce mouvement est présent même chez des moines et des moniales. De toute façon, les liens entre la psychologie moderne et le bouddhisme sont naturels, puisque les deux ont comme lignes de force d'expliquer le psychisme de l'individu et de le faire évoluer sans référence à l’action d’un Dieu personnel, d’un deus ex machina. (A suivre…)
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Présence à Dieu et connaissance de soi
Par Isabelle Rodde
(Suite des ‘JAY MA’ N° 110 et 112)
III
La deuxième qualité du disciple : c’est l’amour de la vérité.
« La Vérité elle-même assistera celui qui s’est engagé dans la recherche de la Vérité »
(Matri Vani, version anglaise, p.91)
Ici, il est important que savoir que le mot sanscrit qui signifie la vérité et l’Etre, Sat, signifie aussi « Ce qui Est ». De façon plus redondante, mais aussi plus explicite, on peut aussi traduire Sat par : « Ce qui est, tel quel, ici et maintenant. » Car Sat ne concerne pas seulement le Divin qui Est, à l’arrière-plan de notre monde. Il désigne aussi la vérité objective de chacune des situations que nous rencontrons : le Réel, tel quel, ici, maintenant. Cette précision est d’une importance capitale pour nos ascèses.
Nous sommes tous soumis à Māya, l’illusion. L’illusion principale consiste à se prendre pour un moi séparé, à réussir à ne pas percevoir la présence divine qui imprègne tout. Ensuite, il existe de multiples illusions secondaires, liées à tous ces filtres mentaux que nous avons mis en place : intellectuels et émotionnels, bien sûr, mais aussi finalement physiques, puisque les perceptions erronées, le défaut de vraie sensibilité, vont jusqu’à concerner le corps. Le disciple chérit la vérité plus que n’importe lequel de ses conditionnements illusoires, même les plus puissants. En celui qui lutte pour devenir un vrai disciple, se déroule un combat acharné entre la vérité et le mental, entre Sat et la somme de tout ce qui, en nous, déforme le Réel, Asat. Nous n’arrêtons pas de projeter toutes sortes de non vérités sur le Réel, et nous ne nous en rendons pas compte. L’illusion ne consiste pas simplement à ne pas voir l’Ātman, c’est à dire, l’Absolu. Elle consiste aussi à rester dans l’inconscience ordinaire due à tous ces filtres mentaux qui nous empêchent de voir le monde relatif tel qu’il est. Il nous faut comprendre que la séparation d’avec le Divin -la conscience égotique - entraîne des séries de réaménagements affectant tous les niveaux qui nous composent. Coupés de Dieu, coupés de l’Infini en nous, nous nous sentons alors mortels, limités, seuls et divisés. Nous voici bientôt le siège d’une longue liste de réactions, tentatives de compensations, fermetures, rejets, avidités, refus de toutes sortes. Nous nous retrouvons en proie aux perturbations émotionnelles, à une pensée fondamentalement erronée, à des blocages énergétiques, des relations et des comportements perturbés et parfois même des troubles de santé...Et comme tout cela est douloureux, décevant, nous nous coupons de la vie, en nous anesthésiant, en rétrécissant notre être, en ne vivant plus qu’à moitié. D’où nombre d’existences monotones, ternes, ennuyeuses, ou ces répétitions de situations difficiles, dont nous attribuerons généralement la faute aux autres ou au fait de ne pas avoir eu de chance...
Le mental, c’est vraiment l’hydre à mille têtes. Vous en coupez une, il en repousse trois... La VIE, la Grande Vie, est intelligente et elle est aussi interactive. Elle nous présente des situations qui correspondent à notre niveau d’être autant qu’à nos névroses. Par exemple, si des situations d’isolement ou d’abandon se répètent, cela signifie qu’il y a en nous un dysfonctionnement correspondant. Ici, ce pourrait être le refus inconscient de s’engager dans une vraie relation d’amour par peur de souffrir. Eh bien le disciple veut la vérité. Il s’intéresse
à ce qui le dérange. Il regarde là où son système de défense lui ordonne de ne surtout pas regarder... Avec l’aide du Guru ou d’un instructeur. Le disciple va accepter tout le processus de désillusion - c’est terriblement décapant, et c’est pourquoi les chercheurs spirituels chevronnés offrent généralement une mine fort sobre, et aussi un grand sens de l’humour...
