Jay Mâ n°71
(HIVER 2003-2004)
Réponses de Mâ
Nous donnons ci-dessous quelques réponses et dialogue avec Mâ, tels que les a traduits Jean-Claude Marol dans son livre « La Saturée de Joie » (Dervy, 2001).
(un haut fonctionnaire du gouvernement est venu visiter Mâ Anandamayî.)
Question : Je n'ai aucune foi, et je ne vois pas comment cela pourrait changer ! Qu'en pensez-vous ?
Mâ : vous dites que nous vous n'avez aucune "foi " : eh bien, établissez-vous fermement dans cette conviction ! Car, où est le "non" est fatalement le "oui"!
Qui peut prétendre être au-delà de la négation de l'affirmation ?
La foi est un geste fondamental, une impulsion naturelle à l'être humain, la foi en Dieu en découle. La vie humaine est ainsi faite que personne ne peut dire "je ne crois en rien", vous croyez toujours quelque chose !
Le mot manush (humain) est constitué de man (esprit) et hush (conscient) ; cela induit qu’il n'y a pas d'humanité sans esprit ouvert et sans vigilance, cela montre que le penchant naturel de l'être humain est de prendre pleinement conscience de la réalité.
Quand les enfants apprennent à lire et à écrire, et doivent s'attendre à être corrigés ! Dieu aussi "corrige". C'est la preuve qu'Il prend soin des humains ! Ces corrections déplaisent; en fait, elles transforment les cœurs et mènent à la paix. En compromettant des satisfactions ordinaires, elles font cheminer vers la Joie suprême
Le corps humain survit par un perpétuel va-et-vient de la respiration. Quel inconfort ! De même, dans la vie, vous pouvez circuler en touriste qui va, vient, saute d'un lieu à l'autre, d’une distraction à une autre... Ou bien être un pèlerin lié son être profond et qui avance vers sa vraie demeure : la pleine Connaissance (p. 177)
Les lampes du monde s'allument et s'éteignent. Il est une lumière éternelle qui ne peut passer. Cette lumière permet de percevoir les lumières extérieures et toute chose dans l'univers. Parce qu'elle luit en vous, vous voyez. Parce que la Connaissance suprême réside en vous, pouvez acquérir les autres formes de connaissance. L'esprit est comme la racine d'une plante : irrigué, toute la plante est désaltérée.
Parfois vous vous exclamez que vous n'en pouvez plus ! Mais aussitôt rentrés chez vous, vous vous sentez bien ! (p. 179)
Question : à mon sens, il ne peut y avoir une vision intégrale de l'Etre suprême, au plus, nous en aurons une vision partielle... Qu'en pensez-vous ?
Mâ. Si vous pensez que l'Etre peut se mettre en morceaux, alors vous pouvez employer le terme de "partiel ". Mais peut-il y avoir des "parts d'Absolu"? Vous raisonnez en termes de parts, et vous voulez prendre "votre" part, n’est-ce pas !
Il est le Tout, Celui qui est.
Question : mais alors, il doit bien y avoir au moins des niveaux dans la Connaissance?
Mâ : où est la connaissance des formes du Sans-forme, il ne peut y avoir de niveau ; aller pas à pas concerne la période où l'on cesse tout juste de courir derrière les objets, et où l'on se tourne vers l'Eternel qui n'est pas encore une évidence, sa quête est devenue "intéressante" cette progression réserve des expériences... Là où est la pensée, est fatalement l'expérience ! Les expériences traduisent les mille façons d'approcher la Connaissance suprême. L'esprit qui s'était d'abord empêtré dans la matérialité, affirmant que jamais on ne peut savoir s'Il existe ou non, et qui tournait le dos à "tout cela" finalement rebrousse chemin ! N’est-il pas naturel que la lumière lui parvienne, "accommodée" à sa situation ?
Les états possibles et imaginables ont un nom.
Mais les états particuliers cessent, quand le Soi est enfin reconnu ! (p. 179)
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Une sélection de réponse de Vijayânanda
par Prémamayî
Prémamayî, alias Caroline Rosso-Cicogna, a été souvent auprès de Mâ entre 1978 et 1982, quand elle était en Inde avec son mari qui travaillait à Delhi. Ils habitent maintenant Nice. Elle a fait récemment une sélection de paroles de Vijayânanda qui l'ont aidée dans sa sâdhanâ. Elle nous l'a envoyée, et nous la reproduisons ci-dessous :
La sâdhanâ consiste à tout rapporter à l'action divine de. Et après un certain temps on s'aperçoit qu'il n'y a pas de hasard.
Pour la sâdhanâ, il faut avoir une ferme résolution et harmoniser l'intellect et le cœur. Quand on se met au travail sérieusement, des pouvoirs viennent vous aider.
Le disciple doit être intelligent, avoir une certaine maîtrise de soi, du discernement et la ferme détermination de découvrir ce qui est au-delà de l’illusion du mental.
Le but de la sâdhanâ, c'est d'amener le mental au silence.
Grâce à la sâdhanâ, on apprend à ne rien faire en commençant par ralentir le mouvement.
Quand on a commis une faute, on doit d'abord demander pardon, puis réparer si c'est possible et prend la résolution de ne plus commettre cette faute et enfin, ce qui est le plus important, oublier complètement tout cela.
La concentration négative sur la petite voix qui persécutent lui donne de la force. Il est plus facile pour le mental de l'écouter que de faire l'effort d'une concentration positive. Est indifférent à cette négativité et répéter le mantra lui enlèvera de sa force.
Il n'y a pas besoin de chercher à se débarrasser de souvenirs tristes. Ils agissent comme une épine irritative dans le mental pour nous apporter un détachement. Il faut s'en servir pour arriver à la source de toute souffrance qui est la fausse croyance que nous sommes des individualités distinctes, séparées du Grand Tout.
Laissez le passé se guérir de lui-même. Quand on réussit à être vraiment dans le présent, on a réussi 90 % de sa sâdhanâ.
Pour éviter de confondre intuition et désirs inconscients, il faut d'abord de l'humilité. En cas de doute, toujours suivre le dharma, quel qu'en soit le coût. Si l'on ne se sent pas capable de faire la distinction, consulter un guide spirituel. Quand le guru intérieur est éveillé dans notre cœur, l'intuition apparaît comme une inspiration divine et à l'évidence d'une perception sensorielle.
Les mouvements du mental peuvent toujours être ramenés à une sensation qui a été leur point de départ. Se familiariser avec ces sensations peut devenir une aide considérable pour connaître et maîtriser son mental.
On peut observer le silence en parlant, en disant que ce qui est nécessaire et en gardant le silence mental dans l'intervalle.
Il y a plusieurs degrés de silence intérieur qui correspondent aux différentes couches de notre mental. La première, la pensée parlée : ce bavardage intérieur, presque incessant pour la majorité des gens. Le faire taire, et c'est très difficile, est un des premiers objectifs de la méditation. Apparaît ensuite une couche plus profonde qui est celle de la pensée en images ou en sons : des formes et couleurs et des perceptions auditives subjectives apparaissent dans le champ de conscience. Si on arrive aussi à éliminer ces perceptions subjectives, il ne reste plus que la couleur affective du mental - bhâva - des états mentaux d'euphorie ou de dépression qui sont basés sur des sensations venant à la conscience de notre corps, pour être plus précis, du mouvement de la force vitale dans d'autres organismes. Quand on réussit à dépasser la conscience physique, le bhâva devient silencieux et on est alors identifié au samarasa, un état ininterrompu de Satchidananda, le vrai Silence. Les trois niveaux du mental s'interpénètrent, les couches superficielles voilant les plus profondes.
