Jay Mâ n°63-64
(2001)
SHREE SHREE MA ANANDAMAYEE
ASTOTTAR SATANAM
108 NOMS DE MA ANADAMAYEE
Réunis par Swami Nirgunananda
Tapés pour Jay Ma et l’internet par Madhavi Da Silva, étudiante en psychologie à Delhi University.
1. Om Matre Namah
2. Om Hridayavasinyai Namah
3. Om Sanatanyai Namah
4. Om Anandamayai Namah
5. Om bhuvana ujjalayai Namah
6. Om Jananyai Namah
7. Om Shuddayai Namah
8. Om Nirmalayai Namah
9. Om Punyavistarnyai Namah
10. Om Rajrajeshwaryai Namah
11. Om Swahayai Namah
12. Om swahayai Namah
13. Om Gouryai Namah
14. Om Pranavarupinyai Namah
15. Om Saumyayai Namah
16. Om Saumyatarayai Namah
17. Om Satyayai Namah
18. Om Manoharayai Namah
19. Om Purnayai Namah
20. Om paratparayai Namah
21. Om Ravishashi kundalayai Namah
22. Om Mahavyom Kuntalayai Namah
23. Om Viswarupiyai Namah
24. Om Aishwarya Bhatimayai Namah
25. Om Madhurya Pratimayai Namah
26. Om Mahima manditayai Namah
27. Om Ramayai Namah
28. Om Manoramayai Namah
29. Om Shantyai Namah
30. Om Shantayai Namah
31. Om Kshamayai Namah
32. Om Sarva devamyai Namah
33. Om Sarva devimayai Namah
34. Om Sukhdayai Namah
35. Om Varadayai Namah
36. Om Bhaktidayai Namah
37. Om Jnanadayai Namah
38. Om Kaivalya dayinyai Namah
39. Om Vishwa prasavinyai Namah
40. Om Vishwa palinyai Namah
41. Om Vishwa samharinyai Namah
42. Om Bhaktapran rupyai Namah
43. Om Murtimatyai Namah
44. Om Kripayai Namah
45. Om Triloka Tarinyai Namah
46. Om karya karan bhutayai Namah
47. OmBhedabhedatitayai Namah
48. Om Paramayai Namah
49. Om Paramadevateyai Namah
50. omVidyayai Namah
51. Om Vinodiyai Namah
52. Om Yigijana ranjinyai Namah
53. Om bhavbhayahanjinyai Namah
54. Om Mantra bijatmikayai Namah
55. Om Veda prakashikayai Namah
56. Om Nikhila vyapikayai Namah
57. Om Sagunayai Namah
58. Om Sarupayai Namah
59. Om Nirgunayai Namah
60. Om Nirupayai Namah
61. Om Mahabhavamayai Namah
62. Om Nirantarayai Namah
63. Om Gunamadhuryai Namah
64. OmParayai Namah
65. OmPurnabrahmane Namah
66. Om Naranaya Namah
67. Om Mahadevyai Namah
68. OmPadmanabhaya Namah
69. Om Kalya Namah
70. Om Bhavatapa Pranashinyai Namah
71. Om Anandaghana murtaye Namah
72. Om Sriyai Namah
73. Om Yajna atmikayai Namah
74. Om Purapurushaya Namah
75. Om Nishkrodhayai Namah
76. Om niragayai Namah
77. Om Ragadwesha Namah
78. Om Ambayai Namah
79. Om Ambikayai Namah
80. Om Jagadambikayai Namah
81. Om Nirdoshayai Namah
82. Om swabhavasthithayai Namah
83. Om swakriyayai Namah
84. Om Swarasamritayai Namah
85. Om Mokshada duhitre Namah
86. Om Vipin dhitre Namah
87. Om Varalabdhayai Namah
88. Om Prema murtaye Namah
89. Om Bholanath bharayayai Namah
90. Om Sarvagayai Namah
91. Om Sahaj samadhi dhritayai Namah
92. Om Hemkanti vibhratyai Namah
93. Om Bhaktanada dayinyai Namah
94. Om Sharadindujita smitayai Namah
95. Om Kalpavriksh upamanayai Namah
96. Om Sharanagata vatsalyai Namah
97. Om Kleshpasha tarinyai Namah
98. Om Hridkamal virajitayai Namah
99. Om Ananda rupinyai Namah
100. Om Ananda datre Namah
101. Om Anada vardhanyai Namah
102. Om Ananda dharinyai Namah
103. Om Sangitpriyayai Namah
104. Om Gururmatre Namah
105. Om Matri gurave Namah
106. Om Tirtha vasinyai Namah
107. Om Narayanyai Namah
108. Om Mahadevaya Namah
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RAMDAS
LE MAITRE SPIRITUEL
SON ENSEIGNEMENT
Extrait d’un ouvrage qui vient de paraître chez Terre du Ciel : Ramdas, un Maître spirituel de l’Inde d’aujourdh’ui ». Auteur : Marc Avérous.
Par toute sa vie Ramdas a enseigné.
Connaître sa vie en quelques pages suffit-il à comprendre toute sa profondeur ?
Si la grâce, qui nous a mis en présence d'un tel Maître, nous donne le désir de suivre ses pas – ce qui ne veut pas dire copier ou revivre les circonstances qui l'ont libéré, – ne manquons pas l'occasion d'approfondir son enseignement, en le puisant là où il est, c'est-à-dire dans les écrits qu'il nous a laissés, source rare pour notre sadhana.
L’APPEL - LE MAITRE
Tout commence par une grande nostalgie. Le futur disciple éprouve un mécontentement pour sa vie banale, juge insipide les tâches journalières, il se trouve peu de goût pour la vie mondaine dont il ne voit plus les buts. Rappelons-nous comment a commencé le chemin pour Ramdas : « Pendant près d'une année, Ramdas se débattit dans un monde plein de soucis, d'anxiétés et de peines. Ce fut une période terrible d'inquiétude et de tension. Dans cet état de misère désespérée un cri jaillit du cœur de Ramdas : "Où trouver le soulagement ? Où trouver la paix ? "
Le chercheur, dos au mur, décide de se mettre en route, non pas par un effet de sa volonté propre, le fruit mûr se trouve cueilli par la main divine. Ramdas y insiste : « La grâce seule peut nous sauver », « Il n'y a pas d'autre chemin. La grâce est à ce point toute puissante qu'elle peut agir sur n'importe quelle personne, qu'elle soit en mesure ou non de la recevoir. Sinon... elle ne serait pas toute puissante et vous pourriez dire que vous pouvez atteindre Dieu par votre propre mérite... Ainsi, vous tournez votre esprit vers Dieu par sa grâce seule... »
« En premier lieu, insiste-t-il, on doit s'éveiller par la grâce divine à l'intérieur de soi-même ; cette grâce ensuite conduit le chercheur vers un saint qui l'initie et lui donne une grâce supplémentaire qui lui permet d'aller jusqu'à la réalisation de la Vérité. En sanskrit, on appelle cela atma kripa et guru kripa'... Le chemin devient alors plus facile pour lui, puisque le Maître le guide tout le long jusqu'à ce qu'il trouve Dieu. »
Si le disciple répond positivement à cette première impulsion, alors, suivant le vieil adage : « Quand le disciple est prêt, le maître arrive ». Le maître est attiré par le disciple comme le disciple est attiré par lui, l'un étant la forme divine achevée, l'autre la forme divine en devenir.