Même très sincères dans notre désir d’Eveil, nous sommes tous soumis à Māya. Māya, c’est du concret. C’est vraiment la façon dont chacun de nous, personnellement, déforme le Réel, tout en étant convaincu, de situation en situation qu’il voit juste et que ce sont les autres qui se trompent. Et si quelqu’un pointe droit sur l’un de nos points aveugles, plus ce qui nous est montré est pertinent, exact, plus nous risquons de nous mettre en colère (ou de trouver un prétexte pour fuir) avec d’autant plus d’agressivité que l’ego s’est senti menacé dans ses fondements mêmes.
C’est aussi pourquoi, dans les traditions spirituelles, le Maître est protégé. On ne peut pas, librement, débarquer et commencer à lui faire des reproches, on ne peut pas lui parler sur n’importe quel ton. Il est trop précieux, et si tous ses élèves devaient agir ainsi dès qu’ils sont remis en cause, vous imaginez les flots d’agressivité à digérer pour lui ? De plus, dans ces traditions, il est clair qu’on est censé lui obéir, même quand il semble injuste. Dans une tradition spirituelle vivante, le Maître peut être amené à être vraiment injuste avec tel disciple, s’il s’agit de démanteler sa « névrose d’avoir toujours raison », ou s’il est régulièrement en proie à des réactions mécaniques (inconscientes) et égotiques devant « l’injustice ». Le Maître mettra toujours en cause l’ego du disciple, c’est sa fonction même. Il nous faut vraiment le courage de la vérité.
Etre un disciple, ce n’est pas rêver d’un monde meilleur en s’imaginant plus ou moins être une sorte d’élu, spirituellement supérieur aux autres, et méditant tranquillement chez soi sans affronter l’existence. Un disciple a compris l’horreur de la condition humaine, l’horreur du sāmsāra, il ne se croit pas supérieur aux autres, il veut juste se sortir de là !!! Et il pratique aussi pour les autres. Il faut vraiment regarder l’horreur de la condition sāmsārique. Autrement, nous n’aurons jamais une motivation suffisante. Dans le mythe grec, le seul moyen de tuer l’hydre à mille têtes, c’est de couper la tête centrale. Toutes les autres repoussent toujours en se multipliant. Le seul moyen de détruire le mental, c’est de voir sa véritable nature, qui est pur mensonge, pure malhonnêteté, pure déformation du Réel. Alors, on devient capable de couper la tête centrale, et l’hydre meurt. Et c’est toujours avec une seule arme : l’amour de la VÉRITÉ. Ne soyons pas « A l’image de celui qui, au milieu de l’eau, crie sa soif en se lamentant ; la vérité est là. Maintenant. » (Hakui, poète et grand pratiquant Zen, 1686-1769)
La Troisième qualité du disciple, vous l’aurez compris, c’est l’obéissance. Quand elle devient absolue, l’Eveil survient. Il ne peut en être autrement. C’est vrai aussi de la vérité. Quand le Guru donne un ordre (parfois certains Maîtres ou instructeurs en lien avec un Maître donnent une simple suggestion, qui est en réalité un ordre), la Grâce divine, dont il est le relais, donne au disciple la capacité, la force de réaliser cet ordre. Toutefois, il reste libre et peut dire non et donc désobéir... Ou obéir plus ou moins !...
Mâ explique : « Quand le Guru donne ses instructions, en même temps, il accorde la capacité de les traduire en actes - c’est cela, la Grâce. La Grâce du Guru est déversée à tout instant. Mais elle ne peut pénétrer, parce que le réceptacle se trouve retourné [comme un vase dont l’ouverture serait posée au sol]. Celui qui devient réceptif, celui-là peut recevoir la
Grâce. Le moyen de retourner le réceptacle dans le bon sens, c’est d’obéir à la lettre aux ordres du Guru ». (p. 149 Anandamayî, Her life and vision, Richard Lannoy).
L’obéissance absolue est la condition sine qua non de la réussite. Quand le Maître contredit la vision du disciple, il est évident que celui-ci va être tenté - surtout si c’est un Occidental - de croire que le Maître se trompe, qu’il est mal informé, qu’il ne le comprend pas, ou même qu’il n’est pas assez pur, pas assez parfait. Dans le cas de Mâ, c’était difficile, car Elle était omnisciente ! Mais certains l’ont fait quand même. Arthur Koestler, par exemple, notamment dans son livre Le Lotus et le Robot, est très sévère envers Mâ. Or, au lieu de nous intéresser aux possibles imperfections du Maître nous ferions mieux de nous intéresser aux nôtres. Même dans le cas où l’on se trouve devant un instructeur spirituel qui n’a pas encore atteint l’Eveil, dans la mesure où celui-ci est vraiment en lien avec son propre Maître et n’agit qu’au nom de celui-ci, les imperfections de l’Instructeur seront prises en charge par la grâce divine, et si manque d’information ou quiproquo il y a, celui-ci ira taper précisément au moment opportun sur un aspect dysfonctionnel de l’élève.