La concentration sur Mâ est l'une des méthodes pour calmer le mental. Dans le cas de Mâ, qui a laissé une présence résiduelle, on peut entrer en contact avec cette présence. Ce contact peut devenir une aide considérable pour la sâdhanâ. Quand on pense à Mâ, on se concentre automatiquement sur ses qualités qui nous imprègnent même si cela n'est pas conscient. Mais ce qui compte, c'est notre réaction mentale d'amour et de dévotion. L'image n'est qu'un moyen pour produire cette réaction. Cette forme de pensée est un support sur le Divin omniprésent dont le centre est ce qui réside dans notre cœur subtil.
Ce qui est essentiel dans la méditation, c'est l'attitude mentale et le sankalpa.
Quand on sait bien méditer, on peut aller vers l'Absolu à partir de n'importe quel point du corps.
Si dans la méditation, on voit des couleurs où l'on entend des sons, c'est que l'on a touché le niveau mental sous-jacent à la pensée discursive. Mais les expériences qui donnent un état de paix de bonheur sont bien supérieures, surtout lorsqu'elles s'accompagnent d'un oubli total des sensations venant du corps physique. Cependant, le véritable progrès se voit dans le comportement quotidien, dans la maîtrise des émotions négatives et l'harmonie avec l'entourage.
Prendre l'attitude de témoin, en s'appuyant sur un fil directeur (le mantra, le souffle) et en observant les mouvements du mental du coin de l’œil.
On développe la confiance en soi en se désidentifiant du corps et du mental qui sont changeants et en s'identifiant à sa base immortelle : ce qui donne au corps son aspect de permanence, c'est le Soi. On croit facilement que le Soi est inexistant car il est tellement subtil mais il est plus dur que le diamant.
La koundalinî est un pouvoir primordial, au-delà de la pensée parlée. Quand cette énergie s’éveille, le premier effet est une intensification des désirs. Ce qu'il faut, c'est renverser le dynamisme du désir et le ramener vers sa source qui est en nous-même. Quand le guru éveille l'énergie intérieure, il donne de l'intensité à ce double mouvement. C'est au disciple de choisir sa direction : vers le haut ou vers le bas.
Chaque à être à en lui un désir auquel il tient le plus. Ce qu'il y a au centre, c'est le Soi. Mâ réactivait, faisait monter le Soi, mais on surimposait là-dessus ses propres désirs matérialistes.
La réalisation, c'est d’être en accord avec le Soi profond.
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Sur les traces des yogis
par Vijayânanda
Vijâyananda arrive à Ceylan, et en début janvier 1951, il se retrouve à l’Island Hermitage, un petit monastère bouddhiste théravada à Dodanduwa près de Gale sur une île près de la côte au sud de Colombo. Un journaliste bien intentionné avait annoncé de façon prématurée que Vijâyananda voulait se convertir au bouddhisme alors qu'il n'était venu là que pour s'informer.
"Island Hermitage", le 7 janvier 1951
Ce matin, un moine cinghalais m'apporta le numéro du Daily News qui publiait l’information dont il avait été question hier soir. Les moines semblaient donner beaucoup d'importance à cet incident que je croyais insignifiant. Mercredi prochain, j'ai l'intention de quitter ce lieu pour Colombo. C'est certes un endroit rêvé pour ceux qui veulent mener une vie contemplative. Mais je ne suis pas encore "mûr". Mon esprit chérit encore des vasanas (impressions subconscientes de désirs) - comme disent les hindous – qu’il me faudra épuiser. Pourtant, il me semble, tant qu’à faire, je choisirais plutôt la solitude complète qui aurait l'avantage d'une plus grande indépendance. Certes, la règle dans ce monastère n'est pas rigide et les moines sont libres de faire ce qu'ils veulent dans le cadre des obligations monastiques. Mais en ce qui concerne la vie spirituelle, je suis comme le cheval sauvage, intolérant de la moindre coercition. Car j'ai la conviction que la vie spirituelle, l'ascèse véritable passe par une route où il faut marcher seul. Certes, il faut avoir un cadre social et une étiquette à présenter au profane. Mais le chemin qui mène vers le Suprême est toujours nouveau, différent pour chaque individu. Chacun suit sa propre route qui ne ressemble à celle d’aucun autre.
"Island Hermitage", le 9 janvier 1951
Aujourd'hui, au cours de ma promenade dans l’île, j'ai rencontré le Bhikkhou S. qui a bien voulu me faire visiter sa maisonnette. Les chambres sont propres, riantes et agréablement meublées avec des fenêtres grillagées. J'ai été frappé par l'écart considérable qui existe entre le standard de vie matérielle d'un moine bouddhiste et celui d'un sannyâsin ou sadhou de l'Inde. Dans les pays bouddhistes -et en particulier à Ceylan, on pense que le moine doit vivre confortablement et agréablement. Ainsi, son esprit étant calme et libéré de soucis matériels, il pourra se consacrer entièrement à la recherche du nirvana. Et les laïcs procurent généreusement à leurs bhikhous ce qui leur est nécessaire, et les traitent avec respect et vénération. Mais aux Indes, le sadhou étant celui qui a renoncé au monde, on s'attend à ce qu’il vive le plus simplement possible. D'ailleurs, plus son dénuement est grand, plus on lui marquera de respect.
Shankarâchârya a popularisé l'idéal de parfait sannyâsin dans ses écrits et ses chants. Il décrit la vie glorieuse de l'homme qui a renoncé à toute possession dans les termes suivants, par exemple :
Un lieu de repos au pied d'un arbre leur suffit,
les deux mains leur servent d'assiette.
Ils méprisent les richesses comme si c'était un paquet de haillons.
Les porteurs du kaupinam en vérité sont bienheureux.
(chant des Kaupinavantas, second distique)
Le kaupinam représente le minimum irréductible de vêtements. C'est un linge servant de cache-sexe et maintenu par une corde autour de la taille. Kaupinavanta qui veut dire : le porteur de kaupinam est dans la littérature védantique synonyme de "l'homme ayant une renonciation parfaite". Le grand sage d'Arounâchala, Ramana Maharshi, était un kaupinavanta, au sens propre et figuré. On raconte à son sujet l'histoire suivante : un jour son kaupinam est déchiré. Il aurait facilement pu en demander un autre. Mais par esprit de renonciation et aussi sans doute à titre d'exemple il eut recours au procédé suivant pour le réparer : durant sa promenade sur la colline, il cueillit deux épines. Avec l'une d'elle, il transforma l'autre en aiguille en faisant un trou à son sommet. Puis il détacha un fil de son kaupinam, et avec ce fil et cette aiguille improvisés, il répara son unique vêtement.
Cependant, la vie de sadhou en Inde est assez dure, car le pays est plus pauvre que Ceylan et les laïcs sont méfiants étant donné qu'il existe un nombre considérable de moines qui ne revêtent la toge orange, le vêtement de sadhou, que pour vivre sans travailler.
Comprendre le "culte des idoles"
Les "dieux de l'Inde", leurs idoles et leurs rites religieux (poujâ) ont souvent scandalisé les missionnaires chrétiens et ont été un motif de sarcasmes pour beaucoup d'Occidentaux. Mais ce serait une grave erreur de croire que les hindous sont des "idolâtres" dans le sens péjoratif que nous donnons à ce mot et de les comparer aux noirs d'Afrique ou aux "païens" dénoncés dans de nombreux passages de la Bible.