Et le maître adore chez le disciple cette image du divin.
LES QUALITÉS DU DISCIPLE
Il est dit que lorsque le disciple rencontre un vrai maître, une grande partie du chemin est faite. Le disciple est la terre que le maître travaille et rend féconde. Des qualités qu'iltrouve dans le disciple dépendent les résultats de son action.
Encore faut-il que le disciple soit un disciple. Un dévot de Ramdas lui pose cette question : « Puisque d'un seul regard, le Maharshi vous a donné l'illumination, pourquoi n'agiriez vous pas de même sur vos disciples ? » Papa répond qu'il n'y aurait pas de problème si ses disciples se présentaient dans l'état où lui-même se trouvait devant le Maharshi.
Quelles sont ces conditions ?
1 – Sincérité et foi absolues. Le disciple est prêt. La grâce a déjà travaillé. Elle a développé en lui la soif du divin. Le contact avec le maître est la seconde grâce : le travail spirituel (sadhana) et son aboutissement est la grâce finale. Soif du divin développée, confiance absolue envers le maître, sincérité sans limite dans sa recherche intérieure, le disciple doit être vrai, et parler vrai en tout temps, même s'il heurte les ressentis de son entourage.
2 – Vaillance et détermination doivent être absolues. Nous sommes ici sur le chemin de l'Absolu. Le prix à payer est le prix total. Il n'y a de réduction de tarif pour personne. Sur ce chemin, « vous devez aimer Dieu de tout votre cœur. C'est la seule méthode pour L'aimer. Il ne doit pas y avoir de réserve dans votre amour, qui doit être intégral et complet. En d'autres termes, vous ne devez avoir personne dans le monde que vous aimiez autant que Lui. L'attachement aux objets du monde vous empêche de donner à Dieu le cœur entier. Ce que Dieu désire c'est que vous lui déversiez tout votre amour. Votre mental, vos sens et votre corps doivent être disposés à ses pieds comme si vous Lui offriez un immense bouquet de fleurs. Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur de vous et que sa lumière, son amour, sa paix et son pouvoir vous soient révélés. Ceci est possible seulement par une consécration totale de votre vie à Lui. »
Ecoutons cette histoire :
Un jour un marchand avait un collier de perles à vendre.Un client lui demanda quel était le prix de son collier. Lemarchand lui dit que le prix était de 10 000 francs. L'acheteur commença à marchander, il voulait le collier pour 7500 francs. Le marchand refusait de le lui laisser pour moins de 10 000 francs. « Je ne peux pas vous laisser ce bijou sans le paiement de son prix fort », dit-il. Mais le client continuait à marchander, le demandant pour 9 000, puis 9 500, puis 9 750 et finalement pour 9 999 francs. Mais le marchand ne voulait pas s'en séparer pour toute autre somme que 10 000 francs. Et le client, qui voulait le collier, dut payer pour lui le prix fort.
Ainsi, conclut Ramdas, Dieu demande le prix fort avant de se livrer à vous. En vérité, le divin est sans prix. Personne ne l'obtiendra sans payer le prix en entier, c'est-à-dire votre être total dans tous ses aspects. Et en fait, cette consécration totale d'une vie n'est rien devant l'infinie liberté, la paix et la joie que vous obtenez de Lui.
3 - La soumission au maître doit être absolue. Le disciple considère le maître comme celui qui a parcouru le chemin ; il voit en lui un grand frère, un père, une mère, un modèle du divin réalisé, un miroir dans lequel il se reconnaît. Cette soumission est élevante pour le disciple, un don immense du maître, qui renvoie vers son disciple l'image divine que celui-ci porte en lui-même. Et l'aime comme tel.
A une personne qui lui demande pourquoi, considérant son père comme son guru, il n'était pas resté près de lui pour avoir plus souvent son darshan et profiter de sa grâce, Ramdas répond que Gurudev lui avait donné une directive : il n'avait pas à le revoir avant qu'elle n'ait été réalisée.
Gurudev l'avait assuré que « s'il répétait continuellement ce mantra', Ram lui accorderait le bonheur éternel ». Ramdas a répété continuellement le mantra jusqu'à ce que Ram lui accorde le bonheur éternel. Et par là nous a donné l'exemple de la motivation absolue, de la confiance absolue, de l'obéissance absolue, et du paiement du prix fort.
LE BUT
« Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur de vous ». Aidé par son maître, le disciple va obtenir la réalisation, non pas par sa sadhana mais à travers sa sadhana. La sadhana n'est pas le moyen de la libération, n'est pas une technique appropriée, comme on obtient du beurre en barattant le lait.
« C'est la grâce qui donne la libération : elle est à l'origine même de la sadhana. Ramdas dit : « La grâce vous donne un éveil. Mais la réalisation ne vient pas aussitôt.Avant de réaliser complètement le divin, Il vous fait avoir une sévère sadhana. Mais cette sadhana, obligatoire, est joie... Quand le premier éveil est arrivé, alors le chemin est aisé.
« Votre travail consiste seulement à faire tomber sur vousla grâce divine. Constamment vous appelez Dieu. Vous chantez Dieu, et vous obtiendrez une étrange béatitude, une étrange paix. Ce sera le résultat de sa grâce.
« Ceci est le seul chemin pour L'approcher. Prenez son Nom. Priez-Le. Appelez-Le. Chantez ses gloires. Elevez-vous dans votre plus haute nature... Alors vous serez remplis de lumière, pouvoir, sagesse, et joie dans le divin. »
C'est le pur amour. Ramdas n'a jamais grommelé ou parlé
LES MOYENS DE LA SADHANA
Même si la sadhana est joyeuse et libre, elle n'en est tout de même pas moins un travail, et comme tel elle a sesexigences de rigueur. Les différentes « techniques » que préconise Ramdas sont celles qui viennent de son expérience :
Le Ram-Nam
C'est l'arme absolue de Ramdas, dont l'effet est l'illumination. C'est par le Ram-Nam – il le dit itérativement – qu'il est devenu intoxiqué du divin. C'est le moyen de déprogrammer le mental, afin qu'il devienne vide et libre.