De même pour les difficultés relationnelles qui se produisent entre disciples. La grâce se déverse sans cesse dans l’entourage d’un Maître, et même en admettant que réellement le Maître soit mal informé, dans la mesure où le contexte est celui d’une spiritualité vivante, même l’erreur d’information, même un quiproquo, une maladresse, avec leurs conséquences de mise en effervescence du mental, sont une émanation de la grâce divine. Quand Vijayânanda est redescendu de l’Himalaya et s’est installé à Kankhal, il a dormi sans même une natte pendant plus d’un an, uniquement pour obéir à Mâ. Il ne s’est pas dit : « Mâ a fait une erreur, je vais aller lui dire que je n’ai rien pour dormir. » Il a vu, dans l’erreur d’autres disciples qui n’avaient pas vérifié ce point et le croyaient donc équipé, la volonté de Mâ (ou de Dieu)... Bien sûr, Vijayânanda était un vrai disciple...
Mâ est omnisciente, et Dieu lui-même ne se trompe jamais... Donc en réalité, toute situation qui nous arrive nous est envoyée par Mâ / par Dieu et nous ne devrions pas la discuter. Même dans le cas où une situation injuste se produit (et sur le plan du relatif, la vie est souvent injuste), si nous partons du principe que c’est Dieu, en personne, qui nous l’envoie et que nous nous soumettons à la situation, nous détendant complètement, lâchant prise, lâchant des pans entiers de l’ego, alors, des réponses spectaculaires peuvent survenir. Pourquoi ? Mais parce que telle fixation est enfin dissoute. Si telle personne, après avoir vécu dans la peur d’une vraie relation amoureuse, lâche prise, se décide à prendre vraiment le risque de l’amour, il ne se passera pas même une semaine avant que l’univers ne lui expédie la rencontre d’un amoureux. Le désert dans lequel elle se trouvait disparaît comme par enchantement ! Dieu lui-même se met à intervenir directement, de façon tout à fait visible, dès que le travail requis est effectué, et la situation problématique disparaît comme par miracle... En matière d’obéissance, remarquons aussi combien Vijayânanda aimait Mâ, au-delà de tout... Le lien entre son amour si profond et sa capacité à lui obéir parfaitement est évident, n’est-ce pas ? Il aimait Mâ, bien plus que son ego. En obéissant à Mâ en toutes circonstances, c’est à dire en apprenant à accueillir le Réel (Sat), tel quel, en toutes circonstances, il a réussi à échapper à l’emprise du mental et donc à Māya.
L’être humain a de vraies qualités, même quand il est encore soumis au mental. En particulier, il peut être très courageux. Nous pouvons prendre au sérieux, selon les indications de Jacques Vigne, le sens de la racine sanscrite qui signifie « être humain », « vir »: elle signifie aussi la force, la persévérance, le sens de l’effort, et on la retrouve encore aujourd’hui dans le mot français viril.
Mmmm. Une petite remarque au passage : N’en déduisez surtout pas que le courage n’est qu’une affaire d’hommes. Il concerne aussi les femmes, qui ont autant de capacités d’ascèse spirituelle que les hommes. Voyez Tenzin Palmo, qui a vécu 11 ans dans un grand dénuement à 4000 mètres d’altitude, alors que cette anglaise avait, en vérité, une petite constitution physique. Elle n’était vraiment pas un fier-à-bras Tibétain doté d’une santé extraordinaire et adapté au froid intense. Mais elle est un « vir », un être humain digne de ce nom, une courageuse.