L'adoration des images et des idoles semble relativement récente dans l'hindouisme. Elle ne date probablement pas de plus de deux mille ans ; dans les védas et dans les Oupanishads, on n'en trouve guère de traces. Les anciens aryens adoraient certes les forces de la nature personnifiées : Indra, Arjouna etc. mais ce n'était pas un culte de bhakti, de dévotion, mais plutôt des rites magiques dont le but était de se les rendre favorables. Il ne semble pas qu'ils aient fait usage d'autres symboles visibles que celui de la flamme. Il est probable que ce soit aux aborigènes, dravidiens et autres, qu’est dû l'apport du culte des idoles.
Le culte des idoles est indissolublement lié à la science de la dévotion (bhakti). J'emploie à dessein le mot science, car la dévotion telle qu'elle est pratiquée aux Indes dans les milieux cultivés est loin d'être une manifestation déréglée d'émotions religieuses. Les émotions religieuses et de dévotion, la manière de les diriger, de les purifier et de les entretenir ont été soigneusement étudiées dans de nombreux ouvrages, en particulier ceux du vishnouïsme et ceux du dakshinâchârya tantra, et dans les hymnes alvars du sud de l’Inde. Je me souviens qu'un jour, à Vrindâvan - la capitale du vishnouïsme et du culte de la dévotion – un pandit vishnouïte bien connu a fait une démonstration à ce sujet au cours d'un de ses katha-s, (conférence religieuse). En développant le thème de la conférence, le dit pandit passa tour à tour par des états d'émotions religieuses des plus variés, depuis la tristesse et des larmes invoquant le Bien-aimé jusqu'à la joie délirante que donne la première vision du Divin. Le pandit pouvait à volonté donner libre cours à une émotion, et brusquement la couper et passer à une autre. Il nous démontra ainsi que la véritable bhakti signifiait "jouer avec les émotions, et non être leur jouet". Le but fondamental de la bhakti est de maîtriser l'élément affectif et de le dévier vers le divin. L’idole n'est qu'un point d'appui, un diagramme, pour fixer l'esprit sur un point tangible.
L'hindou cultivé ne vénère pas tant l’idole en pierre ou en bois que le symbole qu'elle représente. La fête annuelle de la Durga poujâ (aux environs du mois d'octobre) célébrée avec beaucoup d'éclat au Bengale illustre bien ce fait : la fête commence le 7e jour de la lune ascendante et finit le 10e, une nouvelle idole est généralement commandée spécialement pour cette occasion à un artiste, elle est constituée d’une figure humaine en argile peinte et richement décorée et entourée de ses idoles satellites. Le rituel du premier jour de la fête est centré autour de ce qu'on appelle le prâna-pratishthâ, effectué par un prêtre brahmane expert dans les poujâs en face d'un public plus ou moins nombreux selon les circonstances.
Le deuxième jour, l'idole étant censée être devenue une jagrat mourti, une idole éveillée, le rite régulier d'adoration se fait selon les formules consacrées spéciales à la Durgâ poujâ . Le troisième jour, c'est la cérémonie des adieux à l'idole. Les mantra-s et moudrâ-s (formules sacrée et gestes rituels) du prêtre ont pour objet de retirer l'insufflation de vie qu’il a donnée le premier jour. Enfin le quatrième jour de la fête, le vijaya dashami le dixième jour de la lune ascendante, l’idole, ayant joué son rôle, est noyée en grande pompe et avec beaucoup de vénération dans le Gange ou une autre rivière, selon les localités.
Un autre aspect de la dévotion des hindous est particulièrement frappant pour les observateurs venant d’Occident, c'est l'attitude de tendre familiarité qu'ils ont avec leurs dieux et le divin en général. Car Dieu est avant tout et en dernière analyse l’antaryamin, le maître intérieur, Celui qui réside dans notre propre cœur et qui n'est autre que l'essence même de notre personnalité. D'ailleurs, les hindous ne manquent pas de "blaguer" leurs dieux à l'occasion. Il est vrai que le plus souvent, il s'agit de ceux des sectes secondaires. L'histoire suivante racontée dans les Pourana-s en est une illustration : Shiva, dans son aspect propice, est réputé être un "bon enfant". Son culte est des plus simples. Un peu d'eau, quelques feuilles de l'arbre bel offertes avec dévotion suffisent pour le rendre favorable. D'ailleurs, il est touché par la moindre marque de dévotion et sa bonté frise quelque fois la naïveté : parmi ses fervents adorateurs, il y a même des démons, asoura-s.
L'un de ces démons (ou titans) nommé Basmasoura fit jadis de sévères austérités afin d'obtenir un darshan, une vision de Shiva. Au bout d’un certain temps, touché par cette persévérance, il lui apparut et lui demanda ce qu'il désirait, l'autorisant à formuler un vœu. Basmasoura répondit qu’il désirait un pouvoir magique, le don de pouvoir réduire en cendres qui que ce soit, sur la tête duquel il poserait sa main. Shiva lui accorda ce don. Basmasoura, ne se tenant plus de joie, voulut essayer immédiatement l'efficacité de ce pouvoir et tenta de poser sa main sur la tête de Shiva lui-même. Ce dernier, ne pouvant retirer le don qu’il avait octroyé, n'eut qu'une solution... C'est de s'enfuir à toutes jambes ! Et Basmasoura de le poursuivre afin de vérifier l'efficacité des pouvoirs magiques qu’il venait d'obtenir. Vishnou, voyant Shiva en difficulté, entreprit de venir à son secours. Il prit la forme d'une mohinî (une femme séductrice) et apparut devant le démon, lançant des regards aguichants. Basmasoura, aveuglé par l'amour, en oublia de courir après Shiva et suivit la mohinî ; la "séductrice" ne refusa pas ses avances, mais lui dit qu’un rite purificateur serait de rigueur. Elle lui fit prendre un bain dans un étang tout proche, et l'assura qu'une danse rituelle était nécessaire. Elle recommanda Basmasoura de bien la regarder faire et d'imiter scrupuleusement tous ses mouvements. Elle commença la danse et Basmasoura, toute son attention tendue, imita ses gestes : la cadence des jambes, le mouvement ondulant des bras... Elle posa une main sur sa tête. Basmasoura en fit autant... Et le pouvoir magique que lui avait accordé Shiva se montra efficace, car il fut lui-même réduit en cendres…
La familiarité des hindous envers leur ishta-deva (déité préférée) est calquée sur les relations inter-humaines sublimées. Chaitanya Mahâprabhou, le grand réformateur du vishnouïsme au XVIe siècle classifia les relations entre les adorateurs et Dieu en cinq catégories, les cinq bhâva-s, ou attitudes mentales : … celle du serviteur, du parent envers un jeune enfant, de l'ami, puis le shanti-bhava étant considéré comme un havre de paix. Ceci correspond peut-être à l'aspect paternel du Divin qui, assez curieusement, n'est pas mentionné par les vishnouïtes, et finalement le madhourya-bhava qui est considéré comme la forme la plus haute d'adoration et où Dieu est adoré comme le bien-aimé suprême et très cher. Le fait que les hindous adorent beaucoup d’idoles n’invalide en rien leur monothéisme. Pour l'individu éduqué religieusement, toutes les formes sont simplement différents aspects d'un seul Dieu. Ils voient clairement l'unité dans cette multiplicité.