Un mantra est une formule sacrée objet de méditation. Cette formule peut se réduire à un seul mot, par exemple le nom d'une incarnation divine tels que Krishna, Rama (ou Ram). C'est le nom de Ram que Ramdas, intuitivement, prononça tout d'abord. A proprement parler Ram (ou Rama, ou Ramachandra) est une incarnation divine hindoue', septième incarnation de Vishnu, lui-même un des trois « visages » de la trimurti'.
Vishnu est le divin considéré comme conservateur de la création, qui s'incarne chaque fois que le monde est en danger, afin de rétablir la religion primitive ; ainsi Rama et Krishna. Cependant, pour Ramdas, Ram représente plus que le personnage légendaire de l'histoire de l'Inde, héros du Ramayana. A la question que lui pose un jour un de ses dévots : « Est-ce que le Ram dont vous parlez est le Ram historique, ou est-ce une présence personnelle, et de quelle nature est le contact que vous avez eu avec Ram ? », Rames répond :
– La question est difficile parce que le Ram de Ramdas est en réalité merveilleux. Il en est de même, je le suppose, du Dieu qu'ont réalisé beaucoup de saints et de sages dans tous les pays. Ramdas sent la présence de Ram à chaque instant, et pourtant il ne peut pas dire de quoi il a l'air. L'omniprésence est un des attributs de Dieu, et l'on peut sentir cette omniprésence, mais il est très difficile de l'exprimer. Au début, lorsque Dieu a engagé Ramdas sur la voie qui mène à la réalisation, il lui a fait répéter le nom de Ram, simplement Ram, Ram. A ce moment, il n'avait qu'une idée assez vague de ce que Ram était, ou pourrait être. Mais cela avait pour effet que les vagues du mental se calmaient progressivement et il a joui alors d'une certaine paix. Son guru est venu plus tard et l'a initié en lui donnant le mantra de Ram : Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram. Mais le guru n'a pas dit à ce moment à Ramdas si c'était un personnage historique, si c'était un personnage mythologique, ou si c'était l'esprit omniprésent.
« Après avoir chanté le mantra Om, Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram pendant assez peu de temps, Ramdas a été entraîné dans un état d'exaltation mentale où il était envahi par la lumière et la paix, au point qu'il perdait parfois conscience de son corps et pénétrait dans un plan de conscience supérieur. A cette époque, il répétait le mantra de Ram jour et nuit, sans arrêt ».
Le mantra est une formule sacrée destinée à être répétée. Pour s'en faire une idée, il n'est qu'à penser à certaines prières de la tradition chrétienne, par exemple aux répétitions des répons dans les litanies latines : « Ora pro nobis, ora pro nobis, ora pro nobis... »
Un autre exemple est, bien sûr, celui du chapelet. Jésus a donné une prière essentielle : le 1Votre Père (ou Pater 1Voster). Pour se tenir en état de prière (en « souvenir constant »), les premiers chrétiens récitaient et récitaient la formule du Pater'. Pour ne pas s'endormir et s'y appliquer pleinement, ils faisaient passer un par un des petits cailloux de gauche à droite. Ces petits cailloux, enfilés en perles sur une cordelière forment un chapelet. Il est récité maintenant sur le le vous saLue, Marie (ou Ave Maria).
Un excellent exemple de l'utilisation d'un mantra chrétien (dans la tradition orthodoxe) est donné dans un petit livre, Récits d'un pèlerin russe'. Il met en scène un paysan qui, vers 1860, prend au sérieux la recommandation de saint Paul dans son Epître aux Thessaloniciens" : « Il faut prier sans cesse ». Il se demande comment cela est possible, vu qu'un homme va dans la journée à ses occupations, mange, dort...
Il pose donc la question à plusieurs personnes : à un saint homme, à un supérieur de monastère, à un vieux religieux, qui ne savent lui donner de réponse. Mais le dernier le conduit à un staretz" qui enfin lui donne la clef : il faut répéter la prière de Jésus, qui est l'invocation : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi ! » Celui qui s'habitue à cette invocation, explique le staretz, ressent une grande consolation et le besoin de la répéter sans cesse ; au bout de quelque temps, il ne peut plus demeurer sans elle et c'est d'elle-même qu'elle coule en lui. Le jour, et la nuit aussi, pendant le sommeil. C'est la prière intérieure perpétuelle.
Et le pèlerin russe part en récitant son « mantra ». « Je m'habituais si bien à la prière que si je m'arrêtais un court instant, je sentais un vide comme si je perdais quelque chose ; dès que je reprenais ma prière, j'étais de nouveau heureux et léger ». La formule est différente, mais Vittal devint Ramdas par le même chemin. A la différence des cultures près, Ram et Jésus sont pour le dévot des incarnations du divin, senties mais non tangibles, par lesquels on peut avoir de Lui une approche charnelle. L'influence de la répétition d'un mantra est illustrée par
une histoire qu'aimait raconter Swami Ramdas :
Un homme voulait se rendre propice un démon afin de lui faire faire tout ce qu'il voulait. Dans ce but, il accomplit des pratiques sévères. Enfin le démon lui apparaît et promet de lui obéir, mais il pose cette condition :
– Je réaliserai tous tes rêves, dit-il, mais si, à un moment, tu cesses de me donner du travail, je te dévorerai. Tu dois me tenir occupé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'homme accepte, et lui donne aussitôt l'ordre de bâtir un vaste palais. A son émerveillement, le palais est construit en quelques minutes. Puis de bâtir une route. Cela est fait tout aussi rapidement. La minute suivante, le démon se tient devant lui, pour lui demander un nouveau travail. Notre homme n'a même pas le temps de penser. Il lui ordonne alors
de bâtir une ville immense. En quelques heures, une ville s'élève devant ses yeux ébahis. L'imprudent est effrayé devant cette force qu'il ne peut contrôler et dont il devient l'esclave. Que faire ? Bien vite, il se rend auprès d'un saint et lui demande conseil. Le sage lui dit :
– Plante un bambou en terre solidement et demande au démon de monter et descendre sans s'arrêter. Il suit ce conseil. Bon gré mal gré, le démon doit s'exécuter : cela signifie pour lui un travail incessant sans le moindre mérite, sans le moindre repos. Finalement, lassé, il s'en va pour ne plus jamais revenir.