La quatrième grande caractéristique du disciple, c’est la persévérance, le sens de l’effort. Nous allons vraiment en avoir besoin. Il faut toute une vie d’efforts pour se transformer suffisamment afin d’obtenir l’Eveil. Il nous faudra bien du courage... Mais heureusement, il vient aussi en chemin. Parfois il faudra même de l’héroïsme, et toujours beaucoup de persévérance. Ne voyez pas l’héroïsme comme quelque chose d’essentiellement physique, comme escalader le Mont Blanc. Dans notre Occident aux modes relationnels si perturbés, l’héroïsme consistera surtout à tenir tête à nos programmes les plus puissants. Par exemple, à décider d’aimer même quand l’autre nous repousse, à rester ouvert, même quand on se sent rejeté. Lorsque l’on est aux prises avec de très grandes blessures liées à l’abandon ou au rejet, choisir d’aimer quand même et de rester ouvert à l’autre, alors même qu’il nous semble qu’il est en train de répéter ce qui peut le plus nous faire souffrir, relève réellement de l’héroïsme. Le sourire que nous esquissons, la main tendue, le cœur broyé mais ouvert, dans ces instants-là, demandent un très grand courage. Mais ils sont aussi le chemin qui nous permet de découvrir qu’en fait, dès que nous acceptons vraiment telle situation, ô combien refusée par le passé, dès que nous cessons de nous dérober pour assumer enfin les valeurs auxquelles nous croyons, et ce, quel qu’ait pu être notre passé, alors, nous voyons vraiment Sat, la Vérité, le Réel tel quel, et à l’instant même, nous sommes libres. A l’instant même un coin du voile de Mayā se soulève, révélant la Paix, la Grâce, le Divin, la présence de Mâ... Un petit instant d’Eveil se produit. Jusqu’à l’Eveil stable, définitif, et la Libération totale. « La voie est très abrupte. Il faut avoir une impulsion aussi violente que celle des pèlerins qui gravissent les sentiers les plus escarpés dans les Himalayas. Acquérez une volonté ferme et une patience extrême. » (Aux Sources de la Joie p.79)
Ainsi, vous voyez, « C’est en cherchant à se connaître soi-même que l’on trouvera la mère suprême de tous.» (Matri Darshan). C’est en traversant l’existence de façon véridique, avec toute la mise à jour de l’inconscient que cela implique, que le cœur peut enfin s’ouvrir et que la dévotion véritable devient possible. La connaissance de soi mène à la perception du Divin. Atman Darshan. Enfin Voir Dieu. Enfin « Voir Cela qui lorsqu’on l’a vu, fait s’évanouir à jamais le désir de voir autre chose ; entendre Cela qui lorsqu’on l’a entendu dissipe à jamais le désir d’entendre autre chose » nous explique Mâ. (Matri Darshan)
Et une fois que nous voyons le Divin, lui devenir infiniment perméable, afin, littéralement, de baigner en sa Présence tout le jour, à tous les niveaux qui nous composent... Alors, nous pouvons enfin réaliser pleinement ce souhait de Mâ envers nous : « Bhagavan ke niye thako» : «Vivez dans la présence de Dieu ! »
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Poème :
‘Comment étais-tu Mâ ?’
Par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
La 1ère ride vient d’un cri La 2ème d’un pleur
La 3ème quand tu ris
La dernière quand tu meurs.
Comment étais-tu Mâ ?
Comment étais-tu Mâ quand tu avais 20 ans ?
Un être de blancheur, pureté et candeur Qui savait soigner l’âme aussi bien que le cœur Et dont l’Enseignement doublé de l’exigence
Distribuait tout l’AMOUR dont elle était l’essence !
Savoir fleurir Savoir sourire
Comment étais-tu Mâ à la fin de ton temps ?
Les rides avaient creusé un sillon de bonheur Faisant se refléter la ‘Lumière Intérieure’ Et point ne se voyait le fait d’avoir vieilli
Puisqu’en Elle le ‘SOI’ à TOUT s’était UNI.
Savoir souffrir Savoir vieillir
La 1ère ride : un cri La 2ème ride : un pleur La 3ème quand on rit
La dernière quand on meurt !
(Poème extrait de son livre ‘Voyage intérieur aux sources de la joie’ Editions du Petit Véhicule – Nantes)
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Satsang
avec Swami Jñânânanda
2 octobre 2013, veille de la fête de Diwali à Dehradun
Recueilli par Vigyânânand (Jacques Vigne)
Swami Jñânânanda est venu en Inde en 1950, il a suivi pendant neuf ans à Calcutta Atmânanda, un yogui proche de Yogânanda Paramahamsa. Ensuite il a mené la vie de sadhou, en visitant de nombreux endroits d’Inde, est resté 15 ans à Kankhal et une vingtaine d’années à Barlow Ganj dans une petite maisonnette dans la forêt, entre Dehradun et Mussoorie.