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Ashrams, sadhous et râjâs
par Bithika Mukerjee
Shrî Mâ et les sadhous
Un événement important eu lieu à Vindhyachal en début mars 1943. Shrî Prabhoudatta Mahârâj, un saint bien connu de Jhunsi (juste en face d’Allahabad par rapport au confluent du Gange et de la Yamounâ), vint rendre visite à Shrî Mâ. Protima Dévî d’Allahabad l'avait amené jusqu'à l'ashram au sommet de la colline. Bien que Shrî Mâ soit connue au Bengale, elle n'était pas encore entrée en contact direct avec la sadhou-samâj, la société des sadhous du nord de l'Inde. Dans notre religion, tous les renonçants appartiennent à des ordres ascétiques bien définis. Ils suivent des écoles spécifiques de pensée et préservent leur identité sous forme de fraternités distinctes. Shrî Mâ n'était rien de tout cela. On interdisait aussi aux sadhous d’avoir de la familiarité envers les femmes et il se trouvait que Shrî Mâ était une femme en vêtements blancs ordinaires, elle menait la vie commune en étant simplement dans ce monde.
Prabhoudatta Mahârâj, comme les événements postérieurs l'ont prouvé, a reconnu Shrî Mâ malgré tous ces déguisements. Il s'est prosterné en face d'elle. Il était aussi une personne qui aimait beaucoup s'amuser. Il rendit l'atmosphère de l'ashram pleine de gaieté. Shrî Mâ répondait en appréciant son sens de l'humour et en y ajoutant beaucoup de ses propres tours. Une fois au repas de midi, il se mit à manger des quantités énormes afin que Didi qui servait la nourriture soit forcée de dire : "Il n’y en a plus!" Aussitôt que Shrî Mâ a réalisé ce qu'il souhaitait faire, elle amassa tellement de nourriture de différentes sources qu'il fut obligé d'abandonner et de reconnaître sa défaite, ce qui évidemment amusa beaucoup tout le monde.
Cette rencontre fut le début d'une histoire d'association fructueuse entre les ascétiques en robe orange de notre pays et Shrî Mâ. Dans les années qui suivirent, à l'invitation de Prabhoudattaji, Shrî Mâ se rendit de nombreuses fois à Jhunsi à notre plus grande joie. Bindou et ses amis entreprirent pour là-bas des voyages innombrables sur leur bicyclette, pendant que nous traversions la rivière en train, en tonga ou ekka (deux différents types de voitures à cheval), par bateau ou même une fois en passant à gué à travers les eaux peu profondes du Gange jusqu'à l'autre rive. (p.88)
Il avait été décidé que Shrî Mâ serait présente dans une Durgâ poûjâ située dans un hall dédié à Krishna. De telles anomalies n'ont jamais troublé les gens proches de Shrî Mâ.. Quand je me souviens de ces jours-là, je suis bouleversée par la manière magnanime et le naturel de sa présence qui tenait envoûtés tous ceux qui s'approchaient d'elle. Nous avions recours à Didi pour nous dire quoi faire, car Shrî Mâ était assise là, pleine de beauté pure et de grâce, pendant des heures d'affilée jusqu'à ce qu'on lui demande de prendre du repos pour un moment, ou un repas, ou un verre d'eau. En ce qui concerne Shrî Mâ, il n'y avait pas de cercle extérieur ou intérieur. Didi savait cela dans le cœur de son cœur, tout comme ceux qui avaient le privilège de la servir. A certains moments, elle pouvait demander toutes sortes de services à quelqu'un qui était complètement étranger ou de la personne la plus maladroite de sa suite, telle que moi-même. Ce que j'aimais le plus, c'était de manier l'éventail à quelque distance de Mâ ! (p. 94)
Mes amis connaissaient mon allégeance à Shrî Mâ, mais ne partageaient pas mes sentiments à son sujet bien qu'ils aient été pleins de respect et de compréhension. Je me souviens d'un incident intéressant qui eut lieu à cette époque Nous avions été à la gare recevoir Shrî Mâ lors d'une de ses visites à Allahabad. Là-bas, j'ai rencontré une amie de classe, Shivanî, qui était également venue pour accompagner quelqu'un qui partait par le même train. Nous étions en train d'attendre celui-ci, et elle m’exprima ses réserves sur le fait de montrer un respect si exagéré à une personne qui, après tout, n'étaient qu'un être humain. Elle était sceptique à propos de notre dévotion à Shrî Mâ. Le train arriva, Shrî Mâ descendit sur le quai ; cela m'a amusée de voir Shivanî qui s'inclinait très bas pour faire pranâm quand Shrî Mâ passait devant nous sur le chemin de la sortie. Quand je lui demandai pourquoi elle s'était inclinée devant un autre être humain, elle dit : "Eh bien, c'était involontaire - elle a réellement une présence majestueuse !"
Pour nous, le monde quotidien, réel des activités à l'université, des engagements sociaux, des tâches ménagères routinières apparaissait dénué de substance et d’importance. Nous comptions les heures et les jours qui nous séparaient de notre prochaine visite à Shrî Mâ. Les autres familles proches de Shrî Mâ devinrent comme nos proches parents, tandis que les gens qui pouvaient revendiquer des relations de sang avec nous se transformèrent progressivement en étrangers à cause du manque de réciprocité et d’échanges possibles.
La confiance profonde et concentrée de ma mère envers Shrî Mâ était comme une aura bénéfique d'approbation et de soutien. Il arrivait que mon père exprimât sa méfiance à propos des infractions commises à trop de conventions. Personne n’allait vivre dans les ashrams à cette époque, et courir après une "Mâtâjî" représentait un comportement qui était à la limite de la provocation. Les méthodes orthodoxes de pratiquer incluaient des visites de temples, la célébration des fêtes religieuses et l'observation occasionnelle de rites et de cérémonies à la maison présidés par le prêtre de famille. Mais cependant, mon père avait en lui-même une vraie dévotion. Il ne visitait pas l'ashram très souvent mais écoutait les comptes-rendus de nos visites avec un vif intérêt. La preuve complète de son engagement et de son abandon profond aux pieds de Shrî Mâ ont été fournies au fil du temps. Il n'était pas du genre démonstratif, mais on pouvait voir que Shrî Mâ lui demandait toutes sortes de services sans aucune hésitation, comme elle le faisait avec ses anciens fidèles de Dhaka.
Nous en sommes venus à très bien connaître Prabhoudattaji Mahârâj. Il était d'une compagnie très agréable pour des jeunes. Sa nature exubérante et extravertie pouvait galvaniser les groupes de gens les plus posés. Il avait sa manière de lancer de grandes claques sur le dos des jeunes gens qui ne se méfiaient pas, ainsi donc chacun avait appris à être très agile quand il s'approchait. Une fois, par jeu, il m’expédia un coup de poing dans le dos entre les omoplates. Je pense qu'il ne connaissait pas sa propre force. Je tombais pratiquement sur les genoux. J'étais debout près du lit de Shrî Mâ. Je m'y raccrochais et me glissais derrière lui en m’agenouillant dans le dos de Shrî Mâ qui parlait à Prabhoudattaji. Soudain, je m'aperçut tout d'un coup que Shrî Mâ avait sa main sur ma tête. Elle avait reculé son bras à l'intérieur de son châle pour me toucher, afin que personne d'autre ne puisse remarquer cela. Je m'arrêtai de trembler et d'être sous le choc. Certaines personnes se souviendront qu’à cette époque, j'étais une jeune fille plutôt fluette. Seule Shrî Mâ avaitremarqué mon état et s'en était souciée d'une façon tout à fait discrète. (p. 98)
Durant cet hiver de 1944, les jeunes filles du Kanyâpîth étaient aussi venues à Vindhyachal pour se changer d'air. Shrî Mâ allait souvent à pied avec elles jusqu'au terrain plat sur le sommet de la colline afin qu'elles puissent jouer ou courir. Une fois, Maunima lança un défi à Shrî Mâ pour une course à pied. Comme Maunima était beaucoup plus légère, nous nous attendions à ce qu'elle gagne facilement, mais nous avons été très heureuses et surprises de voir que Shrî Mâ la sema tout à fait facilement. Elle ne courait même pas, elle marchait simplement très vite !