Cette histoire est celle de la destruction du mental et par là même, du sens de l'ego. Le mantra est la perche de bambou ; l'ego, le démon qui vous tourmente en bâtissant des châteaux en Espagne. Demandez-lui d'aller et venir sans cesse sur la « perche » du mantra, il sera vite fatigué de cet exercice et partira de lui-même. Alors le mental se dissoudra, et se révélera en vous la Pure Conscience.
Il est certain que le sens des mots prononcés, même s'il est difficile de le maintenir présent à l'esprit dans la répétition, permet au récitant de se garder dans la présence du divin. Mais le sens n'est pas capital. La foi dans le mantra agit. Et la transmission par un guru (un maître spirituel) à un de ses fidèles est essentielle, Cette transmission, donnée de bouche à oreille, s'appelle l'initiation et donne au mantra sa vraie valeur".
Les mantras védiques tiennent à la tradition religieuse la plus ancienne : les Veda, textes sacrés de l'Inde, établis par les rishi, les sages à l'origine de la religion primordiale. Le fait que ces mantra aient été mis au point sous méditation par de tels maîtres, et aient été récités avec foi par des millions de personnes avant que les disciples les reçoivent, donne à ces formules toute leur puissance.
Le pouvoir d'un mantra n'est pas supérieur au pouvoir d'un autre. C'est surtout le fait que le maître l'ait choisi pour nous qui importe : la couleur d'un savon est différente de la couleur d'un autre savon, mais la substance est intrinsèquement la même. Ramdas l'exprime parfaitement quand il demande que le nom de Dieu soit constamment sur nos lèvres, quel que soit le nom que l'on donne à Dieu. Mais il l'affirme tout au long : l'efficacité du mantra est liée à l'abandon. Si le disciple ne s'abandonne pas à la volonté divine, le Ram-Nam qu'il chante sonne faux. Nous y reviendrons. Dans cet abandon, le mantra doit couler comme du miel sur la langue de celui qui le répète.
Voici la traduction du Ram-mantra : Om, Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram :
Om : c'est la vérité impersonnelle, Dieu sous son caractère immanent, inaccessible, sans attribut. C'est le Brahman des hindous. Il est dit dans les Ecritures que le Brahman se révéla à l'origine comme son et que le son primordial fut Om. Ce son est ainsi considéré, si l'on peut dire, comme le mouvement de l'immobile, ou comme le Nom d'un Dieu innommable.
Sri, c'est le Pouvoir divin.
Ram représente le purushottama de la Bhagavad-Gita, qui est à la fois purusha et prakriti", et en même temps l'Un suprême, transcendant au delà des deux Jai Ram, Jai Jai Ram : « Victoire à Dieu, Victoire, Victoire à Dieu ».
Soit : « Dieu, qui es à la fois vérité et pouvoir, personnel et impersonnel, victoire à Toi, victoire, victoire à Toi ! »
Ramdas explique comment il faut réciter le mantra, jusqu'à la grâce finale de l'illumination : « Quand Ramdas chantait le nom de Dieu, lui demandant d'être victorieux sur toutes les forces des ténèbres et victorieux de l'ego, il implorait, il suppliait Dieu nuit et jour, et pour finir Dieu remporta la victoire ».
Ce n'est point Ramdas qui fut victorieux, notez bien : c'est Dieu lui-même habitant le coeur de Ramdas.
La répétition du Nom, et la concentration sur le son du mantra, amène à la purification du mental. « Vous acquerrez un haut pouvoir de concentration. Si vous concentrez votre mental et le fixez sur Dieu avec l'objectif de l'atteindre, il vous conduira à des sommets de lumière. Et vous serez parfaitement contenté. Votre vie sera comblée. »
« Le mental est rempli par le mal. Il peut être remis en santé et libéré du mal par la répétition du Nom divin. Plus vous répétez le Nom de Dieu, plus vous devenez conscient de sa présence à l'intérieur de vous. Les forces sombres sont conquises et le mental devient tranquille, pur et transparent. Alors le rayonnement, la paix et la joie du divin se révèlent eux-mêmes et vous devenez comme une vitrine dans laquelle la lumière brillante est conservée. Sinon vous êtes comme un vase boueux dans lequel brille une lampe. Le vase étant opaque, on ne distingue pas la lumière. Vous devez faire du véhicule humain un parfait support de la lumière de Dieu. »
« Quand Ramdas commença à réciter Ram-Nam, il devint fou de Dieu. Ceci fut pris à tort par ses amis et ses parents pour de la démence. Jour et nuit, sans repos, il chantait Ram-Nam. Le sommeil aurait coupé la continuité de Ram-Nam. La nourriture lourde aurait amené le sommeil. Ainsi il sacrifia à la fois la nourriture et le sommeil pour chanter le nom sans cesse, La discussion mondaine aurait distrait le mental du Ram-Nam. Ainsi il cessa toute discussion et partit dans la solitude... vagabondant dans une robe d'ocre jaune...comme une feuille morte portée ça et là par la brise. Il disait alors qu'il se sentait en sécurité comme un bébé dans les bras de sa mère. »
Il précise : « Les vibrations crées par la répétition du Nom de Dieu s'amalgament à notre mental, qui se trouve absorbé dans le divin. Il oublie de divaguer car il est saturé, intoxiqué par la douceur du Nom. Tous les vasana" et désirs sont éradiqués, et le mental devient calme... Il n'est rien, en vérité, qui ne puisse être obtenu par la répétition du Nom pendant quelque temps. C'est immédiat. Telle est l'expérience de Ramdas. La douceur du Nom est telle qu'elle ne veut pas vous quitter. Ramdas but cette douceur jusqu'à ce que la boisson et Ramdas devinssent un. Après cela, naturellement, la répétition s'arrêta et Ramdas fut envahi par l'extase, qui est demeurée avec lui toujours depuis lors, sans plus d'effort, »
L'abandon, le renoncement
« Réellement l'homme n'a pas de volonté propre. Il y a seulement une volonté divine au travail partout et en tout.
C'est une erreur de penser que nous, en tant qu'individus, possédons un pouvoir quelconque pour faire quelque chose.
Dieu est derrière tout. Son pouvoir seul est actif et si nous nous soumettons à Lui, nous serons libre du sens de l'ego et réaliserons que nous sommes l'Esprit infini, universel. » La répétition du Nom divin est liée à l'abandon. Elle ne trouve son pouvoir entier que si l'abandon est présent. En anglais, Ramdas choisit le mot surrender qui signifie « abandonner », mais dans le sens militaire d'abandonner une place forte. Abdiquer, se rendre. C'est l'ego qui se rend à la volonté de Dieu, avec confiance. Confiance absolue dans l'amour. Qa marche ! Ramdas, nous l'avons dit et répété, parle d'expérience.