Il a maintenant 84 ans, il vit à Dehradun même dans la maison ‘d’une’ disciple de longue date qui a elle-même 70 ans. Il reçoit les gens tous les soirs pour le satsang, parfois il n’y a que quelques personnes, mais en fait depuis une semaine, des groupes sont passés et il a vu en tout 200 personnes. Il a reçu en particulier les Espagnols disciple de Swami Rameshvarânanda. Celui-ci était disciple de Swami Brahmânanda à la Fleur d’or près du Mans, et ce Brahmânanda bengali installé en France a étudié avec le même gourou, Atmânananda de Calcutta, comme Swami Jñânânanda. Il est engagé dans la construction d’un très grand ashram en Espagne, qui fera fonction aussi de centre des religieux et philosophiques, il a réussi à obtenir pour cela un soutien de l’Union européenne.
Le style de vie de Swamijî est très simple, hier, Maitreyî, ‘la’ disciple qu’il accueille depuis plusieurs années et dont la mère était aussi reliée déjà à Swami Jñânânanda, nous a expliqué sa vie au quotidien : il n’a pas de lit, il couche sur le même petit tapis sur lequel il est assis quand il nous reçoit pour le satsang et quand il chante les bhajans qu’il a souvent lui- même composés. À son âge, il ne sent plus de quitter le lieu où il est, mais cela ne l’empêche pas de marcher. Quand nous l’avons vu hier soir, il nous a dit qu’il avait fait sept ou huit km dans la forêt. D’après Maitreyî, il aime bien donner de la nourriture aux animaux, des bonbons aux enfants, et il met de temps en temps des rakhis, des petites cordelettes sacrées sur les branches des arbres. C’est un rituel très courant dans l’hindouisme, en général cela accompagne un vœu précis, et permet en quelque sorte de sacraliser la nature. En même temps, il rit de tout cela et commente en disant que dans la vie, il faut savoir être un peu fou. Maitreyî nous a expliqué que Swamijî n’a jamais voulu avoir de propriété d’ashram, alors qu’elle voulait lui donner sa maison pour cela. Il a pour toute possession quelques vêtements qui sont gardés dans un placard, donc même pas de lit, et elle sent qu’il pourrait repartir sur les routes avec juste une serviette, à la manière dont il est arrivé en Inde, à pied et en stop, en 1950.
Il nous a raconté que pendant cette promenade, le jour même du satsang donc, un jeune de 20 ans s’est arrêté avec sa mobylette et lui a demandé à brûle-pourpoint : « Est-ce que vous croyez en Dieu ? » Il lui a répondu : « Oui, je crois en Dieu, mais Dieu croit aussi en moi, et il croit en vous également ! S’il ne croyait pas en vous, vous ne pourriez pas être ici, vous ne pourriez même pas conduire votre engin ! » Le jeune a été touché par cette réponse, qui l’a fait réfléchir.
A propos de Mâ Anandamayî, il nous a redit avec force l’impression qu’il avait, comme beaucoup d’autres visiteurs, quand il était en face d’elle : l’impression qu’ils s’étaient toujours connus. Il lui a demandé un jour pourquoi il en était ainsi. Mâ lui a simplement répondu en hindi koi dusra to nahin « mais il n’y a pas d’autre ! »
Le râja de Solan en Himachal Pradesh lui aussi a raconté que quand il était jeune, il était encore prince, et il avait un jour entendu parler d’une sadhvî, d’une femme qui effectuait ses pratiques spirituelles entourés de quelques disciples, elle vivait alors dans une grotte près de Solan pour quelque temps. Il est allé la voir, il s’agissait de Mâ Anandamayî, et il lui a demandé comme beaucoup d’autres visiteurs : « Qui êtes-vous ? » D’habitude, elle répondait à ce genre de questions : « Je suis celle que vous voulez que je sois ! ». Mais cette fois-ci, la réponse a été différente, elle lui a dit : « Je suis Darshani ! » Il s’agit d’un nom de la déesse, « celle qui apparaît », et elle a complété cette parole en expliquant que, même si on ne l’avait rencontrée qu’une seule fois, elle apparaissait directement à celui ou celle qui était en difficulté ou en crise, soit sous forme de rêve soit sous forme de vision.
Comme Swami Vijayânanda, il souligne les problèmes spirituels que pose l’enrichissement des ashrams et des Swamis. À l’époque où il est arrivé en Inde, c’était courant de rencontrer des Sâdhous errants pour Dieu, qui n’avaient aucunes richesses mais étaient fort respectés pour leur sagesse. De nos jours, à la fois les sâdhous et les ashrams sont beaucoup plus riches, certes, on peut dire que c’est le signe du soutien que leur apporte la population, mais Swamijî soulignait que cela pose un problème de fond sur le sens d’être sâdhou.