Shrî Mâ organise le mariage de ma sœur Rénou.
L'épisode du mariage de ma sœur Rénou avec N.P. Chatterjee a été l'objet d'une grande controverse, et a eu lieu en début mars 1945 au Bengale. Si mes souvenirs sont bons, cela a été le seul khéyala pour lequel Shrî Mâ a dû donner ("a choisi" de donner) toutes sortes d'explications répétées à travers le pays à ses anciens fidèles aussi bien qu'à de simples étrangers. Shrî Mâ continuait le silence qu'elle avait adopté à Vindhyachal au début de la même année. Elle parlait d'habitude les jeudis et une partie des vendredis. Le soir, elle rentrait de nouveau en silence. De façon surprenante, Didi pouvait interpréter ses regards et le moindre mouvement de ses doigts. Didi elle-même ne savait pas comment elle était capable de faire cela !
Je vais écrire ce compte-rendu du point de vue de ma famille. Rénou avait voyagé avec Shrî Mâ depuis un peu plus d'un mois. Un jour, mon père a reçu la lettre d'un proche de Didi disant que le mariage de Rénou avait été organisé pour mars par Shrî Mâ. Ils étaient bouleversés. Ils se débattaient avec des douzaines de suppositions et de questions : "Pourquoi quelqu’un devrait parler de mariage sans consulter auparavant les parents de Rénou ? Qui était le marié ? Pourquoi ce moment-là ? Est-ce qu'il s'agissait d'un brahmachârî de l'ashram ?" etc. etc.. Pour moi, d'une façon étrange, je n'avais pas d'appréhension. "Pourquoi devriez-vous vous inquiéter ? Didi écrit tout à fait clairement qu'il s'agit du khéyala de Shrî Mâ. Donc, rien ne peut aller de travers. Après tout, Mâ elle-même est là, donc tout ce qui arrivera sera juste." Ma conviction a eu quelque effet sur l'agitation de mon père. Il se calma…
Il s'est avéré qu'il y avait des années, ma mère avait rencontré Jyotida (N. P. Chatterjee) auprès de Mâ, elle avait aimé sa présence et son style et avait demandé à Shrî Mâ si elle devait proposer à ses parents Rénou comme son éventuelle future épouse. Shrî Mâ avez accepté à ce moment-là, et dans son khéyala, le mariage avait donc déjà été accompli à cette époque. Cependant, il y avait eu des obstacles, et l'idée avait été abandonnée.
Rénou savait qu’elle serait mariée, mais qu'il s'agirait simplement d'un mariage blanc, puisque Shrî Mâ avait reconnu son aspiration pour une vie de détachement vécue dans son aura et avec sa grâce. Le problème était que Jyotida se trouvait être déjà marié. Cependant, il semblait accepter cet arrangement souhaité par Mâ. Elle avait expliqué clairement à Jyotida, sa femme Shanti et Rénou qu'il s'agirait de simples liens spirituels. Rénou resterait avec ses parents ou dans l'ashram comme elle avait l'habitude de faire. Ni elle, ni Jyotida n'auraient aucun droit ni devoir l'un envers l'autre.
Pour mon père, cela a dû être une décision très difficile à prendre : Rénou était sa fille aînée pour laquelle il prévoyait un bon parti comme tous les parents, mais en acceptant le mariage arrangé par Mâ, il allait l'empêcher de mener une vie ordinaire heureuse dans le monde. Le kaléidoscope des expériences de notre famille, de vie et de mort, de maladie et de santé, de succès et d’échecs, de joie et de chagrin etc., rétrospectivement pâlit, mais ce grand moment dans la vie de mon père où il a été à la hauteur de la situation et de l'attente de Shrî Mâ, cela ne s'est pas atténué dans ma mémoire. Par cet acte de loyauté et de foi, il a créé un lien entre le khéyala de Mâ pour toujours envers tous les membres de notre famille jusqu'à nos nièces et neveux. Je ne sais pas si oui ou non nous méritions ce khéyala individuellement, mais nous avons effectivement hérité de ce trésor précieux comme chacun de nous le reconnaîtra si on le lui demande. Nous ne nous sommes jamais sentis isolés, effrayés de ce qui pourrait nous arriver, parce que nous nous sommes toujours sentis protégés par l'aura de la présence de Shrî Mâ dans nos vies.
Un autre événement qui était parallèle au mariage de Rénou a été celui d'Abhayda. Nous avons appris cette nouvelle après être arrivés sur le lieu du mariage de Rénou. Nous connaissions Abhayda comme un jeune homme plutôt extravagant, mais plein de charme et complètement consacrée à la vie ascétique. Il était très proche de notre famille. D’une certaine façon, la nouvelle de son mariage imminent nous a choqués plus que celui de ma sœur. Une jeune fille du Kanyâpîth, Jamounâ, avait été choisie comme sa promise. Shrî Mâ avait d'abord suggéré une autre jeune fille, mais la mère de celle-ci à l'évidence n'était pas l'accord car elle a immédiatement emmené sa fille jusqu'à Calcutta. J'espère que personne ne serait choqué si j’écris que le mariage d'Abhayda a été une sorte de soulagement au milieu du drame sérieux de l'autre épisode. Mon père rencontra une fois Abhayda en train de porter quelques saris que Didi lui avait demandés d'acheter. C'était une scène tellement étonnante que l'humeur sombre de mon père s’évanouit complètement. Il éclata de rire et dit tout joyeux : "Vraiment, Shrî Mâ peut réussir l'incroyable. Si Abhaya va devenir père de famille, alors tout est possible !"
Au point du jour, Jyotidâ (le marié « blanc ») et moi-même partirent pour une petite promenade dans la campagne. Pour la première fois, je me sentis un peu triste pour lui. Son rôle dans toute cette affaire avait été certainement le plus difficile. Ma sœur, après tout, n'attendait rien de ce mariage, ainsi donc elle n’allait vers aucune déception. Jyotîda aussi ne gagnait rien mais il perdait beaucoup, parce que pendant toute sa vie, les bavardages et médisances allaient le poursuivre quand il gravirait les échelons de sa carrière et de son succès dans le monde. Il m'avait expliqué que personne ne comprendrait ses motifs, ou plutôt son absence de motifs dans tout cela. Même ses enfants plus tard dans leur vie pourraient peut-être lui faire des reproches. J'ai compris maintenant pourquoi Shrî Mâ a dit qu'il serait "yogirâj" à l'avenir. C’était maintenant qu’était l'avenir pour lui. Il semblait que ce mariage ordonné par Shrî Mâ pour lui était en fait le don de la robe orange du sannyâs en esprit, si ce n'est en réalité. (p.114)
Le gros de l'opprobre de cette affaire a été supporté par Shrî Mâ elle-même. Où qu’elle ait pu aller, on lui posait des questions à propos de ce mariage. Quand elle vint à Vârânasî, Moukti Mahârâj exprima son désagrément dans ce langage guère poli qui était typiquement le sien. De plus, étant donné que ma sœur devait se consacrer au service de l'ashram, tout le monde était bien disposé à son égard. Moukti Mahârâj réprimanda Shrî Mâ pour ruiner la vie d'une jeune fille. Shrî Mâ expliqua son khéyala répétitivement au sadhou. Avec des larmes dans les yeux, elle dit : "Baba, crois-moi,
quelque chose qui ne soit pas heureux (a-mangala) ne peut arriver à qui que ce soit par l'intermédiaire de ce corps. (en bengali : Ai sharirer duara, karur, amangala hoi na). Ce qui a été fait l’a été pour le bénéfice des gens concernés. Tu ne vois pas le début et la fin des choses, simplement la petite partie qu'il y a au milieu. Pourtant, l'étendue des samskâras est vaste en réalité, eux qui relient bien des vies ensemble." Shrî Mâ, en général, ne donnait pas d’explications de ce qu'elle faisait. Elle avait dit une fois à Abhayda : "kaifiyat dewa na", "n'attendez aucune explication de ce corps". Pourtant, dans ce cas, Shrî Mâ continua à donner son attention complète à toutes sortes de questions qu’on soulevait en sa présence, la plupart critiques et répétitives, jusqu'à ce que ce grand événement commence à perdre de son pouvoir sur l'imagination des gens.