S'abandonner est un acte de volonté. S'abandonner est un acte d'humilité. S'abandonner est un acte de sagesse.
Ramdas déplore de voir des personnes troublées par l'état de leurs affaires, et passer par les tracas et les anxiétés de la vie. Il a connu ça ! « Il est bien entendu que si nous sommes dans un chemin spirituel, nous nous abandonnons dans les mains de Dieu, et il s'occupe de nous chaque jour. Quelles que soient les expériences que nous ayons, bonnes ou mauvaises, elles nous sont toutes données pour notre progrès spirituel ».
Se soumettre à cette volonté omnipotente, c'est l'absolue libération d'une âme qui cesse de lutter. Le moyen de s'abandonner est bien sûr de s'engager dans le total « souvenir de Dieu » par la récitation du Nom. Accorder notre mental sur cette présence à l'intérieur de nous, c'est atteindre la libération des peines et de la misère qui nous viennent de l'identification au corps périssable".
Ainsi lui-même accepte-t-il toutes les situations comme données par Ram Lui-même. Il supporte les injures, les privations de nourriture, ou les piqûres des moustiques le long du Gange, couchant s'il le faut sur la pierre glacée sans seulement un morceau de tissu pour couvrir son corps.
Jamais il ne se plaint ni regimbe : il se contente de décrire le jeu de la vie, et il sait que cela est la réalité, son Ram bien-aimé.
Un homme religieux accepte tout ce qui est, il n'attend pas qu'il lui arrive autre chose. Il est toujours reconnaissant. La façon dont il regarde le monde est différente. Le monde est neutre, il lui apparaît comme la beauté et l'extase ultimes. Les situations pénibles sont des processus de purification que nous devons accepter de bon coeur ; sans la souffrance il ne peut y avoir de progrès. C'est lorsque notre mental est absorbé en Dieu que nous devenons libres de la misère, transcendant les sens et le mental : c'est l'état de nirvana" ou libération.
« Béni soit celui qui a connu l'épreuve, a dit Jésus", il a trouvé la Vie. »
L'unité, la compagnie des saints
Cette ignorance, assimilation au corps, croyance en une différence entre toi et moi, sensation d'être trimballé entre chaud et froid, joie et peine, gain et perte, c'est la douleur. L'action, ou jeu, ou lila de Dieu se manifeste par l'existence de ces paires d'opposés, chaque phénomène se trouvant souligné par son opposé complémentaire. Cette présence de « paire d'opposés'" » est la définition même de la shakti", énergie jouant entre deux pôles : plus et moins pour l'énergie électrique, Nord et Sud pour le magnétisme, chaud et froid pour l'énergie thermique, action et réaction pour la mécanique, mâle et femelle pour l'énergie sexuelle, chakra pour l'énergie spirituelle (kundalini), etc. La libération nous place au-dessus de cette dualité : « Rester toujours sur le plan de la dualité, assujetti aux dvandva de plaisir et peine, honneur et déshonneur, profit et perte, et continuer à dire "Je suis
Brahman" ou "Je suis un avec le divin", c'est la déception. »
Quand, par la purification du mental, nous arrivons à transcender les paires d'opposés, nous tenant au-delà du « j'adore » et du « je déteste », alors vient cette attitude d'enfance que tous les saints paraissent posséder. Souvenonsnous comment Ramdas et Ananda Mayi se disputaient le titre de plus jeune petit enfant. Et du sourire de Ramdas qui, ayant transpassé la dualité passé et avenir, vit en l'immédiat de l'éternel présent. Le saint est disponible : il est tout amour, tout écoute, et sa compagnie est absolument agréable.
Sans désirs, sans vasana, le mental purifié cesse en quelque sorte d'exister, ou du moins de s'imposer à nous comme manifestation de l'être". Nous prenons conscience alors qu'il était la cause de l'état de séparation dans lequel nous vivions. La vérité s'impose : Dieu seul est. Dieu (la vie) est en moi. Je suis la Vie. Les hommes, les animaux, les objets sont la Vie. Nous sommes tous Un.
« Dans la réalisation de Dieu, où est-il question de "Je" et de "Tu" ? Où peut-il être question de séparation entre l'un et l'autre, même physiquement, puisque nous voyons toute chose comme la manifestation de Dieu... ? Toutes les différences, divisions et diversité sont complètement fausses dans le Royaume de Dieu ».
C'est Dieu qui joue tous les rôles. Il est le malade et le médecin, il est le voleur, le gendarme, le juge et le bourreau.
C'est lui qui nous inspire d'aller à un satsang quelque part, d'aller à nos affaires ailleurs, de commettre ce que l'on appelle un crime en un autre lieu. Dès que nous avons pris conscience que c'est Lui qui joue tous les rôles, alors nous ne voyons plus rien de bien ou de mal et nous sommes transportés sur un plan plus élevé de conscience. Notre effort doit être de nous maintenir sur ce plan.
« Nous devons sentir, dit Ramdas, au plus profond de nous-mêmes, que nous ne sommes pas simplement des corps, mais l'Esprit immortel, pénétrant tout. Quoique, apparemment, nous semblions être séparés les uns des autres, essentiellement nous sommes Un. Nous avons à développer cette conscience. Afin de réaliser cela, nous devons nous attacher à Dieu qui a sa place dans le coeur de chacun de nous. Dieu n'est pas éloigné de nous, dans le temple, l'église ou la mosquée. Nous devons nous attacher à Lui. Nous devons nous souvenir de Lui à l'intérieur de nous. En nous souvenant constamment de Lui, nous pouvons déchirer le voile qui nous sépare de Lui et réaliser notre unité avec Lui.
Nous sommes essentiellement divins, non seulement intérieurement mais extérieurement aussi... L'univers dans sa totalité est décrit par la Bhagavad-Gita comme une manifestation du divin... Chaque atome de l'univers est plein de la lumière et de l'énergie divine. C'est ce que nous avons à réaliser...
« Tous les grands maîtres" nous ont enseigné que nous devrions vivre en union les uns avec les autres et ne pas lutter. Ce message est en vérité un grand trésor qui est notre héritage. Nous ne devons pas vivre comme des personnes ordinaires, ne pas oublier de chercher à réaliser le centre et l'essence de notre être, Dieu. De temps en temps, nous devons tourner notre mental de l'extérieur vers l'intérieur afin de tâcher de réaliser l'unité avec la source éternelle...