Jñânânanda s’est rendu un jour chez Swami Krishnânanda, un grand saint qui habitait à Lahore au Pakistan. Il lui a demandé quelle attitude avoir envers les gens qui critiquaient les sâdhous en général, ou qui le critiquaient en particulier. Il lui a dit : « Remerciez Dieu pour eux ! En effet, en vous critiquant, ils espèrent diminuer votre bonne réputation, mais c’est en fait votre mauvais karma qu’ils diminuent, et qu’ils prennent sur eux ! »
Maitreyî nous a évoqué le souvenir d’un japonais qui aimait venir visiter Swamijî. Il était lui-même devenu un sâdhou et était parti à pied pour les sources du Gange. En revenant, il s’était plaint de toutes sortes de misères qu’il avait eues, des gens peu recommandables qu’il avait rencontrés sur la route, des façons dont on l’avait rejeté pour le logement ou dont on lui avait refusé certaines fois la nourriture. Maitreyî avait alors réalisé que Swamijî avait mené cette vie pendant des années, mais qu’il ne s’était jamais plaint des mauvais traitements qu’il avait reçus.
Une autre fois, Jñânânanda était déjà depuis quelque temps avec son maître Atmânânanda à Calcutta et il lui a demandé pourquoi il y avait tant de conflits, nationaux, politiques, religieux, interpersonnels, etc. Celui-ci lui a répondu : « Parce que tout le monde a raison ! » Cette réponse l’a rendu pensif, et Atmânânanda a conclu en rajoutant : « et vous aussi, vous avez raison ! ». Cela rappelle une réflexion de Mâ qui disait que tout le monde suivait le
dharma. On lui a évidemment objecté que ce n’était pas ce qu’avait l’air de faire les criminels. Elle a répondu : « Si, car au moment de faire leurs crimes, ils se convainquent eux-mêmes que c’est ce qu’il y a de plus juste à faire, à ce moment-là, ils suivent leur karma, après, évidemment, ils se mettent à voir les choses différemment ! » Son maître, dans la grande tradition du Bengale, aimait entonner souvent des chants dévotionnels. Il disait que dépasser une dizaine de minutes de conversation parlée était de trop, et il se mettait à chanter…
A la fin du satsang, Swamijî a tenu à ce que je sois raccompagné à la gare par un de ses disciples qui avait une voiture. Il nous a accompagnés pour nous dire au revoir près de celle- ci, et quand le conducteur a mis le contact, une musique de bhajans a commencé avec l’appareil dans la voiture qui s’allumait automatiquement. Swamijî s’est mis à chantonner et danser doucement en l’entendant…
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Persévérer
(Extrait de la ‘Lettre d’information’ d’Huguette Declercq - Mai 2014)
Persévérer
Il semble que nous soyons dans une période où les choses, les situations ne "se mettent" pas facilement. Je constate nombres de petits blocages, de choses mal faites, d'informations erronées. Toutes choses qui demandent des remises en ordre, des remises au point, et parfois même plusieurs fois avant que tout ne rentre dans l'ordre. Je ne suis pas seule à constater cela en ce moment. En insistant, les choses se réalignent, parfois autrement, cela stimule notre souplesse d'esprit.
Si vous tenez à ce que quelque chose se passe, insistez, et tout se mettra en place comme vous le souhaitez.
Soyez persévérants et surtout sachez ce que vous voulez mettre en place dans votre vie.
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Le bonheur te garde gentil
Le bonheur te garde gentil
Les épreuves te gardent fort
Les chagrins te gardent humain
Les échecs te gardent humble
Mais seul l'espoir te fait avancer
(Envoyé par Rosemary Antonetti )
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Une vie simple et un cœur pur
Par Marie Fruhinsholz
(Marie était venue faire une retraite d’une quinzaine de jours à Kankhal avec Jacques Vigne)
Nous aimerions présenter aux lecteurs du ‘Jay Ma’, un Indou qui a choisi de vivre en France : Kaushik Gupta. Etant donné qu'il incarne la continuité d’un témoignage de paix venu de l’Inde, son rêve de redonner ses lettres de noblesse à la pensée gandhienne, nous rejoint dans la période de crise que nous traversons.