J’aimerai aussi écrire un épilogue à cette affaire. L'année suivante, c'est-à-dire en 1946,
il s’est trouvé que nous avons visité de nouveau en compagnie de Shrî Mâ Bahrampour où avait eu lieu le mariage de Rénou et Jyotidâ, ainsi que Navadvîp. Je fus stupéfait et navrée de lire un tract publié localement qui décrivait le mariage en des termes sensationnels. J'étais très en colère et dit à Shrî Mâ que je demanderai à mon père d'entamer un procès contre l'auteur du pamphlet. Shrî Mâ me parla gentiment, tapotant ma tête et mes épaules : "Ne sois pas agitée! Toutes ces choses sont éphémères. Si on les laisse à elles-mêmes, les gens les oublieront très bientôt. Laisse le temps passer, laisse le temps passer." Et il en fut ainsi. (extraits entre p.103 et p. 116)
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Mâ Anandamayi, la belle tourbillonante
par Jean-Claude Marol
Ce texte a été repris d’un site internet où Jean-Claude Marol, avant son décès en octobre 2001, avait écrit une synthèse sur Mâ
"Vous voulez être libre ? Alors soyez comme l'oiseau échappé de sa cage, sans regret pour ce qu'elle lui offrait de nourriture et d'abri, et qui s'élance en plein ciel".
Jamais dans l'histoire des cultures de notre planète une aussi grande foison d'enseignements de toutes provenances n'a été révélée. L'Apocalypse est au sens littéral : Révélation. Certains se réjouiront de vivre ces temps apocalyptiques.
La ruée "gurumaniaque" de ces dernières décennies ne doit pas nous empêcher de déceler ce qui souvent discrètement, sans mise en scène est mis à notre portée aujourd'hui. "Grâce"... peut-être aux bouleversements de notre époque, de grands témoins de différentes traditions spirituelles de notre planète se sont trouvés mêlés à nos vies. Après le tamis de ces trente dernières années, on s'aperçoit que ce qui survit à nos exaltations orientales aura été souvent le plus discret. À côté de l'Inde des "gurus pour Occidentaux" il y a une Inde sans "effets spéciaux" et ses maîtres qui ne viennent pas fatalement en Occident. Le partage se fait néanmoins. Nous sommes sur une même planète et les vents librement courent d'un continent à l'autre. Une femme à l'immense renommée dans son pays n'a jamais quitté la terre de l'Inde. Il n'était pas toujours facile aux Occidentaux de l'approcher. Elle allait insaisissable souvent, d'un lieu à l'autre. Toujours chez elle où qu'elle aille... Nous avons fêté en 1996, le centième anniversaire de sa naissance.
La Belle tourbillonnante
Au VIIIe siècle, Sankara, à qui chacun fait référence pour expliciter une vision non-dualiste de la réalité, dédia un chant à la grande Déesse : Le SAUNDARYA LAHARI ("le tourbillon de la Belle"). On y trouve :
"Il n'y a pas en ce monde
de plus perdu que moi.
Toi seule
peut vaincre mes erreurs.
Déesse, souviens-toi de cela.
Maintenant, fais comme il te plaît."
L'Inde a le secret de ces comportements paradoxaux. Ainsi avoir tout à la fois, l'esprit caustique et détaché, et une dévotion totale ! Ces dernières décennies une "Belle tourbillonnante" a traversé ce continent indien et bien plus que ce continent. Ses proches l'avaient nommée "Toute joie", ANANDAMAYI. Elle n'a eu à proprement parler aucun "disciple", mais des foules d'êtres ont été (sont) emportés dans son tourbillon. D'elle-même elle a dit : "S'il y avait la moindre conscience de moi, je pourrais dire qui je suis. Comme ce n'est pas le cas, vous pouvez choisir de dire ce que voulez". Elle précise : "Où pourrait-il y avoir transmission de maître à élève ? Il n'y a pas de corps pour cela ; ni physique, ni autre que physique. Il est dit : IL'Y A QUE L'UN SANS SECOND. Dans le Soi, il ne peut y avoir de second. La notion de deux n'apparaît que dans les opérations mentales -- En réalité "sans pieds Il marche, sans yeux Il voit".
La très proche
Dans un premier temps, et c'est bien naturel, nous pensons : "Ah ! l'Inde et ses voies spirituelles... Là-bas... ailleurs... comment se relier ? etc." Un jour, nous comprenons qu'un être tel que Mâ Anandamayi est plus proche de nous-mêmes que nous-même. Pour aborder ce "très proche", le geste à faire est de l'ordre du "moins geste". Ici, aucun effet n'est conseillé.
La "Toute Joie" ne demande aucune autre conversion que celle qui nous fait voir enfin la "Joie" qui nous habite. La Belle tourbillonnante ne nous a certes pas demandé ni à moi, ni à mon épouse de nous rapprocher de tel ou tel courant de l'hindouisme. Elle était proche simplement et nous a tout au contraire aidés à nous réapprivoiser à notre propre culture. Le cheminement qui m'est propre je ne souhaite pas le développer ici ; je citerai néanmoins, pour faire compagnie aux paroles qui vont suivre, quelques vers d'un chant de Guillaume d'Aquitaine, le prince impertinent du début du XIIe siècle qui a induit ce lien si particulier à la Dame. Ce frisson du FIN AMOR, l'amour affiné nous parcourt encore. Je sais aujourd'hui que c'est au nom de cetremblement que j'ai pu très jeune VOIR (je ne sais ici quel mot employer)
Mâ Anandamayi. Guillaume chante maintenant :
"À pleine joie, il me prend d'aimer,
une joie dont je veux être comblé,
et puisque cette joie je la veux retrouver
je dois bien -- si je peux -- mieux aimer.
Car, pour mon honneur et sans prétention aucune,
je gage sur le meilleur de ce qui se peut voir et entendre.
Moi, vous le savez, je ne suis pas du genre à plaisanter
ou à ressasser de grands compliments,
mais si nulle joie ne peut fleurir,
qu'au moins celle-là avant toute autre sorte de graine
et s'il n'y en a pas d'autre, qu'elle au moins resplendisse
comme le soleil transperce un jour sombre.
Aucun homme ne peut s'en façonner de telle,
ni la vouloir, ni la désirer
ni la penser, ni la rêver.
Telle joie ne se peut... "trouver".