Dans cette unité est la paix... et non pas dans la division et les conflits ».
La méditation assise
A la lecture des écrits de Ramdas, il semble que la méditation assise prenne peu de place. A y regarder plus profond, on constate qu'elle s'impose d'elle-même dans son enseignement, par plusieurs approches.
Le rappel du mental vers l'intérieur, dans le texte que nous venons de lire, est déjà une forme de méditation.
Ramdas recommande, lors de la récitation du Ram-Nam, de « méditer sur les attributs de Ram ». Ce qui procure un double avantage : le premier est de ne pas laisser divaguer le mental. La récitation du mantra nous met déjà en présence de Dieu ; la méditation sur les qualités divines souligne ou accélère encore l'effet du mantra. Méditer sur les qualités de Ram est chose facile, puisque Ram est tout et chacun autour de nous, c'est la Nature, c'est la Vie, et toute ses implications. Un autre avantage de cette « méditation » est qu'elle développe une connaissance du divin, et par cela l'amour de Dieu, indispensable pour obtenir la grâce divine".
Chez Ramdas, la méditation a bien souvent été l'effet de la répétition du mantra. Le mental s'arrête et le ravissement vient, avec un état de samadhi, plus ou moins profond, que les mystiques chrétiens appellent contemplation. Ce ravissement peut d'ailleurs venir du divin reconnu dans un paysage, dans l'art, au contact d'un saint, ou aussi de toute autre expérience.
Quant à l'exercice de méditation proprement dite, il l'impose à Mataji quand il juge qu'elle est prête à réaliser sa libération : « Tous les saints ont obtenu la plus haute expérience spirituelle en pratiquant la méditation. Ramdas pense que vous pouvez, si Ram le veut, avoir cette expérience même sans pratiquer la méditation assise. Mais il semble cependant que le moment soit venu où vous devriez pratiquer la méditation ».
Krishnabaï écrit :
« Ô Papa, plein de compassion ! Quelques jours passent ainsi, au bout desquels tu m'autorisas à revenir à l'ashram.
Lorsque j'y vins, tu m'ordonnas de m'asseoir pour méditer. Je n'avais jamais médité jusque-là. Et même lorsque je m'efforçais de le faire, je me trouvais terrassée par le sommeil...
Ainsi quand tu me demandas de m'asseoir pour méditer, je répliquai : « Je ne veux pas ». Alors tu me dis : « Pour
méditer, assieds-toi bien droite et ne bouge point ton corps, si peu que ce soit, pour n'importe quelle raison. A mesure que tu avanceras, il se peut que tu voies à un certain stade quelque lumière brillante et que tu ressentes de la frayeur.
Cela ne devrait point faire que ton corps se meuve. Tu ne devras point fixer ton esprit sur la forme de Ramdas, et tu devras considérer toutes les pensées qui te viendront à l'esprit comme n'étant point toi-même, te voir toi-même audessus de toutes pensées, toute transcendante consciencetémoin.
« Lorsque la kundalini" remonte, si ton corps bouge si peu que ce soit, sa puissance descendra immédiatement, et il se passera un long moment avant qu'elle se remette à monter.
« La montée de la kundalini au niveau de bhrukuti (ajna) peut s'accomplir sans grande difficulté. Mais que cette puissance oscille de bhrukuti à sahasrara", cela est extrêmement
difficile. L'aide extérieure du guru ne peut t'être utile que pour amener la kundalini jusqu'à bhrukuti c'est-à-dire vers
l'étape de la réalisation de soi. Au-delà, Ramdas ne peut plus t'assister sous sa forme extérieure à toi. Ramdas, la
Vérité absolue au dedans de toi, fera monter, de par sa grâce, la puissance jusqu'au sahasrara, te faisant une avec
lui. Cela te donnera l'expérience que tu es l'univers entier et au-delà ».
Suit le détail de l'illumination, qui s'empare doucement de Mataji".
Pendant sa tournée en Europe en 1954, Papa Ramdas donne en Suisse une véritable leçon de méditation silencieuse. La méditation, contrairement aux idées occidentales, ne consiste pas à penser à quelque chose ; elle consiste au contraire, dans l'abandon total, à expérimenter la cessation pour un temps de la danse désordonnée des pensées dans notre mental. Elle est à la fois un test, un exercice, et une expérience spirituelle.
La méditation idéale est le silence complet du corps et du mental. Si quelque pensée se présente, qu'elle ne soit point retenue ; comme si elle n'était ni indésirable ni invitée. Le silence obtenu, la présence du divin s'impose puisque nous sommes le divin.
La leçon de méditation de Ramdas a lieu à Genève. Plusieurs personnes lui demandent ce qu'il en est de la méditation. Jamais une telle question ne lui avait été posée en Inde ! Il accepte aussitôt d'en faire la démonstration.
Descendant de sa chaise, il s'assied en siddhasana", et invite chacun à faire de même, s'il peut tenir cette position.
Papa demande alors qu'on ferme les yeux, et qu'on répète un Nom Divin, quel qu'il soit : Ram, Shiva, le Christ ou Allah, et de méditer sur les qualités divines. Personne ne bouge, même d'un centimètre". Tout le monde est immobile dans son corps et dans son esprit. L'exercice est refait tous les après-midi pendant une demi-heure, tant qu'il demeure à Genève ; et quoique la plupart éprouvent des difficultés à contrôler leur mental vagabond, la présence de Papa les apaise, et ils ressentent un vrai bonheur. Ayant goûté une fois à ce calme très doux de la méditation, ils reviennent, et d'autres personnes viennent en grand nombre ; Papa leur demande de continuer cette pratique au moins une demi-heure chaque jour". Pour lui-même Ramdas ne parle pas de méditation. Il s'en explique : il est en état de méditation constante. Il n'a plus besoin de s'accorder ces moments de silence pour goûter des échantillons de béatitude, puisqu'il possède celle-ci en pièce entière.
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LA VISION UNIVERSELLE : L'AMOUR, LE SERVICE
Dans cette montée vers le divin, des voies différentes sont possibles. On a dit de Ramdas qu'il était un grand bhakta'", c'est vrai. Mais s'il préconise par la récitation du mantra l'intimité avec Dieu, il ne cesse d'enseigner la connaissance religieuse en des milliers de questions-réponses, où, pour celui qui voudrait suivre la voie de jnani-", tout approfondissement se trouverait accessible".
Le saint a déchiré le voile de l'ignorance. L'ignorance, c'est maya, la lila, ou jeu divin. L'enseignement spirituel des
maîtres, depuis toujours, a consisté à enseigner aux hommes à surmonter maya, à s'élever au-dessus de la dualité de la création afin d'en percevoir l'Unité dans le Créateur.