En effet, nous faisons tous l’expérience des différentes formes de violence que cette crise de civilisation génère dans nos vies : violences aussi bien existentielles, mentales, verbales que matérielles et physiques. Dans ce contexte difficile et toxique, il semblerait que la sagesse de Gandhi soit encore une fois appropriée, que son invitation à retrouver les voies d’une
« sobriété heureuse » ait encore de l’avenir, une sagesse exprimée dans le fameux adage indien :
« Simple life and hight thinking »
Originaire de Calcutta, Kaushik Gupta habite à Strasbourg depuis 1993, il y exerce le métier de kinésithérapeute. Il est aussi le fondateur des associations ‘Inde-Alsace’ et ‘Bhakti Mandir’, qui se proposent d’initier le grand public aux cultures indiennes à travers l’organisation de diverses manifestations : conférences, expositions, concerts et spectacles de danses, festival du film indien, et aussi célébration de certaines fêtes traditionnelles indoues (Diwali, Holi, Pongal, Onam, Durga Puja). C’est ainsi qu’avec le soutien du gouvernement indien, il a pu concrétiser le projet incroyable d’ériger au centre de Strasbourg, une statue à l’effigie de Gandhi - le premier monument public dédié à sa mémoire en France métropolitaine !
Un Gandhi en marche…
Offerte à la ville par le gouvernement indien, la statue est l’œuvre de l’artiste indien Ram Sutar. C’est un bronze d’une hauteur de 2,20 mètres, un Gandhi en marche, appuyé sur un bâton. Quatre urnes contenant de la terre indienne, provenant de quatre lieux symboliques de la vie de Gandhi, sont scellées dans le socle de la statue, où l’on peut lire par ailleurs cette citation du Mahatma :
« Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts ni les fenêtres bouchées. Mais que la brise y circule librement pour m’apporter l’air frais venu de toutes les cultures. »
L’European Ratha Yatra : l’Inde en fête !
Une autre initiative de l’Association Inde-Alsace en collaboration avec l’Association Festival de l’Inde de Paris, est Ratha Yatra, une fête culturelle, spirituelle et fraternelle organisée en Inde depuis des millénaires. Aujourd’hui, elle rassemble chaque année dans différentes grandes villes du monde les différentes communautés hindoues ou autres, dans un esprit de tolérance, autour du principe de non-violence. Elle a été célébrée à Strasbourg pour la
première fois le 6 juillet dernier, en grande pompe, et magnifiquement fleurie de toutes les couleurs, avec le défilé du Char de Jagannath (le « maître des univers» pour les hindous),
Au moment où j’écris ces lignes, Kaushik Gupta s’est retiré pour quelques semaines avec un yogi dans une grotte de l’Himalaya, et s’il en redescend, il interviendra en compagnie de Jacques Vigne et d'autres méditants de sensibilités spirituelles diverses, à Strasbourg, le samedi 29 novembre 2014, sur le thème ci-dessous, choisi pour inaugurer ‘Terre du ciel- Alsace ‘ : " Où cours-tu, ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? "
Nouvelles
- N’oubliez pas de vous procurer la nouvelle ‘Clé USB’ contenant les stages de méditation de Jacques Vigne. Même processus que pour le ‘JAY MA’ : paiement de 15 Euros au nom de Jacques Vigne à envoyer à José Sanchez Gonzalez et ne pas manquer d’aviser ensuite Geneviève (Mahâjyoti) pour l’envoi. (Voir coordonnées plus bas dans les ‘Abonnements au JAY MA’).
- Huguette Declercq, de Belgique, nous informe. A plus long terme, deux projets viennent de se mettre en place :
- Une première année en formation de professeur de yoga à partir de septembre prochain. Beaucoup de pratiques posturales et de respiration.
- Un voyage au Népal durant les vacances de Pâques: ‘Sur les traces du Bouddha’ du 3 au 18 avril 2015.
