Hatem

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Jad Hatem

Jad Hatem

Par la mystique on n'entend pas un chemin parmi d'autres, mais le suprême, celui qui, avec la philosophie de l'identité, s'élève au plus haut et qui a d'ailleurs avec cette philosophie un point de contact.

"Le même chemin ne convient pas à tout le monde", dit Mâ. Autant d'individus que de routes.
L'absolu étant le but, de deux choses l'une ; ou chacun dégage une voie selon son emplacement (*) et ses capacités du fait que "la vraie nature de l'homme va uniquement vers Dieu", ou "étant Lui-même le Chemin, Il attire chaque personne sur une voie particulière, en harmonie avec ses dispositions et tendances intérieures".

(*) : Il n'est pas question de changer de confession : "Vous devez entreprendre votre quête là où Dieu vous a placés".

Pour peu que l'on conjoigne les deux mouvements, de transcendance nécessaire (l'homme devant obéir à sa vraie nature) et de Providence nécessaire (appelle à Lui toutes Ses créatures), on universalise la pulsion mystique en ces deux dimensions, naturelle et surnaturelle.

Bien qu'un même esprit anime Ramakrishna et Mâ sur la question de la convergence des religions — autant de chemins qui mènent à Dieu —, on notera quand même une notable différence. Alors que pour Ramakrishna elles ne sont pas Dieu même, comme il l'énonce formellement (ayant trouvé un bon moyen pour combattre le fanatisme), Mâ considère qu'Il est le Chemin oeuvrant dans tous les chemins, c'est que pour elle, tout est chemin vers Dieu, les religions entre autres — et peut-être mieux nanties pour le voyage, et peut-être moins. Danger ici de perdre le spécifique en chacune : ce qui est relatif à l'Absolu risque de négliger ce qui est relatif à soi et le définit singulièrement.

Être un humain est déjà un appel : "Seul l'homme possède le privilège de réaliser Dieu. Le chemin de la Vérité lui est ouvert". Vérité qui n'est pas seulement une décision contre le faux, mais aussi une effectuation de soi dans l'être.

Trois sentiers, et néanmoins une même montagne. Une même cime peut-être, et dans ce cas, il est prévisible que les esprits les plus hardis finissent par communier dans la même vérité vécue au plus profond de la conscience. Communion qui se peut sans conscience d'elle. Ce pour quoi il est besoin d'un point de vue supérieur, une cime intellectuelle par-dessus la cime spirituelle, ce que nous avons avec ce texte de Mâ : "Les innombrables croyances et sectes visent le même but : qu'Il puisse se donner Lui-même par des moyens différents — chacun d'eux a sa beauté propre — et que l'on puisse découvrir son immanence, qu'il se révèle Lui-même par des voies sans nombre, sous toutes les formes et dans le sans-forme".

Observons la convergence des deux mouvements : d'un côté, la transcendance agissant dans les religions ; de l'autre, l'Absolu, en réponse à la visée, se livre multiplement, chacun de ses dons de Soi (qui semblent exigibles) faisant une religion ou telle ou telle créature, un dieu, une étoile, une fleur, un animal, un être humain. A quoi s'ajoute un don tout à fait spécial, Lui-même comme sans-forme (qui ne peut être intuitionné ou éprouvé que dans le dépassement des attributs). On s'élève ici à une telle attitude que l'antagonisme des religions devient dérisoire : "L'Un est présent dans chaque secte quand bien même, dans certains cas, des conflits s'élèvent entre ces sectes à cause des limitations de l'ego". Ce n'est pas qu'au regard de l'absolu toutes se valent et s'effacent. Au contraire, l'Absolu est présent en chacune d'elles, d'une part parce qu'il est tout, et d'autre part, en guise de la convergence des deux mouvements. Toutes recueillent une part du vrai sous la forme d'un point de vue. Par "limitation de l'ego", on n'entend pas l'égoïsme individuel ou collectif, mais l'opacité du relatif qui interdit de connaître l'Absolu par-delà la nature ou sous-jacent à elle. Autrement dit, ne percevant pas l'Absolu, tel individu ne le devine pas dans les dénominations dont il ne relève pas. Mâ poursuit en faisant d'abord référence à sa propre personne : "Ce corps-ci toutefois n'exclut rien. Celui qui s'adonne à une croyance ou adhère à une secte particulière doit continuer de monter jusqu'au point où il comprend dans son intégrité tout ce qu'elle peut donner. Lorsque vous avancez sur un chemin, en d'autres termes lorsque vous adhérez à une religion particulière, foi ou croyance que vous considérez comme distincte de toutes les autres et opposée à elle, il vous faut avant tout parvenir à la perfection prescrite par son fondateur ; alors, ce qui est au-delà se révèlera de lui-même à vous". Ce qui revient à dire que lorsque la cime de chaque religion sera atteinte, elle se découvrira identique à toutes les autres.

extrait de Trois Saintes : Râbi'a Al-'Adawiyya, Marie des Vallées, Mâ Ananda Moyî Jad Hatem Edition Saër Al Mashrek 2021
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Anandamayi.org