Il a une confiance totale envers tous les êtres : hommes et animaux. De quel danger peut-il avoir peur quand il ne voit devant lui que son Ram Bien-Aimé ?
Puisque l'homme est Dieu Lui-même, on doit l'aimer. Plus que cela, le servir. Et le service doit se faire sans aucune considération de caste ou autre condition. « Ô Papa plein de compassion ! écrit Mataji, tu m'acceptas comme ton propre enfant et me donnas conseil en ces mots : "Répète toujours Ram-Nam et considère le service que tu rends à quiconque comme étant le service et le culte rendus à Ram". Cette pratique te permettra facilement de réaliser ton union avec l'être universel, Ram" ».
Krishnabaï sert tous les hommes sa vie durant, prenant le conseil de Papa comme un ordre formel. On peut dire qu'il prêche là le karma yoga : amour inconditionnel et service désintéressé. Le but premier de son tour du monde de 1954 n'était-il pas de propager cet idéal d'amour et de service ?
La vision universelle est l'expérience du divin immobile et mobile, inactif et actif, immanent et personnel, à l'intérieur et à l'extérieur de soi. Ce but atteint, l'illusion d'un moi séparé dépassée, vient la joie absolue, état naturel de l'homme.
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LE MONDE, ILLUSION ?
Réalisation du divin ne signifie pas pour Ramdas monde illusoire. Si l'ego se fait illusion sur le monde, le monde, lui, n'en est pas pour autant illusion. Il y a une réalité de la vie telle qu'elle nous apparaît. Cette réalité n'est illusoire que par son caractère éphémère. Elle est insaisissable. Mais elle a son existence propre. Maya n'est pas l'illusion bouddhiste, c'est le jeu divin, la danse de Shiva.
Un jour qu'il se trouve à Donnal dans le jardin de la ville avec une demi-douzaine d'amis mariés et chefs de famille, un passant, qui observe Ramdas vêtu d'ocre, passe à côté de lui et lui donne cet avertissement :
– Prenez garde, ne leur enseignez pas que le monde est une illusion, ou vous les égareriez.
Et Ramdas :
« Pour Ramdas le monde n'est plus une illusion. Il est arrivé à le regarder comme la propre expression de Dieu en forme et en mouvement. Il se révèle comme une gigantesque image de Dieu débordante de vie divine. »
Après son tour du monde en 1954, il écrit le livre World fis God'-'. La préface ne nous laisse pas de doute : « Le Monde dans lequel nous vivons, et les innombrables autres mondes dans lequel le nôtre est placé : tous sont imprégnés par la Vérité unique ou Dieu éternel et sans limite. Le microcosme est le macrocosme. L'individuel est l'universel. Dieu habite dans chaque être et dans chaque chose, aussi petit soit-il, dans sa totalité et toute sa perfection.
« Il est juste de dire que lorsque nous réalisons Dieu à l'intérieur de nous et avons pris conscience que notre corps est son corps, alors nous savons et reconnaissons aussi que le monde et l'univers sont aussi son corps. Et réciproquement, quand nous avons reconnu l'univers entier comme étant Dieu, alors nous savons aussi que nous sommes Lui ».
Les dernières lignes de l'ouvrage sont tout aussi explicites : « Ramdas affirme, avec toute l'autorité de son expérience spirituelle que Dieu est un, et que tout sur la terre est la représentation d'un Dieu unique. Toutes les forces qui sont en travail dans la nature sont une, parce qu'elles jaillissent du jeu de prakriti. Toutes les créatures et tous les objets sur la surface de cette belle terre ont leur source dans le Un. Ils sont nés de Lui ; ils vivent, se meuvent et agissent dans la conscience de cet Esprit unique qui pénètre tous les vivants et tous les objets. Un est le refrain cosmique éternel, Un est le chant qui ne se termine jamais, la divine musique des sphères. Un est le Monde, Un est la Vérité, et Un est Dieu ! »
Dans ces phrases magnifiques pleines de véritables foi et espérance, on entend sonner l'ancien aphorisme des alchimistes : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
Ou encore une vision globale du monde telle qu'on l'aperqoit à la fin du XX' siècle. Face à l'objectivité de la Renaissance (trilogie du sujet de l'expérience, de l'objet de l'expérience et de l'expérience elle-même), vient aujourd'hui une conception d'un monde possédant une structure holographique", chaque partie n'étant que la reproduction d'un modèle sous-jacent qui le domine, mais dont elle porte en elle-même l'intégralité. Ainsi deux savants modernes, Karl Pribram et David Bohm, arrivent à cette conclusion par des chemins différents : l'un pour expliquer les curiosités de la matière, l'autre pour éclairer les mystères de la psychologie. Ils ne concluent pas plus que Ramdas au caractère illusoire du monde matériel, non plus qu'à la perte de l'individualité de chaque être, ils nous voient semblables aux tourbillons d'une rivière, distincts mais inséparables du flot de la nature. Le monde matériel renferme dans sa texture fondamentale nos processus de conscience les plus intimes. Telle est la profonde cohésion existant entre tous les êtres et de toutes les choses, dans cette nouvelle vision de l'univers".
Ramdas appelle ce tout « Dieu ». Ce serait pour ces savants le Grand Hologramme dont chaque partie vivante porte la totalité. Les mystiques et les savants qui suivent humblement la nature se rejoignent dans une vision large de la Réalité. Ce que nous sentons intérieurement, toujours : « Il y a quelque chose en plus », plonge le savant dans l'admiration" et Ramdas dans la lumière et la joie de la Connaissance.
Le monde est lila. Dieu s'amuse à s'y projeter sous diverses formes. Ramdas ne dit pas que le monde est une création de Dieu, mais une projection de Dieu. Il avait l'habitude de dire :
« Tout est Dieu. Tout est en Dieu. Dieu est en tout. » Comprenant que le mot Dieu paraît pour certains usé et vide de substance – surtout pour les Occidentaux catéchisés –, il n'hésite pas à dire : « Si vous avez honte du mot Dieu, ne l'employez pas, dites : Vérité, Réalité, Conscience Infinie ». Mais ce mot, ce Nom sublime, lui l'emploie sans cesse, puisqu'il parle d'expérience, d'une Connaissance obtenue dans son intimité avec Ram, autre Nom de Cela. Au risque de nous répéter, nous soulignons de nouveau cette originalité de l'enseignement de Ramdas : il affirme avec la même intensité que Dieu est immanent à tout ce que nous voyons et expérimentons", mais aussi, en même temps qu'Il est personnel, c'est-à-dire il peut être adoré par l'homme, son serviteur (le « das » de Ram en l'occurrence)".