On peut retrouver le programme complet de ses activités et formations sur le site d'Atlantide : www.atlantideasbl.org
- Le ‘yoga des yeux’ par Chantal Webster est basé sur la ‘Méthode du Dr. Williams BATES’ ophtalmologue américain, né en 1860, qui a exercé à New York et dans le Dakota - Chantal Webster, Professeur de Yoga, formée à l'Efyse par Boris Tatzky et diplômée du «College of Vision Education de Londres», enseigne le Yoga depuis 1998 et le Yoga des Yeux depuis 2004 - La vue varie selon plusieurs critères, notamment l’état physique, mental et émotionnel - ‘Un art de vivre pour un art de voir’ - Comment les outils du yoga complètent et enrichissent cette méthode d’amélioration de la vue accessible à tous. Chantal Webster vient d’animer deux stages dans l’arrière-pays niçois Alpes de Haute Provence, l’un à Tournefort début juillet : ‘Yoga des yeux et Chant de Mantras’ et l’autre à Annot : ‘Yoga des yeux et Yoga de l’Energie’ début août. De plus un ‘Congrès Méthode Bates’ aura lieu à Paris les 25 et 26 Octobre 2014 avec l’Association l’Art de Voir, 1er congrès Francophone de Vision Holistique. Contact : chantalw@wanadoo.fr ou ctwebster@orange.fr – Tel : 04 93 05 11 34 – 06 87 38 37 03 – Site : www.yoga-des-yeux.org – (Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) a été contactée pour l’interviewer dans la revue ‘Infos Yoga’).
- Nouveaux livres de Marc-Alain Descamps : ‘L’éveil de la Kundalini’ Tantra, Chakras Kundalini, aux Editions Grancher – 20€, dont nous donnerons un extrait dans un prochain JAY MA - Marc-Alain Descamps proposera également en septembre ‘L'invention de l'Amour’ et en novembre ‘La Méditation en Yoga’.
- Comme vous avez pu le lire plus haut dans l’article de Marie Fruhinsholz, Kaushik Gupta, cet hindou kinésithérapeute, interviendra en compagnie de Jacques Vigne et d'autres méditants de sensibilités spirituelles diverses, à Strasbourg, le samedi 29 novembre 2014, sur le thème suivant choisi pour inaugurer ‘Terre du ciel-Alsace’ : ‘Où cours-tu, ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?’
Abonnements au ‘JAY Mâ’
Pour la session (encore en cours) 2013-2015
Tous les abonnés actuels sont encore parfaitement à jour de leur cotisation. L’abonnement en cours est valable pour une session de deux ans, il couvre donc la période qui va de Mars 2013 à Mars 2015 qui a commencé avec le N° 108 du printemps 2013 et qui finira avec le N°115 du printemps 2015. Ne vous inquiétez donc pas, un rappel de renouvellement vous sera lancé dans le N° de Noël. Merci aux nouveaux inscrits d’être entrés dans la Grande Famille de Mâ !
Merci également, et d’avance, à tous ceux qui rejoindront l’expérience du ‘JAY MA’ et qui s’inscriront au début de l’année 2015 pour les deux prochaines années à venir (2015-2017) auprès de José Sanchez Gonzalez pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère bénévolement l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@orange.fr. Mais on a encore le temps…Ne renouvelez pas avant début 2015 car cela complique plutôt les choses…
La brochure sera toujours au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel envoyé par email, soit 4 numéros par an. Le renouvellement ou l’inscription se feront toujours automatiquement pour deux ans. Il faudra donc envoyer à José, comme d’habitude, un chèque de 8 Euros au nom de Jacques Vigne, pour couvrir les deux prochaines années. Les numéros arriérés seront toujours envoyés par Geneviève (Mahâjyoti) à tous ceux qui s’inscriront en cours de route.
Cette brochure fut créée il y a plus de 25 ans. Elle représente un lien d’amour avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, les témoignages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne, avec la collaboration de Mahâjyoti qui a une « lettre d’infos » à votre disposition sur demande, pour bien comprendre la marche à suivre.
Table des matières
Paroles de Mâ : ‘Satsang’ (Extraites du livre ’Paroles de Mâ Anandamayî-Classées par thèmes’)
Satsang avec Mâ à Nadiad (Extrait recueilli en 1979 par Yann et Anne-Marie Le Boucher)
Postface au livre ‘Vous voilà réveillés’ (de Jean Bastide, par Jacques Vigne)
Présence à Dieu et connaissance de soi (par Isabelle Rodde)
Comment étais-tu Mâ ? (Poème de Geneviève Koevoets ‘Mahâjyoti’ Extrait de son livre ‘Voyage intérieur aux sources de la joie’- Editions du Petit Véhicule à Nantes)
Satsang avec Jnânânanda (Recueilli par Jacques Vigne)
Persévérer (Lettre d’infos d’Huguette Declercq)
Le bonheur te garde gentil (petit poème)
Une vie simple et un cœur pur (Kaushik Gupta par Marie Fruhinsholz)
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Table des Matières