Et pour qui veut la louer une année entière n'y suffira pas.
Toutes les joies se font humbles
et tout autre amour se soumet
devant ma Dame au bel accueil
au doux regard, et l'homme vivra cent ans
qui saura sa joie-aimante saisir".
C'était le chant du premier troubadour, Guillaume IX à la "toute joie". Ce chant, toujours, tourbillonne; un tourbillon pour moi réactivé par la rencontre déflagrante avec Mâ Anandamayi.
Devant nous
À la nuit tombée un couple de jeunes Français traverse tout Bénarès, deux automates exténués, désespérés de ne pas avoir vu Mâ de la journée. Une circonstance peut-être splendide, peut-être aberrante, les avait tenus éloignés. Ils ne savaient plus rien. Ils voulaient seulement, absurdement, obstinément voir Mâ Anandamayi en pleine nuit. Ils arrivent, l'ashram est silencieux. Leur ami "Swami bonjour" qui est allongé près de l'entrée, les accueille, incrédule. "Quand Mâ est dans sa chambre, elle n'en ressort que le matin suivant... Allez vous reposer, vous ne pouvez pas attendre demain ?" Le swami parlait bas pour ne pas troubler le silence. Son bon sens nous accable. Nous allons repartir. Soudain... Mâ est là, devant nous (nous ne l'avons pas vue venir) deux guirlandes à la main. Elles nous les lance ! Après, nous ne savons plus... La nuit n'est plus la même ! Il m'aura fallu ainsi qu'à mon épouse, vingt ans de silence pour oser un témoignage de ce type, pour oser même parler de Shri Mâ Anandamayi. Cette "Toute Joie" avant tout se donne à vivre. Elle ne se prête pas trop aux commentaires... Le lecteur ne l'oubliera pas en parcourant les lignes qui suivent.
Avec tout un chacun
Des milliers de personnes de toutes appartenances (ou sans appartenance) religieuses ont été bouleversées par Mâ Anandamayi. Les gens les plus simples et les figures connues du Mahatma Gandhi, du pandit Nehru, de Madame Indira Gandhi, les maîtres de nombreuses lignées spirituelles, des érudits fameux lui rendaient un hommage inconditionnel. Depuis août 1982, nous ne pouvons plus la rencontrer dans "ce corps" (elle se nommait souvent ainsi), mais l'héritage n'en est peut-être que plus intime, plus direct. Depuis sa disparition, Shri Mâ Anandamayi prend vie dans de nombreux êtres qui l'ont approchée mais aussi, et ce n'est pas moins extraordinaire, dans de nombreux êtres qui ne l'ont jamais rencontrée de "son vivant".S'il y a inondation, être à la source, dans le lit du fleuve, ou plus loin, dans la plaine ne change rien : où que nous soyons, nous sommes emportés ! À un de ses premiers dévots qui lui disait : "Nous aurions besoin d'un ashram pour nous réunir", elle répondit : "L'univers tout entier est cet ashram".
En notre temps déchiré par de trop nombreux fanatismes, où nous nous arc-boutons trop souvent sur nos territoires (qu'ils soient géographiques, intellectuels ou religieux) entendons-la nous dire : "Ici, dans ce corps, est une relation avec tout un chacun. Ici, pas d'abris, de demeures séparées. Si vous voulez parler de demeure, il n'y en a qu'une et elle est sans limite".
La plus extrême pluralité
Pour les personnes qui ont été réellement émues par Mâ Anandamayi, je crois bien qu'aucune ne suit de la même façon, le même chemin. Comme si cette Présence se plaisait à épouser toutes les caractéristiques imaginables. Comme si l'absolue diversité était la chose la plus naturelle qui soit ; comme si pour découvrir l'unité, il fallait en même temps savoir s'abandonner à la plus extrême pluralité. Rien de tel que d'être unique pour comprendre le UN. Le UN, Lui n'a de cesse que nous "pointions" dans ce monde. Ne pas imiter, ne pas copier, sont d'évidents atouts.
"Pour réaliser le UN, dit-elle, il faut être d'un seul tenant". À chacun, à chacune de "faire un" avec soi-même. On s'apercevra sans doute un jour que c'est le bon moyen de faire un avec l'univers. Je cite là quelques phrases d'un de ses proches... "Elle n'insiste jamais auprès de quiconque pour qu'une ligne particulière de conduite soit suivie, que ce soir d'ordre matériel ou spirituel. En fait, la liberté qu'elle donne à tous nous fait souvent penser qu'il n'y a pas assez de cohésion parmi ceux qui la suivent. Cela ne la trouble pas. Elle n'est pas là pour fonder quelque mouvement spirituel que ce soit. Au contraire, toutes les croyances se dissolvent d'elles-mêmes en sa présence".
Comme un oiseau
Avant d'être nommée "Mâ Anandamayi" ("Toute Joie"), la petite Nirmala naquit dans une famille de brahmanes pauvres dans un petit village de l'actuel Bangladesh. C'était il y a un siècle, à l'aube du 1er Mai 1896. Très vite les villageois, puis les habitants de la contrée, qu'ils soient hindous ou musulmans, comprirent qu'elle était sans exclusive, présente à tous, à tout. Dès ses vingt-quatre ans, elle commença à se déplacer comme un oiseau, attirant des foules de plus en plus compactes, par toute l'Inde. Quelques Occidentaux se sont trouvés au bon endroit quand elle venait se poser, parfois quelques heures seulement, dans une ville ou un village. Elle a dit d'elle-même : "Ce corps est une marionnette, il joue ce que vous lui faites jouer. Ce corps répond aussi au cri fervent de ceux qui ne l'ont jamais rencontré... Qui suis-je ? On peut dire qui l'on est si l'on a une perception de soi-même : je n'ai pas cette perception. Alors je suis ce que vous voulez que je sois".
Mâ Anandamayi s'est offerte à quantités d'approches de "Dieu", l'approche "sans dieu" ayant aussi sa place à ses yeux. C'est sa troublante singularité : elle ne préconise pas une voie idéale pour atteindre un but donné d'avance. Elle encourage chacun sur sa voie. Ultimement, elle dira : "Une direction donnée permet d'atteindre un but donné. Tout le reste par ailleurs est hors d'atteinte. Mais quand la différence s'évanouit entre CE QUI S'ATTEINT et CE QUI EST HORS D'ATTEINTE, alors CELA se révèle".
Le sang de votre sang
Mâ Anandamayi n'est pas circonscrite par ces quatre-vingt-six années où l'on pouvait voir son corps. Elle a dit une fois : "Ce corps, vous l'avez tous désiré : maintenant vous l'avez. Alors, jouez quelque temps avec cette poupée !" Elle a dit cette fois-là, dans le même élan: "Je suis ce que j'étais et ce que je serai. Je suis TOUT ce que vous imaginez, pensez et dites...".