Par sa vie même, Ramdas unit les deux formes divines dans sa bhakti : il adore un Dieu personnel, et il le reconnaît dans tous les êtres et dans toutes les choses. Tout est Brahman, oui, mais cela doit être réalisé. Le dire ne suffit pas, l'expérience à tout prix doit être faite d'un état qui est au-dessus de tout sens de la dualité, libérant le mental du sens de l'ego.
Le Dieu que nous cherchons, aucun argument d'aucune sorte peut prouver son existence. A celui qui en a fait l'expérience, il se manifeste, se fortifiant depuis l'appel du « je ne sais quoi que l'on atteint d'aventure" », jusqu'à cette Présence qui conduit l'âme à l'illumination. C'est la foi théologale qui n'est ni croyance aveugle en des dogmes ou des credos, ni confiance fanatique donnée en quelque pontife. La découverte finale est celle de l'Amour envers tout être, tout objet, et toute situation : « Quel suprême privilège, dit Ramdas, d'être capable de voir l'univers comme notre propre nous-même et de l'embrasser avec les bras de l'Amour infini ! » Le mal vient de ce que nous croyons être séparé de cette universelle Vérité.
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LES RELIGIONS
Qu'en est-il des religieux ? Ramdas est un religieux, certes ; possède-t-il une religion ? Adhère-t-il à quelque credo?
« Ramdas n'appartient pas à une secte particulière. Il est fermement convaincu que tous les credos, toutes les fois, toutes les religions sont des chemins différents qui convergent vers le même but... Tous les grands instructeurs de ce monde viennent d'un seul Dieu, cause primordiale et éternelle de toute existence. Pourquoi donc une Église serait-elle plus fondée qu'une autre ? La même note – abandon complet comme voie suprême pour la libération ou le salut – résonne partout et avec insistance dans la Gita, la Bible, le Coran et le Zend Avesta. »
Il ne juge pas les religions. Il ne s'attaque pas aux dogmes, bien que sa sagesse l'empêche de s'y empièger ; il ne juge pas les clergés, quoiqu'il sache parfaitement combien leur goût du pouvoir les amène à pervertir et à amenuiser l'enseignement des maîtres. Il console les croyants en donnant à chacun d'eux une image positive du chemin qui est le leur. Il sait qu'au sommet, tous les chemins disparaissent. Il ne voit ni impureté ni mal dans le monde qu'il considère tout en une même et seule vision lumineuse. Avec les hindous, il discute sur le Brahman suprême et sur la Réalisation de Dieu par l'expérience. Aux musulmans, il parle d'Allah et de Mohammed, mettant l'accent sur la soumission à la volonté d'Allah. Aux chrétiens il veut faire prendre conscience qu'avoir foi en Christ signifie prendre comme idéal cette personnification de l'amour divin jusqu'à ce qu'elle envahisse leur âme et pénètre leur vie ; et Ramdas leur rappelle cette parole qu'il met au centre de l'enseignement du : « Le Royaume de Dieu est en vous ».
Il précise : « Votre vie doit donc avoir pour guide le Christ qui est amour, il vous emmènera alors dans le Royaume du Père, la paix absolue. Mais ne pensez pas que le Christ soit le seul chemin du salut. Longtemps avant lui ont existé de grandes âmes qui ont tenu haut la torche de la connaissance divine pour illuminer ce monde ».
Dans son livre In the Vision of God on trouve un clin d'œil qui nous permet de saisir son sentiment envers les convertisseurs. De passage à Allepey, il est logé dans un bâtiment appelé Institut Chrétien. Ramdas y rencontre deux hommes, Thomas et Mathai, qui lui témoignent beaucoup d'amour.
Mais alors que Thomas, le plus jeune, est paisible, Mathai, d'âge mûr, ne l'est pas, et « entreprend de faire pénétrer dans l'esprit de Ramdas que l'enseignement du Christ est la seule vraie révélation de Dieu ».
Il fait du prosélytisme « à temps et à contretemps" », avec l'ardeur et l'acharnement du missionnaire intolérant. Pour couper court Ramdas lui dit : – Dieu a donné à la tête de Ramdas une forme permanente.
Vous pouvez la marteler autant que vous voudrez, vous ne pourrez la changer et lui donner la forme que vous voulez qu'elle ait.
Un ami de Ramdas, Mark Sanjivrao, prédicateur de l'Évangile du Christ, qui assiste à la scène, rit aux éclats. Par la suite, il demande à Ramdas :
– Est-ce que Mathai a pu changer la forme de votre tête ?
– Mathai ne peut pas accomplir l'impossible, répond
Ramdas. La tête de Ramdas est coulée dans un tel moule qu'une forme permanente lui a déjà été donnée.
Il rient. Et chaque fois que Mathai s'approche de lui, Ramdas prévient :
– Voilà le marteau !
A la fin Mathai abandonne sa tâche vaine, et Rames conclut que le marteau est cassé !
Le sommet de l'enseignement de Ramdas, c'est l'exemple ; il convainc par la réussite de sa Réalisation.
« La concentration de la pensée et l'effort sont les deux nécessités quand vous possédez l'ardeur pour atteindre la Vérité. Pour obtenir la concentration, la méthode la plus facile est la répétition constante du Nom Divin. Celui qui possède le Nom possède la Vérité. Qu'est-ce qui fait que Ramdas nage toujours dans un océan de félicité et de paix ?
C'est le Nom Divin. »
« Ramdas, tu es libre, rien ne t'enchaîne. Tu es libre comme l'air. Prends ton essor, vole haut dans les cieux jusqu'à t'épancher en tous lieux et pénétrer l'univers entier. Sois un avec Ram. Tout est Ram, tout est Ram. Quel spectacle de lumière éblouissante de Ram partout répandue.
Flamboiement, flamboiement – flamboiement d'éclairs. Ô Majesté, ô Divinité, ô Amour, ô Ram . Ramdas, ta folie vaut tout ce qui est dans le monde et tout ce qui n'y est pas Rejette la sagesse. A qui peut-elle être utile ? La sagesse est poison, la folie est nectar – folie de Ram, entends-tu, Ramdas ? »
Ayez Ramnam toujours sur votre langue Soyez pur en pensée, parole et acte. Soyez aimable et bon envers tous
Ayez confiance en Dieu et soyez libre de tous soucis Dieu est votre seul refuge et protecteur Abandonnez-vous à Sa volonté Et soyez toujours heureux et gai.