Quelques grands êtres réveillent par leur présence physique toute notre ardeur à voir ce qui est, de tout temps, présent. Et puis ils disparaissent : il faut qu'ils disparaissent pour que quelque chose de cette présence s'actualise en nous. À nous de réaliser, goutte à goutte dans un premier temps, puis à grandes gorgées, puis enfin sans compter, que nous sommes dans leur proximité. Anandamayi est ce qui nous est le plus proche : "Les os de vos os, le sang de votre sang..." a-t-elle dit. Pour cela, il n'est pas nécessaire d'avoir rencontré celle qui a vagabondé en Inde. Il n'est pas nécessaire de comprendre le hindi, ni le bengali, ni d'être hindou. C'est une merveille, que beaucoup aient ri à ses jeux de mots, aient entendu ses rires en avalanche. Mais ses paroles aux tons si variés qui s'adressaient à des familles d'esprit différentes, s'adressent aussi à nous aujourd'hui. Ces derniers mois pour composer mes trois livres dédiés à Mâ pour le centenaire de sa naissance*, je me suis aventuré dans des dizaines de livres rapportant des paroles et des événements de sa vie. Je me laissais mener... Comment expliquer l'éblouissement de ces mots rencontrés ? Comment dire, sans paraître fou ou prétentieux, que cette moisson s'est faite en Sa présence. Les Évangiles sont invraisemblablement actuels. Certaines poésies, certains textes dits "sacrés" aussi. De la même façon, le "bric-à-brac" de Mâ Anandamayi (elle nommait ainsi ses propos : "tooti phooti" en bengali) est foudroyant. Enfant, on me disait parfois que j'avais la tête durecomme du fer... Si cela peut aider à conduire la foudre des paroles de Mâ,alors tout est bien ! Soyons joyeusement foudroyés ! "Sans rien forcer", ajouterait-elle peut-être en riant. Elle riait souvent! Écoutons-la nous dire avec humour ; "le fruit le plus succulent est celui qu'on laisse mûrir tranquillement sur sa branche". Alors vivons en toute patience... en toute urgence !
De plein fouet
"Jo ho jahaye !... (Que ce qui doit être soit !)" s'exclamait souvent Shri Mâ Anandamayi, en faisant tourner malicieusement ses mains devant son visage. Tout compte fait, s'il est dit que nous devons la prendre de plein fouet, comme un coup de foudre : "JO HO JAHAYE !" Et cela peut arriver maintenant...
Mahashakti (toute-énergie), Haute Dame, Déesse ou Grande Rieuse, elle va ainsi, nous entraînant dans son Jeu aisé. Elle disait en percutant les mots de sa langue, le bengali :
"Le monde (Sangsara) est un cirque où le clown (Sang) joue pour servir la réalité essentielle (sara)".
Un jour Sri Mâ Anandamayi déclara : "Pour un être accompli, ni le monde avec ses paires opposées, ni le corps n'existent. Sans monde peut-il y avoir un corps ? Qui dit que le corps existe ? Où est le nom ? Où est la forme ? Supposer que l'être accompli voit quoi que ce soit hors de lui est hors-sujet. À qui peut-il demander : "Donne... donne!" ? Le "Je veux" est précisément ce qui nous fait choir dans la réalité du corps. De plus, sans monde, sans corps, il n'y a forcément aucune action. Soyons clairs, après la réalisation de CELA, il n'y a pas de corps, pas de monde, pas d'action -- pas la moindre amorce de corps, de monde, et d'action -- il n'y a pas de "il n'y a pas"... Utiliser les mots ou pas. Garder le silence ou pas, Tout revient au même, Tout est CELA". Après l'énoncé de ces paroles, cette fois comme tant d'autres fois, devant les visages perplexes de ses auditeurs et auditrices, il se peut bien qu'elle ait éclaté de rire !
Sources
Jean-Claude Marol
- En tout et pour tout, aux Éditions Le Fennec,
- La vie en jeu, aux Éditions Accarias - L'originel
- Une fois - Mâ Anandamayi, aux Éditions Le Courrier du Livre.
Autres livres parus à l'occasion du centenaire de la naissance de Mâ Anandamayi :
- Matri Darshan, aux éditions Terre du Ciel.
- Perles de lumière, aux éditions La Table Ronde.
- Aux sources de la Joie, aux éditions Albin Michel.
- L'enseignement de Mâ Anandamayi , va être prochainement réédité par Albin Michel.
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"Je" suis qui?
J'étais là, je ne suis plus là...
Qui étais-je ? mon corps,
enveloppe immobile et sans vie
Gît à terre. Qui étaient dedans
Avant que je ne le quitte ? Où est partie ce "je"
Qui, seul, croyait exister ?
Qu'est-ce que la vie et
Qu'est-ce qu'on appelle "mort" ?
Etais- je là où je pensais être ?
Suis-je, à présent ?
Mais quel est le sens des mots et quels mots ont un sens?
Je me nommait, récemment encore...
Je me connaissais, je pensais,
je désirais, je voulais,
je rêvais, parfois, aussi.
Mais qui étais-je ?
Qui suis-je sans "moi"?
Mais, que signifie ce "moi"?
Me suis-je posée les bonnes questions
Pendant que je croyais être là?
Suis-je, et quelque fois, partie à
Ma recherche alors que je pensais
Tout savoir sur mon existence ?
Qui vivait dans ce corps ?
Parfois j'ai douté, j'ai hésité
Et j'ai souffert.
Mais, ai-je jamais
Cherché qui vivait, qui disait "je"
Sans arrêt et s'ignorait toujours ?
Hélas, j'étais si occupée
à lutter, à résoudre tous
Mes problèmes, à jouir de mon séjour
En ce corps charnel... Si présent !
Je n'ai pas eu le temps
D’y penser... Pas le temps ?
Pourquoi se mentir, maintenant ?
Maintenant ? Que veut dire ce temps?
Passé, présent, futur, ici, là,
Ailleurs, nulle part, où suis-je ? Suis-je même, mon ego disparu ?
Mon corps, vêtement inerte et absurde
Est étendu, seul, au sol...
Quelle est la signification
De tout cela ? Mais, qui
Questionne, qui cherche ? Mais qui dispose
d’un "être" pour s'interroger ?
Certainement pas ce corps superflu.
Ni ce « moi » disparu
Qui s'était tant attaché à
Son apparence précaire et illusoire !
Qui alors ? Qui parle ? Qui? Qui ?
Le silence éternel, seul, répond
A qui sait l’écouter...
Paix, paix, Paix !
Monique Manfrini le 10.05.2003
Nouvelles
- la tournée de trois mois de Swâmî Nirgounânanda s’est bien passée. Il a animé une retraite en fin juillet à Epernon avec Claude Portal, puis a parlé à l'école de Yoga Terre du Ciel pendant une semaine à Chardenoux. Il est passé à Assise, et est remonté sur la France pour cinq jours aux Courmettes qui furent très intense. Alain Chevillat est descendu spécialement de Chardenoux avec des amis pour animer les chants. Il doit en principe venir en février à Dhaulchina avec un petit groupe. Il a dans l’intention d’interviewer en détail Swamij et de publier un livre de ces entretiens à Terre du Ciel. Aux Etats-Unis, Swamiji a parlé devant des étudiants et a été invité pour l’été prochain à parler dans de grandes universités américaines.
- Deux voyages sont prévus avec visite des ashrams de Ma, qui sera assez brève en avril à l’occasion de la demi Kumbha-Méla qui rassemblera six ou sept millions de personnes à Hardwar. (voyage du 1er au 15-4), et plus prolongé dans le silence de Dhaulchina en juillet pendant 11 jours avec Swami Nirgunananda et Jacques Vigne avant de redescendre à Kankhal pour voir Swami Vijayananda pendant quelques soirées (voyage du 2 au 23 juillet). Renseignements-inscriptions :
Genviève Koevoets koevoetsg@wanadoo.fr
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Réponses de Mâ
Une sélection de réponse de Vijayânanda par Prémamayî
Sur les traces des yogis par Vijayânanda
Ashrams, sadhous et râjâs par Bithika Mukerjee
Mâ Anandamayi, la belle tourbillonante par J-C Marol
"Je" suis qui? par Monique Manfrini
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